REQUETE de la Fédération des Syndicats chrétiens de cheminots, agissant poursuites et diligences de son président en exercice, tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du ministre des Travaux publics et des Transports en date du 17 octobre 1961, relative à l’exercice du droit de grève par les personnels de la S.N.C.F.;
Vu les Constitutions du 27 octobre 1946 et du 4 octobre 1958; la loi du 11 juin 1842; la loi du 15 juillet 1845 ; l’ordonnance du 15 novembre 1846 ; le décret du 22 mars 1942 ; le décret du 31 août 1937; le décret du 31 décembre 1937 ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre les dispositions de la circulaire susvisée relatives aux retards systématiques apportés à la mise en marche des trains ou autorails, à la diminution volontaire du rendement, à la mauvaise exécution systématique du service, et aux manifestations qui, sous le nom de débrayages, compromettent l’exécution du service : — CONSIDÉRANT que les dispositions de la circulaire susvisée, qui se bornent à rappeler au personnel de la Société nationale des chemins de fer français que les pratiques susmentionnées ne sauraient être confondues avec l’exercice du droit de grève, et constituent des fautes professionnelles susceptibles de sanction, n’ont pas de caractère réglementaire ; qu’elles ne contiennent par elles-mêmes aucune décision susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir ; qu’ainsi les conclusions du pourvoi dirigées contre lesdites dispositions ne sont pas recevables ;
Sur la légalité des autres dispositions attaquées : — Cons. qu’en indiquant dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui réglementent », l’Assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue l’une des modalités et la sauvegarde de l’intérêt général auquel elle peut être de nature à porter atteinte ;
Cons. qu’en l’absence de la réglementation ainsi annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d’en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public ; qu’en l’état de la législation à la date de la décision attaquée, il appartenait au Gouvernement, responsable du bon fonctionnement de l’ensemble des services publics, de fixer lui-même, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la nature et l’étendue desdites limites ;
Cons. que, dans le cadre de ces prérogatives gouvernementales, le ministre des Travaux publics et des Transports chargé par la loi du 15 juillet 1815 et le décret du 22 mars 1942, auxquels se réfère l’article 40 de la Convention conclue entre l’Etat et la Société nationale des chemins de fer français le 31 août 1937, de la police des chemins de fer, pouvait, dans les limites ci-dessus précisées, légalement prendre des mesures interdisant ou réglementant par avance l’exercice du droit de grève par le personnel de la Société nationale des chemins de fer français ;
Cons. d’une part, que le ministre des Travaux publics et des Transports a, en vertu de ces pouvoirs, légalement refusé l’exercice du droit de grève au personnel affecté à la garde des barrières des passages à niveau, et subordonné cet exercice, lorsque le mouvement prévu affecte le personnel chargé d’assurer la sécurité des convois ainsi que celle des personnes, à un préavis de 5 jours faisant l’objet d’une notification par l’une des organisations syndicales représentatives ;
Cons. d’autre part, qu’en raison de la nature même du service public concédé à la Société nationale des chemins de fer français, des interruptions de travail successives et concertées « affectant soit un seul établissement, soit tantôt un secteur du réseau tantôt un autre, soit tantôt une catégorie de personnel, tantôt une autre», aurait pour effet de désorganiser ledit service public : que, dès lors, le ministre des Travaux publics et des Transports a légalement usé des pouvoirs qui lui appartiennent en matière de police des chemins de fer pour interdire par avance la participation à des interruptions de travail présentant, soit en vertu d’une décision d’une organisation syndicale, soit d’après les circonstances de leur exécution, les caractères susindiqués ;
Cons. enfin que le ministre des Travaux publics et des Transports n’a pas excédé ses pouvoirs en rappelant que la cessation du travail doit être précédée d’un avertissement à l’employeur, et en précisant les conditions dans lesquelles, à la Société nationale des chemins de fer français, cet avertissement doit être notifié ;
Cons. toutefois que, contrairement à ce que décide la circulaire attaquée, des cessations locales du travail des agents de la Société nationale des chemins de fer français ne sauraient, du seul fait qu’elles ne résultent pas d’un concert préalable à l’échelon national, être regardées comme désorganisant le service public des chemins de fer ; que, par suite, le syndicat requérant est fondé à soutenir qu’en soumettant l’exercice du droit de grève pas tous les agents de la Société nationale des chemins de fer français à un tel concert préalable à l’échelon national, le ministre des Travaux publics et des Transports a excédé ses pouvoirs, et à demander, en conséquence, l’annulation sur ce point de la circulaire susvisée du 17 octobre 1961 ;… (Annulation des dispositions de la circulaire susvisée, soumettant l’exercice du droit de grève par tous les agents de la Société nationale des chemins de fer français à la condition que la cessation du travail résulte d’un concert préalable à l’échelon national ; rejet du surplus ; dépens mis à la charge de l’Etat).