Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 2 octobre 2002
N° de pourvoi: 00-14029
Non publié au bulletin
Rejet
Président : M. WEBER, président
REPUBLIQUE FRANCAISE
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Donne acte à la société civile immobilière (SCI) du Domaine de Cuiros et à la société Forestière du Jabron du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la SCP Postillon-Ouaknine-Domenge et M. X… ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 janvier 2000), que, suivant acte authentique du 27 juin 1970, Gabriel Y… a fait donation entre vifs, à titre de partage anticipé, à ses quatre enfants Auguste, Raymond, Aimé et Roger de diverses propriétés, étant précisé à l’acte qu’il était fait réserve expresse au profit du donateur et des donataires du droit de chasse sur les propriétés objet de la donation-partage, ce droit devant profiter réciproquement aux donataires ainsi qu’au donateur, leur vie durant ; que par deux actes notariés du 24 septembre 1988, M. Roger Y… a vendu à la SCI du Domaine du Cuiros, d’une part, à la société Forestière du Jabron, d’autre part, la majorité des parcelles qui lui avaient été attribuées ; que les consorts Auguste, Raymond et Aimé Y… ont assigné les sociétés acquéreurs pour faire reconnaître leur droit de chasse et obtenir le libre accès aux parcelles sur lesquelles il devait s’exercer ; que ces sociétés ont appelé en garantie M. Roger Y… ;
Attendu que la SCI du Domaine de Cuiros et la société Forestière du Jabron font grief à l’arrêt d’accueillir la demande des consorts Y… et de les condamner à payer à chacun d’eux des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1 / que la concession d’un droit de chasse ne saurait avoir le caractère d’une servitude réelle, car le fonds en faveur duquel il est accordé n’en recueille aucune utilité, et le profit ou l’agrément que ce droit peut amener ne concerne que la personne du propriétaire du fonds et non le fonds lui-même ; qu’en décidant cependant que le droit de chasse de MM. Auguste Y…, Raymond Y… et Aimé Y… était un droit réel d’usage viager, attaché au fonds, et en conséquence que ce droit était opposable à la SCI du Domaine du Cuiros ainsi qu’à la société Forestière de Jabron, acquéreurs des parcelles litigieuses, la cour d’appel a violé les articles 637 et 686 du Code civil ;
2 / que l’aveu est un acte strictement personnel qui doit émaner de la partie à laquelle on l’oppose ; qu’en décidant que la SCI du Domaine du Cuiros et la société Forestière de Jabron avaient parfaitement admis le principe de l’exercice du droit de chasse sur leurs parcelles, puisque leur locataire, la SCEA Les Granges, avait reconnu que l’acte de donation-partage conférait un droit de chasse aux enfants de Gabriel Y…, la cour d’appel a violé l’article 1354 du Code civil ;
3 / que l’aveu ne peut être retenu que s’il porte sur des points de fait et non sur des points de droit ; qu’en décidant que la SCI du Domaine du Cuiros et la société Forestière de Jabron avaient parfaitement admis l’existence d’un droit de chasse au profit de MM. Auguste, Raymond et Aimé Y…, la cour d’appel a violé l’article 1354 du Code civil ;
Mais attendu qu’ayant exactement relevé que le droit de chasse concédé par l’acte de partage du 27 juin 1970 revêtait le caractère, non pas d’un droit de chasser conféré à titre personnel, mais d’un attribut de droit de propriété s’analysant en un droit réel d’usage viager attaché au fonds, que l’acte de partage avait été régulièrement publié et qu’il en était fait mention dans les deux actes de vente du 24 septembre 1988, la cour d’appel, abstraction faite de motifs surabondants, a justement retenu que ce droit de chasse était opposable aux sociétés acquéreurs des parcelles concernées ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que la cour d’appel a relevé que les sociétés acquéreurs étaient censées avoir eu connaissance de la situation du bien acquis au regard du droit de chasse, non seulement par la publication de l’acte de partage, mais encore du fait de l’intervention des trois frères Y… et de Gabriel Y… aux actes d’acquisition auxquels avait été expressément visé et annexé le pouvoir donné par ce dernier le 26 janvier 1988 et qui mentionnait expressément que « Gabriel Y… se réserve également pour lui-même ainsi que pour les donataires à l’acte susvisé du 27 juin 1970 le droit de chasse prévu aux conditions dudit acte » ; qu’en l’état de ces énonciations et constatations, d’où il résultait que le droit de chasse conféré aux consorts Y… avait bien été révélé et réservé par un acte annexé à la vente et visé par celle-ci, la cour d’appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne, ensemble, la SCI du Domaine de Cuiros et la société Forestière du Jabron aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, la SCI du Domaine de Cuiros et la société Forestière du Jabron à payer aux consorts Auguste, Raymond et Aimé Y…, ensemble, la somme de 1 900 euros ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la SCI du Domaine de Cuiros et de la société Forestière du Jabron ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille deux.