Ainsi s’achève l’épineuse « histoire » doctrinale allemande du principe de séparation des pouvoirs. Initialement confronté à un rejet frénétique, puis partiellement autorisé à entrer sur la scène du droit public pour enfin devenir la victime d’un paradoxe : accusé d’être une simple « idéologie » par les idéologues par excellence. Cette histoire montre qu’il n’est jamais question d’un concept détaché de toute réalité constitutionnelle, mais, au contraire, d’une notion qui s’inscrit dans un régime précis, qu’il soit monarchique, démocratique ou totalitaire.
Les péripéties de la séparation des pouvoirs, son incompatibilité avec la conception positiviste de l’État ou avec le normativisme kelsénien, sont la preuve de son extrême élasticité doctrinale. Même lorsqu’elle est rejetée, elle réussit à trouver un moyen de s’adapter à l’ordre concret. Ainsi, elle prend la forme de la théorie des fonctions ou celle du double visage des normes juridiques. La conclusion qui s’impose ici est qu’il n’existe pas de principe de séparation des pouvoirs transcendantal et absolu qui franchirait sans grande difficulté les différentes époques et régimes politiques et qui resterait pourtant le même. Au fond, le principe a une finalité précise : il doit être pensé comme un moyen d’organiser l’exercice du pouvoir adapté aux données constitutionnelles concrètes. Il ne s’agit pas d’étaler une conception archéologique et anachronique du principe constitutionnel. Au contraire, la signification qu’acquiert le Gewaltenteilungsgrundsatz dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale, tisse des liens profonds avec les origines doctrinales du principe. La définition générale donnée par le juge constitutionnel ainsi que la finalité de la norme de l’article 20, alinéa 2 de la Loi fondamentale trouvent leur application plénière dans l’interprétation jurisprudentielle actuelle, dont les décisions continuent la construction de l’ossature du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs.