Conseil d’État
N° 371697
ECLI:FR:CESSR:2015:371697.20150527
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème / 4ème SSR
Mme Leïla Derouich, rapporteur
Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP ROGER, SEVAUX, MATHONNET, avocats
lecture du mercredi 27 mai 2015
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
M. C…A…et Mme B…A…ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de mettre à la charge de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la réparation des préjudices résultant de la contamination de M. A…par le virus de l’hépatite C, imputée à des transfusions sanguines. Par un jugement n° 0712855 du 14 juin 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l’ONIAM à verser une indemnité de 15 000 euros à M. A… et à réparer le préjudice de son épouse et de ses enfants.
Par un arrêt n° 11VE02731,11VE3150 du 14 mai 2013, la cour administrative d’appel de Versailles, à la demande de l’ONIAM, a notamment ramené la somme que cet établissement public avait été condamné à verser à M. A…à 3 000 euros, sans modifier le montant des sommes allouées par le tribunal administratif à son épouse et à ses enfants (article 1er) et réformé le jugement du tribunal administratif en ce qu’il avait de contraire à son arrêt (article 2).
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 août et 28 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A…demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de l’ONIAM ;
3°) de mettre à la charge de l’ONIAM le versement des sommes de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de 35 euros correspondant au montant de la contribution à l’aide juridique telle que prévue à l’article R. 761-1 du même code.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de la santé publique ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Leïla Derouich, maître des requêtes,
– les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. A… et à la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet, avocat de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A…, qui a découvert le 12 mai 2004 sa contamination par le virus de l’hépatite C, a subi à compter du 15 novembre 2004 un traitement antiviral qui a permis sa guérison, constatée le 27 mai 2005 ; qu’estimant que la contamination était imputable aux transfusions sanguines reçues durant une intervention chirurgicale pratiquée le 6 novembre 1985 au centre hospitalier de Montfermeil, M. et MmeA…, agissant en leur nom propre et au nom de leurs enfants mineurs, ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de mettre la réparation des préjudices qu’elle avait entraînés à la charge de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ; que, par un jugement du 14 juin 2011, le tribunal administratif a reconnu l’origine transfusionnelle de la contamination, accordé à M.A…, à son épouse et à chacun de leurs enfants des indemnités s’élevant, respectivement, à 15 000 euros, 2 000 euros et 500 euros et rejeté une demande de la caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan tendant au remboursement de ses débours ; que l’ONIAM a relevé appel de ce jugement en tant seulement qu’il fixait le montant de l’indemnité allouée à M. A… ; que la caisse primaire en a relevé appel en tant qu’il rejetait sa demande ; que, par un arrêt du 14 mai 2013, la cour administrative d’appel de Versailles a réduit à 3 000 euros le montant mis à la charge de l’ONIAM en réparation des préjudices subis par M. A… et rejeté l’appel de la caisse primaire ; que M. A…demande que cet arrêt soit annulé en tant qu’il le concerne ;
2. Considérant, d’une part, que, dans sa requête d’appel, l’ONIAM demandait que l’indemnité accordée à M. A…soit ramenée à 3 900 euros ; qu’en fixant le montant de cette indemnité à 3 000 euros, la cour administrative d’appel est allée au-delà des conclusions dont elle était saisie ;
3. Considérant, d’autre part, que le recours indemnitaire de M. A…tendait à la réparation des préjudices de toute nature qu’il avait subis entre le 12 mai 2004, date de la révélation de sa maladie, et le 27 mai 2005, date du constat de sa guérison, et notamment du préjudice moral résultant de la conscience d’être atteint d’une maladie grave ; qu’en se bornant à allouer à l’intéressé une somme de 1 500 euros réparant » les troubles temporaires dans les conditions d’existence liés aux contraintes des traitements réalisés « , sans statuer sur les préjudices, invoqués par le requérant, nés des inquiétudes morales qu’il avait pu légitimement éprouver, pendant cette période, du fait de sa contamination par le virus de l’hépatite C et des conséquences graves qui pouvaient en résulter, la cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’irrégularité ;
4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A…est fondé à demander l’annulation des articles 1er et 2 de l’arrêt attaqué ;
5. Considérant, qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée ci-dessus en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. A…a reçu un traitement du 15 novembre 2004 au 15 mai 2005, qui a entraîné une asthénie temporaire importante et a troublé sa vie de famille ainsi que l’exercice de ses activités, justifiant l’octroi d’arrêts de travail pendant près de trois mois ; qu’il en est résulté un déficit fonctionnel temporaire, entraînant divers troubles dans ses conditions d’existence, dont il sera fait une juste appréciation en allouant à l’intéressé une somme de 3 000 euros ; que les souffrances physiques endurées par M. A… du fait du traitement, d’une intensité évaluée à 2 sur une échelle allant de 1 à 7, seront indemnisées de manière adéquate par l’octroi d’une somme de 1 500 euros ; que, de la date de la révélation de sa contamination le 12 mai 2004, jusqu’à la date du constat de sa guérison le 27 mai 2005, M. A… a pu légitiment éprouver des inquiétudes du fait de sa contamination par la maladie qui avait été diagnostiquée et des conséquences graves qui pouvaient en résulter ; qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice qu’il a subi de ce fait en lui allouant une somme de 1 500 euros ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’ONIAM est fondé à demander que l’indemnité que les premiers juges ont mise à sa charge, au bénéfice de M.A…, soit ramenée à la somme globale de 6 000 euros, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du 23 novembre 2007 ;
Sur les conclusions tendant à l’application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’ONIAM le versement à M. A…d’une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, et d’une somme de 35 euros au titre de l’article R. 761-1 du même code ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par l’ONIAM à ce titre soit mise à la charge de M.A…, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er et 2 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 14 mai 2013 sont annulés.
Article 2 : L’ONIAM est condamné à verser à M. A…une somme de 6 000 euros, qui portera intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2007.
Article 3 : L’article 2 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 14 juin 2011 est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L’ONIAM versera à M. A…une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 35 euros au titre de l’article R. 761-1 du même code.
Article 5 : Les conclusions présentées par l’ONIAM au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. C… A…et à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.