Vu 1 ) sous le n 96LY01868, la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour le 7 août et le 20 novembre 1996, présentés pour la société SERVICE AERIEN FRANCAIS, dont le siège est à l’aérodrome d’Albertville Tournon à Frontenex ( 73460) par la SCP Guiguet -Bachelier- de La Varde, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ;
La société SERVICE AERIEN FRANCAIS demande à la Cour : 1 ) d’annuler le jugement n 933764 en date du 30 mai 1996 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération en date du 28 octobre 1996 par laquelle le conseil municipal de VAL d’ISERE a retiré sa délibération du 21 octobre 1993 désignant la société Mont Blanc Hélicoptères pour assurer les secours et le service commercial héliportés à Val d’Isère et a choisi la société SERVICE AERIEN FRANCAIS pour assurer ces services ;
2 ) de rejeter la demande d’annulation ;
3 ) de condamner la société MONT BLANC HELICOPTERES à lui payer la somme de 10 000 francs au titre de l’article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu 2 ) sous le n 96LY01900, la requête et le mémoire enregistrés au greffe de la cour le 12 août 1996, présentés par la commune de Val d’Isère, représentée par son maire en exercice ;
La commune demande à la Cour :
1 ) d’annuler le jugement n 933764 en date du 30 mai 1996 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération en date du 28 octobre 1996 par laquelle le conseil municipal de VAL d’ISERE a retiré sa délibération du 21 octobre 1993 désignant la société Mont Blanc Hélicoptères pour assurer les secours et le service commercial héliportés à Val d’Isère et a choisi la société SERVICE AERIEN FRANCAIS pour assurer ces services ;
2 ) de rejeter la demande d’annulation ;
3 ) de prononcer le sursis à exécution du jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 5 octobre 2000 :
– le rapport de Mme RICHER, premier conseiller ;
– les observations de Me Y… substituant Me Z… DE LA VARDE, avocat de la SOCIETE SERVICE AERIEN FRANCAIS, et de Me X… de la SCP ADAMAS, avocat de la COMMUNE DE VAL D’ISERE ;
– et les conclusions de M. BOURRACHOT, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de la société SERVICE AERIEN FRANCAIS et de la commune de VAL D’ISERE présentent à juger la même question ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;
Considérant que la commune de Val d’Isère a envisagé au mois de mars 1993 de créer une hélistation sur son territoire ; qu’elle a lancé un appel d’offres pour son installation et son exploitation ; que, par une délibération du 21 octobre 1993, le conseil municipal a retenu la candidature de la société MONT BLANC HELICOPTERES ; que par une nouvelle délibération en date du 28 octobre 1993, le conseil municipal a retiré sa précédente délibération et attribué la gestion de l’hélistation à la société SERVICE AERIEN FRANCAIS ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 28 octobre 1993 ;
Considérant qu’il est prévu par le cahier des charges annexé à l’appel d’offres susmentionné que l’entreprise retenue sera chargée de construire une hélistation, comportant notamment une plate-forme équipée et un chalet d’accueil, et sera tenue d’exploiter deux hélicoptères équipés pour les opérations de secours et de maintenir en permanence à Val d’Isère l’un d’entre eux avec son équipage pendant la saison d’hiver ; qu’elle doit s’engager à effectuer en priorité, sous l’autorité du chef du service des pistes de ski, des missions de secours sur le domaine skiable de la station ainsi que des missions de déclenchement d’avalanches par grenadage sur la base de tarifs respectivement forfaitaires, variant selon la nature de la mission, et horaires ; qu’elle est autorisée, par ailleurs, à organiser une activité de transport et de tourisme à partir de l’hélistation y compris en période estivale sur la base de tarifs horaires ; que si, en ce qui concerne les missions de secours et de déclenchement d’avalanches, elle doit être rémunérée directement par la COMMUNE DE VAL D’ISERE, il ne lui est garanti ni d’obtenir de celle-ci une rémunération annuelle minimale ni de se voir confier par elle un nombre minimum de missions par saison ; que, dans ces conditions, la rémunération prévue pour le cocontractant de la COMMUNE DE VAL D’ISERE, qui dépend directement de son activité, doit être regardée comme substantiellement assurée par le résultat de l’exploitation du service ; que, dès lors, le contrat envisagé doit être analysé non comme un marché mais comme une délégation de service public ;
Considérant que l’acte par lequel l’autorité administrative retient l’offre présentée par un candidat est une décision créatrice de droits, dès son adoption ; que, par suite, la délibération du 21 octobre 1993 attribuant la gestion de l’hélistation à la société MONT BLANC HELICOPTERES était une décision créatrice de droit alors même qu’elle n’avait pas été notifiée à cette dernière à la date de son retrait ; que, par suite, elle ne pouvait être retirée que si elle était entachée d’illégalité ;
Considérant qu’aux termes de l’article 44 de la loi du 29 janvier 1993 codifié sous l’article L.1411-7 du code général des collectivités territoriales : » Deux mois au moins après la saisine de la commission mentionnée à l’article 43, l’assemblée délibérante se prononce sur le choix du délégataire et le contrat de délégation. Les documents sur lesquels se prononce l’assemblée délibérante doivent lui être transmis quinze jours au moins avant sa délibération. » ; qu’en vertu de l’article 47 de la même loi, les dispositions des articles 42 à 46 ne sont pas applicables lorsque, avant la date de publication de la loi, l’autorité habilitée a expressément pressenti un délégataire et que celui-ci a , en contrepartie engagé des études et des travaux préliminaires ; que, si la société MONT BLANC HELICOPTERES soutient que ces dispositions ne sont pas applicables, dès lors qu’elle avait été pressentie comme délégataire avant leur entrée en vigueur et qu’elle avait engagé des études, elle n’apporte aucun élément à l’appui de telles allégations ; qu’il est constant que la commission d’ouverture des plis s’est réunie le 19 septembre 1993 et que le conseil municipal s’est prononcé le 21 octobre 1993 sur le choix du délégataire ; qu’en outre, la note d’information destinée aux conseillers municipaux n’a été rédigée que le 15 octobre 1993 et une modification essentielle de l’offre de la société MONT BLANC HELICOPTERES n’a été portée à leur connaissance que la veille du conseil municipal ; que, dès lors, la délibération du 21 octobre 1993, qui a été prise à la suite d’une procédure irrégulière, était illégale et pouvait être retirée ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur le fait que la délibération du 21 octobre 1993 n’était pas illégale pour annuler la délibération du 28 octobre 1993 par laquelle le conseil municipal a confié la gestion de l’hélistation à la société SERVICE AERIEN FRANCAIS (SAF) ;
Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour administrative d’appel saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la société MONT BLANC HELICOPTERES devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Considérant qu’en vertu du second alinéa de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979, doivent être motivées les décisions qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droits et qu’aux termes de l’article 3 de la même loi: » la motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ;
Considérant que, comme il a été dit ci dessus, la délibération du 21 octobre 1993 attribuant la gestion de l’hélistation à la société MONT BLANC HELICOPTERES était une décision créatrice de droit ; que la décision de retrait devait être motivée en application de la loi du 11 juillet 1979 susmentionnée ; que la délibération du 28 octobre 1993 qui a retiré cette décision ne comporte pas de motivation de droit ; qu’ainsi elle est entachée d’illégalité, y compris, par voie de conséquence, en tant qu’elle attribue la gestion de l’hélistation à la société SERVICE AERIEN FRANCAIS (SAF) ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de VAL D’ISERE et la société SERVICE AERIEN FRANCAIS ne sont pas fondées à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération en date du 28 octobre 1993 ;
Sur l’application de l’article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :
Considérant, d’une part, qu’en vertu des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, la cour administrative d’appel ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société SERVICE AERIEN FRANCAIS doivent être rejetées ;
Considérant, d’autre part, qu’il y a lieu de condamner la société SERVICE AERIEN FRANCAIS, d’une part, et la commune de Val d’Isère, d’autre part à payer à la société MONT BLANC HELICOPTERES la somme de 5 000 francs, chacune, sur le fondement de l’article L8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Article 1er : les requêtes de la société SERVICE AERIEN FRANCAIS et de la commune de VAL D’ISERE sont rejetées.
Article 2 : la société SERVICE AERIEN FRANCAIS et la commune de Val d’Isère sont condamnées à payer à la société MONT BLANC HELICOPTERES la somme de 5 000 francs chacune en application de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.