Contexte : Si le décès d’un enfant est toujours un drame, cet arrêt rendu le 26 septembre 2012 montre qu’il n’est pas forcément constitutif d’une faute de l’obstétricien ayant suivi la grossesse même si celui-ci n’a pas décelé un retard important de son développement intra utero.
Litige : Une parturiente consulte son gynécologue au cours de son septième mois de grossesse. Elle lui signale que « son bébé ne bougeait plus ». L’examen clinique étant normal, le praticien ne prescrit pas d’examens complémentaires. Quatre jours plus tard, elle se présente à nouveau et de graves anomalies du rythme cardiaque sont alors constatées par l’obstétricien. Celui-ci fait pratiquer une échographie qui révèle un important retard de développement. La future mère est admise en urgence où elle accouche par césarienne d’un garçon en état d’hypotonie totale qui décède un mois plus tard. Le lendemain, la mère présente des troubles neurologiques résultant d’un hématome intra-cérébral, dont elle conserve de graves séquelles motrices. Elle dépose une plainte contre le praticien qui aboutit à non-lieu. Les parents l’assignent ensuite en responsabilité devant la juridiction civile en lui réclamant à titre de dommages-intérêts la somme de 100.000 € pour le préjudice subi du fait du décès de l’enfant et celle de 200.000 € pour le préjudice subi du fait de l’accident cérébral survenu à la mère. Ils sont déboutés par la cour d’appel de Chambéry et forment un pourvoi contre la décision de la cour d’appel en lui reprochant de ne pas avoir retenu une faute à l’encontre de l’obstétricien.
Solution : La première chambre civile rejette le pourvoi en jugeant « qu’ayant constaté, sans dénaturer le rapport d’expertise, et répondant aux conclusions prétendument omises, que le suivi de la grossesse de (la mère) par (le médecin) avait été conforme aux usages et données actuelles de la gynécologie obstétrique, que la survenance de l’hématome intra-cérébral dont cette dernière avait été victime était totalement imprévisible et que la patiente ne présentait aucun signe clinique qui aurait pu permettre de l’évoquer avant la complication constatée le 30 juin en début d’après-midi, la cour d’appel n’a pu qu’en déduire que l’accident dont (la mère) avait été victime ne pouvait être imputé (au médecin) ».
Analyse : Il faut d’abord rappeler que la responsabilité d’un médecin a toujours été subordonnée à la preuve d’une faute du médecin dans l’accomplissement d’un acte de soins. Ce principe, posé à l’occasion du célèbre arrêt Mercier, rendu par la Chambre civile le 20 mai 1936, n’a jamais été remis en cause.
En effet, l’article L. 1142-1 I du Code de la santé publique issu de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 reprend ce principe pour les actes de prévention, de diagnostic ou de soins. Selon le premier alinéa de ce texte : « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent Code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ».
La faute de soins est celle qui résulte d’un manquement au droit du malade « de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées » (C. santé publ., art. L. 1110-5). En application des règles de droit commun, la charge de la preuve d’une faute du médecin pèse sur celui qui l’invoque, en l’occurrence les victimes du dommage médical.
Appréciant a posteriori son comportement, le juge va rechercher quelle aurait été l’attitude d’un médecin de référence, normalement diligent : le bonus medicus. Le rapport d’expertise judiciaire est souvent déterminant de l’appréciation de la faute médicale. Les juges du fond en apprécient souverainement la force probante mais ne peuvent pas en dénaturer les termes clairs et précis. Les missions d’expertise imposent la vérification de la conformité des soins aux données acquises de la science mais également aux usages et aux règles de l’art.
Dans la présente affaire, l’expert a conclu que le suivi de la grossesse a été conforme aux usages et aux données acquises de la science de la gynécologie obstétrique. Il a précisé que le fait qu’un enfant bouge moins est banal en fin de grossesse et qu’en l’absence de contexte clinique ou biologique inquiétant, il n’y a pas lieu en l’espèce de procéder à des examens complémentaires. Par ailleurs, la survenance de l’hématome dont la mère était totalement imprévisible, cette dernière ne présentant aucun signe qui aurait pu permettre de l’évoquer avant la complication.
La preuve d’une faute n’ayant pas été rapportée par les demandeurs à l’encontre de l’obstétricien, c’est en parfaite conformité avec les dispositions de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique, que la première chambre civile approuve les juges du fond de les avoir déboutés de leur demande en réparation.