REQUETE de la ville de Nanterre, représentée par son maire en exercice, à ce dûment autorisé, tendant à l’annulation d’un jugement du 11 janvier 1962 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé pour excès de pouvoir une décision implicite par laquelle le préfet de la Seine a, sur demande du sieur X…, refusé d’annuler une délibération du Conseil municipal de la ville relative à l’ouverture d’un cabinet dentaire municipal, déclaré nulle de droit cette délibération et annulé pour excès de pouvoir une décision implicite par laquelle le maire de Nanterre a rejeté la demande du sieur X… tendant à la fermeture dudit cabinet dentaire municipal, ensemble au rejet de la demande du sieur X… tendant à l’annulation pour excès de pouvoir desdites décisions ;
Vu la loi du 15 juillet 1893 ; l’ordonnance du 31 juillet 1915 et le décret du 30 septembre 1953 ; l’article 698 ter du Code général des impôts ;
Sur l’intervention du Comité de défense et de liaison des dispensaires et centres de santé — CONSIDÉRANT que le Comité de défense et de liaison des dispensaires et centres de santé a intérêt à l’annulation du jugement attaqué ; qu’ainsi, son intervention est recevable ;
Sur la requête de la ville de Nanterre :
Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête ; — Cons. que, pour déclarer illégale la création par la ville de Nanterre d’un cabinet dentaire municipal ouvert sans réserve à la généralité de la clientèle locale, le Tribunal administratif s’est fondé sur ce que l’insuffisance de l’initiative privée n’était établie qu’a l’égard de la partie économiquement la plus défavorisée de la population et que l’intervention de la collectivité publique devait donc trouver sa limite dans celle de l’étendue du besoin particulier qui l’avait provoquée ;
Cons. qu’il résulte de l’instruction qu’en créant en 1919 au dispensaire municipal un cabinet dentaire ouvert à l’ensemble de la population locale, la ville de Nanterre a eu pour but, non pas tant de contribuer par ce moyen à l’exécution des obligations d’assistance qui lui incombent en vertu de la loi du 15 juillet 1893, alors surtout qu’à l’époque le règlement départemental d’aide médicale réservait à certains hôpitaux publics l’administration des soins dentaires aux bénéficiaires de l’assistance médicale gratuite, mais essentiellement de permettre à la population locale, composée en grande majorité de salariés modestes, de ne pas renoncer aux soins dentaires malgré la carence de l’équipement hospitalier et le nombre insuffisant de praticiens privés, alors surtout que ceux-ci pratiquaient en fait, pour la plupart du moins, des tarifs supérieurs aux tarifs de responsabilité de la Sécurité sociale ; que cette initiative répondait, dans cette ville et à l’époque envisagée, à un besoin de la population et, par suite, à un intérêt public local ;
Cons. d’autre part, qu’en ne limitant pas l’accès dudit cabinet municipal aux seuls assurés sociaux, la ville de Nanterre s’est bornée à appliquer le principe d’égalité qui régit le fonctionnement des services publics à l’égard des usagers ; qu’en effet, si ledit principe ne s’oppose pas à ce que les usagers d’un service public de la nature de celui dont s’agit supportent des tarifs différents ou même bénéficient éventuellement de la gratuité complète selon qu’ils sont ou non assurés sociaux, ou bénéficiaires de l’assistance médicale gratuite, il implique, en revanche, nécessairement que l’accès au service public communal ne soit pas interdit à un habitant de la commune pour le seul motif que ses revenus lui permettent de recourir aux soins de praticiens privés ;
Cons. enfin qu’il ne résulte pas de l’instruction que les conditions de fonctionnement du cabinet municipal et notamment le fait qu’il effectuait toutes les opérations et tous les travaux de prothèse relevant de la profession dentaire, y compris ceux qui ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale, aient été de nature à détourner l’activité dudit cabinet de son objet d’intérêt public ni, par suite, à porter une concurrence illégale aux chirurgiens-dentistes de la ville ;
Cons. qu’il résulte de ce qui précède que la ville de Nanterre est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a déclaré que la création du cabinet dentaire municipal était illégale, en tant que ledit cabinet était ouvert sans réserve à la généralité de la clientèle locale :
Sur les dépens de première instance : — Cons. que, dans les circonstances de l’affaire il y a lieu de mettre les dépens de première instance à la charge du sieur X… ;… (Intervention du Comité de défense et de liaison des dispensaires et centres de santé admise ; annulation des articles 1, 2 et 4 du jugement ; rejet de la demande du sieur X… ; dépens de première instance et d’appel mis à sa charge).