Conseil d’État – 6ème / 1ère SSR
- N° 377177
- ECLI:FR:CESSR:2015:377177.20151016
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
M. B…A…a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler pour excès de pouvoir, d’une part, la décision du 6 juin 2011 par laquelle la commission supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels a confirmé la décision de la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels refusant de lui délivrer une telle carte au titre de l’année 2011, d’autre part, la décision du 4 juin 2012 par laquelle la commission supérieure a confirmé le refus de la commission de lui délivrer cette carte au titre de l’année 2012. Par une ordonnance du 4 août 2011, le tribunal administratif de Marseille a transmis sa demande au tribunal administratif de Paris. Par un jugement n° 1113721/6-1 du 31 mai 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 6 juin 2011 et a annulé la décision du 4 juin 2012.
Par un arrêt n° 13PA02593 du 6 février 2014, la cour administrative d’appel de Paris a, sur la requête de M.A…, d’une part, annulé le jugement n° 1113721/6-1 du 31 mai 2013 du tribunal administratif de Paris en tant qu’il a rejeté les conclusions de M. A…dirigées contre la décision du 6 juin 2011, d’autre part, annulé la décision du 6 juin 2011 et enjoint à la commission supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels de délivrer à M. A…la carte d’identité de journaliste professionnel pour l’année 2011.
Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 7 avril, 7 juillet et 26 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commission supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt,
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la requête de M. A…;
3°) de mettre à la charge de M. A…la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
– Vu :
– le code du travail ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,
– les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la commission supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. A… ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
1. Considérant que si la commission supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels, qui est un organe à caractère administratif dépourvu de la personnalité morale, n’a pas qualité pour former un pourvoi devant le Conseil d’Etat contre l’arrêt attaqué, le ministre de la culture et de la communication a déclaré s’approprier les conclusions de son pourvoi ; que, dès lors, et quelle que soit la date du pourvoi du ministre, la fin de non-recevoir opposée par M. A…doit être écartée ;
Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué :
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 7111-3 du code du travail : » Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 7111-4 du même code : » Sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateur, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle. » ; qu’aux termes de l’article L. 7111-5 du même code : » Les journalistes exerçant leur profession dans une ou plusieurs entreprises de communication au public par voie électronique ont la qualité de journaliste professionnel. » ; qu’aux termes de l’article L. 7111-6 du code : » Le journaliste professionnel dispose d’une carte d’identité professionnelle dont les conditions de délivrance, la durée de validité, les conditions et les formes dans lesquelles elle peut être annulée sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 7111-1 : » La carte d’identité professionnelle des journalistes ne peut être délivrée qu’aux personnes qui, conformément aux dispositions des articles L. 7111-3 à L. 7111-5, sont journalistes professionnels ou sont assimilés à des journalistes professionnels. » ;
3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la qualité de journaliste professionnel suppose, premièrement, que l’intéressé exerce une activité dans une entreprise de presse, une publication quotidienne ou périodique, une agence de presse, ou une entreprise de communication au public par voie électronique, deuxièmement, qu’il ait pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession et en tire le principal de ses ressources ; que le mode de diffusion d’informations par voie électronique, notamment par un site internet, ne fait pas, par lui-même, obstacle à la qualification de publication au sens de l’article L. 7111-3 du code de travail cité ci-dessus ou à la reconnaissance de la qualification de journaliste professionnel dans une entreprise de communication au public par voie électronique en application de l’article L. 7111-5 du même code ; qu’en revanche, un organe qui a pour objet principal la promotion publicitaire ne peut être regardé comme une publication au sens des dispositions précitées ;
4. Considérant qu’il ressort des motifs mêmes de l’arrêt attaqué que, si le site Webcarcenter comporte des rubriques d’actualité et divers dossiers ou analyses, il a pour objet principal la promotion de ventes de voitures et a un contenu essentiellement publicitaire, y compris sous forme rédactionnelle ; qu’il suit de là qu’en se fondant sur la circonstance que M. A… était rédacteur en chef de ce site et qu’il avait rédigé lui-même divers articles pour censurer la décision litigieuse, la cour a commis une erreur de droit et donné aux faits qui lui étaient soumis une qualification juridique erronée ;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de la culture et de la communication est fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que la commission supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels n’a pas de personnalité juridique propre et constitue un organe de l’Etat ; que les conclusions de M. A…tendant à ce que soit mis à la charge de la commission le versement de la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent ainsi être regardées comme dirigées contre l’Etat ; que l’Etat n’étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, ces conclusions ne peuvent qu’être rejetées ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. A…la somme que demande l’Etat au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 6 février 2014 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B…A…et à la ministre de la culture et de la communication.
ECLI:FR:CESSR:2015:377177.20151016
Abstrats
53-05 PRESSE. CARTE D’IDENTITÉ PROFESSIONNELLE DES JOURNALISTES. – CONDITIONS D’OCTROI – NOTION DE PUBLICATION AU SENS DU CODE DU TRAVAIL – EXCLUSION – ORGANE AYANT POUR OBJET PRINCIPAL LA PROMOTION PUBLICITAIRE.
Résumé
53-05 Un organe qui a pour objet principal la promotion publicitaire ne peut être regardé comme une publication au sens des articles L. 7111-3 à L. 7111-6 du code du travail, relatifs à la qualité de journaliste professionnel et à la carte d’identité professionnelle délivrée aux personnes ayant cette qualité.