REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, 1°) sous le 55 124, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 14 novembre 1983 et le 14 mars 1984, présentés pour l’association freudienne, dont le siège est …, M. X…, demeurant … du Temple à Paris (75004), M. Marcel Y…, demeurant …, Mme Perla-Dupuis-Elbaz, demeurant … et Mme N…, demeurant … ; ils demandent que le Conseil d’Etat annule pour excès de pouvoir une instruction de la direction générale des impôts, n° 3-A-24-83, en date du 12 septembre 1983, relative à l’assujettisement des psychanalystes à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu, 2°) sous le n° 55 137, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 14 novembre 1983 et le 5 mars 1984, présentés par M. Jacques O…, demeurant …, M. B…, demeurant …, M. de H…, demeurant …, Mme Z…, demeurant …, Mme D… P…, demeurant …, M. M…, demeurant …, M. C…, demeurant …, M. K…, demeurant …, Mme J…, demeurant …, M. L…, demeurant …, M. F…, demeurant 54 rue Notre-Dame-de-Lorette à Paris (75009) et M. I…, demeurant … ; ils demandent que le Conseil d’Etat annule pour excès de pouvoir une instruction de la direction générale des impôts n° 3-A-24-83, en date du 12 septembre 1983, relative à l’assujettisement des psychanalystes à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
– le rapport de M. Arrighi de Casanova, Maître des requêtes,
– les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de L’association freudienne et autres,
– les conclusions de M. Racine, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n os 55 124 et 55 137 sont dirigées contre la même instruction administrative ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
Considérant qu’aux termes de l’article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l’article 24 de la loi du 29 décembre 1978 : « I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant ue tel » ; qu’aux termes de l’article 256-A du même code, dans la rédaction issue du même article de la loi du 29 décembre 1978 : « Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent d’une manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, une ou plusieurs opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention » ; qu’enfin, aux termes de l’article 261 du même code, dans la rédaction issue de l’article 31 de la loi du 29 décembre 1978 : « Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : … 4 (professions libérales et activités diverses) : 1° Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales … » ;
Considérant que le législateur, en se référant aux « soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales » a entendu exonérer uniquement les soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées par une disposition législative ou par un texte pris en application d’une telle disposition ;
Considérant qu’il est constant que la profession de psychanalyste n’est pas, en tant que telle, au nombre des professions ainsi réglementées ; qu’il suit de là qu’en tant qu’elle précise que l’exonération prévue à l’article 261 précité ne concerne que les actes de soins dispensés par les seuls praticiens exerçant dans le cadre légal et réglementaire de la médecine tel qu’il est défini par le code de la santé publique, l’instruction 3A. 24-83 du directeur général des impôts en date du 12 septembre 1983 se borne à donner l’interprétation que comporte cette disposition législative, et ne présente aucun caractère réglementaire ; que les conclusions dirigées contre les dispositions correspondantes de l’instruction ne sont, par suite, pas recevables ;
Considérant en revanche que la même instruction prévoit également l’exonération des activités de soin et de traitement des personnes exercées par les psychologues cliniciens titulaires de certains diplômes énumérés dans une circulaire du 17 février 1981 ; que la détention, par certains psychologues cliniciens, de diplômes reconnus officiellement, ne suffit pas à conférer à ces activités le caractère de soins dispensés par les membres d’une profession médicale ou paramédicale réglementée, au sens des dispositions précitées de l’article 261 ; que, sur ce point, l’instruction attaquée ne se borne pas à interpréter les dispositions du code général des impôts et présente un caractère réglementaire ; qu’elle est donc susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre, la circonstance que ladite instruction ne ferait que reprendre les dispositions contenues dans l’instruction précitée du 17 février 1981, dont il n’est pas établi qu’elle ait fait l’objet d’une publicité de nature à faire courir le délai de recours contentieux, n’a pas pour effet de rendre tardives les conclusions dirigées contre l’instruction attaquée ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants sont recevables et fondés à demander l’annulation des dispositions de l’instruction du 12 septembre 1983 prévoyant, contrairement aux dispositions du code général des impôts, l’exonération des prestations effectuées par les psychanalystes, non médecins, titulaires de certains diplômes de psychologie ;
Article 1er : L’instruction susvisée 3A-24-83 de la direction générale des impôts en date du 12 septembre 1983 est annulée, en tant qu’elle prévoit que les prestations effectuées par les psychanalystes titulaires de certains diplômes de psychologie seront exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes n os 55 124 et 55 137 est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’association freudienne, à M. X…, à M. Y…, à Mme A…, à Mme N…, à M. O…, à M. B…, à M. de H…, à Mme Z…, à Mme E…, à M. M…, à M. C…, à M. K…, à Mme J…, à M. L…, à M. G…, à M. I… et au ministre délégué auprès du ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et du budget, chargé du budget.