REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu, 1°, sous le n° 306061, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 30 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE SCREG EST, dont le siège est Route de Saint-Quentin à Ham (80400) ; la SOCIETE SCREG EST demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 27 mars 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 29 décembre 2005 par lequel le tribunal administratif d’Amiens l’a condamnée, conjointement et solidairement avec la commune d’Amiens et la communauté d’agglomération Amiens métropole, à indemniser Mme Madeleine B et Mlle Myriam B, des préjudices liés aux désordres affectant leur maison d’habitation, et à garantir la commune d’Amiens et la communauté d’agglomération Amiens métropole des deux cinquièmes des condamnations prononcées à leur encontre ;
Vu, 2°, sous le n° 306062, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 30 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE SCREG EST, dont le siège est Route de Saint-Quentin à Ham (80400) ; la SOCIETE SCREG EST demande au Conseil d’Etat, par les mêmes moyens que ceux qui sont présentés à l’appui de la requête n°306061, d’annuler l’arrêt du 27 mars 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 29 décembre 2005 par lequel le tribunal administratif d’Amiens l’a condamnée, conjointement et solidairement avec la commune d’Amiens et la communauté d’agglomération Amiens métropole, à indemniser M. A, des préjudices liés aux désordres affectant une maison d’habitation lui appartenant, et à garantir la commune d’Amiens et la communauté d’agglomération Amiens métropole des deux cinquièmes des condamnations prononcées à leur encontre ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Richard Senghor, Maître des Requêtes,
– les observations Me Le Prado, avocat de la SOCIETE SCREG EST et de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la commune d’Amiens et de la communauté d’agglomération Amiens métropole,
– les conclusions de Mme Isabelle de Silva, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Le Prado, avocat de la SOCIETE SCREG EST et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la commune d’Amiens et de la communauté d’agglomération Amiens métropole ;
Considérant que les pourvois n° 306061 et n° 306062 sont dirigés contre deux arrêts relatifs aux conséquences du même dommage et présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme et Mlle B, d’une part, et M. A, d’autre part, ont constaté en 1999 l’apparition de désordres affectant les façades et le mur mitoyen de leurs immeubles respectifs, rue de Castille à Amiens ; que l’instruction a révélé que ces désordres étaient notamment imputables à des travaux de réfection du réseau d’assainissement menés en 1993 ; qu’en vue de la réparation des dommages subis, les victimes ont recherché la responsabilité solidaire de la commune d’Amiens et de la communauté d’agglomération Amiens métropole, d’une part, et de la SOCIETE SCREG EST, d’autre part, à raison du marché de travaux publics que cette dernière a exécuté en 1993 pour le compte de ces deux personnes publiques aux fins de procéder au remplacement d’une partie du réseau d’eau ; que les deux personnes publiques et la société requérante se sont mutuellement appelées en garantie ; que par deux jugements du 29 décembre 2005, le tribunal administratif d’Amiens a accueilli les conclusions des victimes et, dans l’un et l’autre cas, d’une part, a condamné la SOCIETE SCREG EST à garantir les deux personnes publiques à hauteur des deux cinquièmes du montant des condamnations prononcées et, d’autre part a fait droit, à hauteur des trois cinquièmes restant, à l’appel en garantie de la SOCIETE SCREG EST contre ces mêmes personnes ; que par deux arrêts distincts du 27 mars 2007, la cour administrative d’appel de Douai a rejeté les requêtes d’appel de la SOCIETE SCREG EST ainsi que l’appel incident de M. A, et partiellement accueilli l’appel incident de Mme et Mlle B tendant à ce que le montant du préjudice soit réévalué ; que la société requérante se pourvoit en cassation contre ces arrêts en tant qu’il lui font grief ;
Sur les arrêts attaqués en tant qu’ils retiennent la responsabilité solidaire de la SOCIETE SCREG EST vis-à-vis des victimes :
Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d’appel de Douai, qui n’était pas tenue de répondre à tous les arguments de la SOCIETE SCREG EST, en relevant que celle-ci admettait avoir participé activement aux travaux d’expertise et qu’aucun élément du dossier n’avait été soustrait à sa connaissance, a suffisamment motivé son arrêt ; qu’à supposer même, comme le prétend la requérante, que le rapport d’expertise n’ait pas complètement repris ses dires, la cour n’a pas méconnu le principe du contradictoire en retenant les conclusions de l’expert, dès lors que les éléments sur lesquels les juges du fond se sont fondés avaient été soumis au débat contradictoire devant eux ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’en jugeant, après avoir relevé dans sa décision, sans dénaturer les pièces du dossier, que les conditions dans lesquelles la société requérante a réalisé des travaux en exécution d’un marché conclu en juillet 1993 avec la commune d’Amiens ont détérioré le réseau d’assainissement, suite, en particulier, à une négligence non contestée par la société requérante, qu’un lien direct de causalité était établi entre l’intervention de cette dernière et les désordres ayant affecté les immeubles respectifs de M. et Mme B et de M. A, la cour n’a pas donné une qualification juridique erronée aux faits ainsi énoncés, ni n’a entaché son arrêt de contradiction de motifs ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE SCREG EST n’est pas fondée à demander l’annulation des arrêts attaqués en tant qu’ils l’ont condamnée solidairement à indemniser, d’une part Mme et Mlle B et, d’autre part, M. A ;
Sur les arrêts attaqués en tant qu’ils statuent sur les conclusions en garantie :
Considérant que la SOCIETE SCREG EST soutient que la réception sans réserve des travaux par le maître d’ouvrage a mis un terme à leurs rapports contractuels et que, par suite, seule sa responsabilité décennale pouvait être recherchée ;
Considérant que la fin des rapports contractuels entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d’un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l’entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d’ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n’étaient ni apparents ni connus à la date de la réception ; qu’il n’en irait autrement que dans le cas où la réception n’aurait été acquise à l’entrepreneur qu’à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ; que toutefois, si le dommage subi par le tiers trouve directement son origine dans des désordres affectant l’ouvrage objet du marché, la responsabilité de l’entrepreneur envers le maître d’ouvrage peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les dommages allégués résultent des infiltrations d’eaux pluviales qui avaient pour origine l’absence de piquage d’évacuation entre les immeubles endommagés et le collecteur d’eaux pluviales ; que la commune d’Amiens a passé un marché de travaux publics avec la SOCIETE SCREG EST en 1993 en vue du remplacement de canalisations d’eau potable et d’eaux pluviales dans la rue de Castille ; que ces travaux ont fait l’objet d’une réception définitive sans réserve en 1994 ;
Considérant que, pour condamner la SOCIETE SCREG EST à garantir les personnes publiques responsables à hauteur des deux cinquièmes des condamnations mises à leur charge, la cour s’est fondée sur la circonstance que, dans cette mesure, les désordres trouvaient leur origine, non dans un ouvrage ayant fait l’objet d’une réception définitive dans le cadre du marché, mais dans des dégradations, lors de la réalisation des travaux, d’autres éléments du réseau d’eaux usées ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si les conditions de la responsabilité décennale de la SOCIETE SCREG EST étaient réunies, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; que, par suite, la SOCIETE SCREG EST est fondée à demander l’annulation des arrêts attaqués en tant qu’ils rejettent ses conclusions contre les jugements qui l’ont condamnée à garantir la commune d’Amiens et la communauté d’agglomération Amiens métropole des condamnations prononcées contre elles à hauteur de deux cinquièmes, et par voie de conséquence, n’ont fait droit qu’à hauteur des trois cinquièmes aux conclusions en garantie qu’elle avait présentées à l’encontre de ces personnes publiques ;
Considérant, qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce et dans les limites de l’annulation partielle prononcée par la présente décision, de régler l’affaire au fond par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, parmi les travaux réalisés par la société requérante au titre de l’exécution du marché passé en 1993, figurait le remplacement d’un collecteur d’eaux pluviales d’un diamètre de 800 mm ; qu’au cours de l’exécution de ces mêmes travaux, une canalisation d’eau pluviale reliant les branchements des habitations de Mme et Mlle B, ainsi que de M. A, au collecteur, n’a pas été replacée ; que cette carence, entièrement imputable à la SOCIETE SCREG EST, a rendu l’ouvrage ainsi remplacé impropre à sa destination ; que, par suite, cette circonstance est au nombre de celles qui peuvent être invoquées à bon droit par la commune d’Amiens et la communauté d’agglomération d’Amiens métropole à l’appui de leur appel en garantie dirigé à l’encontre de la société requérante à raison de la mise en jeu de sa responsabilité sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ; que, dans la mesure où il résulte de l’instruction que les désordres ont, dans la proportion retenue par le tribunal administratif, concourus aux dommages subis par les requérants, la SOCIETE SCREG EST n’est pas fondée à demander l’annulation des jugements attaqués en tant qu’ils ont partiellement fait droit à l’appel en garantie de la commune d’Amiens et la communauté d’agglomération d’Amiens métropole, et par voie de conséquence, limité ses propres conclusions en garantie à l’égard de ces deux personnes publiques ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de SOCIETE SCREG-EST le versement de la somme de 7 000 euros que demandent la commune d’Amiens et la communauté d’agglomération Amiens métropole au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts du 27 mars 2007 de la cour administrative d’appel de Douai sont annulés en tant qu’ils rejettent les conclusions de la SOCIETE SCREG EST tendant à être totalement garantie par la commune d’Amiens et la communauté d’agglomération Amiens métropole.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE SCREG EST devant le Conseil d’Etat et ses conclusions en garantie devant la cour administrative de Douai, sont rejetés.
Article 3 : La SOCIETE SCREG EST versera une somme de 3 500 euros à la commune d’Amiens et une somme de 3 500 euros à la communauté d’agglomération Amiens métropole en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SCREG EST, au maire d’Amiens, au président de la communauté d’agglomération Amiens métropole, à Mme Madeleine B, à Mlle Myriam B et à M. Jacques A.