RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat les 29 mai 1989 et 29 septembre 1989, présentés pour M. Hamid X…, demeurant … ; M. X… demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 février 1989 en tant qu’il a rejeté sa demande d’annulation de l’arrêté du ministre de l’intérieur du 16 mars 1988 lui enjoignant de quitter le territoire français ;
2°) d’annuler ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
– le rapport de M. Errera, Conseiller d’Etat,
– les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Hamid X…,
– les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de M. X… :
Considérant que copie de l’arrêté enjoignant à M. X… de quitter le territoire français a été produite en appel devant le Conseil d’Etat ; que, par suite, aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de production de la décision attaquée ne peut être opposée à la demande tendant à l’annulation dudit arrêté ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1° – Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance – 2° – Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » ;
Considérant que M. X…, ressortissant algérien, n’a aucune attache familiale avec le pays dont il possède la nationalité ; qu’il réside depuis sa naissance en 1958 en France où demeure sa famille composée de douze frères et soeurs dont il a, avec son frère aîné, assumé une partie de la charge à la suite du décès de son père en 1976 ; que si l’intéressé s’est rendu coupable de plusieurs vols en 1980 et 1982, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de son comportement, postérieurement aux condamnations prononcées à raison de ces faits, la mesure d’expulsion prise à l’encontre de M. X… a, eu égard à la gravité de l’atteinte portée à sa vie familiale, excédé ce qui était nécessaire à la défense de l’ordre public ; que, dans ces conditons, elle a été prise en violation de l’article 8 de la convention précitée ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. X… est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d’annulation de l’arrêté du ministre de l’intérieur en date du 16 mars 1988 ordonnant son expulsion ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 février 1989 et l’arrêté du ministre de l’intérieur du 16 mars 1988 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X… et au ministre de l’intérieur.