Conseil d’État
N° 360791
ECLI:FR:CESSR:2014:360791.20140129
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème / 1ère SSR
M. Jean-Baptiste de Froment, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
lecture du mercredi 29 janvier 2014
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le Conseil national des professions de l’automobile, branche professionnelle des recycleurs de l’automobile, représenté par son président, dont le siège est 50, rue Rouget de Lisle à Suresnes (92158) ; le Conseil national des professions de l’automobile, branche professionnelle des recycleurs de l’automobile, demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir, à titre principal, l’arrêté interministériel du 2 mai 2012 relatif aux agréments des exploitants des centres VHU et aux agréments des exploitants des installations de broyage de véhicules hors d’usage ou, à titre subsidiaire, les dispositions du deuxième tiret du 10° de l’annexe I de cet arrêté ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 janvier, présentée par le Conseil national des professions de l’automobile ;
Vu la directive 2000/53/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code de la route ;
Vu l’arrêté du 15 mars 2005 relatif aux agréments des exploitants des installations de stockage, de dépollution, de démontage, de découpage ou de broyage des véhicules hors d’usage ;
Vu la décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012 du Conseil constitutionnel ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, Maître des Requêtes,
– les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 541-2 du code de l’environnement : » Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. / Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu’à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. / Tout producteur ou détenteur de déchets s’assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge » ; qu’en vertu de l’article R. 543-155 du même code, les personnes qui assurent la prise en charge, le stockage, la dépollution et le démontage des véhicules hors d’usage, dénommées centres VHU, doivent être agréées conformément aux dispositions de l’article R. 543-162, aux termes duquel : » Tout exploitant d’une installation de stockage, de dépollution, de démontage, de découpage ou de broyage des véhicules hors d’usage doit en outre être agréé à cet effet. / Cet agrément est délivré, suspendu ou retiré selon les modalités prévues à l’article R. 515-37. / Est annexé à cet agrément un cahier des charges qui fixe les obligations du bénéficiaire. (…). / Un arrêté conjoint des ministres chargés, respectivement, de l’environnement, de l’intérieur, de l’économie et de l’industrie en précise le contenu » ; que le Conseil national des professions de l’automobile (CNPA) demande l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté pris le 2 mai 2012 pour l’application de ces dispositions ;
Sur la légalité externe de l’arrêté :
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté attaqué : » (…) I. – Sauf disposition particulière relative à la participation du public prévue par le présent code ou par la législation qui leur est applicable, les décisions réglementaires de l’Etat et de ses établissements publics sont soumises à participation du public lorsqu’elles ont une incidence directe et significative sur l’environnement. Elles font l’objet soit d’une publication préalable du projet de décision par la voie électronique dans des conditions permettant au public de formuler des observations, selon les modalités fixées par le II, soit d’une publication du projet de décision avant la saisine d’un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause, selon les modalités fixées par le III. / II. – Le projet de décision, accompagné d’une note de présentation, est rendu accessible au public pendant une durée minimale de quinze jours francs. (…) » ; qu’il ressort des pièces du dossier que le projet d’arrêté litigieux a fait l’objet d’une publication sur le site internet du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, du 17 février au 3 mars 2012 ; qu’ainsi, le CNPA n’est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que les dispositions du I de l’article L. 120-1 du code de l’environnement auraient été méconnues ;
Sur la légalité interne de l’arrêté :
3. Considérant, en premier lieu, que le 10° de l’annexe I de l’arrêté attaqué définissant le cahier des charges joint à l’agrément délivré à l’exploitant d’un centre de véhicules hors d’usage (VHU) impose à l’exploitant d’un tel centre VHU de se conformer aux dispositions relatives aux sites de traitement et de stockage des véhicules et des fluides, matériaux ou composants extraits de ces véhicules, et notamment à celle prévoyant que » les emplacements affectés à l’entreposage des véhicules hors d’usage non dépollués sont revêtus, pour les zones appropriées comprenant a minima les zones affectées à l’entreposage des véhicules à risque ainsi que les zones affectées à l’entreposage des véhicules en attente d’expertise par les assureurs, de surfaces imperméables avec dispositif de collecte des fuites, décanteurs et épurateurs-dégraisseurs » ; qu’il résulte des dispositions réglementaires citées au point 1 qu’il était loisible aux auteurs de l’arrêté, compétents pour préciser le contenu du cahier des charges applicable aux centres VHU, de fixer, dans ce cadre, les prescriptions de nature à prévenir les pollutions liées aux opérations se déroulant au sein de ces centres et notamment aux opérations de stockage et de traitement des véhicules à risque et des véhicules en attente d’expertise, dès lors que les centres VHU ont vocation à accueillir ces catégories de véhicules, lesquels comportent au demeurant des risques de fuites de liquides polluants ; que le moyen tiré de ce que l’arrêté serait entaché d’erreur de droit en ce qu’il impose de telles obligations s’agissant des zones affectées à l’entreposage des véhicules en attente d’expertise par les assureurs doit, par suite, être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, l’arrêté attaqué n’a pas, en prescrivant, par ces mêmes dispositions, d’imperméabiliser les surfaces destinées à l’entreposage des VHU non dépollués, imposé une obligation qui excèderait ce qu’implique l’objectif de protection de l’environnement et de prévention des pollutions ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les mesures alternatives, telles la mise en place de films protecteurs ou de dispositifs de collecte ou de rétention des écoulements, préconisées par le requérant, auraient permis d’assurer une efficacité équivalente, eu égard notamment aux risques de pollution en cas d’incendie ; que le CNPA n’est par suite pas fondé à soutenir que l’arrêté aurait, en imposant des obligations non proportionnées aux risques encourus, méconnu le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ou, en tout état de cause, le principe de la liberté d’entreprendre ;
5. Considérant, en troisième lieu, que les garages ou centres techniques de dépannage ne sont pas autorisés à stocker des véhicules hors d’usage et ne sont pas, par suite, dans une situation identique à celle des centres VHU au regard de l’objet de la réglementation en cause ; que, par suite, le CNPA n’est pas fondé à soutenir que l’arrêté attaqué aurait méconnu le principe d’égalité en n’imposant les obligations litigieuses d’imperméabilisation de surfaces qu’aux centres VHU ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que l’article 5 de l’arrêté contesté prévoit, d’une part, s’agissant des demandes de renouvellement d’agréments en cours d’instruction à la date de son entrée en vigueur, que l’agrément antérieur » sera prorogé automatiquement pour une durée de trois mois pendant laquelle l’exploitant devra compléter son dossier en fournissant un dossier complémentaire démontrant qu’il sera en mesure de respecter les prescriptions du présent arrêté dès la délivrance de son nouvel agrément » et, d’autre part, en ce qui concerne les agréments en cours de validité, délivrés en application de l’arrêté du 15 mars 2005 précédemment applicable, qu’ils sont mis en conformité par arrêté préfectoral dans un délai de dix-huit mois à compter de la même date avec les nouvelles dispositions, après dépôt d’un dossier complémentaire ; qu’en prévoyant ainsi des délais de mise en conformité avec la nouvelle réglementation différents pour les centres VHU titulaires d’un agrément selon que leur demande de renouvellement d’agrément était ou non en cours d’instruction à la date d’entrée en vigueur de l’arrêté litigieux, les auteurs de l’arrêté n’ont pas, au regard de la différence de situation existant entre les deux catégories de centres, méconnu le principe d’égalité ;
7. Considérant, en cinquième lieu, que le délai dont disposent les centres VHU dont le renouvellement de l’agrément est en cours d’instruction pour se mettre en conformité comprend, outre le délai de trois mois prévu par l’article 5, la période comprise entre la date de demande de renouvellement de l’agrément et l’échéance de celui-ci ; que par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les travaux d’imperméabilisation nécessitent en moyenne quatre jours de travaux et ne nécessitent pas d’interrompre l’activité de dépollution ; qu’il résulte de ce qui précède qu’en fixant un tel délai, les auteurs de l’arrêté attaqué ne peuvent être regardés comme ayant commis une erreur manifeste d’appréciation ; que, ce faisant, il n’ont pas davantage méconnu les exigences de la sécurité juridique ni, en tout état de cause, le principe de la confiance légitime ;
8. Considérant, en sixième lieu, que le 15° de l’annexe I de l’arrêté attaqué impose une vérification annuelle de la conformité des installations aux dispositions du cahier des charges, à laquelle ne sont pas soumis les exploitants disposant du délai de dix-huit mois pour se mettre en conformité avec les dispositions de l’arrêté ; qu’en ne soumettant pas cette catégorie d’exploitants à l’obligation de vérification de conformité en cause, les auteurs de l’arrêté ont pris en compte sans erreur manifeste d’appréciation, ainsi qu’il a été dit au point 6, les nécessités relatives à l’entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation ; qu’au demeurant, ces exploitants continuent à être soumis, pendant cette période transitoire, aux dispositions du 9° de l’arrêté du 15 mars 2005 qui prévoient que l’exploitant doit faire procéder chaque année, par un organisme tiers, à une vérification de la conformité de son installation aux dispositions de l’arrêté préfectoral le concernant et aux dispositions du cahier des charges annexé à son agrément ; que, par suite, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être écarté ;
9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le CNPA n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêté attaqué ; que les dispositions de l’article L. 761-1 font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
Sur les conséquences du rejet des conclusions aux fins d’annulation :
10. Considérant que le rejet d’une requête tendant à l’annulation d’un acte dont l’exécution a été suspendue par le juge administratif statuant en référé a en principe pour effet que cet acte trouve ou retrouve application dès le prononcé de cette décision juridictionnelle ; que, toutefois, s’il apparaît que cet effet est de nature, compte tenu des difficultés de tous ordres qui peuvent en résulter et auxquelles l’administration ne serait pas en état de parer immédiatement elle-même, à porter atteinte au principe de sécurité juridique, notamment dans le cas où, comme en l’espèce, la suspension a été prononcée peu de temps après le début d’exécution d’un acte prévoyant une période transitoire dont le terme est depuis lors écoulé, il appartient au juge administratif, le cas échéant d’office, d’apprécier, en prenant en compte tant les difficultés précédemment mentionnées que l’intérêt général qui s’attache à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, s’il y a lieu de décider que sa décision de rejet, en tant qu’elle met fin à la suspension précédemment prononcée, ne prendra effet qu’à une date ultérieure ou, le cas échéant, d’assortir sa décision de la fixation d’une nouvelle période transitoire pour les dispositions dont l’exécution avait été suspendue et, dans ces deux cas, de prescrire la publication de sa décision au Journal officiel de la République française ;
11. Considérant que le rejet des conclusions à fin d’annulation de la présente requête a pour effet de mettre fin à la suspension prononcée par le juge des référés le 27 juillet 2012 et de rendre ainsi applicables les dispositions du deuxième tiret du 10° de l’annexe I de l’arrêté attaqué aux termes duquel » les emplacements affectés à l’entreposage des véhicules hors d’usage non dépollués sont revêtus, pour les zones appropriées comprenant a minima les zones affectées à l’entreposage des véhicules à risque ainsi que les zones affectées à l’entreposage des véhicules en attente d’expertise par les assureurs, de surfaces imperméables avec dispositif de collecte des fuites, décanteurs et épurateurs-dégraisseurs » ; que si, ainsi qu’il a été dit au point 6, l’article 5 de cet arrêté prévoyait, d’une part, la prorogation automatique pour une durée de trois mois de l’agrément antérieur pour les demandes de renouvellement d’agrément en cours d’instruction et, d’autre part, un délai de dix-huit mois pour la mise en conformité des agréments en cours de validité avec les dispositions de l’arrêté litigieux, ces délais couraient à compter de la date d’entrée en vigueur de l’arrêté fixée par son article 8 au 1er juillet 2012, de sorte que cette disposition transitoire ne peut plus, à la date de la présente décision, recevoir application ; qu’en l’espèce, doivent être conciliés, d’une part, l’objectif de protection de l’environnement et de prévention des pollutions que poursuivent les dispositions en cause et, d’autre part, le principe de sécurité juridique, qui implique que les exploitants de centres VHU puissent disposer d’un délai suffisant pour se mettre en conformité avec les prescriptions nouvelles relatives à l’imperméabilisation des surfaces destinées à l’entreposage des VHU non dépollués ; qu’au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de décider que les délais prévus par l’article 5 de l’arrêté, en tant qu’ils s’appliquent aux dispositions du deuxième tiret du 10° de l’annexe I, expireront à l’issue d’un délai de trois mois courant à compter de la date de la présente décision et non du 1er juillet 2012, et de prescrire la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française ;
D E C I D E :
————–
Article 1er : La requête du Conseil national des professions automobiles est rejetée.
Article 2 : Les délais prévus par les dispositions transitoires de l’article 5 de l’arrêté du 2 mai 2012 expireront, en ce qui concerne l’entrée en vigueur des dispositions du deuxième tiret du 10° de l’annexe I de l’arrêté attaqué, le 29 avril 2014.
Article 3 : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée au Conseil national des professions de l’automobile, branche professionnelle des recycleurs de l’automobile, au ministre de l’économie et des finances, au ministre de l’intérieur et au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Copie en sera adressée au Premier ministre.