REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 février 2007, présentée pour la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS, représentée par sa présidente, ayant son siège 14 rue de la gare aux Marchandises à Strasbourg cedex 2 (67035), par Me Clamer avocat ;
La COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0400914 en date du 19 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société B.E.R. Est à lui verser une somme de 259 963,19 euros en réparation du préjudice que lui cause l’obligation de remplacer les canalisations modifiées sous la maîtrise d’oeuvre de cette société, dans le cadre des travaux de déviation des réseaux de chauffage nécessités par la réalisation de la ligne B du Tramway à Strasbourg ;
2°) de condamner la société B.E.R. Est à lui verser une somme de 259 963,19 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2004, les intérêts étant eux mêmes capitalisés ;
3°) de condamner la société B.E.R. Est à lui verser une somme de 2000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
– le juge administratif est, contrairement à ce qu’a estimé le tribunal, compétent pour connaître du litige ; les travaux litigieux doivent être regardés comme ayant été effectués pour le compte de la communauté urbaine de Strasbourg : les ouvrages litigieux lui ont été remis à l’issue des travaux, les travaux peuvent être qualifiés de travaux publics, ils sont en partie financés par des fonds publics, il existe un lien organique fort entre elle-même et la communauté urbaine de Strasbourg, qui détient la majorité de son capital social et nomme 7 membres de son conseil d’administration sur 12, la communauté urbaine de Strasbourg exerce un contrôle étroit sur l’ensemble du processus de réalisation des travaux, ayant décidé la réalisation de la ligne de tramway considérée, et exerce aux termes du contrat de concession la responsabilité du projet et le contrôle permanent des travaux, contrat qui comporte d’ailleurs des clauses de subrogations réciproques ou de substitution en fin de concession et stipule que les biens immobiliers et mobiliers construits dans le cadre de la concession seront propriété du concédant à l’expiration de celle ci ; en outre, soumise à la loi n° 82-1153 du 30 décembre 2002, elle ne dispose d’aucune autonomie pour les modalités de création et d’exploitation des lignes de tramway ; enfin, elle est désormais une «entité adjudicatrice» au sens de l’ordonnance 2005-649 du 6 juin 2005 ;
– l’utilisation de matériaux non conformes par les entreprises en charge de l’exécution du déplacement des canalisations, qui ont du être remplacées, traduit un manquement de la société B.E.R. Est à ses obligations contractuelles, celle ci étant chargée de la direction de l’exécution des travaux, de leur surveillance, et ayant l’obligation de vérifier le respect des normes en vigueur ; la société B.E.R. Est a également manqué à son devoir de conseil en n’informant ni du changement des matériaux utilisés ni de leur défectuosité ; elle ne peut dès lors s’exonérer de ses responsabilités en invoquant son ignorance du changement des matériaux ou leur «défaut de traçabilité» à l’origine du refus de dérogation de l’Administration ;
– tant le préjudice subi que le lien de causalité avec les fautes commises sont établis ; le «défaut de traçabilité» invoqué ne peut exonérer la société B.E.R. Est de ses responsabilités ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 février 2008, présenté pour la société B.E.R. Est ayant son siège 8 rue de Girlenhirsch BP 30012 à Illkirch (67401), par Me Karila, avocat; la société B.E.R. Est conclut au rejet de la requête et à ce que la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS soit condamnée à lui verser une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
– le juge judiciaire est seul compétent pour connaître du litige ; le contrat passé avec la CTS pour le suivi des travaux est un contrat de droit privé, passé entre deux personnes privées ; la CTS n’a pas agi pour le compte de la communauté urbaine de Strasbourg mais pour son propre compte ; ainsi qu’il résulte de l’article 19.2 du traité de concession, le financement de l’opération devra être principalement assuré par la CTS, l’intervention de l’autorité concédante se limitant au versement de subventions d’origines variées ; la preuve d’un contrôle réel des travaux par la communauté urbaine de Strasbourg n’est pas rapportée ; l’article 13 du traité de concession ne prévoit un mécanisme de subrogation qu’à l’expiration de la concession et le mécanisme de subrogation prévu à l’article 7.1 est facultatif ; en outre l’article 14 du contrat de maîtrise d’oeuvre du 11 septembre 1998 stipule bien que la communauté urbaine de Strasbourg ne sera bénéficiaire des travaux et ayant droit de l’ouvrage qu’en fin de concession ; d’ailleurs, le contrat stipulait, ce qui est révélateur, que tout litige doit être soumis au Tribunal de grande instance de Strasbourg ;
– elle n’a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles ; elle n’a pas été informée des incidents survenus entra la société Gamma fluides et la DRIRE au sujet de la conformité des canalisations et de l’intention de l’entreprise d’utiliser un autre matériel en raison du calendrier des travaux ; le marché de maîtrise d’oeuvre pour le suivi des travaux n’a en outre été passé à cet effet que le
11 septembre 1998, postérieurement à ces modifications des matériels mis en oeuvre ; elle ne s’est jamais vue confier une mission de contrôle de la conformité des matériaux utilisés aux normes en vigueur ; le premier contrat du 25 juillet 1997 ayant été «soldé» ne peut engager sa responsabilité contractuelle ; le refus de la DRIRE d’accorder une dérogation pour les tubes en coude tient au fait que leur résistance n’a pu être mesurée en l’absence de traçabilité des matériaux, circonstance qui ne peut lui être imputée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’ordonnance fixant la clôture de l’instruction le 14 février 2008 à 16 heures ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 octobre 2008 :
– le rapport de M. Devillers, premier conseiller ;
– les observations de Me Aron, avocat de la société B.E.R. Est ;
– et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Sur l’appel principal de la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS ;
Considérant que la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS demande, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la condamnation de la société B.E.R. Est à lui verser une somme de 259 963,19 euros en réparation du préjudice que lui cause l’obligation de remplacer des canalisations non-conformes posées dans le cadre des travaux de déviation des réseaux de chauffage nécessités par la réalisation de la ligne B du Tramway à Strasbourg ; qu’elle soutient que l’intimée a méconnu les obligations résultant du contrat de maîtrise d’oeuvre conclu le 11 septembre 1998 mettant à sa charge la direction et le suivi des travaux ;
Considérant qu’un contrat conclu entre personnes privées est, en principe un contrat de droit
privé ; qu’il en va toutefois autrement dans le cas où l’une des parties au contrat agit pour le compte d’une personne publique ;
Considérant que s’il est constant que les dispositions générales du traité de concession passé entre la communauté urbaine de Strasbourg et la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS le 27 décembre 1990 confèrent à l’autorité concédante un pouvoir de contrôle sur le concessionnaire et les missions qui lui sont confiées, mettent à sa charge une partie du financement des travaux, stipulent que les biens immobiliers et mobiliers construits dans le cadre de la concession seront sa propriété à l’expiration de celle ci, et que les travaux litigieux revêtent le caractère de travaux publics, ces circonstances ne sont pas, à elles seules, de nature à permettre de considérer que le contrat susmentionné, qui n’est pas relatif à des investissements majeurs pour la réalisation du tramway, pour lequel il n’est démontré ni l’implication des services, ni des financements de l’autorité concédante, ni sa participation au choix du cocontractant ou à la définition des prestations, a été conclu par la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS pour le compte de la communauté urbaine de Strasbourg ; que, les stipulations, d’ailleurs également générales, de l’avenant au traité de concession n° 11 annexe I-5 b «prise en charge financière des déviations de réseaux», en date du 13 février 2003, ou les circonstances invoquées par la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS selon lesquelles, soumise à la loi n° 82-1153 du 30 décembre 2002, elle ne dispose d’aucune autonomie pour les modalités de création et d’exploitation des lignes de tramway, ou qu’elle est désormais une «entité adjudicatrice» au sens de l’ordonnance 2005-649 du 6 juin 2005, au demeurant toutes postérieures au contrat litigieux, sont en tout état de cause sans incidence sur cette appréciation ;
Considérant que, par suite, la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur les conclusions incidentes de la société B.E.R. Est :
Considérant que l’appel exercé par la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS à l’encontre du jugement susvisé ne présente pas un caractère abusif ; que les conclusions indemnitaires formulées à ce titre par la société B.E.R. Est ne peuvent donc, en tout état de cause, qu’être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société B.E.R. Est, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société B.E.R. Est et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS et l’appel incident de la société B.E.R. Est sont rejetés.
Article 2 : La COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS versera une somme de 1 500 euros à la société B.E.R. Est au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS et à la société B.E.R. Est.