Contexte : Par cette décision rendue le 3 février 2016, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle que le médecin doit se montrer actif dans la recherche d’informations nécessaires pour l’établissement du diagnostic ou l’adaptation du traitement à prescrire au patient.
Litige : Le 11 mars 2004, un médecin gynécologue prescrit, à la vingt-neuvième semaine de la grossesse d’une patiente dont il assure le suivi, des analyses qui mettent en évidence la présence d’un streptocoque du groupe B. Pour des raisons demeurées inconnues, les résultats de ces analyses n’ont pas été versés au dossier médical, de sorte que la patiente a donné naissance, le 19 mai 2004, à un enfant qui, dès le lendemain, a présenté une septicémie et une méningite à streptocoque B dont il a gardé d’importantes séquelles. Le médecin gynécologue a été déclaré seul responsable du préjudice subi par l’enfant, ce que son assureur a contesté en saisissant la Cour de cassation d’un pourvoi.
Solution : La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’assureur aux motifs :
« qu’après avoir retenu, en se fondant sur les constatations de l’expert, l’existence d’une faute de Christophe Y…, qui ne s’est pas inquiété du résultat des analyses prescrites et n’a pas prescrit un nouvel examen bactériologique en fin de grossesse, de sorte qu’aucune antibiothérapie, permettant de limiter les risques d’infection pour l’enfant, n’a été administrée à Mme Z…, l’arrêt retient que les résultats des analyses ont été adressés par le laboratoire à la clinique à l’attention du médecin prescripteur, qu’il n’est pas établi que les analyses auraient été égarées à la suite d’une faute du personnel salarié de la clinique, que Christophe Y… a reçu à plusieurs reprises Mme Z…, entre la prescription des analyses et l’accouchement, sans faire d’observations sur l’absence des analyses ou s’inquiéter de leur résultat, et qu’il appartient au médecin de s’enquérir des résultats des analyses prescrites afin d’adapter, le cas échéant, la prise en charge du patient ; que la cour d’appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que l’absence au dossier médical des résultats des analyses prescrites par Christophe Y… ne suffisait pas à caractériser la faute de la clinique ; que le moyen n’est pas fondé ».
Analyse : La Cour de cassation retient la faute du médecin gynécologue en refusant de considérer que sa responsabilité doit être partagée avec celle de la clinique à laquelle le laboratoire d’analyses avait adressé les résultats de l’examen bactériologique à l’intention du médecin prescripteur. La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de juger que « chaque médecin de l’équipe médicale doit s’assurer du suivi de ses prescriptions afin d’assumer ses responsabilités personnelles au regard de ses compétences et ne peut s’en affranchir à raison de l’intervention d’un autre confrère dans le processus thérapeutique » (Cass. 1re civ., 16 mai 2013, n° 12-21.338, Bull. I, n° 102 ; Resp. civ. et assur. 2013, comm. 269, note S. Hocquet-Berg ; JCP G 2013, n° 27, note P. Sargos ; www.revuegeneraledudroit.eu/?p=10494, obs. S. Hocquet-Berg).
Cette décision illustre donc la nécessité pour le médecin d’assurer le suivi de ces prescriptions mais aussi l’impossibilité pour ce dernier de se retrancher derrière son ignorance. Il lui appartient de se renseigner (Cass. 1re civ., 5 mars 2015, n° 14-13.292, à paraître au bulletin,www.revuegeneraledudroit.eu/?p=22412, obs. S. Hocquet-Berg), par exemple en interrogeant son patient ou, comme cela aurait dû être le cas ici, en s’enquérant des résultats des analyses bactériologiques qu’il avait prescrites. Or, en l’espèce, le médecin gynécologue a reçu sa patiente à plusieurs reprises entre la prescription et l’accouchement et semble ne s’être nullement inquiété de l’absence des résultats des analyses dans son dossier médical.