REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 20 et 22 janvier 1998, présentés pour la SOCIETE ATHIS dont le siège est … ; la SOCIETE ATHIS demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 décembre 1997 par laquelle la Commission des opérations de bourse lui a retiré son agrément en qualité de société de gestion de portefeuille ;
2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 15 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu l’ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 modifiée ;
Vu la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières ;
Vu le décret n° 90-263 du 23 mars 1990 ;
Vu les règlements de la Commission des opérations de bourse n° 89-04 et n° 96-02 homologués par arrêté du ministre de l’économie et des finances du 24 décembre 1996 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de Mme Legras, Auditeur,
– les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de la SOCIETE ATHIS,
– les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par la décision attaquée, la Commission des opérations de bourse a retiré l’agrément qu’elle avait délivré à la SOCIETE ATHIS en qualité de société de gestion de portefeuille ;
Considérant qu’il résulte des dispositions du I de l’article 19 de la loi du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières que la Commission des opérations de bourse peut prononcer le retrait d’agrément d’une société de gestion de portefeuille « lorsque la société ne remplit plus les conditions auxquelles l’agrément est subordonné, lorsqu’elle n’a pas fait usage de son agrément dans un délai de douze mois ou lorsqu’elle n’exerce plus son activité depuis au moins six mois ou lorsque la poursuite de son activité est de nature à porter atteinte aux intérêts des investisseurs », ce qui doit s’entendre comme visant le cas où les conditions de gestion de la société auraient de telles conséquences ; que le II du même article prévoit que la radiation d’une société de gestion de portefeuille peut également être prononcée par la Commission des opérations de bourse « à titre de sanction disciplinaire » cependant que, selon le II de l’article 71 de la même loi, les sociétés de gestion de portefeuille qui ont manqué à leurs obligations professionnelles définies par les lois et règlements en vigueur » peuvent faire l’objet, de la part de la commission, de sanctions au nombre desquelles figure « l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services financiers », laquelle emporte, selon le cas, suspension ou retrait de l’agrément ;
Considérant que pour retirer à la SOCIETE ATHIS son agrément pour exercer l’activité de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, la Commission des opérations de bourse s’est fondée, à titre principal, sur le fait que cette société ne justifiait pas disposer de fonds propres du niveau réglementaire puisqu’elle s’était abstenue de lui communiquer, conformément à la demande qu’elle lui avait adressée, sa situation financière au 15 juillet 1997 attestée par son commissaire aux comptes ; que la poursuite de son activité par une société qui n’établit pas qu’elle respecte ses obligations prudentielles est de nature à porter atteinte aux intérêts des investisseurs ; qu’en prenant la décision attaquée, la Commission des opérations de bourse n’a pas entendu sanctionner un manquement de la société à ses obligations mais, dans l’intérêt du bon fonctionnement du marché, assurer la sécurité des investisseurs ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie par la Commission des opérations de bourse :
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
Considérant que s’il résulte de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qu’une autorité administrative qui, eu égard à sa nature, à sa composition et à ses attributions, peut être qualifiée de tribunal au sens de ces stipulations ne peut valablement se saisir elle-même de certains faits de nature à motiver une sanction qu’à la condition que l’acte par lequel elle décide de se saisir ne donne pas à penser que les faits visés sont d’ores et déjà établis ou que leur caractère répréhensible au regard des règles ou principes à appliquer est d’ores et déjà reconnu, la Commission des opérations de bourse, par la décision attaquée, n’a, ainsi qu’il vient d’être dit, infligé à la SOCIETE ATHIS aucune sanction, mais s’est bornée, dans l’intérêt du bon fonctionnement du marché, à retirer à cette société l’agrément dont elle bénéficiait ;
Considérant, il est vrai, que la SOCIETE ATHIS soutient également que l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales serait applicable au litige dès lors que la mesure contestée porte atteinte à ses droits et obligations de caractère civil ; que, toutefois, ces stipulations, sous réserve de ce qui a été dit ci-dessus, n’énoncent aucune règle ou aucun principe dont le champ d’application s’étendrait au-delà des procédures contentieuses suivies devant les juridictions et qui gouvernerait l’élaboration ou le prononcé de décisions par les autorités administratives qui en sont chargées par la loi ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise sans respecter les exigences de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est inopérant ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’impartialité :
Considérant que la SOCIETE ATHIS fait valoir que la Commission des opérations de bourse aurait manqué au principe général d’impartialité qui s’impose à l’ensemble des autorités administratives en prenant parti par avance sur les faits susceptibles de justifier la mesure envisagée ; que, toutefois, la mesure contestée ne pouvait légalement être prise par la Commission des opérations de bourse sans que la SOCIETE ATHIS ait été mise à même de discuter les faits retenus à son encontre ; qu’ainsi, en les lui notifiant, la Commission des opérations de bourse s’est bornée à satisfaire aux exigences du principe du respect des droits de la défense ;
Sur les moyens tirés de la méconnaissance des règles fixées par l’ordonnance du 28 septembre 1967 et la loi du 2 juillet 1996 :
Considérant qu’aux termes de l’article 5 B de l’ordonnance du 28 septembre 1967 modifiée : « Afin d’assurer l’exécution de sa mission, la Commission des opérations de bourse dispose d’enquêteurs habilités par le président selon des modalités fixées en Conseil d’Etat./ Les enquêteurs peuvent, pour les nécessités de l’enquête, se faire communiquer tous documents, quel qu’en soit le support et en obtenir la copie. Ils peuvent convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations. Ils peuvent accéder aux locaux à usage professionnel » ; que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE ATHIS, la Commission des opérations de bourse n’avait pas l’obligation de lui faire connaître les motifs de l’ouverture d’une enquête la concernant le 1er octobre 1996 ;
Considérant que, par courrier en date du 18 juin 1997, la Commission des opérations de bourse a exposé à la SOCIETE ATHIS les motifs pour lesquels elle envisageait de procéder au retrait de son agrément en qualité de société de gestion de portefeuille ; que, par ce même courrier, la Commission des opérations de bourse a invité la SOCIETE ATHIS à présenter par écrit ses observations éventuelles dans le délai d’un mois ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que de nombreux courriers ont été échangés entre la Commission des opérations de bourse et la SOCIETE ATHIS tant pendant le déroulement de l’enquête que lors de la procédure du retrait d’agrément ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ATHIS n’est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise à la suite d’une procédure irrégulière sans qu’aient été respectés les droits de la défense ;
Considérant que si la SOCIETE ATHIS soutient que l’absence de communication du rapport d’enquête a vicié la procédure, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée ne se fonde que sur des éléments ayant été discutés lors de la procédure préalable au retrait d’agrément ; que, dès lors, l’absence de communication, dans son intégralité, du rapport d’enquête est sans incidence sur le caractère contradictoire de la procédure ;
Considérant qu’aux termes du I de l’article 16 de la loi du 2 juillet 1996 : « Il est institué un comité consultatif de la gestion financière qui comprend sept membres nommés pour quatre ans par arrêté du ministre chargé de l’économie et des finances ( …) » ; que selon le II du même article : « Ce comité émet un avis sur l’agrément délivré par la Commission des opérations de bourse concernant les sociétés de gestion de portefeuille./ Il émet également un avis sur l’approbation des programmes d’activité délivrée par la Commission des opérations de bourse en application de l’article 11 de la présente loi./ Ce comité est consulté par la Commission des opérations de bourse pour l’établissement du règlement visé au dernier alinéa de l’article 15 ainsi que pour toute disposition de caractère réglementaire touchant aux activités de gestion de portefeuille » ;
Considérant que la Commission des opérations de bourse a, alors qu’elle n’y était pas tenue, recueilli l’avis du comité consultatif de la gestion financière, avant de prononcer la décision attaquée ; que cet avis, émis le 27 novembre 1997, pouvait légalement être rendu hors la présence des représentants de la SOCIETE ATHIS ; que s’il ne leur a pas été communiqué, il ressort des pièces du dossier qu’il ne comprenait pas d’éléments qui n’avaient pas été discutés par la SOCIETE ATHIS ; qu’ainsi, ni l’absence de communication de cet avis à la SOCIETE ATHIS, ni les prétendues irrégularités dont il serait entaché, sur lesquelles la société requérante ne donne aucune précision, ne sont de nature à vicier la procédure suivie par la Commission des opérations de bourse ;
En ce qui concerne la légalité interne de la décision de la Commission des opérations de bourse :
Considérant qu’aux termes de l’article 6 du règlement n° 96-02 de la Commission des opérations de bourse, homologué par arrêté du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 24 décembre 1996 publié au Journal officiel du 29 décembre 1996 : « Lors de l’agrément d’une société de gestion et au cours du premier exercice, le capital social est égal au plus élevé des deux montants suivants : 350 000 F ou le quart des frais généraux annuels prévisionnels. Le capital social minimum d’une société de gestion doit être entièrement libéré en numéraire. Au cours des exercices suivants, la société de gestion doit pouvoir justifier à tout moment d’un niveau de fonds propres au moins égal au plus élevé des deux montants suivants : 350 000 F ou le quart des frais généraux annuels de l’exercice précédent » ;
Considérant qu’après avoir constaté que la SOCIETE ATHIS avait eu des fonds propres négatifs à plusieurs reprises, la Commission des opérations de bourse lui a demandé de justifier du respect des dispositions susanalysées ; que la SOCIETE ATHIS a refusé de produire une situation comptable au 15 juillet 1997, attestée par son commissaire aux comptes, que la Commission lui avait demandée ; que, dès lors, la Commission des opérations de bourse n’était pas en mesure de vérifier que la société requérante respectait les prescriptions posées par l’article 6 du règlement n° 96-02 ; qu’en retenant ce motif pour décider de lui retirer son agrément, la Commission des opérations de bourse, qui n’a pas commis d’erreur de fait en considérant que la SOCIETE ATHIS n’avait pas donné suite à ses demandes, s’est fondée sur des éléments qui étaient de nature à justifier légalement sa décision ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE ATHIS n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision qu’elle attaque ;
Sur les conclusions relatives au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la SOCIETE ATHIS la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE ATHIS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ATHIS, à la Commission des opérations de bourse et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.