Le Conseil d’Etat; — Vu la loi du 27 février 1880, art. 4 et 5; la loi du 28 mars 1882; — Vu la loi du 30 octobre 1886, art. 16 et 48; — Vu la loi du 19 juillet 1889, modifiée par la loi du 25 juillet 1893 (art. 48), ensemble le règlement d’administration publique du 29 janvier 1890; — Vu l’arrêté pris par le ministre de l’instruction publique en Conseil supérieur le 18 janvier 1887; notamment les art. 20 à 22; — Vu le règlement modèle approuvé par le ministre de l’instruction publique en Conseil supérieur le 18 janvier 1887, ensemble le règlement intérieur des écoles primaires approuvé par le conseil départemental; — Vu les lois des 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872; — Sur les conclusions tendant à l’annulation des deux décisions, en date des 19 décembre 1909 et 5 janvier 1910, par lesquelles l’instituteur et l’inspecteur d’académie ont prononcé contre l’élève Paul Porteret la peine de l’exclusion temporaire de l’école publique; — Considérant qu’aux termes de l’art. 16 de la loi du 30 octobre 1886, l’enseignement primaire est donné conformément aux prescriptions de la loi du 28 mars 1882, et d’après un plan d’études délibéré en Conseil supérieur de l’instruction publique, et que, pour chaque département, le conseil départemental arrêtera l’organisation pédagogique des diverses catégories d’établissements par des règlements spéciaux conformes au plan d’études ci-dessus; qu’en exécution de cette disposition législative, un arrêté du ministre de l’instruction publique, en date du 18 janvier 1887, pris en Conseil supérieur, a, dans ses art. 20 à 22, réglé les conditions dans lesquelles serait établie la liste des livres propres à être mis en usage dans les écoles primaires publiques, et confié au recteur le soin d’arrêter cette liste, sur la proposition de deux commissions, l’une cantonale, l’autre départementale, formées de membres de l’enseignement; que l’art. 48, 2°, de la loi du 19 juillet 1889, modifiée par la loi du 25 juillet 1893, rappelle que les livres de classe sont choisis conformément aux règlements arrêtés par le Conseil supérieur; qu’enfin, le ministre est investi du droit de statuer, après avis de la section permanente du Conseil supérieur, conformément à l’art. 4 de la loi du 27 février 1880, sur l’interdiction des livres dans les écoles publiques; — Considérant que, de l’ensemble de ces dispositions législatives et réglementaires, il résulte que les autorités universitaires sont seules compétentes pour tout ce qui concerne l’organisation de l’enseignement dans l’école, notamment pour le choix des méthodes et des livres scolaires; que les enfants qui fréquentent l’école publique sont donc tenus de se soumettre aux règles établies à cet égard par lesdites autorités, et spécialement au choix que l’instituteur est libre de faire, pour l’école qu’il dirige, entre les divers ouvrages inscrits sur la liste établie dans les conditions indiquées ci-dessus; que, par suite, le refus d’un élève de s’y conformer constitua un manquement à la discipline scolaire, tombant sous l’application des sanctions pénales édictées par le règlement intérieur de l’école, tel qu’il a été arrêté par le conseil départemental, selon les indications contenues au règlement modèle approuvé le 18 janvier 1887 par le ministre, en Conseil supérieur; que, si les parents estiment que les livres mis en usage dans les écoles sont rédigés en violation du principe de la neutralité scolaire, consacré par la loi du 28 mars 1882 comme une conséquence du régime de laïcité qu’elle a institué, il leur appartient de porter leurs réclamations devant les autorités compétentes; qu’ils ont notamment le droit de demander au ministre de prononcer l’interdiction, dans les écoles publiques, par application de l’art. 4 de la loi du 27 février 1880, des livres incriminés, et de se pourvoir ensuite, en cas d’excès de pouvoirs, devant le Conseil d’Etat; mais que, tant que cette interdiction n’a pas été prononcée, le refus par les enfants de se servir des ouvrages, choisis par l’instituteur sur la liste régulièrement approuvée, les rend passibles des pénalités sus-mentionnées; — Considérant qu’à l’école publique élémentaire d’Ampilly-les-Bordes, l’élève Paul Porteret a refusé de suivre l’enseignement de l’histoire, prescrit par l’art. 1er de la loi du 28 mars 1882, et de se servir d’un manuel, qui était inscrit sur la liste des livres régulièrement dressée pour le département de la Côte-d’Or, conformément aux art. 20 à 22, précités, de l’arrêté du ministre de l’instruction publique, en date du 18 janvier 1887, et dont l’usage n’avait pas été interdit par le ministre dans les conditions prévues par l’art. 4 de la loi du 27 février 1880; que ce fait constituait, ainsi qu’il a été précédemment expliqué, de la part de l’élève, un acte contraire à la discipline scolaire; que, dès lors, en prononçant, à la date des 19 décembre 1909 et 5 janvier 1910, contre ledit élève, à raison de ce refus d’obéissance, la peine de l’exclusion temporaire de l’école, l’instituteur et l’inspecteur d’académie n’ont fait qu’user des pouvoirs qu’ils tiennent des dispositions du règlement arrêté pour le régime intérieur des écoles de la Côte-d’Or, conformément aux indications de l’art. 19 du règlement modèle, approuvé le 18 janvier 1887 par le ministre en Conseil supérieur; qu’en conséquence, le sieur Porteret n’est pas fondé à demander l’annulation desdites décisions;
Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision, en date du 25 octobre 1909, par laquelle le recteur de l’académie de Dijon a approuvé la liste des livres propres à être mis en usage dans les écoles publiques de la Côte-d’Or; — Considérant que c’est le ministre de l’instruction publique, ainsi qu’il a été dit plus haut, qui est compétent pour prononcer, après avis de la section permanente du Conseil supérieur, l’interdiction des livres scolaires dans les écoles publiques, par application de l’art. 4 de la loi du 27 février 1880; que, dès lors, il appartenait au sieur Porteret de s’adresser au ministre de l’instruction publique, à l’effet de faire prononcer par lui l’interdiction des livres approuvés par le recteur, sauf à se pourvoir ensuite devant le Conseil d’Etat pour excès de pourvoir; qu’il ne pouvait se soustraire à la procédure ci-dessus indiquée, en introduisant un recours contre la décision du recteur devant ledit Conseil; qu’ainsi, la requête, en tant que dirigée contre cette décision, n’est pas recevable; — Art. 1er. La requête du sieur Porteret est rejetée.
Du 20 janvier 1911. — Cons. d’Etat. — MM. Romieu, rapp.; Pichal, comm. du gouv.; Le Marois, av.