REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par Mme X… , demeurant …, Berkshire (Grande-Bretagne) ; Mme demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 13 août 2002 par laquelle le consul général de France à Londres a refusé le renouvellement de son passeport ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que le quatrième protocole additionnel à cette convention ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ;
Vu le décret n° 2001-185 du 26 février 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
– les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des affaires étrangères ;
Considérant qu’aux termes de l’article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique … la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. – 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ; qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ;
Considérant que la liberté fondamentale d’aller et venir n’est pas limitée au territoire national, mais comporte également le droit de le quitter et d’y revenir ; que ce droit est reconnu par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et confirmé par les stipulations du 2 de l’article 2 du protocole n° 4 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’aux termes du 3 du même article, l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l’ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ; qu’il ressort de ces stipulations que les mots restrictions prévues par la loi doivent s’entendre des conditions prévues par des textes généraux pris en conformité avec les dispositions constitutionnelles ;
Considérant qu’aux termes de l’article 5 du décret du 26 février 2001 relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports : Les demandes sont accompagnées de deux photos d’identité, de face, tête nue, de format 35 x 45 mm, récentes et parfaitement ressemblantes, ainsi que des timbres fiscaux correspondant au montant du droit de timbre exigé pour les passeports. ; que Mme soutient que la décision du consul général de France à Londres en date du 13 août 2002 lui refusant le renouvellement de son passeport serait illégale en ce qu’elle est fondée sur les dispositions précitées qui, en interdisant aux femmes de confession musulmane le port du voile sur les photographies présentées à l’appui de leur demande de passeport, porteraient atteinte à la liberté d’aller et venir et à la liberté de conscience et de religion et seraient discriminatoires ;
Considérant qu’en vertu des textes précités, le port du voile ou du foulard, par lequel les femmes de confession musulmane peuvent entendre manifester leurs convictions religieuses, peut faire l’objet de restrictions notamment dans l’intérêt de l’ordre public ; que les restrictions prévues par les dispositions de l’article 5 du décret du 26 février 2001, qui visent à limiter les risques de falsification et d’usurpation d’identité, ne sont pas disproportionnées au regard de cet objectif et, par suite, ne méconnaissent aucune des prescriptions ni aucun des principes invoqués par la requérante ;
Considérant qu’en se fondant, pour refuser à Mme le renouvellement de son passeport, sur ce que sa demande n’était pas accompagnée de photographies d’identité conformes aux dispositions de l’article 5 du décret du 26 février 2001, le consul général de France à Londres a fait une exacte application de ces dispositions ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision attaquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme X… , au ministre des affaires étrangères et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.