Vu le recours du Min. des trav. pub… tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler – un arrêté avant faire droit, du 31 mars 1891, par lequel le cons. de préf. de la Dordogne a admis le bien fondé de la demande intentée contre l’Etat par le sieur Garrigou, ouvrier terrassier, blessé sur un chantier de construction de la ligne de Marmande à Angoulême, a imparti à l’administration un délai d’un mois pour appeler en cause le sieur Lafeuille, entrepreneur, et alloué au sieur Garrigou, une somme de 300 francs à titre de provision, tous droits et moyens restant réservés, en tant qu’il n’y était pas prononcé par la disposition susrelatée ;
Le Conseil d’Etat;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII, art. 4 ;
Considérant que le conseil de préfecture de la Dordogne, statuant avant faire droit au fond sur la réclamation du sieur Garrigou, ouvrier terrassier, blessé sur un chantier de la ligne de construction de Marmande à Angoulême, a déclaré ladite réclamation recevable, et, reconnaissant en principe le droit du sieur Garrigou à une indemnité par application de la loi du 28 pluviôse an VIII, art. 4, a alloué à ce dernier une provision de 300 francs, et imparti un délai d’un mois à l’Administration pour appeler en garantie le sieur Lafeuille, tâcheron ; qu’à l’appui de son recours contre cet arrêté, le ministre des travaux publics soutient que le sieur Garrigou, qui, d’ailleurs, aurait été victime de son imprudence ou du fait d’un autre ouvrier, le sieur Pépelut, n’était, comme ce dernier, que le préposé du sieur Lafeuille ; qu’ainsi, aucune responsabilité n’a été encourue par l’Etat, qui ne saurait être l’objet d’aucune condamnation de ce chef ; — Mais considérant qu’il résulte de l’instruction que l’accident subi par le sieur Garrigou, et qui a été causé par le renversement d’un wagonnet rempli de terre que cet ouvrier et le sieur Pépelut étaient occupés à décharger, s’est produit dans l’exécution d’un travail public effectué en régie pour le compte de l’Etat, et en présence des agents préposés à la surveillance des travaux ; que, dans ces circonstances, et quelles que puissent être les décisions à intervenir sur la part de responsabilité qui sera reconnue incomber à chacune des parties en cause devant le conseil de préfecture, le ministre des travaux publics n’est pas fondé à prétendre que l’Etat doit être déchargé de toute responsabilité, et à réclamer par suite l’annulation de l’arrêté attaqué et le remboursement de la provision de 300 francs qui a été allouée par ledit arrêté au sieur Garrigou ; que, d’autre part, il y a lieu, dans les circonstances de la cause, de faire droit en partie aux conclusions du sieur Garrigou, et d’élever à une somme de 1.000 francs la provision qui lui a été allouée par le conseil de préfecture ; — Art. 1er. Le recours du ministre est rejeté. L’Etat payera au sieur Garrigou, en sus de la provision de 300 francs allouée par le conseil de la préfecture, une nouvelle somme de 700 francs à titre de provision.
Du 24 juin 1892. – Cons. d’Etat. – MM. Saint-Paul, rapp. ; Romieu, comm. du gouv. ; Gauthier, av.