REQUÊTE de la société à responsabilité limitée Lucien, Joseph et Compagnie, tendant à l’annulation pour excès de pouvoir d’un arrêté du Haut-Commissaire de la République Française à Madagascar et dépendances, en date du 14 février 1949, interdisant tout trafic maritime entre la Réunion et Madagascar, et, en tant que de besoin, des arrêtés de la même autorité, en date du 10 décembre 1948 et du 1er janvier 1949, concernant le trafic entre les îles Maurice et de la Réunion, d’une part, Madagascar, d’autre part ;
Vu la loi du 3 mars 1822 ; le décret du 10 août 1926 ; le décret du 27 décembre 1928; la convention internationale sanitaire du 21 juin 1926 ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le Ministre de la France d’Outre-Mer : –
CONSIDÉRANT qu’il résulte des pièces versées au dossier que, compte tenu des itinéraires des lignes de navigation aérienne et maritime, l’arrêt du trafic entre Madagascar et l’île Maurice entraînait une interruption corrélative du trafic concernant l’île de la Réunion ; que, dès lors, la société Lucien, Joseph et Compagnie, dont le siège est à la Réunion, a intérêt à attaquer non seulement les mesures corrélatives à la Réunion, mais aussi celles concernant l’île Maurice ;
Sur la légalité des arrêtés attaqués : — Cons. que, par les arrêtés attaqués, le Haut-Commissaire de la République française à Madagascar a interdit tout trafic, tant aérien que maritime, entre les îles Maurice et de la Réunion, d’une part, et Madagascar, d’autre part, en se fondant sur l’existence d’une épidémie de poliomyélite dans les deux premières îles ;
Cons. qu’aucune disposition du décret du 27 décembre 1928, pris en exécution de la loi du 3 mars 1822 et seul applicable en matière de police sanitaire maritime, ne prévoit que l’autorité administrative peut prononcer l’interdiction de tout trafic maritime ou aérien ; qu’en l’absence d’un texte l’autorisant expressément à édicter cette interdiction, le Haut-Commissaire de la République Française à Madagascar, eu égard à la nature d’une telle mesure et à l’atteinte ainsi portée à la liberté individuelle, n’aurait pu user légalement de ses pouvoirs de police pour prendre les dispositions contestées qu’en cas de péril imminent et d’une exceptionnelle gravité; que l’existence, en l’espèce, d’un péril présentant ces caractères ne ressort pas des pièces versées au dossier ; que la société requérante est, dès lors, fondée à soutenir que les arrêtés attaqués sont entachés d’excès de pouvoir ;… (Annulation).
Conseil d’Etat, Section, 20 mai 1955, Société Lucien, Joseph et compagnie, requête numéro 2399, rec. p. 276
Citer : Revue générale du droit, 'Conseil d’Etat, Section, 20 mai 1955, Société Lucien, Joseph et compagnie, requête numéro 2399, rec. p. 276, ' : Revue générale du droit on line, 1955, numéro 17092 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=17092)
Imprimer
....