REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée le 15 février 2010, présentée pour M. Hany A domicilié … ;
M. A demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0708691 du 15 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d’une part, à l’annulation de la sanction prononcée le 19 octobre 2007 par laquelle le directeur de l’établissement pour mineurs de Meyzieu lui a infligé une sanction disciplinaire de privation de téléviseur pendant dix jours assortie d’un sursis de trois mois, ensemble, de la décision du directeur interrégional de l’administration pénitentiaire de Lyon rejetant son recours gracieux, d’autre part, à ce que l’annulation juridictionnelle soit notifiée au juge d’application des peines ;
2°) le cas échéant, après expertise sur les conduites addictives, d’annuler pour excès de pouvoir les sanctions prononcées par le directeur de l’établissement pour mineurs de Meyzieu et le directeur interrégional de l’administration pénitentiaire de Lyon ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A soutient que la sanction contestée étant prévue par l’article D. 251-1-1 du code de procédure pénale, elle constitue nécessairement un acte faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; qu’en outre, une sanction disciplinaire a des conséquences sur la durée de la peine ; qu’elle porte atteinte aux droits du détenu qui en fait l’objet ; que l’absence de possibilité de recours méconnaît les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 8 septembre 2010 par lequel le Garde des Sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête ;
Le Garde des Sceaux, ministre de la justice soutient que la seule circonstance qu’une sanction est prévue par le code de procédure pénale n’a pas d’incidence sur sa nature ; que, eu égard à l’absence d’effets sur la situation du détenu, la sanction litigieuse a la portée d’une mesure d’ordre intérieur, non susceptible d’être déférée par la voie du recours pour excès de pouvoir ; que la privation de téléviseur, appareil mis gratuitement à disposition de l’intéressé, n’a pas eu d’incidence pécuniaire ; que le sursis dont elle était assortie n’a pas été révoqué ; que les retraits de remise de peine ne sont pas prononcés de manière automatique par le juge d’application des peines ; qu’en tout état de cause, de tels effets ne pouvaient concerner M. A qui, à la date de la sanction, n’était pas condamné ;
Vu le mémoire enregistré le 3 décembre 2010 par lequel M. A conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, sur le fond du litige, que la sanction n’est matérialisée par aucun document ; qu’elle est nécessairement dépourvue de motivation au sens de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que ses parents, alors ses représentants légaux, n’ont pas été rendus destinataires de la convocation en commission de discipline et n’ont pas reçu notification de la sanction ; que le juge des enfants saisie de son dossier n’en a pas non plus été informée ; que la détention de tabac, qui constitue le motif de la sanction, n’est pas interdite par les textes régissant le fonctionnement de l’administration pénitentiaire ; que le règlement intérieur qui l’interdit, n’ayant pas été communiqué, est inopposable ; que l’interdiction de fumer dans les lieux publics, telle qu’instituée par l’ordonnance du 23 mai 2006 ne vise pas les lieux d’enfermement ; que la substitution de base légale demandée par le Garde des Sceaux, ministre de la justice ne peut prospérer dès lors que l’article D. 347 du code de procédure pénale instituant une interdiction générale de fumer dans les locaux pénitentiaires méconnait le champ d’application définit par les disposition du code de la santé publique, présente un caractère disproportionné et méconnaît l’article14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu la lettre par laquelle les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d’office l’irrecevabilité de la demande d’annulation dirigée contre la sanction prononcée le 19 octobre 2007 par le directeur de l’établissement pour mineurs de Meyzieu, à laquelle s’est substituée la décision prise le 3 décembre 2007 par le directeur interrégional de l’administration pénitentiaire de Lyon ;
Vu le mémoire enregistré le 12 avril 2011 par lequel M. A conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et, en réplique à la communication accomplie en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, soutient que la demande d’annulation présentée contre la décision du directeur d’établissement est la seule voie de droit permettant d’assurer l’effectivité du droit au recours proclamée par l’article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le mémoire enregistré le 22 avril 2011 par lequel le Garde des Sceaux, ministre de la justice conclut au mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 avril 2011 :
– le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;
– les observations de Me Madignier, représentant M. A ;
– et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée à Me Madignier ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu’aux termes de l’article D. 249-3 du code de procédure pénale : Constitue une faute disciplinaire du troisième degré le fait, pour un détenu : (…) 5° de ne pas respecter les dispositions du règlement intérieur de l’établissement (…) ; qu’aux termes de l’article D. 251-1-1 du même code : Lorsque le détenu est mineur, les sanctions disciplinaires sont prononcées en considération de son âge, de sa personnalité et de son degré de discernement. / Peuvent être prononcées, quelle que soit la faute commise, les sanctions suivantes : (…) 3° La privation pendant une durée maximum de quinze jours de tout appareil audiovisuel dont il a l’usage personnel (…) ;
Considérant, en premier lieu, que pour déterminer si une mesure prise par l’administration pénitentiaire à l’égard d’un détenu constitue un acte administratif susceptible de recours pour excès de pouvoir, il y a lieu d’apprécier sa nature et son incidence sur la situation du détenu, indépendamment du motif sur lequel cette mesure repose ; que la privation de téléviseur pendant une durée de 10 jours, au surplus assortie d’un sursis, n’a entraîné que peu d’effets sur les conditions de détention de M. A alors même qu’elle sanctionnait la méconnaissance de l’interdiction de fumer dans l’établissement qui, n’étant pas l’objet mais le motif de la mesure, ne saurait entrer en ligne de compte dans l’appréciation du caractère décisoire de celle-ci ;
Considérant, en second lieu, qu’à raison de sa portée effective, la sanction litigieuse n’a pas porté d’atteinte à une situation juridiquement protégée ; que, par suite, M. A ne saurait utilement soutenir que l’absence de reconnaissance du caractère décisoire de ladite mesure porterait atteinte à son droit à un procès équitable et à un recours effectif protégé par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le Tribunal a pu régulièrement rejeter comme irrecevable la demande d’annulation de la sanction prononcée le 19 octobre 2007 par le directeur de l’établissement pour mineurs de Meyzieu, à laquelle s’est substituée la décision prise le 3 décembre 2007 par le directeur interrégional de l’administration pénitentiaire de Lyon ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais exposés à l’occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de M. A doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hany A et au Garde des Sceaux, ministre de la justice.