REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistré le 2 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes, avant de statuer sur la demande de la SOCIETE GOUELLE tendant, d’une part, à l’annulation du marché conclu par la région Bretagne avec la société Menuiserie Cardinal pour la réalisation du lot C » plâtrerie – isolation – menuiserie bois » de l’opération de construction du fonds régional d’art contemporain de Bretagne et, d’autre part, à ce que la région Bretagne soit condamnée à lui verser la somme de 197 000 euros en compensation du préjudice résultant de son éviction de la conclusion du contrat, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) Le caractère irrégulier de l’offre d’un concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif, que ce caractère irrégulier soit ou non le motif de l’éviction, fait-il obstacle à la recevabilité du recours de pleine juridiction en contestation de la validité de ce contrat et des demandes indemnitaires dont ce recours peut être assorti ‘
2°) Dans l’affirmative, et dans le cas où le caractère irrégulier de l’offre ne constitue pas le motif de l’éviction et n’est pas soulevé par le défendeur mais résulte de l’instruction, est-il de l’office du juge du contrat de soulever d’office le caractère irrégulier de l’offre ‘
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 113-1 et R. 113-1 à R. 113-4 ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Fabrice Aubert, Auditeur,
– les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
REND L’AVIS SUIVANT :
1. Ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, par décision n° 291545 du 16 juillet 2007, tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif est recevable à former devant le juge du contrat, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant de demandes indemnitaires.
Il appartient au juge saisi de telles conclusions, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier les conséquences. Il lui revient ainsi, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d’accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l’annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux droits du cocontractant, d’annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat.
2. Pour statuer sur la recevabilité d’un tel recours et des conclusions indemnitaires susceptibles de l’accompagner, il appartient au juge du contrat d’apprécier si le requérant peut être regardé comme un concurrent évincé.
Cette qualité de concurrent évincé est reconnue à tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat, alors même qu’il n’aurait pas présenté sa candidature, qu’il n’aurait pas été admis à présenter une offre ou qu’il aurait présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable.
3. A l’appui de son recours en contestation de la validité du contrat, mais aussi de ses conclusions indemnitaires présentées à titre accessoire ou complémentaire, le concurrent évincé peut invoquer tout moyen.
Il ne résulte par ailleurs d’aucun texte ni principe que le caractère opérant des moyens ainsi soulevés soit subordonné à la circonstance que les vices auxquels ces moyens se rapportent aient été susceptibles de léser le requérant.
4. Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Rennes, à la SOCIETE GOUELLE et à la région Bretagne.