Massot, rapp. ; Fournier, c. du g.
Requête de la Société Navigator, tendant à l’annulation de la sentence arbitrale par laquelle la Commission régionale des dommages de guerre de Marseille a, le 3 mai 1962, confirmé la sentence arbitrale rendue le 7 juillet 1961 par la commission d’arrondissement des dommages de guerre de Nice rejetant sa demande relative au yacht « Vellela II » lui appartenant et sinistré par faits de guerre ;
Vu la loi du 28 octobre 1946 ; l’accord franco-monégasque du 25 mars 1954 ; la loi du 28 juillet 1962 et le décret du 13 juillet 1963 ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Considérant que, pour dénier à la Société Navigator, société de nationalité monégasque, tout droit à indemnité à raison de la destruction par faits de guerre dans un port français du yacht dont elle est propriétaire, la Commission régionale des dommages de guerre de Marseille s’est fondée sur les dispositions de l’accord franco-monégasque en matière de réparation de dommages de guerre du 225 mars 1954, aux termes desquelles « les dommages causés aux navires et aux bateaux « de pêche… sont exclus du champ d’application de l’accord » ;
Cons. qu’il résulte des articles 26 et 28 de la Constitution du 27 octobre 1946 alors en vigueur, que les traités diplomatiques n’ont force de loi que s’ils ont été régulièrement ratifiés et publiés ; que, dans le cas d’un accord dit « en forme simplifiée », c’est-à-dire négocié sans que le Président de la République ait eu à délivrer de pleins pouvoirs, la ratification exigée par la Constitution doit être entendue comme une simple approbation donnée par le chef de l’État ; que cette approbation peut notamment résulter de la signature par le Président de la République d’un décret de publication dudit accord au Journal officiel de la République française ;
Cons. que, si les dispositions de l’échange de lettres en date du 25 mars 1954 portant accord entre la France et la Principauté de Monaco et prévoyant notamment l’indemnisation des dommages de guerre subis en France par les ressortissants monégasques ont été publiés au Journal officiel du 15 juin 1954, il est constant que cette publication n’a pas fait objet d’un décret signé du Président de la République ; qu’à défaut de toute intervention du chef de l’État, ledit échange de lettres ne saurait donc être regardé comme régulièrement ratifié et publié au sens de la Constitution du 27 octobre 1946 ; que, par suite, les juges du fond n’ont pu légalement en faire application à la société requérante ;
Cons. qu’il suit de là qu’en absence de toute mesure ayant eu pour effet d’introduire ledit échange de lettres dans l’ordre juridique interne français et à défaut de toute autre disposition d’un accord régulièrement ratifié et publié passé entre la France et la Principauté du Monaco, les droits de la Société Navigator à la réparation du dommage résultant pour elle de la perte de son yacht ne pouvaient être appréciés qu’en fonction des dispositions de la loi du 28 octobre 1946 ; que, sous réserve de conventions internationales intervenues ou à intervenir, l’article 11 de ce texte exclut formellement du bénéfice de la législation sur les dommages de guerre toutes les personnes physiques ou morales de nationalité étrangère ; que, dès lors, la société requérante ne pouvait légalement prétendre à aucune réparation du préjudice qu’elle invoquait ; que ce moyen, d’ordre public, doit être soulevé d’office par le juge de cassation et substitué par lui au motif juridiquement erroné retenu par la décision attaquée de la Commission régionale des dommages de guerre de Marseille, dont il justifie légalement le dispositif ; que la Société Navigator ne peut donc utilement demander l’annulation de ladite décision ;… (Rejet).