Par une décision du 11 décembre 2013 (Conseil d’Etat, SSR, 11 décembre 2013, Mme B…A…’C…, requête numéro 365361, publié au recueil), le Conseil d’Etat rappelle les principes d’application de la connaissance acquise en matière de recours juridictionnel.
On le sait, les délais de recours juridictionnel ne commencent à courir contre un acte administratif individuel que lorsque les voies et délais de recours ont été notifiés au destinataire. En l’absence d’indication de ces voies et délais, soit lors de la notification d’une décision expresse, soit dans l’accusé de réception d’une demande donnant ensuite naissance à une décision tacite, le requérant n’est enfermé dans aucun délai.
En revanche, l’exercice d’un recours contentieux déclenche le délai de recours. C’est ce que rappelle le Conseil d’Etat dans la décision rapportée. Le requérant avait en l’espèce exercé un recours le 10 septembre 2012 contre une décision datant du 10 juin 2012. La requête ayant été déclarée irrecevable, le requérant avait exercé un second recours enregistré le 14 novembre 2012. Ce second recours est déclaré tardif, car exercé plus de deux moi après le premier, bien que la décision du 10 juin 2012 n’ait pas été accompagnée de l’indication des voies et délais de recours.
La solution n’est pas nouvelle. Elle avait été posée au plus tard dans un arrêt du 18 décembre 2002, (Conseil d’Etat, SSR., 18 décembre 2002, M. Haagen et Mme Stocky, requête numéro 244925, publié aux Tables).
Quelques années plus tôt, par la célèbre décision Mme Mauline, le Conseil avait considéré que l’exercice d’un recours administratif, même s’il établissait la connaissance acquise de l’acte, ne déclenchait pas les délais de recours (Conseil d’Etat, Section, 13 mars 1998, Mme Mauline, requête numéro 120079, publié au recueil; Amadis Friboulet, « Délais de recours et théorie de la connaissance acquise », Revue générale du droit on line, 2008, numéro 1919 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=1919).
Comme le souligne Amadis Friboulet dans la note précitée, si le requérant démontre, par l’exercice d’un simple recours administratif, qu’il a connaissance de l’existence de l’acte (acte qui peut donc lui être opposé), cette connaissance ne démontre pas celle des voies et délais de recours. Seul l’exercice effectif d’un recours juridictionnel, qui aura permis au destinataire d’exercer ses droits, déclenchera ces délais.
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La décision du 11 décembre 2013 n’est donc pas tout-à-fait nouvelle et sa publication au recueil n’était peut-être pas indispensable. Notons qu’elle a cependant un sel particulier car l’irrecevabilité de la première requête avait été opposée en raison de l’absence de timbre.
La contribution pour l’aide juridique aura fait en deux ans beaucoup de dégâts, non pas tant en raison de son coût que de la manière intransigeante dont certains juridictions administratives auront appliqué le troisième alinéa de l’article R. 411-2 du code de justice administrative (aux termes duquel « Par exception au premier alinéa de l’article R. 612-1, la juridiction peut rejeter d’office une requête entachée d’une telle irrecevabilité sans demande de régularisation préalable, lorsque l’obligation d’acquitter la contribution ou, à défaut, de justifier du dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle est mentionnée dans la notification de la décision attaquée ou lorsque la requête est introduite par un avocat »). Un certain nombre d’avocats, et même de particuliers, ont permis à leurs dépends d’améliorer les statistiques de certaines juridictions.
L’article R. 411-2 CJA est abrogé par l’article 8 du décret n° 2013-1280 du 29 décembre 2013 relatif à la suppression de la contribution pour l’aide juridique et à diverses dispositions relatives à l’aide juridique. Celà réduit considérablement le champ des irrecevabilités pouvant donner lieu à un rejet d’office de la requête, sans demande de régularisation préalable.
La décision du 11 décembre est donc une sorte de baroud d’honneur pour l’aide juridique, et un utile rappel des règles de la connaissance acquise.