Vu, enregistrée à son secrétariat le 21 février 2007, l’expédition de l’arrêt du 6 février 2007, par lequel la Cour de cassation, Chambre commerciale, saisie du pourvoi formé par la société Boiron contre le directeur général et le directeur régional de la direction générale des douanes et droits indirects et tendant à la cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Lyon en date du 8 décembre 2005, a renvoyé au Tribunal, par application de l’article 35 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu, enregistré le 27 mars 2007, le mémoire présenté pour le directeur général et le directeur régional de la direction générale des douanes et droits indirects tendant à ce que les juridictions de l’ordre administratif soient déclarées compétentes pour connaître du litige l’opposant à la société Boiron et à ce que soit mise à la charge de cette société la somme de deux mille cinq cents euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, par les motifs que l’action en responsabilité qui conduit le juge à apprécier le comportement d’un service public administratif déroge aux règles de l’action tendant à obtenir des dommages et intérêts à raison de l’établissement ou du recouvrement de l’impôt ; que la jurisprudence du Tribunal des conflits admet que les règles du contentieux fiscal ne s’appliquent pas aux actes détachables de la détermination de l’impôt ; que le juge administratif s’est reconnu compétent pour connaître du préjudice invoqué par un contribuable à raison du maintien d’un texte contraire à une norme communautaire ; qu’est en cause la recherche de la responsabilité de l’Etat en raison du retard intervenu dans la transposition d’une directive de droit européen, étranger aux opérations de détermination de l’assiette de l’impôt et a fortiori du recouvrement ;
Vu, enregistré le 17 juillet 2007, le mémoire présenté pour la société Boiron, tendant à ce que les juridictions de l’ordre judiciaire soient déclarées compétentes, par les motifs que l’article 406A du code général des impôts a été jugé contraire aux directives communautaires 92/12 et 92/83 ; que les droits en litige ont été perçus sur le fondement d’un état du droit contraire aux directives dont le délai de transposition est expiré ; que le juge de la responsabilité est le juge de l’impôt dès lors que l’action engagée n’est pas détachable des opérations d’assiette et de recouvrement ; que le défaut de transposition des directives n’est pas détachable ; que l’action en restitution étant de la compétence du juge de l’impôt, il en va de même de l’action indemnitaire ; qu’il n’appartient qu’au juge de l’impôt d’apprécier si l’impôt est compatible ou non avec les règles du droit communautaire, notamment les directives ; qu’il ne peut être opéré de distinction entre la détermination de l’assiette et le recouvrement d’une part, et l’exercice des prérogatives de puissance publique nécessaires à la transposition des directives dès lors que le premier aspect relève tout autant de l’exercice de prérogatives de puissance publique que le second ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992 relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise ;
Vu la directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Delarue, membre du Tribunal, – les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Boiron et de Me Foussard, avocat du directeur général et du directeur régional de la direction générale des douanes et droits indirects ; – les conclusions de M. Sarcelet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société Boiron a recherché devant les tribunaux de l’ordre judiciaire la responsabilité de l’Etat à raison de la perception, du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, du droit de fabrication sur les produits alcooliques, prévu par les dispositions de l’article 406A du code général des impôts, abrogé à compter du 1er janvier 1999, qu’elle estime incompatible avec les directives communautaires des 25 février 1992 et 19 octobre 1992, dont le délai de transposition expirait le 1er janvier 1993 ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 199 du livre des procédures fiscales : » En matière de… contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits… le tribunal compétent est le tribunal de grande instance… » ; qu’il résulte de ces dispositions que ce tribunal est toujours compétent pour connaître des contestations engagées par les redevables et relatives à l’assiette des contributions indirectes, notamment des accises ;
Considérant que le même juge fiscal est également compétent pour connaître des actions par lesquelles le redevable demande à l’Etat réparation du préjudice imputable aux actes accomplis par les agents de l’administration des douanes et des droits indirects à l’occasion de la détermination de l’assiette des droits indirects, y compris lorsque la responsabilité de l’administration est recherchée du fait de l’application d’un texte incompatible avec le droit communautaire ou une convention internationale ;
Considérant en revanche que lorsque le redevable choisit de rechercher la responsabilité de l’Etat du fait de la méconnaissance de l’obligation qui incombe au législateur d’assurer le respect des conventions internationales, notamment faute d’avoir réalisé la transposition, dans les délais qu’elles ont prescrits, des directives communautaires, une telle action relève du régime de la responsabilité de l’Etat du fait de son activité législative ; que la juridiction administrative est compétente pour en connaître ;
Considérant que la société Boiron demande la réparation du préjudice qui lui aurait été causé par le maintien de dispositions législatives incompatibles avec des directives communautaires, faute d’avoir été abrogées par le législateur dans le délai de transposition prévu ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’une telle action relève de la compétence du juge administratif ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de rejeter la demande présentée par l’Etat sur le fondement de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E : ————–
Article 1er : La juridiction administrative est compétente pour connaître du litige opposant la société Boiron au directeur général et au directeur régional de la direction générale des douanes et droits indirects.
Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la Cour de cassation.
Article 3 : La demande présentée par l’Etat au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d’en assurer l’exécution.