Vu 1°) l’ordonnance n°s 9817580/5 et 9817586/5 du 27 octobre 1998 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel la demande présentée à ce tribunal pour Mme Elisabeth X… ;
Vu sous le n° 201061 les demandes, enregistrées au greffe du tribunal administratif de Paris le 22 septembre 1998, présentées pour Mme X…, demeurant …Université à Paris (75007) ; Mme X… demande :
1) l’annulation de la décision du 22 juillet 1998 par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a d’une part rejeté son recours gracieux tendant au retrait de la décision du 20 janvier 1998 par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a retiré sa décision du 21 novembre 1997 l’autorisant à maintenir sa résidence à Londres et à conserver son niveau de rémunération pour la période du 18 novembre 1997 au 30 juin 1998, ensemble ladite décision du 20 janvier 1998, et d’autre part rejeté sa demande tendant à l’indemnisation du préjudice résultant de la décision du 20 janvier 1998 ;
2) la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 548 056,25 F, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 mars 1998 ;
3) la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 30 000 F au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu 2°) l’ordonnance n° 9812093/5 du 27 octobre 1998 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel la demande présentée à ce tribunal pour Mme Elisabeth X… ;
Vu, sous le n° 201063, la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 16 juillet 1998, présentée pour Mme X…, demeurant …Université à Paris (75007) ; Mme X… demande :
1) l’annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie sur son recours gracieux en date du 16 janvier 1998 tendant au retrait de la décision en date du 18 novembre 1997 par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a mis fin à ses fonctions d’administrateur représentant la France au conseil d’administration de la banque européenne de reconstruction et de développement (BERD), ensemble ladite décision du 18 novembre 1997 ;
2) d’enjoindre le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie de la réintégrer en qualité d’administrateur représentant la France au conseil d’administration de la BERD ;
3) la condamnation de l’Etat à lui payer la somme de 30 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu 3°) l’ordonnance n° 9817595/5 du 27 octobre 1998 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel la demande présentée à ce tribunal pour Mme Elisabeth X… ;
Vu sous le n° 201137, la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 22 septembre 1998, présentée pour Mme X…, demeurant …Université à Paris (75007) ; Mme X… demande :
1) l’annulation de la décision expresse du 22 juillet 1998 par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a rejeté son recours gracieux en date du 26 mars 1998 tendant au retrait de l’arrêté du 27 janvier 1998 par lequel le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a « mis fin à son détachement » en qualité de conseiller financier auprès de l’ambassade de France à Londres, ensemble ledit arrêté ;
2) d’enjoindre au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie de la réintégrer en qualité de ministre, conseiller financier auprès de l’ambassade de France à Londres ;
3) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 50 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu l’accord portant création de la banque européenne de reconstruction et de développement signé à Paris le 29 mai 1990 ;
Vu la loi du 22 avril 1905 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Mochon, Auditeur,
– les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme X…,
– les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X…, qui était conseiller financier auprès de l’ambassade de France à Londres et administrateur représentant la France au conseil d’administration de la banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) a fait l’objet le 18 novembre 1997 d’un arrêté du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie mettant fin à ses fonctions de conseiller financier ainsi que d’une lettre du même ministre au président de la BERD tendant à ce qu’il soit mis fin aux fonctions exercées par l’intéressée comme administrateur de la BERD ; que par une décision du 21 novembre 1997, le ministre l’a autorisée, pour la période du 18 novembre 1997 au 30 juin 1998, à maintenir sa résidence administrative à Londres et à conserver le niveau de rémunération qui lui était versée par les autorités françaises ; qu’après avoir retiré l’arrêté susmentionné du 18 novembre 1997, le ministre a par un nouvel arrêté du 27 janvier 1998 mis fin aux fonctions de Mme X… en qualité de conseiller financier ; que, par une décision du 20 janvier 1998, le ministre a « retiré » sa décision du 21 novembre 1997 autorisant Mme X… à maintenir sa résidence administrative à Londres et à conserver son niveau de rémunération ;
Considérant que la requête n° 201063 est dirigée contre la lettre du 18 novembre 1997 du ministre de l’économie et des finances relative aux fonctions exercées par Mme X… à la BERD ; que la requête n° 201137 est dirigée contre l’arrêté du 27 janvier 1998 mettant fin à ses fonctions de conseiller financier ; que la requête n° 201061 est relative à la décision du 20 janvier 1998 concernant le maintien du niveau de rémunération et de la résidence administrative de l’intéressée à Londres ; qu’il y a lieu de joindre ces trois requêtes pour statuer par une seule décision ;
Sur la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la décision du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en date du 18 novembre 1997 à la suite de laquelle il a été mis fin aux fonctions de Mme X… en tant qu’administrateur représentant la France au conseil d’administration de la banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) :
Considérant que si, par lettre en date du 18 novembre 1997 adressée au président de la BERD le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a « décidé » de mettre fin aux fonctions d’administrateur exercées au sein de cette organisation par Mme X…, ce courrierdoit être regardé, compte tenu des modalités de désignation des administrateurs de la BERD, élus sur proposition des gouverneurs représentant les Etats membres, comme exprimant, à l’intention des autorités compétentes de la BERD, la décision du gouvernement français de ne plus accorder à Mme X… le bénéfice de cette proposition ; qu’en conséquence de ce courrier, la BERD a mis fin aux fonctions occupées à la BERD par Mme X…, et son successeur a été élu par les instances de cette organisation ;
Considérant, en premier lieu, que la mesure attaquée n’a pas été prise par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en sa qualité de gouverneur d’une institution internationale mais en sa qualité d’autorité nationale et qu’elle est détachable de la conduite des relations internationales ; que, par suite, elle ne constitue pas un acte de gouvernement qui échapperait à la compétence de la juridiction administrative ;
Considérant, en second lieu, que si la mesure dont s’agit n’était qu’une étape dans le processus qui a conduit la BERD à mettre fin aux fonctions de Mme X…, elle a constitué la dernière intervention, dans ce processus, du gouvernement français, les suites données au courrier du ministre ayant relevé de la seule BERD ; que, par suite, la position ainsi exprimée par le gouvernement français ayant été la condition nécessaire de la mesure ultérieurement prise par la BERD, le courrier du ministre constitue un acte susceptible de recours devant la juridiction administrative ;
Sur la compétence du Conseil d’Etat pour connaître en premier et dernier ressort des trois requêtes :
Considérant que la requête n° 201137, relative à la cessation des fonctions du conseiller financier auprès de l’ambassade de France à Londres, a trait à un litige d’ordre individuel concernant les droits d’un fonctionnaire nommé par décret du Président de la République ; que dès lors, en application du 2° de l’article 2 du décret n° 53-1169 du 28 novembre 1953, elle relève de la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d’Etat ; que les requêtes susanalysées n° 201061 et n° 201063, relatives à la situation du même fonctionnaire, présentent un lien de connexité avec cette requête ; que dès lors, en application de l’article 2 bis du décret n° 53-934 du 30 septembre 1953, elles relèvent également de la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d’Etat ;
Sur la légalité de la décision du 18 novembre 1997 à la suite de laquelle il a été mis fin aux fonctions de Mme X… en qualité d’administrateur représentant la France à la BERD :
Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant que la décision du gouvernement français de ne plus accorder à Mme X… le bénéfice de la proposition qui avait permis son élection comme administrateur représentant la France au conseil d’administration de la BERD constitue, même si elle est dépourvue de caractère disciplinaire, une mesure prise en considération de la personne de l’intéressée ; qu’elle doit dès lors être précédée de la formalité instituée par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, qui est également applicable aux titulaires d’emplois dont la nomination est essentiellement révocable ; qu’il ressort des pièces du dossier que Mme X…, qui a fait l’objet le 18 novembre 1997 d’une décision à la suite de laquelle il a été mis fin à ses fonctions, n’avait pas été mise à même en temps utile de demander la communication de son dossier et de faire connaître à l’autorité compétente ses observations sur la mesure envisagée ; que notamment ses deux entretiens les 5 août et 27 octobre 1997 avec le chef de service de l’inspection générale des finances ne lui permettaient pas d’apprécier si une décision relative à la cessation de ses fonctions à la BERD était envisagée ; que par suite la requérante est fondée à soutenir que ladite décision a été prise suivant une procédureirrégulière et à en demander l’annulation ;
Sur les conclusions de Mme X… tendant à ce qu’il soit ordonné au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie de procéder à sa réintégration dans ses fonctions d’administrateur représentant la France au conseil d’administration de la BERD :
Considérant que, par un mémoire enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 22 novembre 1999, la requérante s’est désistée de ses conclusions susanalysées, présentées dans son mémoire introductif d’instance, enregistré au greffe du tribunal administratif de Paris le 16 juillet 1998 ; que le désistement est pur et simple ; que rien ne s’oppose à ce qu’il en soit donné acte ;
Sur la légalité de l’arrêté du 27 janvier 1998 par lequel le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a mis fin à ses fonctions en qualité de conseiller financier auprès de l’ambassade de France à Londres :
Considérant que le ministre était compétent, compte tenu de la nature du poste dont il s’agit, pour mettre fin aux fonctions exercées par Mme X… en qualité de conseiller financier et, par voie de conséquence, pour la remettre à disposition de son corps d’origine ;
Considérant que l’arrêté attaqué, qui comporte l’indication des circonstances de droit et de fait qui en sont le fondement, est suffisamment motivé au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Considérant que l’arrêté attaqué, qui est fondé sur des motifs touchant à la personne de Mme X…, ne pouvait légalement être pris sans que les formalités prévues à l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 aient été observées ; qu’il ressort des pièces du dossier que la requérante a pu, en temps utile, prendre connaissance de son dossier ; que, si elle conteste les modalités de classement et présentation de son dossier, de telles circonstances, à les supposer établies, ne constituent pas par elles-mêmes des vices de procédure de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que l’arrêté décidant de mettre fin aux fonctions de Mme X… ait été pris sur le fondement de pièces autres que celles qui figurent au dossier qui lui a été communiqué ;
Considérant que l’arrêté attaqué, bien qu’il ait été pris en considération de la personne, est une mesure prise dans l’intérêt du service, fondée sur les difficultés relationnelles existant entre Mme X… et certains des collaborateurs de l’agence financière qu’elle dirigeait et sur la demande de rappel de l’intéressée faite par l’ambassadeur de France à Londres ; que dès lors elle n’a pas revêtu un caractère disciplinaire ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’il existait au sein de l’Agence financière entre Mme X… et certains de ses collaborateurs de graves difficultés relationnelles et que le rappel de Mme X… avait été demandé par l’ambassadeur de France à Londres ; que, par suite, l’arrêté attaqué n’est pas fondé sur des faits matériellement inexacts ;
Considérant que la décision du ministre mettant fin aux fonctions de Mme X… n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation quant à la manière de servir de l’intéressée ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme X… n’est pas fondéeà demander l’annulation de l’arrêté du 27 janvier 1998 ;
Sur les conclusions de Mme X… tendant à ce qu’il soit ordonné au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie de procéder à sa réintégration :
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 6-1 de la loi susvisée du 16 juillet 1980 modifiée : « Lorsqu’il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d’exécution dans un sens déterminé, le Conseil d’Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d’une astreinte à compter d’une date qu’il détermine » ;
Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de Mme X… tendant à l’annulation de l’arrêté du 27 janvier 1998 par lequel le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a mis fin à ses fonctions en qualité de conseiller financier auprès de l’ambassade de France à Londres, n’appelle aucune mesure d’exécution ; que, par suite, les conclusions susanalysées sont irrecevables ;
Sur la légalité de la décision du 20 janvier 1998 par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a « retiré » sa décision du 21 novembre 1997 autorisant Mme X… à maintenir sa résidence à Londres et à conserver son niveau de rémunération pour la période du 18 novembre 1997 au 30 juin 1998 :
Considérant qu’en décidant de « retirer » la décision du 21 novembre 1997 qui autorisait pour la période du 18 novembre 1997 au 30 juin 1998, Mme X… à maintenir sa résidence à Londres et à conserver le niveau de la rémunération qui lui était versée par les autorités françaises, le ministre, qui, par un arrêté du 15 janvier 1998, avait par ailleurs retiré son arrêté du 18 novembre 1997 mettant fin aux fonctions de l’intéressée en qualité de conseiller financier auprès de l’ambassade de France à Londres, doit être regardé comme s’étant borné à abroger l’autorisation susmentionnée à compter du 28 janvier 1998, date d’effet du nouvel arrêté du 27 janvier 1998 par lequel le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a de nouveau mis fin auxdites fonctions ;
Considérant que, dès lors que Mme X… n’avait aucun droit au maintien de son niveau de rémunération ni de sa résidence administrative, le ministre pouvait abroger la décision susanalysée du 21 novembre 1997 à tout moment ; que les moyens tirés du défaut de motivation et du détournement de pouvoir entachant cette décision sont inopérants ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme X… n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du 20 janvier 1998 ;
Sur les conclusions de Mme X… tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 548 056,25 F en réparation du préjudice subi du fait de la décision du 20 janvier 1998 :
Considérant que si Mme X… soutient que la décision du 20 janvier 1998 lui a causé un préjudice de 548 056,25 F par la perte de rémunération, la perte des avantages fiscaux liés aux indemnités d’expatriation et le trouble matériel et moral qu’elle a subis, ladite décision, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, est intervenue légalement ; que, par suite, les conclusions indemnitaires susanalysées ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions de Mme X… tendant à l’application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu’il y a lieu de faire application des dispositions de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l’Etat à verser à Mme X… la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du 18 novembre 1997 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie à la suite de laquelle il a été mis fin aux fonctions de Mme X… à la BERD est annulée.
Article 2 : Il est donné acte du désistement de Mme X… de ses conclusions tendant à ce qu’il soit ordonné au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie de procéder à sa réintégration dans ses fonctions d’administrateur représentant la France au conseil d’administration de la BERD.
Article 3 : L’Etat versera à Mme X… une somme de 10 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme X… est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Elisabeth X… et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.