REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée à son secrétariat le 11 juin 1996, la lettre par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant la société Datasport à la Ligue Nationale de Football, devant la cour d’appel de Paris ;
Vu le déclinatoire présenté le 5 mars 1996 par le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris, tendant à voir déclarer la juridiction de l’ordre judiciaire incompétente, par le motif que la décision d’informatiser par un système unique la billetterie des clubs disputant les championnats de football professionnel de première et deuxième divisions procède de la mission de service public dévolue à la Ligue Nationale de Football ;
Vu l’arrêt, en date du 16 avril 1996, par lequel la cour d’appel de Paris, statuant sur le recours formé par la Ligue Nationale de Football contre une décision du Conseil de la concurrence, a rejeté le déclinatoire, et renvoyé l’affaire au 14 mai 1996 ;
Vu l’arrêté, en date du 29 avril 1996, par lequel le préfet a élevé le conflit ;
Vu l’arrêt, en date du 24 mai 1996, par lequel la cour d’appel de Paris a sursis à toute procédure judiciaire « jusqu’à ce que le Tribunal des conflits ait statué ou jusqu’à l’expiration des délais prévus par l’article 7 de l’ordonnance du 12 mars 1831 » ;
Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l’ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l’ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu la loi du 16 juillet 1984, relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, et l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Guerder, membre du Tribunal,
– les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la Ligue Nationale de Football et de Me Foussard, avocat de la Société Datasport,
– les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Maître des Requêtes, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la Ligue Nationale de Football, délégataire de la Fédération Française de Football pour l’organisation des championnats de France professionnels, avait autorisé l’expérimentation de trois systèmes informatisés de billetterie, à Toulouse par la société Sei, à Monaco par la société Monacosoft, à Paris par la société Datasport ; que par lettre du 7 mai 1993, elle a fait connaître aux présidents des clubs de première division appelés à participer à ces compétitions son intention de mettre en oeuvre un système unique de billetterie informatique, à partir d’un logiciel source dont elle envisageait l’acquisition ; que par contrat du 16 juin 1993, la Ligue Nationale de Football a acquis, auprès de la société Monacosoft, le droit d’exploitation du logiciel « Ticketfoot », destiné à être utilisé de façon exclusive par les clubs de première et deuxième divisions ; que par délibération de son conseil d’administration du 21 avril 1994, la Ligue Nationale de Football a confirmé sa décision « de n’autoriser l’exploitation que du seul système « Ticketfoot » pour la gestion et l’édition informatisée de la billetterie des compétitions disputées par les clubs de la Ligue Nationale de Football », à l’exception du club Paris Saint-Germain ;
Considérant qu’en application des articles 16 et 17 de la loi du 16 juillet 1984, ainsi que du décret du 13 février 1985 modifié, la Ligue Nationale de Football participe à l’exécution d’une mission de service public, en assurant l’organisation des championnats de France de première et deuxième divisions ; qu’aux termes de l’article 364 du règlement administratif des championnats de France, « les clubs doivent utiliser pour chaque catégorie de places, des carnets à souches de tickets numérotés fournis ou autorisés par la Ligue Nationale de Football » ; que par arrêté du 8 mars 1993, le ministre du budget a précisé les conditions d’utilisation de systèmes informatisés de billetterie par les organisateurs de réunions sportives ;
Considérant que si l’acquisition d’un logiciel par la Ligue Nationale de Football auprès de la société Monacosoft peut être regardée comme une convention passée entre personnes privées, la décision d’unifier, par ce logiciel, la billetterie informatique des clubs participant aux manifestations sportives organisées par la Ligue Nationale de Football ressortit aux pouvoirs d’administration et aux prérogatives de puissance publique qui ont été conférés à ce groupement par l’article 364 susvisé ; que dès lors, la délibération du conseil d’administration de la Ligue Nationale de Football, en date du 21 avril 1994, désignant le système informatique de gestion et d’édition de la billetterie des compétitions disputées sous l’autorité et le contrôle dudit groupement par les clubs de première et deuxième divisions professionnelles, a été prise dans le cadre de la mission de service public assignée à la Ligue Nationale de Football, et relève de l’exercice d’une prérogative de puissance publique ; qu’elle ne constitue pas, en conséquence, une activité de production, de distribution ou de services, à laquelle s’appliqueraient les règles de l’ordonnance du 1er décembre 1986, et qu’il n’appartient qu’à la juridiction administrative d’en apprécier la validité ;
Article 1er : L’arrêté de conflit pris le 29 avril 1996 par le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris, est confirmé.
Article 2 : La procédure suivie devant le Conseil de la concurrence, et la cour d’appel de Paris, et l’arrêt rendu par ladite cour d’appel le 16 avril 1996, sont déclarés nuls et non avenus.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d’en assurer l’exécution.