Vu, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 20 janvier 1997, l’ordonnance en date du 6 janvier 1997, par laqelle le président du tribunal administratif de Paris transmet au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, le dossier de la requête dont ce tribunal a été saisi par Mlle Claire X… ;
Vu la demande enregistrée le 13 septembre 1996 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par Mlle Claire X… demeurant … ; Mlle X… demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir l’arrêté du 19 septembre 1996 du ministre de la défense portant nomination d’élèves commissaires de l’armée de terre en tant qu’elle n’y figure pas ;
2°) prescrive au ministre de la défense de l’inscrire sur la liste des élèves commissaires de l’armée de terre nommés pour compter du 1er septembre 1996, dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision du Conseil d’Etat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Vu le décret n° 84-173 du 12 mars 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Challan-Belval, Maître des Requêtes,
– les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre l’arrêté du 19 septembre 1996 :
Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête :
Considérant qu’en application de l’article 2 du décret du 12 mars 1984 portant statut particulier du corps des commissaires de l’armée de terre limitant l’accès des femmes à ce corps à 20 p. 100 du recrutement annuel, l’arrêté du 26 avril 1996 a fixé à 2 le nombre de candidats de sexe féminin susceptibles d’être nommés élèves commissaires de l’armée de terre à l’issue des concours de recrutement ouverts en 1996 ;
Considérant que Mlle X…, candidate au concours externe ouvert en 1996 pour le recrutement d’élèves commissaires de l’armée de terre a été inscrite par le jury en troisième rang sur la liste complémentaire ; qu’à la suite de démissions intervenues, quatre candidats de sexe masculin inscrits aux sixième, septième, neuvième et dixième rangs sur la liste complémentaire ont été nommés élèves commissaires de l’armée de terre par un arrêté du 19 septembre 1996 dont Mlle X… conteste la légalité en tant qu’elle n’y figure pas ;
Considérant qu’en vertu du principe qu’a posé le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et selon lequel « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme », les femmes ont vocation à occuper tous les emplois publics dans les mêmes conditions que les hommes, aucune distinction ne pouvant être introduite entre les personnels de l’un et l’autre sexe hormis celles qui seraient justifiées par la nature des fonctions ou les conditions d’exercice de celles-ci ;
Considérant que l’article 2 du décret du 12 mars 1984 susvisé dispose que : « En raison de certaines conditions d’emploi dans le corps des commissaires de l’armée de terre, l’accès des femmes à ce corps est limité à 20 p. 100 du recrutement annuel » ; qu’il ne résulte toutefois pas des pièces versées au dossier qu’une telle dérogation au principe d’égal accès aux emplois publics soit justifiée par la nature des fonctions de commissaire de l’armée de terre, ni par les conditions particulières dans lesquelles ces fonctions sont exercées ; que, par suite, Mlle X… est fondée à soutenir que la limitation au recrutement des femmes dans le corps du commissariat de l’armée de terre à 20 p. 100 du recrutement annuel prévue par le décret du 12 mars 1984 contrevient au principe susrappelé d’égal accès aux emplois publics, et à demander, par voie de conséquence, l’annulation de l’arrêté attaqué pris en application de ce décret, en tant qu’il ne la nomme pas élève commissaire de l’armée de terre ;
Sur les conclusions de Mlle X… tendant à ce qu’il soit enjoint au ministre de la défense de la nommer élève commissaire de l’armée de terre :
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 : « Lorsqu’il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d’exécution dans un sens déterminé, le Conseil d’Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d’une astreinte à compter d’une date qu’il détermine » ;
Considérant que la présente décision, qui annule l’arrêté du ministre de la défense en date du 19 septembre 1996 en tant que Mlle X… n’y figure pas, implique nécessairement que Mlle X…, compte tenu de son rang de classement arrêté par le jury, soit inscrite en septième position sur la liste des élèves commissaires de l’armée de terre nommés à compter du 1er septembre 1996 ; que, dès lors, il doit être fait droit aux conclusions susanalysées de Mlle X… ;
Article 1er : L’arrêté du 19 septembre 1996 du ministre de la défense est annulé en tant qu’il ne comporte pas le nom de Mlle Claire X….
Article 2: Le ministre de la défense procèdera, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, à l’inscription de Mlle X…, en septième position, sur la liste des élèves commissaires de l’armée de terre nommés à compter du 1er septembre 1996.
Article 3: La présente décision sera notifiée à Mlle Claire X… et au ministre de la défense.