REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la SOCIETE A OBJET SPORTIF « TOULOUSE FOOTBALL CLUB », dont le siège social est au Stadium, allées Gabriel-Biénès, … (31028 cedex 04) ; la société requérante demande au Conseil d’Etat :
1°) l’annulation pour excès de pouvoir de la décision de la commission d’organisation des compétitions de la Ligue nationale de football en date du 22 mai 2001 homologuant les résultats du championnat de France professionnel de football de première division pour la saison 2000-2001 ;
2°) la condamnation de la Ligue nationale de football à lui payer la somme de 20 000 F pour les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 modifiée ;
Vu les règlements généraux de la Fédération française de football ;
Vu le règlement administratif et le règlement des compétitions du championnat de France professionnel de première et de deuxième divisions de la Ligue nationale de Football ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mlle Verot, Auditeur,
– les observations de Me Bouthors, avocat de la SOCIETE A OBJET SPORTIF « TOULOUSE FOOTBALL CLUB », de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la Ligue nationale de football et de la Fédération française de football, de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat du « Football club de Nantes », de la SCP Peignot, Garreau, avocat du « Racing club de Strasbourg », de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l' »A.S. Saint-Etienne » et de Me Ricard, avocat de l' »A.S. Monaco » et du « Football club de Metz »,
– les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :
Considérant que la SOCIETE A OBJET SPORTIF « TOULOUSE FOOTBALL CLUB » demande l’annulation de la décision du 22 mai 2001 par laquelle la commission d’organisation des compétitions de la Ligue nationale de football a homologué le classement final du championnat de France professionnel de première division pour la saison 2000-2001 ; qu’eu égard à l’objet de cette décision, qui intéresse l’ensemble des clubs ayant participé au championnat, la contestation formée par la société requérante n’est pas au nombre des conflits opposant des groupements sportifs et des fédérations sportives agréées pour lesquels les dispositions du IV de l’article 19 de la loi du 16 juillet 1984 modifiée relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives attribuent une mission de conciliation au Comité national olympique et sportif français ; que, par suite, cette contestation n’avait pas à être portée devant le comité préalablement à l’introduction d’un recours contentieux ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée à la requête par la Fédération française de football et la Ligue nationale de football doit être écartée ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu’au soutien de sa requête, la SOCIETE A OBJET SPORTIF « TOULOUSE FOOTBALL CLUB » invoque l’illégalité des décisions expresses ou implicites par lesquelles les organes compétents de la Fédération française de football et de la Ligue nationale de football ont refusé d’annuler les résultats des matches joués par son équipe contre celle de l’Association sportive de Saint-Etienne les 12 août et 2 décembre 2000 et contre celle du Football club de Metz le 25 novembre 2000, et d’infliger à ces deux clubs la sanction du match perdu pour avoir fait inscrire sur la feuille d’arbitrage, avant chaque rencontre, des joueurs détenant un passeport, obtenu dans des conditions frauduleuses, d’un Etat membre de l’Union européenne ;
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 149 des règlements généraux de la Fédération française de football, reprises à l’article 326 du règlement des championnats de France professionnels de première et de deuxième divisions établi par la Ligue nationale de football, les joueurs inscrits sur la feuille d’arbitrage doivent remplir les conditions de participation et de qualification énoncées par ces règlements ; que les dispositions de l’article 114 du règlement administratif de la Ligue nationale de football limitent à trois le nombre des joueurs étrangers non ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen qui peuvent être engagés par un club sous contrat professionnel et inscrits sur la feuille d’arbitrage pour un match ; qu’aux termes de l’article 187 des règlements généraux de la Fédération française de football : » 1. En dehors de toute réserve nominale et motivée, transformée en réclamation, l’évocation par la commission compétente est toujours possible avant l’homologation d’un match, en cas : – de fraude sur l’identité d’un joueur ; de falsification concernant l’obtention ou l’utilisation des licences ( …). 2. Dans les cas ci-dessus, et indépendamment des sanctions prévues au titre 4, la sanction est le match perdu » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’au cours de la saison 2000-2001, trois joueurs de l’Association sportive de Saint-Etienne et un joueur du Football club de Metz ont fait usage de passeports devant être tenus pour des faux afin d’obtenir des licences de joueur sous contrat professionnel en tant que ressortissants d’Etats membres de l’Union européenne ; que l’obtention de ces licences présentait ainsi le caractère d’une fraude au sens des dispositions de l’article 187 des règlements généraux de la Fédération française de football, et était susceptible d’exposer ses auteurs aux sanctions prévues à cet effet par les règlements de la Fédération française de football et de la Ligue nationale de football ; qu’en revanche elle n’était pas, à elle seule, de nature à faire regarder les décisions homologuant les résultats des matches pour lesquels les joueurs intéressés avaient été inscrits sur les feuilles d’arbitrage comme ayant été elles-mêmes obtenues par une fraude susceptible de justifier légalement le retrait de ces décisions ;
Considérant qu’en vertu des dispositions des articles 142 et 186 des règlements généraux de la Fédération française de football, ainsi que de l’article 341 du règlement des championnats de France professionnels de première et de deuxième divisions établi par la Ligue nationale de football, les résultats d’un match ne peuvent être contestés pour des motifs tenant à la qualification des joueurs qu’à la condition qu’une réserve nominale et motivée ait été portée avant la rencontre sur la feuille d’arbitrage et qu’une réclamation écrite et motivée ait été adressée aux autorités compétentes dans les quarante-huit heures suivant le match ; qu’en vertu des dispositions précitées de l’article 187 des règlements généraux de la Fédération française de football, les résultats d’un match peuvent également être contestés ou être évoqués par la commission compétente, pour des motifs tirés d’une fraude commise sur l’identité d’un joueur ou d’une falsification concernant l’obtention ou l’utilisation d’une licence, tant que ces résultats n’ont pas été homologués ; qu’en vertu des dispositions de l’article 147 des règlements généraux de la Fédération française de football, les résultats d’un match sont homologués de plein droit le trentième jour suivant son déroulement si aucune instance le concernant n’est en cours ; qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que les résultats doivent être regardés comme insusceptibles de faire l’objet d’une contestation à compter de leur homologation ;
Considérant que les diverses dispositions réglementaires susmentionnées n’ont pas pour objet et ne peuvent avoir légalement pour effet d’interdire aux organes compétents de la Fédération française de football et de la Ligue nationale de football de retirer, le cas échéant après l’expiration des délais de recours administratif ou contentieux, une décision d’homologation qui aurait été obtenue par fraude ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les auteurs de ces dispositions ont pu légalement prévoir que les réclamations portant sur les résultats d’un match seraient irrecevables à compter de l’homologation des résultats, alors même que des irrégularités affectant les conditions de déroulement de ce match n’auraient été révélées que postérieurement à l’expiration des délais de recours administratif ou contentieux contre la décision d’homologation ;
En ce qui concerne le match du 12 août 2000 :
Considérant que, selon ses propres affirmations, la société requérante a formé le 17 avril 2001, auprès de la Ligue nationale de football, une réclamation portant sur le match du 12 août 2000 ayant opposé le Toulouse football club et l’Association sportive de Saint-Etienne ; que cette réclamation a été présentée après la date à laquelle les résultats de ce match avaient été implicitement homologués par l’effet des dispositions de l’article 147 des règlements généraux de la Fédération française de football ; qu’ainsi, elle a pu être légalement rejetée, alors même que l’utilisation de faux documents d’identité par certains joueurs de l’Association sportive de Saint-Etienne n’a été révélée que postérieurement à l’homologation des résultats ; que, par suite, le moyen tiré de l’illégalité de cette décision de rejet doit être écarté ;
En ce qui concerne le match du 25 novembre 2000 :
Considérant que la société requérante a formé le 13 février 2001, auprès de la Ligue nationale de football, une réclamation relative au match du 25 novembre 2000 ayant opposé le Toulouse football club et le Football club de Metz après que l’utilisation d’un faux passeport par un joueur de ce dernier club eut été révélée le 15 janvier 2001 ; que, par une décision du 1er juin 2001, la commission fédérale d’appel de la Fédération française de football a rejeté cette réclamation par le motif qu’elle avait été présentée après l’homologation des résultats du match ; que, comme il a été dit ci-dessus, la société requérante n’est pas fondée à prétendre que cette décision serait entachée d’une illégalité ;
En ce qui concerne le match du 2 décembre 2000 :
Considérant qu’ayant appris le 3 décembre 2000 que des joueurs de l’Association sportive de Saint-Etienne avaient utilisé de faux passeports pour obtenir leur licence, la société requérante a formé le 4 décembre 2000, auprès de la Ligue nationale de football, une réclamation portant sur le match du 2 décembre 2000 ayant opposé les deux clubs ; que cette réclamation a été présentée, conformément aux dispositions de l’article 187 des règlements généraux de la Fédération française de football, avant l’homologation des résultats du match ; que, statuant le 2 mars 2001 sur ladite réclamation, la commission fédérale d’appel de la Fédération française de football a refusé d’annuler les résultats de la rencontre et d’infliger la sanction du match perdu à l’Association sportive de Saint-Etienne, par les motifs qu’elle n’aurait pas eu compétence liée pour ce faire et que l’inscription, sur la feuille d’arbitrage, de deux joueurs non ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen n’aurait pas constitué, par elle-même, une fraude, et n’aurait pas été de nature à influencer les résultats du match ;
Considérant qu’il ressort des termes mêmes des dispositions précitées de l’article 187 des règlements généraux de la Fédération française de football, lesquelles prévoient, dans les cas qu’elles déterminent, la sanction du match perdu indépendamment des sanctions définies au titre 4, ainsi que du rapprochement de ces dispositions avec celles de l’article 200, comprises dans ledit titre, qui mentionnent la « perte de matches » parmi les sanctions susceptibles d’être infligées à un club, que les organes compétents de la Fédération française de football et de la Ligue nationale de football sont tenus de prononcer la sanction du match perdu dès lors qu’ils ont constaté une fraude sur l’identité d’un joueur ou une falsification concernant l’obtention ou l’utilisation d’une licence ; qu’ainsi, en refusant de prononcer la sanction du match perdu à l’encontre de l’Association sportive de Saint-Etienne et en décidant d’homologuer les résultats de la rencontre, alors qu’elle avait relevé que deux joueurs de ce club avaient usé de passeports établis dans des conditions frauduleuses, la commission fédérale d’appel de la Fédération française de football a méconnu les dispositions de l’article 187 des règlements généraux ; que l’illégalité de la décision de cette commission entache, sur ce point, la légalité de la décision attaquée, qui présente un caractère indivisible ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE A OBJET SPORTIF « TOULOUSE FOOTBALL CLUB » est fondée à demander l’annulation de la décision de la commission d’organisation des compétitions de la Ligue nationale de football en date du 22 mai 2001 homologuant le classement final du championnat de France professionnel de première division pour la saison 2000-2001 ;
Considérant que la présente décision a nécessairement pour conséquence qu’appelée à se prononcer de nouveau sur l’homologation du classement final dudit championnat, la commission d’organisation des compétitions de la Ligue nationale de football applique pour la rencontre du 2 décembre 2000 la sanction prévue à l’article 187 des règlements généraux en retirant trois points à l’Association sportive de Saint-Etienne et en les attribuant au Toulouse Football club ; qu’il lui appartient également, le cas échéant, d’infliger la même sanction pour tout autre match dont les résultats n’auraient pas encore été définitivement homologués en raison d’une contestation recevable et encore pendante et pour lequel l’une des infractions mentionnées à l’article 187 aurait été constatée ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner conjointement la Fédération française de football et la Ligue nationale de football, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, à payer à la SOCIETE A OBJET SPORTIF « TOULOUSE FOOTBALL CLUB » la somme de 20 000 F pour les frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu de condamner la Ligue nationale de football à payer la somme demandée par la société « Racing club de Strasbourg » ; que lesdites dispositions font obstacle à ce que la société requérante, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à d’autres parties les sommes demandées par celles-ci ;
Article 1er : La décision de la commission d’organisation des compétitions de la Ligue nationale de football en date du 22 mai 2001 est annulée. Cette annulation comporte pour la Ligue nationale de football les obligations énoncées aux motifs de la présente décision.
Article 2 : La Fédération française de football et la Ligue nationale de football sont condamnées conjointement à payer la somme de 20 000 F à la SOCIETE A OBJET SPORTIF « TOULOUSE FOOTBALL CLUB ».
Article 3 : Les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative par la Fédération française de football, la Ligue nationale de football, la société à objet sportif « Football club de Nantes », la société « Association sportive de Monaco », la société « Football club de Metz » et la société « Racing club de Strasbourg » sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE A OBJET SPORTIF « TOULOUSE FOOTBALL CLUB », à la Fédération française de football, à la Ligue nationale de football, à la société « Football club de Nantes », à l' »Association sportive Monaco », à la société « Football club Metz », à la société « Racing club Strasbourg », à la société « Saint-Etienne Loire », à l' »Association de la jeunesse auxerroise, à la société « Sporting club Bastia », à la société « Football club girondins de Bordeaux », à la société « En avant Guingamp », à la société « Racing club Lens », à la société « LOSC Lille Métropole », à la société « Olympique Lyonnais », à la société « Olympique de Marseille », à la société Paris Saint-Germain football club, à la société « Stade Rennais football club », à la société « Club sportif Sedan-Ardennes », à la société « Entente sportive Troyes Aube-Campagne » et au ministre de la jeunesse et des sports.