Vu les lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an III ; l’ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ; la loi du 24 mai 1872 ; l’article 136 du Code de procédure pénale ;
*1* Considérant qu’à la suite des arrêtés du ministre de l’Intérieur en date des 13 février 1962 et 5 mai 1962, qui prescrivaient son assignation à résidence au centre de séjour surveillé de Saint-Maurice l’Ardoise puis dans un centre hospitalier, le sieur Clément a engagé contre l’Etat devant le Tribunal de grande instance d’Agen, une action en réparation du dommage que lui auraient causé ces internements qu’il estimait arbitraires et de nature à caractériser l’existence de voies de fait ; que le tribunal s’étant déclaré compétent, le Préfet du Lot-et-Garonne a élevé le conflit ;
*2* Cons. que, d’après les alinéas 3 et 4 de l’article 136 du Code de procédure pénale, le conflit d’attributions ne peut jamais être élevé par l’autorité administrative et les tribunaux de l’ordre judiciaire sont toujours exclusivement compétents dans toute instance civile fondée sur des faits constitutifs des infractions prévues par les articles 114 à 122 et 184 du Code pénal, qu’elle soit dirigée contre la collectivité publique ou contre ses agents ; que cette disposition déroge au principe de la séparation des pouvoirs posé par l’article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III ; qu’elle doit donc être interprétée strictement et que la dérogation qu’elle édicte ne peut être étendue au delà de ce que prévoient ses termes mêmes ; qu’ainsi, en vertu de ladite disposition, les tribunaux judiciaires sont compétents pour statuer au fond sur toute action tendant à la réparation de dommages causés par les faits visés à cet article, que cette action soit dirigée contre les agents publics qui se sont rendus coupables de telles infractions ou qu’elle le soit contre une personne morale de droit public ; qu’en revanche, les alinéas susanalysés de l’article 136 n’attribuent compétence aux tribunaux civils ni pour se prononcer sur la légalité d’actes administratifs, ni pour interpréter des décisions administratives individuelles ; que, par suite, ces juridictions sont compétentes pour assurer la réparation du préjudice qu’une autorité administrative a causé par un des faits constituant une infraction aux dispositions susvisées du Code pénal, mais, en dehors du cas de voie de fait, ne peuvent se fonder soit sur l’illégalité de la décision administrative qui est à l’origine du préjudice allégué, soit sur une interprétation de cette décision, que si la juridiction administrative a annulé cette décision ou, saisie d’une question préjudicielle sur renvoi de l’autorité judiciaire, a déclaré cette décision illégale ou en a donné l’interprétation ;
*3* Cons., d’une part, que le ministre de l’Intérieur était habilité par les décisions du Président de la République des 24 avril 1961 et 29 septembre 1961 à prendre des mesures administratives d’assignation à résidence et d’internement, restrictives de la liberté individuelle ; qu’il suit de là que les décisions prises à l’encontre du sieur Clément, quels que soient les vices dont elles pouvaient être entachées, ne sauraient constituer une voie de fait ; que leur exécution n’a pas présenté non plus un tel caractère ;
*4* Cons., d’autre part, que le sieur Clément fonde également sa demande sur l’illégalité des arrêtés prononcant son assignation à résidence ; qu’ainsi le litige soumis au Tribunal de grande instance d’Agen et qui relève au fond de sa compétence, soulève une question préjudicielle d’appréciation de la légalité de ces arrêtés dont il n’appartient qu’à la juridiction administrative de connaître ;… (Arrêté de conflit validé en tant qu’il tend à réserver à la juridiction administrative l’appréciation de la légalité et le cas échéant l’interprétation des arrêtés ministériels des 13 février et 5 mai 1962 et annulé pour le surplus ; Jugement du Tribunal de grande instance d’Agen déclaré nul et non avenu en tant qu’il est contraire à la présente décision).