REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu les procédures suivantes :
1°/ sous le n° 408774, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 mars, 6 juin et 18 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Fédération française de vol libre, représentée par son président, demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 31 décembre 2016 par lequel le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports a accordé la délégation prévue à l’article L. 131-14 du code du sport à la Fédération française de voile pour la discipline du » kiteboard » (glisse aérotractée nautique) ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
2°/ sous le n° 408775, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 9 mars, 6 juin 2017 et 18 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Fédération française de vol libre, représentée par son président, demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 31 décembre 2016 par lequel le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports lui a accordé la délégation prévue à l’article L. 131-14 du code du sport en tant qu’il n’a pas inclus, au titre des disciplines pour lesquelles la délégation était octroyée, le » kiteboard » (glisse aérotractée nautique) ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du sport ;
Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d’Etat,
– les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Benabent, avocat de la Fédération française de vol libre, et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la Fédération française de voile ;
1. Considérant que les requêtes de la Fédération française de vol libre tendent à l’annulation pour excès de pouvoir de deux arrêtés du 31 décembre 2016 par lesquels le ministre chargé des sports a, notamment, refusé de renouveler la délégation dont bénéficiait jusqu’alors la Fédération française de vol libre pour la discipline du kiteboard (glisse aérotractée nautique) et accordé la délégation pour cette discipline à la Fédération française de voile ; que la Fédération française de vol libre demande l’annulation pour excès de pouvoir de ces deux arrêtés en tant que le premier ne lui accorde pas la délégation pour la discipline du kiteboard et en tant que le second l’accorde à la Fédération française de voile ; que ces requêtes présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant, en premier lieu, que MmeA…, directrice des sports, nommée par décret du 28 avril 2016 publié au Journal officiel le 29 avril 2016, était habilitée à signer les arrêtés attaqués au nom du ministre chargé des sports, en vertu des dispositions du 1° de l’article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ; que le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués auraient été signés par une autorité incompétente ne peut, par suite, qu’être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que les arrêtés litigieux, qui présentent un caractère réglementaire, n’avaient pas à être motivés ;
4. Considérant, en troisième lieu, que la seule circonstance que Mme A…ait été licenciée de la Fédération française de voile en 2009 et ait participé en 2011 à une commission féminine de cette fédération en sa qualité de directrice de la jeunesse et des sports de la ville de Paris n’a pas été de nature à affecter son impartialité ;
5. Considérant, en dernier lieu, qu’aux termes de l’article L. 131-14 du code du sport : » Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports. / Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions d’attribution et de retrait de la délégation, après avis du Comité national olympique et sportif français » ; qu’en vertu de l’article L. 131-15 du même code, les fédérations délégataires ont notamment compétence pour organiser » les compétitions sportives à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux » ; qu’aux termes de l’article R. 131-25 du même code : » La délégation prévue à l’article L. 131-14 est accordée à une fédération constituée pour organiser la pratique d’une seule discipline sportive ou de disciplines connexes. / L’arrêté du ministre chargé des sports accordant la délégation est pris après avis du Comité national olympique et sportif français, et publié au Journal officiel de la République française » ;
6. Considérant qu’il appartient au ministre chargé des sports de déterminer, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, la fédération sportive à laquelle il accorde, parmi les fédérations sportives agréées, la délégation prévue à l’article L. 131-14 du code du sport pour une discipline sportive ; que le juge de l’excès de pouvoir n’exerce qu’un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation sur les choix qui sont faits dans ce cadre par le ministre ;
7. Considérant que si, comme le fait valoir la Fédération française de vol libre, le kiteboard est une discipline qui, eu égard à l’usage d’une aile de traction, requiert une maîtrise aérienne et présente des similitudes avec les autres déclinaisons de glisse aéroportée sur terre et sur neige, pour lesquelles elle a reçu la délégation prévue à l’article L. 131-14 du sport, il ressort des pièces du dossier que cette discipline, qui se pratique sur l’eau, présente également des points communs avec des disciplines, notamment la planche à voile, pour lesquelles la Fédération française de voile a reçu délégation ; qu’ainsi en transférant, par l’effet des arrêtés attaqués, à la Fédération française de voile la délégation antérieurement accordée à la Fédération française de vol libre pour le kiteboard, le ministre chargé des sports n’a pas, compte tenu des caractéristiques de la discipline et alors, d’une part, que la Fédération française de voile n’était pas dénuée d’expérience dans la pratique et l’enseignement de ce sport et, d’autre part, qu’un tel choix tenait opportunément compte des modalités selon lesquelles est organisée la pratique de cette discipline au niveau international, commis d’erreur manifeste d’appréciation ;
8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, que la Fédération française de vol libre n’est pas fondée à demander l’annulation des arrêtés qu’elle attaque ;
9. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que demande la Fédération française de vol libre au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de cette fédération le versement d’une somme de 3 000 euros à la Fédération française de voile ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la Fédération française de vol libre sont rejetées.
Article 2 : La Fédération française de vol libre versera une somme de 3 000 euros à la Fédération française de voile au tire de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération française de vol libre, à la Fédération française de voile et à la ministre des sports.