Le seul point de vue actuel ne permet pas de saisir la signification du principe de la séparation des pouvoirs. Au lieu de s’attacher à une présentation contemporaine en évacuant complètement les éléments historiques doctrinaux, qui ont contribué à sa construction progressive, il faut analyser les raisons de l’échec du principe au XIXe siècle allemand. Car la séparation des pouvoirs a perdu face au principe monarchique, toujours présent et ne permettant pas de mettre en place un système équilibré dans lequel tous les organes disposeraient de véritables moyens de contrôle et de pression, ainsi que de protection de leur domaine d’action. Le rejet frénétique des conservateurs et le rejet modéré des libéraux ont scellé son sort. Malgré la création de mécanismes d’équilibrage relatif dans la Constitution weimarienne 1919, on constate que, s’il n’y aucune sanction des atteintes portées au principe, il est vain de vouloir son application uniquement en se fiant à la « bonne foi » des pouvoirs.
La Loi fondamentale et la Cour constitutionnelle fédérale permettent, depuis 1949, d’avoir un principe, dont le non-respect peut être sanctionné, et qui fait l’objet d’une interprétation jurisprudentielle qui lui permet de déployer tous ses effets pratiques. Qualifié de « principe organisationnel porteur de la Loi fondamentale », son « cœur » ne peut faire l’objet d’une révision constitutionnelle. Malgré la tentative de livrer une définition générale plus ou moins précise, le juge rencontre de sérieuses difficultés lorsqu’il s’agit d’interpréter les éléments constitutifs du principe et de poser des limites à l’action d’un pouvoir. La Cour développe ainsi, en complétant les dispositions de la Loi fondamentale, une véritable théorie de la séparation des pouvoirs.
Afin de tenter de pénétrer la signification du principe de la séparation des pouvoirs, cette partie sera divisée en deux titres :
Titre premier : Les origines doctrinales du principe de séparation des pouvoirs.
Titre second : L’interprétation du principe de séparation des pouvoirs dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale depuis 1949.