REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour Mme A…B…, demeurant … ; Mme B…demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 10 mai 2013 par lequel le Président de la République a mis fin à ses fonctions et à son détachement dans l’emploi de directrice académique des services de l’éducation nationale du département du Loir-et-Cher et l’a réintégrée dans son corps d’origine ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 22 avril 1905, notamment son article 65 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 90-675 du 18 juillet 1990
Vu le décret n° 90-676 du 18 juillet 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Bénédicte Vassallo-Pasquet, Maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de M. Xavier Domino, Rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de Mme B…;
1. Considérant qu’aux termes de l’article 9 modifié du décret n° 90-676 du 18 juillet 1990 relatif au statut d’emploi des directeurs académiques des services départementaux de l’éducation nationale et des directeurs académiques adjoints des services de l’éducation nationale : » Tout fonctionnaire nommé dans l’emploi de directeur académique des services départementaux de l’éducation nationale, ou de directeur académique adjoint des services de l’éducation nationale peut se voir retirer cet emploi dans l’intérêt du service » ;
2. Considérant qu’il résulte de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 qu’un agent public faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne, qu’elle soit ou non justifiée par l’intérêt du service, doit être mis à même d’obtenir communication de son dossier ;
3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que MmeB…, qui relève du corps des inspecteurs d’académie – inspecteurs pédagogiques régionaux régi par le décret n° 90-675 du 18 juillet 1990, a été nommée et détachée par décret du Président de la République du 3 août 2010 dans l’emploi de directrice académique des services de l’éducation nationale du département du Loir-et-Cher ; qu’au vu du rapport d’une mission d’inspection, confiée conjointement à l’inspection générale de l’éducation nationale et à l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, établi en octobre 2012, le ministre l’a informée, le 15 avril 2013, de sa décision d’engager, dans l’intérêt du service et compte tenu des difficultés relevées dans le rapport d’inspection, la procédure de retrait d’emploi prévue à l’article 9 du décret n° 90 676 du 18 juillet 1990 et lui a précisé qu’elle pouvait consulter son dossier administratif ; qu’elle a produit, le 3 mai 2013, un certificat médical d’arrêt de travail ; qu’un décret du 10 mai 2013 du Président de la République a mis fin, dans l’intérêt du service, aux fonctions et au détachement de MmeB…, qui a été réintégrée dans son corps d’origine ;
4. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; qu’il ressort des pièces du dossier que la requérante a été informée, le 15 avril 2013, de la volonté du ministre d’engager la procédure de retrait d’emploi et de son droit à consulter son dossier administratif ; qu’elle a, dès réception de ce courrier, le 17 avril 2013, demandé à consulter son dossier administratif, par lettre adressée au ministre sous couvert du recteur ; que, toutefois, cette demande étant restée sans réponse, Mme B…n’a pas pu prendre connaissance de son dossier avant l’adoption de la mesure litigieuse ; qu’elle a été ainsi effectivement privée de la garantie prévue par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 ; que, par suite, le décret du 10 mai 2013 mettant fin à ses fonctions est intervenu selon une procédure irrégulière ;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que Mme B…est fondée à demander l’annulation du décret qu’elle attaque ;
6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme B…en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le décret du 10 mai 2013 du Président de la République mettant fin aux fonctions de Mme B…est annulé.
Article 2 : L’Etat versera à Mme B…la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A…B…et au ministre de l’éducation nationale.