CHAPITRE II – L’EXÉCUTION DE LA DÉCISION JURIDICTIONNELLE
Caractère exécutoire de la décision et autorité de la chose jugée. Aux termes de l’article L. 11 du code de justice administrative, les jugements « sont exécutoires ». Il ne peut en être autrement. Le Conseil constitutionnel considère à cet égard que l’exécution des décisions de justice est le corollaire du droit à un recours juridictionnel effectif (Cons. const., décision numéro 2014-455 QPC du 6 mars 2015, M. Jean de M.). Pour la Cour européenne des droits de l’Homme, l’exécution d’une décision de justice fait partie intégrante du procès équitable au sens de l’article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH, 19 mars 1997, Hornsby c. Grèce). Conséquence inévitable, un délai excessif d’exécution d’une décision juridictionnelle engage la responsabilité de l’Etat (CE, 23 juin 2014, M. Wespelaere et a., requête numéro 369946, Rec., T., p. 734), sans par exemple qu’un délai de grâce accordé par le juge judiciaire à un occupant irrégulier ne puisse emporter un effet suspensif quant à l’obligation pour l’administration de prêter son concours à l’exécution de la décision juridictionnelle (CE, 11 avr. 2014, Ministre de l’Intérieur c. Mme Oppici, requête numéro 359575, Rec., T., p. 732, 849 et 860). Une confusion ne doit cependant pas être commise entre, d’une part, le caractère exécutoire commun à l’ensemble des décisions et ordonnances rendues par les juridictions administratives, d’autre part, l’autorité de la chose jugée qui ne concerne que les décisions à l’exclusion donc des ordonnances de référé dont les effets restent provisoires.
Des mécanismes aujourd’hui aboutis. Le temps est sans doute lointain où un maire pouvait prendre à sept reprises un arrêté, sept fois annulé par le Conseil d’Etat, emportant suspension du même garde champêtre (CE, 23 juill. 1909, Fabrègue, requêtes numéros 33151 et a., Rec., p. 727). Les administrations ont largement acquis ce degré de maturité apte à les conformer à l’autorité de la chose jugée. Dira-t-on qu’une commune est parfois dans l’impossibilité de se conformer financièrement à une condamnation pécuniaire ? Le préfet se chargera légalement de procéder à la vente des biens du domaine privé de la commune afin de dégager les fonds propres à assurer un début d’exécution de la décision (CE, 18 nov. 2005, Sté fermière de Campoloro, requête numéro 271898, Rec., p. 515), et son inaction pourra être constitutive d’une faute lourde de l’Etat dans l’exercice du pouvoir de tutelle, ouvrant droit à réparation (CE, 29 mars 1946, Caisse départementale d’assurances sociales de Meurthe-et-Moselle, requête numéro 41916, Rec., p. 100). Dira-t-on que des considérations tirées de l’ordre public peuvent justifier l’inexécution d’une décision juridictionnelle ? Le préjudice pourra être réparé au titre de la responsabilité sans faute pour rupture d’égalité devant les charges publiques (CE, 30 nov. 1923, Couitéas, requêtes numéros 38284 et 48688, Rec., p. 789). Dira-t-on que les implications de la décision juridictionnelle sont si complexes que l’administration serait en peine d’en tirer les justes conséquences ? Des mécanismes existent qui permettent d’assister l’exécution (Section 1), voire de la contraindre (Section 2).
Section 1 – L’exécution assistée
Un juge facilitateur. La difficulté est donc moins souvent de surmonter la mauvaise volonté de l’administration que de lui donner les clés de compréhension nécessaires à la correcte exécution de la décision. Ceci explique que des modalités d’explicitation de la décision juridictionnelle (Sous-section 1) autant qu’une aide à l’exécution (Sous-section 2) existent.
Sous-section 1 – L’explicitation
L’intérêt de la pédagogie. L’administration n’est pas toujours en mesure d’identifier l’ensemble des implications d’une décision rendue par la juridiction administrative, en raison de sa complexité ou de sa nouveauté. Nul ne saurait s’en satisfaire : ni l’administration, au moins celle de bonne foi, qui ne parvient pas à se conformer à la chose jugée ; ni le justiciable qui reste dans l’insatisfaction. En définitive, c’est l’intérêt général qui est atteint. Indéniablement, la faculté est la bienvenue pour l’administration de s’adresser à la juridiction administrative afin qu’elle explicite les modalités d’exécution d’une décision juridictionnelle (§ 2). Par ailleurs, et même si elle est susceptible de constituer parfois une injonction dissimulée, déguisée, ou encore détournée (les qualificatifs ne manquent pas…), l’explicitation spontanée doit être approuvée (§ 1).
§ 1 : L’explicitation spontanée
Une pratique connue en jurisprudence. A bien y regarder, le juge administratif a depuis fort longtemps manifesté son souci de garantir, par delà la seule autorité de ses décisions, leur exécution concrète, soit avant toute difficulté (CE, 19 juin 1903, Colonel Ledochowski, requête numéro 8124, Rec., p. 452 ; CE, Sect., 24 févr. 1961, Sieur Zimmet, requête numéro 41382, Rec., p. p. 144), soit après une première violation de la chose jugée (par ex., CE, 9 juin 1899, Sieur Toutain, Rec., p. 421 ; CE, 17 juin 1921, Sieur Robert, requête numéro 70391, Rec., p. 603 ; CE, 12 mai 1950, Sieur Lhomme, requête numéro 1117, Rec., p. 284 ; CE, Ass., 11 mai 1959, Sieur Miret, requête numéro 34884, Rec., p. 295 ; S. 1959, p. 146, concl. A. Bernard ; CE, 8 juin 1977, Perroux, requête numéro 01442, Rec., p. 259). L’arrêt Rodière de 1925 en est un exemple topique, le Conseil d’Etat n’ayant pas répugné à indiquer les conséquences de l’annulation d’une décision administrative et les modalités de la reconstitution de carrière (CE, 26 déc. 1925, Rodière, requête numéro 88369, Rec., p. 1065 ; RDP 1926, p. 32, concl. Cahen-Salvador).
Le renforcement de la pratique. L’avènement d’un véritable pouvoir d’injonction au profit de la juridiction administrative a nécessairement influé sur l’office du juge (J. Arrighi de Casanova, « Les habits neufs du juge administratif » in Mélanges en l’honneur de Daniel Labetoulle, Paris, Dalloz, 2007, pp. 11 et s.) et la jurisprudence la plus récente montre que l’évolution n’est pas achevée. Fort logiquement, ni le contentieux de pleine juridiction, ni le contentieux de l’excès de pouvoir ne sont restés à l’écart de ces transformations. Les explicitations spontanées du juge, en direction de l’administration, quant aux conséquences à tirer de ses décisions ne pouvaient devenir que plus ambitieuses. En témoignent certaines décisions qui, si elles ne constituent pas la majorité du genre, n’en représentent pas moins des manifestations éclatantes. Le Conseil d’Etat a pu ainsi énoncer, dans les motifs de sa décision, les obligations de faire découlant de l’annulation prononcée (CE, Sect., 25 juin 2001, Sté Toulouse Football Club, requête numéro 234363, Rec., p. 281 ; CE, Ass., 29 juin 2001, Vassilikiotis, requête numéro 213229, Rec., p. 303, concl. F. Lamy ; CE, 3 mars 2009, Association française contre les myopathies, requête numéro 314792, Rec., p. 69). Il est encore possible au Conseil d’Etat d’indiquer à l’administration ce qu’elle ne peut pas faire sauf à commettre une illégalité, au moment d’exécuter une décision administrative dont il a été vainement demandé l’annulation (CE, 21 mars 2001, Mme Mathio Emma Essaka¸ requête numéro 208541, Rec., p. 150). Le pas n’est pas grand à franchir pour y voir une « injonction prétorienne » (C. Broyelle, « De l’injonction légale à l’injonction prétorienne : le retour du juge administrateur », Dr. adm. 2004, n° 3, pp. 8 et s.)…
§ 2 : L’explicitation provoquée
L’article R. 931-1 du code de justice administrative. L’article R. 931-1 du code de justice administrative dispose que « lorsque la juridiction administrative a annulé pour excès de pouvoir un acte administratif ou, dans un litige de pleine juridiction, a rejeté tout ou partie des conclusions présentées en défense par une collectivité publique, l’autorité intéressée a la faculté de demander au Conseil d’État d’éclairer l’administration sur les modalités d’exécution de la décision de justice. Ces demandes donnent lieu à la désignation d’un rapporteur dont la mission auprès de l’administration s’exerce sous l’autorité du président de la Section du rapport et des études. Le cas échéant, il est fait mention de l’affaire dans le rapport annuel du Conseil d’État ». Cette faculté pour l’administration de saisir le Conseil d’Etat existe depuis le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963.
Les décisions susceptibles de donner lieu à demande d’éclaircissements. Suivant la lettre de l’article R. 931-1 du code de justice administrative, la demande d’éclaircissements ne peut intervenir que lorsque la collectivité publique a perdu le procès, que l’acte administratif ait été annulé pour excès de pouvoir ou que, en pleine juridiction, tout ou partie des conclusions en défense formulées par une collectivité ait été rejeté. Encore doit-on souligner ici que la demande ne peut être instruite que pour autant que la question n’est pas pendante devant la juridiction. La demande ne peut donc être instruite, d’une part, si un recours en appel ou un pourvoi en cassation est formé contre le jugement ou l’arrêt objet de la difficulté, d’autre part, si une demande d’aide à l’exécution a par ailleurs été formée sur le fondement de l’article L. 911-4 du code de justice administrative.
L’auteur de la demande d’éclaircissements. Initialement, seuls les « ministres intéressés » pouvaient saisir le Conseil d’Etat d’une demande d’éclaircissements. La catégorie d’« autorité intéressée » lui a été substituée depuis. Ainsi, aux ministres et à leurs directeurs de cabinets, s’ajoutent aujourd’hui les exécutifs locaux et autres agents régulièrement habilités. Reste que, en toute hypothèse, seule l’administration a la possibilité de formuler une telle demande.
La procédure. Une fois enregistrée, l’affaire est affectée à un membre de la section du rapport et des études du Conseil d’Etat. Celui-ci instruit la demande, en réunissant l’ensemble des éléments nécessaires à la rédaction du projet d’avis, qui sera ensuite présenté au comité restreint de la section spécialisée dans les questions d’exécution (composée du président et du président adjoint de la section du rapport et des études, du rapporteur et de trois membres du Conseil d’État, dont un président de chambre de la section du contentieux). Il est encore possible, en tant que de besoin, de réunir l’ensemble de la section du rapport et des études.
La portée de l’avis. A l’issue de l’instruction, le président de la section du rapport et des études adresse au demandeur une lettre contenant l’avis rendu. Il s’agit d’un simple avis pourrait-on dire, qui ne lie ni l’administration ni les juridictions qui auront, le cas échéant, à statuer sur les demandes d’exécution portées devant elles.
La publicité de l’avis. En tant qu’il s’agit là d’un avis du Conseil d’Etat, la loi en exclut la communication (CRPA, art. L. 311-5). Sans doute l’article R. 931-1 al. 2 du code de justice administrative prévoit-il la possibilité de faire mention de l’affaire dans le rapport annuel du Conseil d’Etat, mais rien de plus… Il appartient donc au demandeur, seul destinataire de la réponse, de décider de divulguer l’avis qui lui a été communiqué et, le cas échéant, de décider des formes dans lesquelles cette divulgation pourra intervenir.
Sous-section 2 – L’aide à l’exécution
L’article R. 931-2 du code de justice administrative. L’article R. 931-2 du code de justice administrative dispose que « les parties intéressées peuvent signaler à la section du rapport et des études du Conseil d’Etat les difficultés qu’elles rencontrent pour obtenir l’exécution d’une décision rendue par le Conseil d’Etat ou par une juridiction administrative spéciale ». Le champ d’application de l’article R. 931-2 du code de justice administrative est donc limité aux difficultés d’exécution des décisions juridictionnelles rendues par le Conseil d’Etat et les juridictions administratives spécialisées. Il en résulte que les difficultés d’exécution nées des jugements des tribunaux administratifs et des arrêts des cours administratives d’appel ne sont pas susceptibles d’être réglées par la mise en œuvre de l’article R. 931-2 du code de justice administrative. Il n’y a là rien de surprenant, le pouvoir réglementaire ayant tiré les conséquences des pouvoirs dévolus aux présidents de ces juridictions. Par delà, les conditions de la demande d’aide à l’exécution (§ 1) sont classiques, autant que les modalités d’instruction de celle-ci (§ 2).
§ 1 : Les conditions de la demande
Les conditions tenant aux demandeurs. Il n’y a pas lieu ici de distinguer suivant que la demande émane des bénéficiaires directs ou indirects de la décision. Un requérant à qui le juge n’a pas donné raison sur le fond peut donc formuler une demande sur le fondement de l’article R. 931-2 du code de justice administrative, afin de bénéficier d’un élément contenu dans le corps de la décision juridictionnelle, pour peu évidemment que cet élément appelle exécution.
Les conditions tenant aux délais. Une décision juridictionnelle ne s’exécute pas toujours facilement. En dehors de cette seule considération, le temps de l’action administrative s’accommode mal de la précipitation d’une exécution immédiate. Il est donc légitime de concilier, en ménageant un juste équilibre, tous les intérêts en présence, c’est-à-dire celui du bénéficiaire, celui de l’administration et encore, car il ne faut pas l’oublier, l’intérêt général. L’article R. 931-2 du code de justice administrative distingue quatre hypothèses.
La première hypothèse est l’hypothèse normale. L’administration dispose de trois mois à compter de la date de la notification de la décision juridictionnelle pour procéder à l’exécution. Sans doute la présentation d’une demande au mépris de ce délai de carence n’est-elle pas, en elle-même, irrecevable. Mais la section du rapport et des études attendra l’expiration du délai pour entamer son instruction.
La deuxième hypothèse est celle où la décision juridictionnelle a elle-même déterminé un délai dans lequel l’administration doit prendre les mesures d’exécution prescrites. La demande ne peut alors être présentée, comme c’est logique, qu’à l’expiration de ce délai.
La troisième hypothèse est celle où l’administration refuse expressément d’exécuter. La demande d’aide à l’exécution peut alors être adressée immédiatement.
La quatrième hypothèse est celle suivant laquelle la décision a ordonné une mesure d’urgence. Comme cela a déjà été précisé, si les ordonnances rendues en référé ne sont par revêtues de l’autorité de la chose jugée, elles n’en sont pas moins exécutoires. Compte tenu de l’urgence, l’on comprend que la décision soit exécutée sans délai.
§ 2 : L’instruction de la demande
Une procédure non juridictionnelle. Les demandes d’aide à l’exécution soumises à la section du rapport et des études ne doivent pas être confondues avec les actions dirigées contre les refus d’exécuter qui, pour leur part, sont de la compétence de la section du contentieux du Conseil d’Etat pour en connaître. Le traitement des demandes d’aide à l’exécution ne s’inscrit donc pas dans une procédure juridictionnelle. Mais on ne saurait pour autant y voir une procédure administrative. En effet, les actes pris dans ce cadre, par le président de la section du rapport et des études, ne sont pas des décisions administratives et, à ce titre, restent insusceptibles de recours juridictionnel. C’est ainsi que le classement de la demande par le président, motif pris que la décision juridictionnelle ne paraissait pas impliquer la mesure d’exécution sollicitée, n’est pas susceptible d’être contesté devant la juridiction (CE, 29 déc. 2000, Colombeau, requête numéro 222276, Rec., p. 1141).
Le déroulement de la procédure. Si la procédure n’est pas contradictoire, son organisation permet à l’administration de faire connaître sa position au Conseil d’Etat à chaque étape. La première étape de la procédure consiste en une demande d’observations, adressée à l’administration. Elle est assortie d’un délai de réponse. L’administration doit faire état des mesures déjà prises pour exécuter la décision juridictionnelle et/ou expliciter les raisons du retard à exécuter. La deuxième étape permet l’examen des éléments de réponse et la définition des conséquences de la décision juridictionnelle ainsi que des mesures d’exécution qu’elle appelle. La troisième étape emporte communication de l’avis ainsi établi, pour réponse, à l’administration, qui peut se soumettre aux conclusions de la section ou en discuter les termes.
L’issue de la procédure. A l’issue de l’instruction, la section du rapport et des études prend sa décision. Trois solutions s’offrent à elle. Elle peut, d’abord, classer le dossier. Elle peut, ensuite, le classer sous réserve que l’exécution intervienne dans un délai raisonnable. Elle peut, enfin, éventuellement après saisine du comité restreint pour avis, signaler les difficultés d’exécution au président de la section du contentieux aux fins d’ouverture d’une procédure d’astreinte d’office (CJA, art. R. 931-7). A bien regarder la jurisprudence, l’on doit admettre que très rares – trop rares ? – sont les espèces où l’article R. 931-7 du code de justice administrative a été mis en œuvre (notamment, CE, 28 mai 2001, Bandesapt, requête numéro 230537, Rec., p. 251).
Section 2 – L’exécution contrainte
Les pouvoirs ne font plus défaut au juge administratif. Le contentieux administratif a longtemps souffert de ce que les décisions de la juridiction administrative pouvaient rester lettre morte. Le procès en indignité qui lui était fait à cet égard n’était cependant pas foncièrement mérité. Le président Odent, par exemple, s’inscrivait en faux contre cette idée suivant laquelle l’administration faisait fi des décisions juridictionnelles parce que placée à l’abri de toute sanction (R. Odent, Contentieux administratif, tome 1, Paris, Dalloz, 2007 (rééd.), pp. 1034 et s.). La situation n’en restait pas moins insatisfaisante parce que les outils entre les mains du juge n’existaient pas ou restaient insuffisants. L’efficacité des décisions juridictionnelles ne peut pas dépendre du bon vouloir de l’administration, et le statut constitutionnel de la juridiction administrative s’oppose à ce que l’on se contente de procédés équivalents à « l’appel éloquent à la moralité administrative » (M. Hauriou, note sous 26 juin 1908, Daraux, S. 1909, III, p. 130). Il fallait donc créer les conditions d’une contrainte juridiquement organisée. Le législateur s’y est employé. Déjà l’article L. 313-3 du code monétaire et financier prévoit-il l’augmentation de cinq points le taux des intérêts légaux en cas d’inexécution d’une décision de justice passé un délai de deux mois à compter du jour où la décision est devenue exécutoire, le juge de l’exécution pouvant cependant prononcer l’exonération totale ou partielle de cette majoration (CE, 16 déc. 2009, Commune de Saint-Paul en Pareds¸requête numéro 309774, Rec., T., p. 905). Par délà, et surtout ici, le législateur a pu reconnaître, en 1980, de réels pouvoirs d’astreinte (Sous-section 2) et, en 1995, de réels pouvoirs d’injonction (Sous-section 1) au bénéfice de la juridiction administrative.
Sous-section 1 – Les pouvoirs d’injonction de la juridiction administrative
En amont ou en aval. A la faveur de la loi du 8 février 1995, la juridiction administrative dispose de moyens de contraindre avec plus d’efficacité l’administration à se conformer à la chose jugée en tirant toutes les conséquences de la décision juridictionnelle. L’intervention du juge peut s’exercer a priori, l’injonction pouvant alors être qualifiée de préventive (§ 1). Le juge peut encore agir a posteriori. En effet, parce que le requérant n’aurait pas ou mal saisi le juge d’une demande en ce sens, ou parce que l’administration resterait encline à ne pas se conformer à la chose jugée, le juge peut prononcer des injonctions coercitives (§ 2).
§ 1 : L’injonction préventive
La révolution de 1995. Il est de longue date admis que la juridiction administrative dispose, même sans texte, du droit d’adresser des injonctions aux personnes privées (CE, 13 juill. 1956, OPHLM du Département de la Seine c. Revert¸requête numéro 37656, Rec., p. 338, concl. J. Chardeau), sauf lorsque le litige concerne l’utilisation de prérogatives de puissance publique (CE, 4 nov. 1983, Noulard, requête numéro 41775, Rec., p. 451). En revanche l’obstination du juge administratif a été tenace, qui se refusait, officiellement au moins, toute faculté de prononcer des injonctions à l’administration (J. Chevallier, « L’interdiction pour le juge administratif de faire acte d’administrateur », AJDA 1972, pp. 67 et s.). La loi du 8 février 1995 a donc constitué un immense progrès. Deux dispositions sont aujourd’hui codifiées, qui permettent aux seules juridictions administratives générales (CE, 28 avr. 2004, Foyer-logement Maurice-Villatte, requête numéro 255932, Rec., p. 177 ; AJDA 2004, p. 1541, note J.-P. Markus) de prévenir les manquements de l’administration à l’autorité des décisions rendues. Il peut s’agir d’enjoindre à l’administration de satisfaire la demande de l’administré (I) ou de réexaminer sa situation (II).
I. L’injonction d’agir dans un sens déterminé
L’article L. 911-1 du code de justice administrative. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, « lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution ». Même si la demande d’injonction est jugée en pleine juridiction, il n’y a pas là à distinguer suivant que le contentieux qui est l’objet du litige est de pleine juridiction ou de l’excès de pouvoir. Cependant, il faut bien admettre que la réforme a essentiellement bénéficié au contentieux de l’excès de pouvoir, le juge de pleine juridiction disposant du pouvoir de réformer les décisions qui lui sont déférées. Certains pans du contentieux de l’annulation, en tout cas, se voient revêtus d’un intérêt qui jusqu’alors leur échappait compte tenu du caractère platonique des décisions d’annulation.
Ainsi en est-il :
– du contentieux des ouvrages publics irrégulièrement implantés, dont le juge peut à présent ordonner la destruction si aucune mesure de régularisation n’est possible (CE, Sect., 29 janv. 2003, Syndicat départemental de l’électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et commune de Clans, requête numéro 245239, Rec., p. 21, concl. C. Maugüé ; RFDA 2003, p. 477, concl. C. Maugüé et note C. Lavialle) ;
– du contentieux de la fonction publique, le refus de nommer un candidat inscrit par le jury sur la liste d’admission pouvant justifier une injonction en vue de sa nomination (CE, 11 mai 1998, Mlle Aldige, requête numéro 185049, RFDA 1998, p. 1011, concl. H. Savoie), et l’annulation de la révocation ou du licenciement justifiant l’injonction à fin de réintégration et de reconstitution de carrière (CE, 29 déc. 1995, Kavvadias, requête numéro 129659, Rec., p. 477 ; AJDA 1996, p. 115, chron. J.-H. Stahl et D. Chauvaux) ;
– du contentieux des refus de prendre (CE, Sect., 26 juill. 1996, Association lyonnaise de protection des locataires (ALPL), requête numéro 160515, Rec., p. 293, concl. C. Maugüé), d’abroger (CE, 7 févr. 2003, GISTI, requête numéro 243634, Rec., p. 30 ; AJDA 2003, p. 996, note F. Julien-Laferrière) ou de publier un règlement (CE, 12 déc. 2003, Syndicat des commissaires de la police nationale, requête numéro 243430, Rec., p. 506).
Il n’y a pas plus à distinguer suivant que la question a été posée au juge saisi du principal ou en référé, ni suivant que les saisies et autres mesures conservatoires relèveraient ou non de la compétence de la juridiction administrative (CE, 27 avr. 2011, Fedida, requête numéro 314577, Rec., p. 176). Il n’importe pas davantage de distinguer suivant que la formation de jugement est collégiale ou qu’il s’agit d’un juge unique (CE, avis, 29 déc. 2000, Clouzeau, requête numéro 257411, Rec., p. 669).
Les conditions au prononcé d’une injonction. Le principe de la prohibition des injonctions à l’administration n’a pas été renversé (CE, 16 nov. 1998, Ferly, requête numéro 190200, Rec., p. 417). Des conditions doivent dès lors être satisfaites.
Suivant l’article L. 911-1 du code de justice administrative, l’injonction de faire ne peut intervenir que lorsque la décision rendue par le juge « implique nécessairement » une mesure d’exécution dans un sens déterminé. Le juge se place au jour de sa décision pour déterminer s’il y a lieu ou non de mettre en œuvre ses pouvoirs d’injonction (CE, 4 juill. 1997, Epoux Bouzerak, requête numéro 156298, Rec., p. 278 ; AJDA 1997, p. 584, chron. D. Chauvaux et T.-X. Girardot ; RFDA 1997, p. 815, concl. R. Abraham). La demande d’injonction doit être utile. Ainsi, eu égard à la procédure de mandatement et d’inscription d’office à laquelle il peut prétendre, le requérant n’est pas recevable à formuler une demande d’injonction de payer sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative (CE, 6 mai 1998, Lother, requêtes numéros 141236 et 190092, Rec., T., p. 968). En outre, et la réserve est des plus classiques en contentieux administratif, le juge doit s’assurer que l’injonction qu’il prescrit ne porte pas, par le résultat qu’elle viserait, une atteinte excessive à l’intérêt général (CE, 19 juill. 2010, Centre hospitalier de Béziers, requête numéro 327155, Rec., p. 934). C’est ainsi que le juge peut rejeter les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à la personne publique de détruire des données illégalement recueillies, lorsqu’un décret est intervenu depuis l’enregistrement de la requête et qui organise les conditions de la collecte et eu égard à l’intérêt éminent qui s’attache à la conservation des données litigieuses (CE, 4 juin 2012, Section française de l’Obervatoire international des prisons, requête numéro 334777, Rec., T., pp. 765 et 932).
Lorsque les conditions sont réunies, et que rien ne s’y oppose, le juge est tenu de prescrire les mesures d’exécution appropriées (CE, Sect., avis, 30 nov. 1998, Berrad, requête numéro 188350, Rec., p. 452 ; RFDA 1999, p. 511, concl. F. Lamy).
Encore faut-il toutefois que le juge ait été régulièrement saisi, même après l’expiration du délai de recours (CE, 29 oct. 2012, Mme Jarry, requête numéro 332387), d’une demande en ce sens. On soulignera ici l’inclination du juge à accueillir favorablement les demandes d’injonction, y compris celles qui seraient mal ou trop peu formulées (par ex., CE, 3 mars 2008, Garde des sceaux, Ministre de la Justice c. Lemaître, requêtes numéros 300009 et 302081, Rec., T., p. 873), permettant ainsi une mise en œuvre la plus appropriée des pouvoirs conférés au juge par la loi du 8 février 1995 (en ce sens, C. Maugüé, « Les injonctions pour exécution de la chose jugée » in Mélanges en l’honneur de Daniel Labetoulle, Paris, Dalloz, 2007, pp. 593-594). Il y a lieu toutefois de se montrer prudent. En effet, le juge peut faire montre de plus d’intransigeance en déclarant irrecevables des conclusions fondées sur l’article L. 911-1 du code de justice administrative quand l’administration aurait pour seule obligation de réexaminer la situation du requérant (par ex., CE, 27 mai 2005, Département de l’Essonne, requête numéro 268564, Rec., p. 229 ; AJDA 2005, p. 1450, chron. C. Landais et F. Lenica).
La teneur de l’injonction. Conformément à l’article L. 911-1, l’injonction peut être assortie d’un délai d’exécution. C’est ainsi que, le Conseil d’Etat a pu laisser à l’autorité administrative compétente :
– un délai d’un mois pour prendre un nouvel arrêté fixant une évolution des tarifs conforme aux principes énoncés par la décision juridictionnelle d’annulation (CE, 10 juill. 2012, SA GDF Suez et association nationale des opérateurs détaillants en énergie, requêtes numéros 353356 et 353555, Rec., p. 272) ;
– un délai de trois mois un nouvel arrêté fixant les tarifs réglementés de vente de l’électricité pour la période déterminée (CE, 22 oct. 2012, Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l’électricité et les réseaux de communication, requête numéro 332641 ; AJDA 2012, p. 2373, chron. X. Domino et A. Bretonneau ; AJDA 2013, p. 126, note F. Lafaille) ;
Les mesures ordonnées par le juge peuvent être très classiques en ce qu’elles se limiteront à ce que la décision rendue au fond commande. Ainsi le juge peut-il prescrire le remplacement provisoire d’un maire démissionnaire d’office par un adjoint (CE, Ass., 26 mai 1995, Etna et Ministre des Territoires et Départements d’outre-mer, requêtes numéros 167914 et 168932, Rec., p. 212), la réintégration et la reconstitution de carrière (CE, 29 déc. 1995, Kavvadias, requête numéro 129659, préc.), le redécoupage des circonscriptions cantonales (CE, Ass., 21 janv. 2004, Mme Boulanger, requête numéro 254645, Rec., p. 14), la délivrance d’un agrément en vue de l’adoption (CE, 26 juill. 2006, Département des Yvelines, requête numéro 289621)…
En outre, le juge peut assortir son injonction de certaines précisions. Il lui est loisible, par exemple, d’indiquer le contenu de l’acte réglementaire à prendre (CE, 30 juill. 2003, Syndicat des avocats de France, requête numéro 247940, Rec., p. 358). Le juge peut également prononcer des injonctions conditionnelles. La pratique est connue de longue date et ne trouve ici qu’un nouveau cadre d’épanouissement : le juge ordonnera, le cas échéant, qu’une mesure déterminée soit adoptée « si mieux n’aime ». Par exemple, le Conseil d’Etat a pu enjoindre à Aéroports de Paris, s’il ne pouvait obtenir des sociétés concernées qu’elles acceptent la résolution des conventions d’occupation du domaine public conclues avec elles, de saisir le juge du contrat dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle aux fins de voir prononcer la résolution desdites conventions (CE, Sect., 26 mars 1999, Sté HERTZ France et a., requêtes numéros 202256, 202258, 202259 et 202262, Rec., p. 107, concl. J.-H. Stahl ; RFDA 1999, p. 977, note D. Pouyaud).
Les limites aux pouvoirs du juge. Le cadre dans lequel les pouvoirs d’injonction se déploient n’est pas sans limite.
En premier lieu, de jurisprudence constante, le juge ne peut assortir sa décision d’une mesure d’injonction toutes les fois où sa décision au principal est de rejet (CE, 7 avr. 1995, Surry, requête numéro 154129, Rec., p. 158), même lorsque qu’un changement de circonstances de fait ou de droit serait intervenu entre le jour d’adoption de la décision et le jour du jugement (CE, 20 juin 2012, Ministre de l’Intérieur¸ requête numéro 346073, Rec., T., p. 797). Il y a là une solution logique, qui permet de ne pas dénaturer davantage le recours pour excès de pouvoir mais qui, une fois de plus, montre les perturbations qu’occasionne cette dualité des branches du contentieux administratif.
En second lieu, toute annulation n’emporte pas l’obligation d’adopter, par voie de conséquence, une décision favorable à l’administré. Tout dépendra, le cas échéant, du moyen qui aura prospéré (CE, 21 févr. 2011, Sté Véolia Propreté, requête numéro 335306, Rec., T., p. 1091). En effet, une décision annulée pour une illégalité externe pourra être reprise dans le même sens, sans que le juge ne puisse s’y opposer par le prononcé d’une injonction. C’est tout le problème ici de l’économie de moyens dont il s’agit.
Les conséquences de l’injonction. Le Conseil d’Etat a précisé que lorsque l’exécution d’un jugement suppose la délivrance d’un acte créateur de droits, cet acte pourra être régulièrement abrogé en cas d’annulation ultérieure du jugement dont il était fait application (CE, 19 déc. 2014, Ministre des Finances et des Comptes public c. H&M et Maurice SARL¸ requête numéro 384144, Rec., p. 408 ; AJDA 2015, p. 345, concl. A. Bretonneau).
II. L’injonction de prendre une nouvelle décision
L’article L. 911-2 du code de justice administrative. Aux termes de l’article L. 911-2 du code de justice administrative, « lorsque sa implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ». Il s’agit d’une disposition a priori moins violente à l’égard de l’administration mais dont l’importance ne doit pas être sous-estimée. Elle permet de contraindre l’administration à agir, le cas échéant dans un délai déterminé, sans la priver de son pouvoir d’appréciation.
Les pouvoirs du juge. Il n’y a là, au vrai, rien de novateur. Le Conseil d’Etat a, par exemple, admis de longue date que l’annulation d’un refus d’autorisation n’implique pas la délivrance d’une autorisation mais fait pour seule obligation à l’administration de réexaminer la situation dont elle avait été initialement saisie (CE, Sect., 7 déc. 1973, Ministre de l’Agriculture et du Développement rural c. Sté civile agricole des Nigritelles, requête numéro 88252, Rec., p. 699). Les dispositions de l’article L. 911-2 du code de justice administrative prévoient expressément ce seul cas de figure. C’est ainsi que le juge peut enjoindre à l’administration de réexaminer une demande de mutation (CE, 6 août 2002, Ozoux, requête numéro 248393, RDP 2003, p. 663), de procéder au réexamen de la situation du demandeur d’un titre de séjour (CE, 17 nov. 2000, Mersni, requête numéro 208664, Rec., p. 521), ou encore de statuer à nouveau sur la demande d’autorisation d’implantation d’une salle de spectacles cinématographiques (CE, 17 mars 2004, SARL Loisirs 2000 et SA Cinémas Forum, requête numéro 227000, Rec., p. 839).
§ 2 : L’injonction coercitive
Le champ d’application. Aux termes de l’article L. 911-4 al. 1er du code de justice administrative, « en cas d’inexécution d’un jugement ou d’un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d’appel qui a rendu la décision d’en assurer l’exécution ». Ne peuvent faire donc l’objet d’une injonction en vue de leur exécution que les décisions juridictionnelles exécutoires rendues par les juridictions administratives. Au demeurant, le Conseil d’Etat n’a pas manqué de relever que cette procédure se rattache à la même instance que celle ayant donné naissance à la décision juridictionnelle dont il est demandé l’exécution (CE, 29 oct. 2003, Van Bentum-Plasse et Plasse, requête numéro 259440, Rec., T., p. 943).
Ceci signifie, en premier lieu, que ne sont pas susceptibles d’injonction d’exécution, par exemple, les mesures d’administration de la justice (CE, 10 avr. 1996, Nestour, requête numéro 161057) ou les décisions de non-lieu (CAA Lyon, 15 juill. 2005, Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie c. Gabolde, requête numéro 03LY00618, Rec., p. 1056). Il n’importe pas, en revanche, que la décision soit revêtue de la chose jugée. En conséquence, une demande peut valablement tendre à l’exécution d’une ordonnance rendue par le juge des référés (CE, 11 juin 2002, Ait Oubba, requête numéro 247669, Rec., T., p. 888).
Ceci signifie, en second lieu, que l’article L. 911-4 du code de justice administrative ne peut pas être mis en œuvre pour l’exécution des décisions rendues par les juridictions de l’ordre judiciaire (CE, 27 juill. 2009, Mme Giard, requête numéro 302110), lesquelles ne relèvent que des seules voies d’exécution de droit commun (CE, 10 févr. 1992, Commune de Charbonnières-les-Varennes c. Echandard, requête numéro 128690, Rec., T., p. 1233).
La juridiction compétente. Suivant l’article L. 911-4 du code de justice administrative, il appartient en principe au tribunal administratif ou à la cour administrative d’appel de mettre en œuvre leurs pouvoirs afin de parvenir à l’exécution de la décision. Mais ceci fait appel à quatre précisions.
En premier lieu, si le jugement est frappé d’appel, la demande doit être adressée à la juridiction d’appel (CE, Sect., avis, 13 mars 1998, Mme Vindevogel, requête numéro 190751, Rec., p. 78 ; AJDA 1998, chron. F. Raynaud et P. Fombeur) qui devient seule compétente, même s’il a été donné acte du désistement de l’appelant principal (CE, 30 janv. 2002, Haouas, requête numéro 199854, Rec., T., p. 888) ou si l’appel a déjà été rejeté (CE, Sect., avis, 13 mars 1998, Mme Vindevogel, requête numéro 190751, préc.). Au demeurant, l’instance ouverte en vue de l’exécution se rattache à la décision juridictionnelle à exécuter, en sorte que les voies de recours ouvertes contre la décision à rendre sont les mêmes que celles dont le jugement peut faire l’objet (CE, 29 oct. 2003, Mme Van Bentum Plasse, requête numéro 259440, préc.).
En deuxième lieu, par ordonnance du président de la juridiction, qui n’a pas à être motivée (CE, 28 oct. 2002, Walter et a., requête numéro 240088, Rec., T., p. 889), la demande peut être renvoyée au Conseil d’Etat, sauf lorsque l’article R. 921-6 du code de justice administrative a déjà été mis en œuvre (CE, 19 juin 2009, Coatleven, requête numéro 318341, Rec., T., p. 905).
En troisième lieu, le Conseil d’Etat est seul compétent, sauf dispositions particulières, pour connaître des demandes tendant à l’exécution des décisions des juridictions administratives spécialisées (CE, Sect., 5 mai 1995, Mme Berthaux, requêtes numéros 162283 et 162283, Rec., p. 200 ; CE, 28 avr. 2004, Foyer-logement Maurice-Villatte, requête numéro 255932, Rec., p. 177 ; AJDA 2004, p. 1541, note J.-P. Markus).
En quatrième lieu, le Conseil d’Etat est évidemment compétent pour assurer l’exécution les décisions qu’il a rendues en premier et dernier ressort.
Le demandeur de l’exécution. Il s’agit d’abord de définir la notion de « partie intéressée » à laquelle renvoie l’article L. 911-4 du code de justice administrative. La partie intéressée est, comme on peut s’en douter, celle qui a obtenu totalement ou partiellement gain de cause devant la juridiction et qui, à ce titre, est légitime à demander que la décision juridictionnelle soit exécutée. Il en va, à ce titre, de l’assuré comme de l’assureur subrogé dans ses droits (CE, 10 févr. 1997, Union des Assurances de Paris, requête numéro 160756, Rec., T., p. 1021). Il peut cependant arriver que les choses soient un peu plus complexes, le lien entre le demandeur et la décision étant plus lâche. Une personne sera recevable à demander l’exécution de la décision si elle peut en tirer un bénéfice direct et immédiat. Il a été ainsi jugé qu’un conseiller municipal peut demander l’exécution d’une condamnation pécuniaire au profit de la commune rendue sur recours d’un autre conseiller, décédé en cours d’instance (CAA Paris, plén., 28 janv. 2005, Mme le Métayer, requête numéro 02PA02416, Rec., p. 607 ; AJDA 2005, p. 1524, concl. O. Coiffet).
Le débiteur de l’obligation d’exécuter. Il résulte de l’économie générale du livre IX du code de justice administrative que les seuls personnes morales de droit public et organismes de droit privé chargés de la gestion d’un service public peuvent être débiteurs de l’obligation d’exécuter. Mais il ne s’agira pas nécessairement d’une partie à l’instance initiale (par ex., CE, Sect., 7 janv. 1994, Epoux Ledoux, requête numéro 120263, Rec., p. 11, concl. H. Toutée). On précisera encore que si le concours de la force publique peut être utilement requis pour parvenir à l’exécution de l’injonction prononcée par le juge, c’est à la condition que son ordonnance soit revêtue de la formule exécutoire (CE, 4 déc. 2009, Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales c. Sté Hoche Location, requête numéro 311645, Rec., T., pp. 905 et 944).
Le moment de la demande. On ne saurait exiger de l’administration qu’elle se conforme immédiatement et entièrement à la chose jugée dès réception de la notification de la décision juridictionnelle. Un délai de carence de trois mois est ainsi organisé avant l’exercice de toute demande à fins d’exécution des décisions rendues par les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel (CJA, art. R. 921-1). Ce délai est de six mois lorsque la décision a été rendue par le Conseil d’Etat ou par une juridiction administrative spécialisée (CJA, art. R. 931-3). Comme on peut s’en douter, ce délai ne joue pas lorsque la décision juridictionnelle initiale a elle-même déterminé le délai d’exécution (CE, 28 févr. 2001, Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, requête numéro 225740). Comme on peut s’en douter également, le délai d’attente n’est plus opposable en cas de refus d’exécution opposé expressément par l’administration (CJA, art. R. 921-1 et R. 931-3). En toute hypothèse, une fois expiré le délai d’attente, la demande d’exécution peut être introduite à tout moment et certaines espèces montrent que l’action peut être exercée bien longtemps après. On notera que le non respect du délai d’attente n’emporte pas irrecevabilité de la demande. Celle-ci sera prématurée mais régularisée par l’échéance du terme (CE, Sect., 5 mai 1995, Mme Berthaux, requêtes numéros 162283 et 162283, préc.). On notera que la prescription quadriennale ne saurait être opposée aux décisions juridictionnelles (loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics, art. 7).
La procédure. Les conditions d’enregistrement de la demande ne sont pas précisées par le code de justice administrative. Il y a donc lieu de considérer que la requête est enregistrée suivant les règles de droit commun. Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, le président de la juridiction ou un rapporteur qu’il désigne instruit la demande (CJA, art. R. 921-5). Devant le Conseil d’Etat, la demande est en principe transmise par la chambre saisie à la section du rapport et des études (CJA, art. R. 931-6). Cette partie de la procédure consiste en réalité en une phase administrative durant laquelle le juge joue un rôle de médiateur, lors des échanges de toutes natures qu’il peut avoir avec les parties, et notamment avec le débiteur de l’obligation d’exécuter. A l’issue de cette phase, la demande peut faire l’objet d’une décision de classement, soit que la demande n’était pas fondée, soit que la décision a été exécutée. Le classement n’est heureusement pas la seule hypothèse, la phase juridictionnelle pouvant être enclenchée, et ce deux manières. Le président de la juridiction peut décider d’ouvrir la phase juridictionnelle, au plus tard six mois après sa saisine, parce que la décision ne sera pas exécutée. La phase juridictionnelle peut également être engagée à l’initiative du demandeur qui aura contesté la décision de classement dans le mois suivant sa notification (CE, avis, 25 avr. 2007, Guerirem, requête numéro 299850, Rec., p. 179 ; AJDA 2007, p. 1199, concl. Y. Struillou). La procédure juridictionnelle qui en découle ne se distingue pas de la procédure de droit commun, sinon qu’elle est « instruite et jugée en urgence » (CJA, art. R. 921-6).
Les pouvoirs du juge. Le juge de l’exécution dispose de pouvoirs limités. Déjà doit-on souligner qu’il ne lui est pas possible de remettre en cause (CE, 3 mai 2004, Magnat, requête numéro 250730, Rec., T., p. 838) ni de rectifier (CE, 23 nov. 2005, Sté Eiffage TP, requête numéro 271329, Rec., p. 529) la décision juridictionnelle dont il lui est demandé d’assurer l’exécution. C’est à peine s’il lui est loisible de l’interpréter. Ce pouvoir d’interprétation, en effet, est limité à ce qui est nécessaire à la définition des mesures d’exécution opportunes (CE, 23 mars 2015, Mme Veysset, requête numéro 366813).
Dans son office, le juge de l’exécution peut d’abord rejeter la demande, parce que la décision juridictionnelle n’appelle en réalité aucune mesure d’exécution (CE, 26 mai 1995, Minvielle, requête numéro 141810, Rec., p. 220) ou qu’elle a été annulée (CE, 27 nov. 1985, Gindre, requête numéro 65904, Rec., T., p. 738), parce que les mesures d’exécution initialement décidées étaient suffisantes (CE, 16 juin 1997, Boerlen, requête numéro 167410, Rec., T., p. 1021), que l’exécution n’est plus possible en raison de la survenance d’un changement de circonstances de fait (CE, 6 mai 1988, Bellot, requêtes numéros 76779 et 83720, Rec., T., p. 884) ou de droit (CE, 7 janv. 1983, Raveau, requête numéro 39076, Rec., T., p. 830), en raison de l’exécution déjà effective (CE, 17 mars 1993, Organisme de gestion de l’enseignement catholique Saint-Joseph et Notre-Dame de Toutes-joies et a., requête numéro 95404, Rec., T., p. 972) ou en cours d’exécution et que rien ne laisse penser qu’elle ne sera pas effective à terme (CE, 15 nov. 1985, Proust, requête numéro 60393, Rec., p. 738).
Il n’est pas davantage permis au juge de l’exécution de statuer sur une demande qui, en réalité, porte sur un litige distinct, seules les demandes visant à tirer les conséquences directes et nécessaires de la décision juridictionnelle pouvant être favorablement accueillies (CE, 7 janv. 1994, Epoux Ledoux, requête numéro 120263, Rec., p. 11). Ainsi ne lui est-il pas possible de se prononcer sur le montant des indemnités à verser en réparation du préjudice né de l’illégalité fautive de l’acte administratif annulé, quand bien même cette réparation est la conséquence de cette annulation par le juge de l’excès de pouvoir (CE, 22 avr. 1992, Mlle Iban, requête numéro 108058, Rec., T., p. 1094). Il en va évidemment autrement lorsque l’annulation initiale a donné lieu dans le même temps à une condamnation à des dommages-intérêts, et que cette condamnation est l’objet de la demande d’exécution (CE, 4 nov. 1996, Mlle Kerbache, requête numéro 173691, Rec., p. 436).
Ainsi encore, l’exécution d’un jugement d’annulation n’implique pas en principe que le juge, saisi sur le fondement de l’article 911-5 du code de justice administrative, enjoigne à l’administration de revenir sur les mesures individuelles prises en application de cet acte, sauf notamment lorsque la juridiction administrative officie en tant que juge de droit commun de l’Union européenne et que le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne fasse obligation à l’Etat, au cas d’espèce, de recouvrer des aides indûment perçues, ceci afin de garantir la pleine effectivité du droit de l’Union (CE, 15 avr. 2016, Association Vent de colère ! Fédération nationale, requête numéro 393721, Rec.).
Si l’on excepte cette longue liste d’hypothèses dans lesquelles il n’a d’autre possibilité que de décevoir le demandeur, le juge – et c’est heureux – peut ordonner l’exécution de la chose jugée et il en va de l’injonction coercitive comme de l’injonction préventive : elle sera d’autant plus efficace qu’elle sera assortie d’une astreinte.
Sous-section 2 – Les pouvoirs d’astreinte de la juridiction administrative
De la nécessité de pouvoirs d’astreinte. Le Conseil d’Etat a pu rappeler qu’il existe un pouvoir général permettant à la juridiction administrative de prononcer, en dehors de tout texte, des astreintes à l’encontre des personnes privées (CE, 5 févr. 2014, Voies navigables de France, requête numéro 364561, Rec., p. 19 ; AJDA 2014, p. 1170, note N. Ach). Il en va différemment des astreintes dirigées contre les personnes publiques. Le respect de la chose jugée et donc l’efficacité des décisions juridictionnelles prononcées à l’encontre des personnes publiques commandaient ainsi que fût organisé un régime juridique adapté. L’organisation d’un régime d’astreinte propre aux personnes publiques était d’autant plus importante que les voies d’exécution du droit commun leur sont inapplicables (TC, 9 déc. 1899, Association syndicale du canal de Gignac, requête numéro 515, Rec., p. 731). La loi du 16 juillet 1980 a dès lors constitué un progrès considérable, en permettant le prononcé d’astreintes à l’encontre des personnes publiques en vue de l’exécution des décisions juridictionnelles – et des seules décisions juridictionnelles (CE, 1er févr. 1984, Sté de promotion et de réalisations hospitalières, requête numéro 49583, Rec., p. 32) administratives (CE, 23 févr. 1990, Mme Martinat, requête numéro 109748, Rec., T., p. 933) rendues à leur encontre (§ 1). La loi du 8 février 1995 en a déconcentré, pour plus d’efficacité, l’exercice. La liquidation de l’astreinte (§ 2) permet de maintenir un juste équilibre entre tous les intérêts en présence.
§ 1 : Le prononcé de l’astreinte
L’astreinte, accessoire de l’injonction préventive. L’article L. 911-3 du code de justice administrative dispose que « saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l’injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d’une astreinte ». Contrairement à ce qui est de l’injonction, qui est de droit lorsqu’elle est demandée et que les conditions sont satisfaites, la juridiction n’est jamais tenue de prononcer une astreinte (CE, 29 déc. 1995, Kavvadias, requête numéro 129659, préc.). Mais si elle y consent, l’astreinte ne saurait excéder le montant auquel ont conclu les parties (CE, 19 mai 2006, Syndicat national des ostéopathes de France (SNOF) et Registre des ostéopathes de France, requête numéro 280702, Rec., T., p. 1031).
L’astreinte, instrument de l’injonction coercitive. L’administration peut ne pas être encline à se conformer à la décision juridictionnelle. Dans ce cas, l’article L. 911-5 du code de justice administrative fonde le Conseil d’Etat, même d’office (CE, 28 mai 2001, Bandesapt, requête numéro 230537, Rec., p. 251), à prononcer une astreinte contre la personne morale de droit public ou l’organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public, afin qu’ils assurent l’exécution de cette décision. Il résulte de cette disposition que l’exécution des seules décisions prononcées par les juridictions administratives peut être contrainte par le prononcé d’une astreinte. Sont dès lors exclus les cas d’inexécution des transactions, alors même que celles-ci auraient été conclues pour prévenir un contentieux (CE, 1er févr. 1984, Sté de promotion et de réalisations hospitalières, requête numéro 49583, Rec., p. 32). Ne sont pas plus susceptibles de donner lieu à l’application de l’article L. 911-5 du code de justice administrative les cas d’inexécution de décisions rendues par les juridictions de l’ordre judiciaire, quand bien même elles auraient condamné des personnes publiques (CE, 23 févr. 1990, Mme Martinat, requête numéro 109748, Rec., T., p. 933). Il découle en revanche de cette disposition que l’administration visée par l’astreinte peut ne pas être celle à l’origine de l’acte annulé (CE, Sect., 7 janv. 1994, Epoux Ledoux, requête numéro 120263, préc.).
Les bénéficiaires de l’astreinte. Il résulte de la jurisprudence que toute personne directement concernée par la décision juridictionnelle, et non seulement les parties à l’instance initiale, a qualité pour présenter une demande d’astreinte tendant à l’exécution du jugement (CE, Sect., 13 nov. 1987, Mme Tusques et Marcaillou, requête numéro 75473, Rec., p. 360, concl. M. Roux ; AJDA 1987, p. 715, chron. M. Azibert et M. Boisdeffre). Chaque personne concernée est susceptible de s’adresser à la juridiction, en sorte que plusieurs astreintes peuvent être prononcées contre un seul et même cas d’inexécution (CE, Sect., 27 janv. 1995, Melot, requête numéro 155647, Rec., p. 52 ; AJDA 1995, p. 104, chron. L. Touvet et J.-H. Stahl ; RDP 1995, p. 535, concl. F. Scanvic).
La compétence pour prononcer une astreinte. Le juge compétent pour ordonner une astreinte est celui qui enjoint à l’administration en application des articles L. 911-1 et 911-2 du code de justice administrative (CJA, art. L. 911-3), ou celui qui est saisi d’une demande d’exécution en application de l’article L. 911-4 du même code (CJA, art. L. 911-5). On précisera ici que l’astreinte ne peut pas être ordonnée sur ces fondements lorsqu’un régime spécifique existe. Tel est le cas, notamment, du régime d’astreinte applicable à la procédure de mise en œuvre du droit au logement opposable (CCH, art. L. 441-2-3-1) qui dessaisit le juge de la faculté de prononcer, dans pareil cas, une astreinte sur le fondement de l’article L. 911-4 du code de justice administrative (CE, 10 févr. 2014, Ministre de l’Egalité des Territoires et du Logement c. M. Vandeven, requête numéro 361426, Rec., T., pp. 736 et 812).
La décision d’astreinte. La décision par laquelle la juridiction prononce une astreinte est une décision juridictionnelle. Elle doit donc être motivée (CJA, art. L. 9) et indiquer, à peine de ne pouvoir être liquidée, son point de départ (CE, 3 juin 2009, M. Huet, requête numéro 313198, Rec., T., p. 907). Le juge n’est pas tenu de faire droit à la demande d’astreinte qui lui est adressée. Il peut même, et c’est logique, être tenu de la rejeter pour les mêmes raisons que celles fondant le rejet d’une demande d’injonction. Lorsqu’il décide une astreinte, le juge fixe librement le taux de celle-ci, en fonction des circonstances de l’espèce.
Astreinte provisoire et astreinte définitive. L’astreinte est provisoire ou définitive, et elle n’est définitive que si la juridiction en a expressément décidé ainsi (CJA, art. L. 911-6). Le caractère – rarement – définitif de l’astreinte a pour conséquence d’en figer le taux, sauf à ce qu’il soit établi que l’inexécution de la décision procède d’un cas fortuit ou de force majeure (CJA, art. L. 911-7 al. 2). En cas d’astreinte provisoire, le juge pourra procéder à une majoration du taux de l’astreinte, au moment de la liquidation provisoire, en cas d’inexécution persistante (CE, 22 mars 1999, Bergeron, requête numéro 145048) ou à sa modération, notamment en cas de survenance d’une disposition législative qui met fin à la situation de droit qui était à l’origine de la décision prononçant l’astreinte (CE, 22 janv. 2003, Fédération nationale des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs et a., requête numéro 205476, Rec., T., p. 945 ; AJDA 2003, p. 1664, note L. Ayrault).
§ 2 : La liquidation de l’astreinte
La compétence pour prononcer la liquidation. En cas d’inexécution totale ou partielle, ou en cas d’exécution tardive, la juridiction procède, même d’office (CE, 11 janv. 2006, Département de la Haute-Corse, requête numéro 262621), à la liquidation de l’astreinte (CJA, art. L. 911-7 al. 1er). Le juge compétent est en principe celui qui a prononcé l’astreinte (CJA, art. R. 921-7) y compris en matière de référé (par ex., CE, 19 févr. 2009, Syndicat autonome de la fonction publique territoriale de la Réunion, requête numéro 324864, Rec., T., p. 896). Mais la décision dont il est demandé l’exécution peut avoir été frappée d’appel. Il faut alors distinguer. Si l’astreinte est adossée à une injonction préventive, la juridiction de premier ressort reste alors compétente pour procéder à la liquidation (CE, avis, 30 avr. 1997, Marchal, requête numéro 185322, Rec., T., p. 1022). A contrario, si l’astreinte est adossée sur une injonction coercitive, la juridiction d’appel est alors compétente.
Liquidation provisoire et liquidation définitive. La liquidation est définitive lorsque l’exécution a eu lieu, quoique tardivement. Lorsque l’exécution de la décision supposait l’adoption d’un acte réglementaire, celle-ci est réputée accomplie à compter de la publication (CE, 24 oct. 1997, Soulat, requête numéro 144575, Rec., T., p. 1023). Lorsque la décision juridictionnelle impliquait l’adoption d’une décision individuelle, l’obligation est réputée exécutée à compter de sa notification au requérant (CE, 17 mai 2000, Consorts Lechêne, requête numéro 160215, Rec., T., p. 1178). La renonciation du demandeur à obtenir le versement de la somme devant résulter de la liquidation définitive ne s’oppose pas à ce que le juge y procède néanmoins (CE, 16 févr. 2000, Viscontini, requête numéro 147650, Rec., T., p. 1178).
La liquidation est provisoire en cas d’inexécution persistante, mais le juge peut malgré tout la modérer ou la supprimer (CJA, art. L. 911-7 al. 3). Le juge ne peut cependant pas aller jusqu’à revenir sur les mesures ordonnées et dont l’exécution est demandée (CE, 5 sept. 2011, Ministre de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration c. Medina Bermudez, requêtes numéros 351170 à 351726 et 351728 à 351732 ; AJDA 2012, p. 115, note K.-H. Voizard). Mais lorsqu’elle est intervenue, cette liquidation provisoire n’est pas susceptible d’être ultérieurement remise en cause, notamment à l’occasion de la liquidation définitive (CE, 23 oct. 2009, Bodier, requête numéro 310379). Les difficultés d’exécution, mais également la bonne foi de la partie visée par l’astreinte sont prises en compte par le juge au moment de décider du montant de la liquidation. Ainsi, le Conseil d’Etat a-t-il jugé que l’obligation faite à un occupant sans titre de libérer le domaine public n’était pas exécutée lorsque celui-ci, après avoir initialement démonté ses installations, les a remontés quelques temps plus tard, l’astreinte devant alors être calculée sans tenir compte des différentes périodes (CE, 26 mars 2008, Commune de Carcans, requête numéro 300894 ; RDI 2008, p. 340, obs. P. Caille). Ainsi encore le Conseil d’Etat a-t-il liquidé l’astreinte prononcée contre une administration refusant de produire des documents dont elle avait laissé croire à tort à l’existence, une telle circonstance n’étant dès lors pas un cas de force majeure exonérant le défendeur (CE, 15 déc. 2010, Commune de Douai, requête numéro 331148). En revanche, lorsque la publication attendue d’un acte est intervenue quinze jours après l’expiration du délai imparti, le juge peut considérer qu’il n’y pas lieu de liquider l’astreinte (CE, 12 déc. 2012, Escalas et a., requêtes numéros 332082 et 336634, Rec., T., p. 933). La décision de ne pas liquider l’astreinte en raison de l’exécution constatée des mesures prescrites peut être prise par ordonnance (CE, 16 juill. 2014, Talbaux, requête numéro 362230, Rec., T., pp. 806, 812 et 816).
La procédure présidant à la liquidation. En l’absence de tout élément nouveau versé au dossier, la juridiction n’est pas tenue de consulter les parties préalablement à l’audience publique qui, elle, doit nécessairement se tenir (CE, 11 janv. 2006, Département de la Haute-Corse, requête numéro 262621, Rec., T., p. 1031). La décision par laquelle le juge procède à la liquidation d’une astreinte provisoire doit être motivée (CE, 6 oct. 2010, Commune du Castellet¸requête numéro 307683).
Le sort de l’astreinte. Le juge peut décider qu’une part de l’astreinte ne sera pas versée au requérant mais affectée au budget de l’Etat (CJA, art. L. 911-8), étant précisé que la clé de répartition entre la liquidation provisoire et la liquidation définitive doit être la même (CE, 23 oct. 2009, M. Bodier, requête numéro 310379, préc.). La finalité de cette disposition est de faire obstacle à l’enrichissement sans cause des justiciables. Il est vrai que l’astreinte vise à l’exécution de la chose jugée et ne consiste pas en une forme corrompue de réparation d’un quelconque préjudice. Dans le cas cependant où c’est l’Etat qui est condamné, la logique commande que l’astreinte soit intégralement versée au requérant (CE, 28 févr. 2001, Fédération nationale des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs et Aupetit et a., requêtes numéros 205476 et 209474, Rec., T., p. 1148), sauf à ce que le juge décide qu’une part de l’astreinte ne soit tout simplement pas versée (CE, 30 mars 2001, Epoux Ribstein, requête numéro 185107, Rec., T., p. 1148) et l’on peut raisonnablement penser qu’il en sera fréquemment ainsi, sauf pour le juge à verser dans une forme d’incohérence puisque, ici encore, il s’agit de ne pas favoriser l’enrichissement indu des justiciables. Le Conseil constitutionnel n’y voit là aucune atteinte au droit à un recours effectif tel que garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, d’autant qu’il est toujours loisible au justiciable de mettre en cause la reponsabilité de l’Etat pour l’exécution tardive d’une décision de justice (Cons. const., décision numéro 2014-455 QPC du 6 mars 2015, M. Jean de M., préc.), ce que la juridiction administrative admet encore, et classiquement (CE, Ass., 27 nov. 1964, Ministre des Affaires économiques et des Finances c. Veuve Renard, requête numéro 59068, Rec., p. 590).
Table des matières