Alors qu’on s’apprête à célébrer – timidement – le bicentenaire de la mort de Napoléon, une littérature foisonnante1 est consacrée à celui « sans lequel la France ne serait pas la France »2. Au regard de nos recherches passées3, il nous est apparu utile de revenir sur la préfecture de police, à savoir l’institution en charge, sous la direction du préfet de police, du maintien de l’ordre public à Paris et dans ses environs. Celle-ci est en effet, avec le Conseil d’Etat, la Banque de France, le Code civil ou les préfets, généralement présentée comme l’une de ces masses de granit4 napoléoniennes ayant traversé les siècles. Trois raisons peuvent justifier ce retour aux sources.
La première raison est d’ordre historique. La réorganisation de la police opérée sous le Consulat s’inscrit dans le cadre d’une réforme générale de l’Etat marquée par la mise en place d’un pouvoir politique fort et d’une administration hiérarchisée et centralisée. Elément essentiel de ce nouvel édifice, le préfet constitue le relais, aussi bien sur le plan politique qu’administratif, du pouvoir central dans les départements. A Paris, c’est un préfet de police qui incarne ce qu’il est convenu d’appeler la centralisation napoléonienne. Mais comme le souligne François Burdeau, « en parlant de centralisation napoléonienne, on personnalise abusivement un style d’administration aux racines multiséculaires »5. La préfecture de police n’est en effet pas sortie toute armée du cerveau de Bonaparte : pour être l’une de ces « masses de granit », elle n’en est pas moins le produit d’influences diverses.
La deuxième raison est relative à l’ambigüité du statut de Paris. Longtemps, la ville a fait l’objet d’un statut dérogatoire justifié en ces termes : « Paris ne peut jouir des honneurs d’une capitale et des prérogatives laissées aux municipalités »6. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il est en effet indéniable que depuis la création du maire de Paris en 19757, le législateur a considérablement rapproché les règles applicables à Paris de celles applicables aux autres collectivités territoriales. L’alignement de Paris sur le droit commun est cependant encore limité par un certain nombre d’éléments qui donnent au statut de la capitale française une « physionomie particulière »8. Parmi ces éléments, le plus remarquable tient à la prégnance de l’Etat sur la police parisienne et aux modalités particulières d’organisation de celle-ci9. A la différence des autres communes et départements, le maintien de l’ordre public à Paris relève en effet d’une autorité spécifique, le préfet de police. Sur le plan juridique, l’existence de cette autorité emporte deux conséquences principales : la première est de restreindre l’autonomie de la commune de Paris, dont le maire n’exerce pas la totalité des compétences de police municipale ; la seconde est de priver le préfet de Paris des compétences de police étatique traditionnellement dévolues au préfet de département.
La troisième raison tient à la résonance contemporaine du sujet. L’organisation de la police à Paris, incarnée par la préfecture de police, est aujourd’hui au cœur de l’actualité politico-juridique. D’un côté, la proposition de loi pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés10, récemment adoptée, conforte la création d’une police municipale à Paris. De l’autre, un décret du 21 avril 202111 attribue au préfet de police une compétence régionale en matière de droit d’asile, d’entrée et de séjour des étrangers et de lutte contre l’immigration irrégulière.
Pour toutes ces raisons, il convient de revenir sur la création de la préfecture de police et, plus précisément, de se demander si celle-ci doit être considérée comme une institution napoléonienne. Pour répondre à cette interrogation, il apparaît nécessaire d’analyser le contexte (I.), puis les textes (II.).
I/ Le contexte
L’idée d’une réforme de la police parisienne résulte d’un ensemble de circonstances particulières qui l’expliquent et la justifient. Au-delà de l’arrivée au pouvoir de Bonaparte, la création de la préfecture de police s’insère dans un mouvement général de rationalisation de la police entamé sous le Directoire (A) et prolongé sous le Consulat, sous l’influence du ministre de la Police générale, Joseph Fouché (B), lequel est à l’origine d’un des nombreux projets de réforme de la police parisienne (C).
A./ La rationalisation de la police sous le Directoire
A se focaliser sur la césure opérée par le coup d’Etat de Brumaire, on en oublie à quel point le Consulat, en matière de police comme en bien d’autres12, s’appuie sur les réformes menées sous le Directoire : l’idée d’une réforme de la police parisienne s’inscrit ainsi dans le prolongement de ce qui a été entamé juste avant ; comme le note Arlette Lebigre, « le Directoire donne une tête à la police (…). Le Consulat lui donnera un corps (…) »13. Le Directoire est en effet marqué par une volonté de rationaliser la police pour la rendre plus efficace ; cette rationalisation se traduit essentiellement par la création du ministère de la Police générale et la réorganisation de la gendarmerie nationale.
Symbole de l’œuvre du Directoire, le ministère de la Police générale est créé par la loi du 12 nivôse an IV (2 janvier 1796)14, qui lui attribue les missions suivantes : « l’exécution des lois relatives à la police générale, à la sûreté et à la tranquillité intérieure de la République (…) ; la police des prisons, maisons d’arrêt, de justice et de réclusion ; la répression de la mendicité et du vagabondage »15. Pour exercer ses missions, le nouveau ministre dispose de « la garde nationale sédentaire, la légion de police, et le service de la gendarmerie, pour tout ce qui est relatif au maintien de l’ordre public »16. Plusieurs raisons justifient la création de ce septième ministère. La première est d’ordre matériel : démobilisée et affaiblie par les épurations successives, la police est peu efficace, particulièrement dans les campagnes où les actes de banditisme sont nombreux17. La seconde est d’ordre conceptuel : il s’agit pour le législateur de prendre acte de la définition restrictive de la police donnée par le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795)18 : « la police est instituée pour maintenir l’ordre public, la liberté, la propriété, la sûreté individuelle (…). Elle se divise en police administrative et police judiciaire. La police administrative a pour objet le maintien de l’ordre public dans chaque lieu et dans chaque partie de l’administration générale. Elle tend principalement à prévenir les délits. Les lois qui la concernent font partie du code des administrations civiles. La police judiciaire recherche les délits que la police administrative n’a pas pu empêcher de commettre, en rassemble les preuves, et en livre les auteurs aux tribunaux chargés par la loi de les punir »19. Ainsi la police ne recouvre plus, comme c’était le cas auparavant, l’ensemble des règles régissant l’action des individus mais paraît désormais circonscrite à une fonction générale de maintien de l’ordre public. Il est dès lors possible de l’isoler des autres activités administratives pour la confier à un organe qui en sera spécialement chargé. C’est ce que fait le législateur en 1796 en retirant au ministre de l’Intérieur les compétences liées à la police : « (…) les attributions déterminées cette loi pour le ministère de l’Intérieur ne lui permettent pas, à raison de leur immensité, de surveiller la police générale qui lui est confiée, avec l’attention que l’intérêt de la chose publique commande impérieusement »20. Il est à noter que, dès sa création, le ministre de la Police générale devient, en lieu et place du ministre de l’Intérieur, l’autorité de tutelle du bureau central chargé de la police du canton de Paris.
Alors qu’elle permet, par une meilleure centralisation des informations, une protection efficace des gouvernants, la création du ministère de la Police générale ne semble pas en mesure, faute de moyens suffisants, de maîtriser la délinquance. Cela ne manque pas d’alarmer le Directoire exécutif qui, le 16 frimaire an VI (6 décembre 1797), adresse au conseil des Cinq-cents le message suivant : « ce n’est plus en effet dans quelques départements éloignés ; ce n’est plus seulement dans ces parties de la République où l’action du gouvernement se fait toujours moins promptement ou moins sévèrement sentir ; c’est aux portes de la capitale, c’est pour ainsi dire sous les yeux des premières autorités de la République que la sûreté générale est menacée, que les voitures particulières, les malles des courriers sont arrêtées et dévalisées »21. Le législateur réagit en décidant l’adoption d’une véritable loi de programme relative à la gendarmerie nationale : la loi du 28 germinal an VI (17 avril 1798)22. Ce texte est essentiel d’un triple point de vue. D’abord, il définit la gendarmerie nationale comme une « (…) force instituée pour assurer dans l’intérieur de la République le maintien de l’ordre et l’exécution des lois. Une surveillance continue et répressive constitue l’essence de son service »23. Ensuite, il augmente fortement ses effectifs, qui passent à 10 575 hommes, et en réorganise l’implantation géographique, qui, si elle n’est pas parfaite, n’en permet pas moins un maillage plus efficace du territoire24. Enfin, il soumet la gendarmerie à trois autorités différentes : « le corps de la gendarmerie nationale est dans les attributions du ministère de la guerre pour ce qui a trait au matériel et à la discipline ; dans les attributions du ministère de la Police pour ce qui se rapporte au maintien de l’ordre public ; dans les attributions du ministère de la Justice pour tout ce qui a rapport à l’exercice de la police judiciaire »25. Cette triple tutelle est assurément en accord avec les principes posés par le Code des délits et des peines, elle n’en porte pas moins le germe d’une rivalité entre ces différentes autorités26.
B./ Fouché, un ministre de la Police générale influent
De janvier 1796 à juillet 1799, neuf ministres de la Police générale se succèdent : « l’impulsion ne peut se produire »27. Il en va autrement avec l’arrivée de Joseph Fouché. Nommé ministre de la Police générale par arrêté du 2 thermidor an VII (20 juillet 1799), il imprime rapidement sa marque à une fonction qu’il occupera à quatre reprises28. Les écrits sur Fouché sont nombreux29 : on a sans doute parfois exagéré l’emprise qu’a pu exercer cette figure mythique30, considérée par certains comme « l’inventeur de la police moderne »31 ; sur deux points cependant, son influence paraît décisive.
Le fonds F7 des archives nationales témoigne de l’extraordinaire activité de Fouché en tant que ministre de la Police générale. Ses très nombreux rapports écrits montrent qu’il est en contact permanent avec les plus hautes autorités, aussi bien sous le Directoire que le Consulat. Mais plus que la quantité, c’est la qualité de ces notes qui est frappante : Fouché y apparaît en effet comme un véritable théoricien de la police, anticipant très largement les évolutions futures, particulièrement en ce qui concerne la police parisienne. On peut à cet égard faire état de deux notes manuscrites, l’une relative à la stricte séparation entre administration et police, l’autre relative à la nécessaire réorganisation de la police parisienne. Dans la première note, Fouché écrit : « c’est faute de réflexion qu’on confond sans cesse la police avec l’administration (…). L’administration et la police ont une marche bien différente. L’administration se déploie et se manifeste sous les yeux de tous. Elle est soumise à des règles strictes et uniformes. La police au contraire doit se faire éviter et ne pas se laisser voir. La police est un ministère d’action. Le plus souvent, sans se laisser voir, elle doit toujours veiller, toujours agir et presque jamais étaler…La police telle que je la conçois doit être établie pour prévenir et empêcher les délits, pour contenir et arrêter ce que les lois n’ont pas prévu. C’est une autorité discrétionnaire32 dans la main du gouvernement »33. On voit bien les caractères que doit présenter la police selon Fouché : une activité spécialisée, secrète, politique34.
Dans le prolongement de cette réflexion sur la police, Fouché plaide, dans la seconde note adressée à Bonaparte, en faveur d’une réforme de la police parisienne. Selon l’auteur, une telle réforme est justifiée par la situation particulière de Paris : « la police de Paris est pour le gouvernement républicain d’une importance bien plus grande qu’elle ne l’était avant la Révolution pour le gouvernement monarchique. Le nombre des ennemis de l’ordre social s’est accru de celui des ennemis du nouvel ordre politique. C’est dans Paris que les tronçons abattus et dispersés de toutes les factions cherchent à se rapprocher et à se réunir. C’est dans Paris que se cachent les hommes qui, après avoir porté les armes contre la République, cherchent vainement à rentrer dans une patrie qu’ils ont ensanglantée. C’est à Paris que viennent se réfugier ceux que poursuit le mépris de l’opinion publique. Ceux qui ont des crimes à ensevelir dans le tumulte et dans l’oubli ; ceux enfin qui, sans moyens d’existence, sans industrie, sans courage, espèrent vivre aux dépens de la société, qu’ils inquiètent et qu’ils outragent »35. Il est intéressant de souligner la manière dont Fouché envisage le peuple : il s’agit d’une force politique capable de contester l’Etat et de le renverser36 ; il l’est tout autant de voir comment il justifie l’idée d’une réforme de la police parisienne : c’est parce que l’Etat s’y trouve particulièrement menacé qu’il convient de mettre en place une organisation spécialement adaptée.
C./ Les différents projets de réforme de la police parisienne
Dès le lendemain du 18 Brumaire37, l’épuration de l’administration parisienne commence. Le bureau central, malgré sa passivité durant le coup d’Etat, n’est pas épargné : Milly, Letellier et Champein sont remplacés par Dubois, Piis et Dubos le 20 novembre 179938. Maintenu en fonction, le bureau central est cependant fortement critiqué et considéré par beaucoup, notamment Fouché, comme inadapté à une ville comme Paris. L’idée d’une réforme de la police parisienne s’impose alors rapidement et les projets, comme en témoignent les archives39, se multiplient. Si tous n’ont pas la même importance, leur nombre montre bien l’intérêt porté à cette question. On peut faire état de trois d’entre eux.
Le premier projet de réforme est celui de Fouché. Prenant la forme d’une série de remarques générales suivie d’un tableau des missions qu’il convient d’assigner à chacune des autorités et forces de police parisiennes, ce rapport est adressé au Premier consul, lequel semble en être le commanditaire : « vous m’avez ordonné hier de vous présenter le tableau de ce qu’il y a lieu de faire pour la police »40. Pour Fouché, il convient de supprimer le bureau central et de le remplacer par un agent spécialement affecté à la police de la capitale : un « lieutenant de police »41. Placé sous les ordres du ministre de la Police générale, il dirigerait l’ensemble des forces de police de la capitale42 : 24 sous-lieutenants de police « appelés à constater par procès-verbaux tous genres de délits et de contravention qui se commettent dans leur arrondissement respectif »43, 12 officiers de paix « veillant à la tranquillité publique, se portant dans les endroits où elle est troublée, arrêtant les délinquants et les conduisant devant le lieutenant de police »44, 24 inspecteurs chargés de recueillir les renseignements fournis par les observateurs, deux escadrons de gendarmerie chargés d’assurer les patrouilles de jours et de nuit et 24 compagnies de la garde nationale chargées du service du guet. Fouché propose donc explicitement de rétablir le lieutenant de police de l’Ancien Régime et de le soumettre à son autorité ; ce dernier point est, selon lui, justifié par la nécessaire autonomie de la police par rapport aux autres branches de l’administration.
Un deuxième projet prône également le rétablissement du lieutenant de police de l’Ancien Régime : il s’agit d’une courte note à destination du Conseil d’Etat, datée du 28 nivôse an VIII (18 janvier 1800) mais non signée. Dans cette note, l’auteur propose de créer « sous un nom quelconque, un lieutenant général de police »45 en charge de la police de la capitale et de le rattacher non pas au ministre de la Police générale mais au ministre de l’Intérieur. Hostile, semble-t-il, à Fouché, l’auteur envisage par ailleurs de supprimer le ministère de la Police générale, dont l’existence n’est, selon lui, pas justifiée. Ce projet anonyme trouve un écho dans la presse puisque le journal Le Point du jour du 28 nivôse annonce : « le projet qui semble prévaloir tend à créer dans Paris un lieutenant général de police sous un nom quelconque et à rattacher la police départementale au ministère de l’Intérieur »46.
Un troisième projet, également anonyme, propose le maintien du bureau central assorti d’une modification des conditions de nomination de ses membres : « le bureau central devrait être nommé immédiatement par le pouvoir exécutif. La présentation par le département est sujette à des inconvénients et des lenteurs car, si le département s’obstinait à ne présenter aux consuls que des individus que ceux-ci réprouveraient, il en résulterait qu’il faut destituer le département »47. L’auteur de ce projet souhaitait, en conséquence, que les membres du bureau central relèvent directement des consuls.
Ces différents projets de réforme conduisent à formuler trois observations. D’abord, le souhait, exprimé de manière expresse dans deux d’entre eux, de mettre en place à Paris l’équivalent du lieutenant de police de l’Ancien Régime doit s’analyser comme inspiré autant par la volonté de rétablir une institution ayant fait ses preuves par le passé, que par celle de rompre avec une administration collégiale de la police. Ensuite, ces projets ont en commun de s’interroger, non pas seulement sur l’institution la plus adaptée à la police de la capitale, mais également sur l’autorité dont doit relever cette institution sur le plan juridique48 : il s’agit précisément d’une des questions récurrentes de l’histoire de la police parisienne. Enfin, il faut remarquer qu’aucun de ces projets n’évoque expressément la création d’un « préfet de police » ou d’une « préfecture de police ». C’est pourtant bien ces deux expressions qu’on va retrouver dans les deux textes fondateurs de l’institution.
II/ Les textes
Elaborés dans le contexte que l’on vient de décrire, les deux textes fondateurs de la préfecture de police sont, d’un côté, la loi du 28 pluviôse an VIII (A), qui, en créant le préfet de police, affirme solennellement l’autorité du pouvoir central sur la police parisienne et, de l’autre, l’arrêté des consuls du 12 messidor an VIII (B), qui détermine les compétences du préfet de police.
A./ La loi du 28 pluviôse an VIII
Texte d’administration générale, la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800)49 pose les bases d’une refonte des structures de l’Etat dont la pierre angulaire est le préfet, représentant du pouvoir central dans les départements. Dans cet ensemble, les dispositions relatives à Paris illustrent la volonté du pouvoir central d’affirmer de manière solennelle son autorité sur la capitale, particulièrement en matière de police. Incarnation de ce nouveau centralisme, un « préfet de police », dont la création semble avoir fait l’objet d’un consensus (1.), est spécialement chargé de la police à Paris (2.) ; la fonction nouvelle étant, par la suite, confiée à Dubois (3.).
1) Le consensus autour de la création du préfet de police
La lecture des débats relatifs à l’examen par le corps législatif du projet de loi relatif à la division du territoire de la République et à l’organisation des administrations locales50 est sans équivoque : les dispositions dérogatoires relatives à la capitale, notamment celles sur la police, font l’objet d’un consensus. On ne saurait dire s’il s’agit d’un consensus par défaut, les orateurs préférant discuter des dispositions relatives au préfet et à l’administration communale, ou d’un consensus fort, témoin de l’adhésion massive du corps législatif au principe d’un statut dérogatoire de la capitale. Toujours est-il que l’idée de la création à Paris d’un préfet de police ne rencontre aucune objection majeure.
Tel qu’il est présenté, après examen par le Conseil d’Etat, au corps législatif51, le projet de loi contient, sous la forme d’un article, la disposition suivante : « à Paris, dans chacun des arrondissements municipaux, un maire et deux adjoints seront chargés de la partie administrative et des fonctions relatives à l’état civil. Un préfet de police sera chargé de ce qui concerne la police et aura sous ses ordres des commissaires distribués en douze municipalités »52. Deux remarques s’imposent. La première est qu’y sont évoqués pour la première fois les termes « préfet de police » : comme on l’a vu, aucun projet antérieur n’utilisait cette expression. Faut-il en attribuer l’invention à Chaptal, qui avait été chargé au Conseil d’Etat de l’élaboration du projet de loi ? C’est probable mais l’incendie en 1871 des archives du Conseil d’Etat interdit d’apporter une réponse définitive à cette question53. La seconde remarque est que cet article doit être associé à un autre, l’article 17, qui précise : « à Paris, le conseil de département remplira les fonctions de conseil municipal »54. La conjonction de ces deux dispositions aboutit à supprimer tout pouvoir municipal et à placer Paris sous la tutelle de l’Etat.
Ces dispositions, dérogatoires au droit commun municipal, sont justifiées de la manière suivante par Daunou, rapporteur de la loi devant le Tribunat : « il est au sein de la République une cité que sa vaste étendue, sa population immense et la présence des autorités nationales rendent peu susceptibles d’un régime administratif parfaitement conforme à celui des autres parties du territoire »55. A propos du préfet de police, Daunou précise : « il y a, dans chacune des douze divisions, un maire et deux adjoints ; de plus, un seul56 préfet de police pour toute la cité, lequel a sous lui un nombre non défini de commissaires distribués dans les quartiers ». L’emploi de l’expression « un seul préfet de police »57 est susceptible de plusieurs interprétations. Selon Jean Rigotard, elle témoigne du fait que « Daunou [pense] que c’est tout juste suffisant »58. Il est possible de formuler une autre hypothèse : par l’ajout de cet adjectif, Daunou souhaite insister sur la volonté du législateur de ne pas créer un préfet de police par arrondissement mais un préfet de police unique, chargé de la police de l’ensemble de la ville. Pour s’en convaincre, il convient de rapprocher l’affirmation de Daunou de l’exposé par Roederer des motifs de la loi : « dans l’administration locale (…), on reconnaît trois services distincts : l’administration proprement dite, les jugements qui se rendent d’office en matière de contributions directes, les jugements du contentieux dans toutes les parties de l’administration. Le projet de loi sépare ces trois fonctions. Il remet la première à un seul 59 magistrat, dans chaque degré du pouvoir administratif, savoir : au préfet, au sous-préfet et au maire. Il remet la seconde à des conseils de département, à des conseils d’arrondissement communaux et aux répartiteurs municipaux. Il remet la troisième à un conseil de préfecture. Ces dispositions sont fondées sur deux principes : qu’administrer doit être le fait d’un seul homme ; et juger le fait de plusieurs »60. Si la lecture du rapport de Daunou suscite quelques interventions de la part des membres du Tribunat, notamment Sédillez et Mongez61, aucune n’est en rapport avec le statut de Paris. Après un examen « consciencieux (…) mais pas passionné »62, le texte est renvoyé, par 71 voix contre 25, au corps législatif, lequel l’adopte, par 217 voix contre 63, le 28 pluviôse an VIII (17 février 1800), entérinant ainsi la création d’un préfet de police.
2) Le préfet de police, un représentant du pouvoir central spécialement chargé de la police à Paris
La loi du 28 pluviôse an VIII consacre la naissance du préfet de police dans les termes du projet soumis au corps législatif. L’article 16 de la loi dispose : « à Paris, (…) un préfet de police sera chargé de ce qui concerne la police et aura sous ses ordres des commissaires distribués dans les douze municipalités »63. Comme le note Jean Tulard, « c’est sous cette forme incidente, modeste, presque anodine qu’[est] créé un des rouages les plus importants de l’administration parisienne »64. Cette décision de confier la police de la capitale à un représentant du pouvoir central spécialement créé à cet effet apparaît comme un élément de réforme autant du statut de Paris, que de la police. La création du préfet de police s’inscrit dans une réforme générale du statut de Paris dont l’objet est « l’assujettissement de la capitale »65. Dérogatoire au droit commun, cette mise sous tutelle doit permettre, selon les termes de Bonaparte, de « maintenir le calme dans Paris pour assurer le repos de la France »66 : échaudé par les excès révolutionnaires, Bonaparte souhaite en effet se protéger des mouvements d’une capitale qu’il semble particulièrement craindre. C’est donc bien « la peur »67 qui est à l’origine de la réforme du statut de Paris opérée par la loi du 28 pluviôse an VIII, laquelle se traduit essentiellement par la suppression de tout pouvoir municipal et par la mise en place de deux préfets : le préfet de la Seine et le préfet de police.
Selon les dispositions de la loi du 28 pluviôse an VIII, le département de la Seine est un département comme les autres : on y trouve un préfet « chargé seul de l’administration »68, un conseil général ayant notamment pour mission de répartir des contributions directes entre les arrondissements et un conseil de préfecture juge du contentieux administratif. Si le droit commun s’applique donc au département de la Seine, il n’en va pas de même pour Paris : formant un des trois arrondissements du département, Paris n’a ni maire, ni conseil municipal. Pour tenter de réduire à néant son influence, la capitale est en effet divisée par la loi de pluviôse en douze arrondissements municipaux dans chacun desquels on trouve un maire et deux adjoints nommés par le pouvoir central69 et chargés « de la partie administrative et des fonctions relatives à l’état civil »70 ; c’est le conseil général du département qui remplit les fonctions de conseil municipal71. L’absence d’administration municipale dans Paris est compensée, s’agissant de la police, par la présence dans la capitale d’un préfet de police qui, comme en témoigne son appellation, est un représentant de l’Etat. Il y a donc dans la capitale deux préfets : l’un, de droit commun, chargé de l’administration dans le département de la Seine, l’autre, dérogatoire au droit commun, chargé de la police « à Paris »72. Alors qu’on aurait pu envisager de confier au préfet de la Seine l’ensemble des compétences de police, le législateur a préféré créer un organe spécial. Deux raisons peuvent justifier ce choix. Une première, d’ordre pratique : « un seul représentant du pouvoir central [n’aurait] pu supporter le poids du cumul des attributs préfectoraux et municipaux »73. Une seconde, d’ordre politique : « il s’agit d’éviter une trop forte concentration des pouvoirs dans les mains d’une seule personne »74.
Elément essentiel de la réforme du statut de la capitale, la création du préfet de police doit également être envisagée comme un élément important de la réforme de la police opérée par la loi du 28 pluviôse an VIII. En la matière, l’idée du législateur est de mettre en place un système centralisé et adapté aux besoins de chaque niveau d’administration. La pièce maîtresse de cette nouvelle organisation est le préfet, autorité de police générale dans le département. Outre la création du préfet, la loi prévoit une rénovation de la police urbaine : dans les villes de plus de 5 000 habitants, la police est à la charge d’un commissaire de police nommé non plus par l’autorité municipale mais par le pouvoir central75 ; dans les villes dont la population dépasse 100 000 habitants76, la police est confiée à un commissaire général de police, lequel, tout en étant subordonné au préfet, « [exécute] les ordres qu’il [reçoit] immédiatement de la part du ministre de la Police générale »77. En milieu rural, la gendarmerie nationale qui, comme on l’a vu, a été réformée sous le Directoire, assure la police judiciaire et la surveillance générale. Ainsi, c’est une véritable institution policière, centralisée et hiérarchisée, qui assure désormais le maintien de l’ordre public sur le territoire national.
Envisagée comme élément de réforme de la police, la création du préfet de police appelle plusieurs observations. D’abord, comme c’est le cas en matière administrative, Paris est traité de manière exceptionnelle : c’est un préfet de police, et non un commissaire général de police, qui y est chargé de la police. Le législateur considère en effet Paris, non comme une simple grande ville, mais comme une ville particulière : parce que Paris est la ville siège des institutions, la police doit y être confiée à une autorité spécifique. Le préfet de police est donc une institution policière propre à Paris78. Ensuite, la création du préfet de police constitue une rupture avec le principe d’une administration collégiale de la police : alors que depuis 1789, la police parisienne relevait d’autorités collégiales successives, la loi du 28 pluviôse rompt avec cette conception en la confiant à un agent unique. Aux yeux du législateur de l’an VIII, cette unité est le gage d’une action efficace ; comme le souligne Mongez devant le Tribunat à propos des préfets et des sous-préfets, cette unité « assure la célérité et l’uniformité »79. Enfin, la création du préfet de police constitue une affirmation solennelle de l’autorité du pouvoir central sur la police parisienne. Pour être solennelle, cette affirmation n’en est pas nouvelle pour autant : comme on l’a vu, la création, sous le Directoire, d’un bureau central du canton de Paris soumis à l’autorité du ministre de l’Intérieur puis du ministre de la Police générale témoignait déjà de cette volonté.
Si la loi de pluviôse fixe de grands principes en matière de police, elle n’en est pas moins muette sur deux points importants. D’une part, l’autorité dont relève le préfet de police : alors que la loi fait des préfets les subordonnés du ministre de l’Intérieur et les commissaires généraux de police les subordonnés du ministre de la Police générale, elle ne dit rien à propos du préfet de police. D’autre part, les compétences du préfet de police : en insérant l’article relatif au préfet de police dans le paragraphe consacré aux municipalités, le législateur laisse à penser qu’il entend en faire une simple autorité de police municipale ; c’est d’ailleurs l’avis de Louis-Antoine Macarel pour qui l’article 16 de la loi de pluviôse « (…) avait, quoiqu’il lui donnât bien le nom de préfet, semblé borner les fonctions de ce magistrat à ce qui concernait la police municipale »80.
3) Dubois, premier préfet de police
Le choix du premier préfet de police par le Premier consul81 se révèle délicat : le nombre de candidats, déclarés ou non, est élevé et il est difficile de choisir.
Dans les Mémoires82 de Bourienne, secrétaire particulier de Bonaparte, on trouve reproduite la liste des candidats à la fonction de préfet de police : sur cette liste figurent des noms comme Alquier, ancien constituant, ancien président du tribunal criminel de Seine-et-Oise, ancien ambassadeur, Deperey, ancien vérificateur des assignats, Roederer, ancien procureur-syndic du département de la Seine, conseiller d’Etat, Lombard-Tarado, ancien constituant, secrétaire général du Ministère de la Police ou Réal, ancien commissaire du gouvernement près le département de Paris, conseiller d’Etat. C’est finalement Dubois, cité en dernière position, qui est choisi par Bonaparte. A côté du nom de Dubois, on peut lire les appréciations suivantes : « Ancien juge et membre actuel du Bureau central, actif et infatigable. Ardent ami d’un ordre stable, ami de la liberté, connaissant parfaitement Paris. Longtemps commissaire, il a prouvé dans cette place ce qu’il pourrait faire dans une place plus élevée »83. Par arrêté consulaire du 17 ventôse an VIII (8 mars 1800), Bonaparte procède à la nomination de Dubois84 : « le citoyen Dubois, membre du bureau central du canton de Paris, est nommé préfet de police, à Paris »85.
Différentes explications sont avancées dans les Mémoires de l’époque à propos de cette nomination. Sans doute Réal était-il le mieux placé pour occuper la fonction mais il semblait davantage intéressé par le ministère de la Police générale. Ce que l’on sait de la candidature de Dubois, c’est qu’elle était soutenue à la fois par Fouché, ministre de la Police générale et Lucien Bonaparte, ministre de l’Intérieur. Comme le souligne Jean Tulard, « (…) en 1800, Dubois n’est que la créature de Fouché auquel il a été recommandé par Réal. Il ne doit sa nomination qu’à sa personnalité apparemment terne et à son absence de passé politique »86. Ainsi Dubois peut-il écrire à Fouché et Réal : « sans vous, mes amis, je serais un homme nul et oublié. Je vous dois à tous les deux la considération dont je jouis »87. Ainsi donc, aux origines, le préfet de police apparaît comme un fonctionnaire dont la nomination relève de l’autorité exclusive et discrétionnaire du pouvoir exécutif, en l’occurrence le Premier consul : néanmoins, on note que le choix du titulaire du poste doit faire l’objet d’un certain consensus parmi les plus hautes autorités de l’Etat, notamment les ministres concernés par les affaires de police ; on note également que le Premier consul a choisi de nommer un spécialiste des questions de police et de ne pas rompre avec les institutions du Directoire en choisissant un ancien membre du bureau central.
Dès le lendemain de sa nomination, Dubois adresse une proclamation solennelle aux parisiens : « citoyens, cette ville est immense, sa police doit être rapide ; son exécution vient de m’être confiée ; je veux justifier le choix du gouvernement ; j’appelle vos conseils, je provoque vos réclamations. Tout ce qui a pu être quelquefois le sujet de vos plaintes sera désormais l’objet de ma sollicitude…Sévérité mais humanité ! Mon œil pénétrera les replis de l’âme du criminel, mais mon oreille sera ouverte aux cris de l’innocence et même aux gémissements du repentir »88. Volontaire et décidé, le préfet de police n’en n’est pas moins, à la date où il prononce ce discours, démuni : la loi du 28 pluviôse an VIII ne donne aucune définition précise des compétences qui lui sont dévolues ; il faut pour cela attendre l’arrêté du 12 messidor an VIII, second texte fondateur de l’institution.
B./ L’arrêté du 12 messidor an VIII
Si la loi du 28 pluviôse an VIII marque la naissance du préfet de police, l’arrêté des consuls du 12 messidor an VIII (1er juillet 1800) consacre celle de la préfecture de police : traitant tout à la fois des compétences, de l’autorité de tutelle, des personnels subordonnés et des finances, le texte fait de la préfecture de police une véritable institution. Pour être précise, la rédaction de l’arrêté de messidor n’en a pas moins été l’occasion d’une lutte entre les différentes autorités concernées, ainsi qu’en témoignent différents projets relatifs aux compétences du préfet de police. Si le projet retenu fait incontestablement du préfet de police l’héritier du lieutenant général de police de l’Ancien Régime, les compétences attribuées à la nouvelle institution n’en sont pas moins présentées de manière moderne.
1) Les différents projets relatifs aux compétences du préfet de police
S’il n’a fallu que trois semaines à Bonaparte pour nommer le premier préfet de police, ce dernier devra attendre plusieurs mois avant que le gouvernement ne rédige un texte relatif à ses compétences. La rédaction de ce texte est d’autant plus difficile qu’elle donne lieu à des rivalités comme en témoignent un certain nombre de projets rédigées par les autorités susceptibles d’être concernées. On peut en présenter trois en particulier : celui de Fouché, ministre de la Police générale, celui de Frochot, préfet de la Seine et celui de Dubois, préfet de police.
Le projet de Fouché :
Ayant pris acte de la création par la loi du 28 pluviôse du préfet de police, Fouché entend cantonner ce dernier à « la police des filles, des voleurs et des réverbères »89. A cette fin, il adresse de nombreux courriers au Premier consul, parmi lesquels figure un projet relatif aux attributions du préfet de police. Dans ce projet, le ministre de la Police générale fait du préfet de police un simple commissaire général de police. A ce titre, il insiste particulièrement sur deux points : le préfet de police doit lui être directement subordonné ; ses compétences doivent être limitées à la stricte police municipale.
Pour Fouché, le préfet de police doit être envisagé comme l’équivalent des commissaires généraux de police que l’on trouve dans les villes de plus de 100 000 habitants. Ces agents étant subordonnés au ministre de la Police générale, il doit en être de même pour le préfet de police : « il est indispensable que le ministre qui surveille les évènements qui portent atteinte à la tranquillité désigne au gouvernement les hommes qu’il croît dignes de lui être associés pour veiller à la réparation du désordre et au maintien de l’harmonie intérieure. En refusant au ministre de la police générale la faculté de désigner les hommes qui, avec lui et sous ses ordres, doivent assurer la tranquillité intérieure, ce serait vouloir rendre nulle cette institution et dérisoire cette responsabilité »90. Si Fouché reconnaît que le ministre de l’Intérieur pourrait prétendre à une telle compétence, il considère que le ministre de la Police générale est prioritaire car « (…) sans la tranquillité intérieure, les arts, les sciences, le commerce, l’agriculture, les travaux publics et toutes les autres sources de la prospérité nationale sont dans un état de stagnation et de dépérissement »91. Pour justifier sa volonté de voir la police parisienne rentrer dans son champ de compétence, Fouché avance un dernier argument : « il ne doit pas y avoir d’autres polices secrètes que celle que dirige le ministre de la Police générale ». Chargé de « l’exécution des lois, arrêtés et règlements relatifs à la police générale, à la sûreté et à la tranquillité intérieure, à Paris et dans les départements »92, le ministre de la Police générale doit être le supérieur hiérarchique du préfet de police comme il est celui des commissaires généraux de police.
Pour Fouché, il n’y a pas de différence de nature entre ces différentes autorités : « les commissaires généraux et le préfet de police remplacent les bureaux centraux dans leurs attributions respectives »93. Ils doivent donc se voir confier les mêmes compétences en matière de « tranquillité et sûreté intérieures »94, « salubrité »95 et « bon ordre »96. L’énumération donnée par Fouché, proche de celle de la loi des 16-24 août 1790, montre sa volonté de circonscrire les compétences du préfet de police à la stricte police municipale.
Le projet de Frochot :
Dans une note intitulée projet de règlement des attributions du préfet de police de Paris97 en date du 26 floréal an VIII et adressé au Conseil d’Etat, Frochot, préfet de la Seine expose son opinion sur l’autorité dont doit relever le préfet de police et les compétences qu’il convient de lui attribuer. Sa démonstration est la suivante : « Paris est à la fois une ville, un arrondissement, un chef-lieu de département, et, enfin, le siège du gouvernement. Comme ville, comme chef-lieu de département, Paris est Lyon, Bordeaux et Marseille. Et le pouvoir administratif doit y être de la même manière. Ainsi, le pouvoir administratif local appartient à douze maires quant à l’action d’administration et au commissaire général de police (qui à Paris est nommé préfet de police non pas pour cette attribution de police locale mais ce qu’on verra ensuite) quant à l’action de la police. Mais Paris est le chef-lieu du gouvernement, alors comme tel il diffère de Lyon, Bordeaux ou Marseille. Mais sous un seul rapport, celui de la police politique (ou de gouvernement), police tout à fait différente de la police locale, et même de la police communale ou départementale. A raison de cette différence et de la réunion dans la même personne de la police locale et de la police politique, il était simple de donner une qualification particulière à celui qui doit être chargé de les exercer et, au lieu de le nommer simplement commissaire général de police, ce qui n’aurait indiqué que la police locale, on l’a nommé préfet de police »98. Solidement argumenté, ce texte est intéressant à plusieurs égards. D’abord, parce qu’il justifie – ce que l’on trouve nulle part ailleurs – l’appellation de préfet de police. Ensuite, parce qu’il pose un critère de distinction entre les commissaires généraux de police et le préfet de police, lequel est, à la différence des premiers, investi d’une mission de police politique de protection du gouvernement. Enfin, parce qu’il identifie les différents types de police confiés au préfet de police. Ce dernier point est essentiel car il permet de déterminer son autorité de tutelle : « le préfet de police étant chargé de la police locale, laquelle est une portion du premier degré de pouvoir administratif99, il est subordonné au pouvoir administratif d’arrondissement et de département, tous deux exercé par le pouvoir d’administration générale »100 ; « le préfet de police étant chargé de la police politique inhérente au chef-lieu de gouvernement, il est indépendant du pouvoir administratif proprement dit et ne doit rendre compte qu’au gouvernement »101. Aussi le préfet de police doit-il être, selon Frochot, soumis à une double tutelle, le préfet de la Seine pour ce qui concerne la police locale, le Gouvernement pour ce qui concerne la police politique.
De cette démonstration, le préfet de la Seine tire deux conséquences : la première est que « l’action du préfet de police ne peut dépasser les murs de Paris »102 ; la seconde est que, si le préfet de police exerce la police, il n’exerce « (…) nullement l’administration »103. Il importe dès lors, si l’on souhaite définir avec précision ses attributions, de bien distinguer les actes de police et les actes d’administration. Pour cela, Frochot, propose de « prendre les objets un par un et déterminer à mesure que chacun d’eux passe sous les yeux »104. S’il s’agit d’un acte d’administration, il relève du préfet de la Seine ; s’il s’agit d’un acte de police, il relève du préfet de police. Face à un acte mixte, il « (…) faut voir de quelle action il s’agit »105 ; Frochot prend ainsi l’exemple des prisons : « tout ce qui relève de leur construction, le règlement intérieur et la disposition du local est administratif ; tout ce qui relève de leur solidité et de leur aptitude à prévenir les évasions, ainsi que ce qui intéresse l’espionnage dans les prisons pour obtenir des informations est de la police »106. S’il ne dresse pas une liste exhaustive de ce qui, selon lui, relève de la police, le préfet de la Seine ne pointe pas moins un problème important : celui de la distinction entre police et administration.
Le projet de Dubois :
Préfet de police depuis le 17 ventôse an VIII (8 mars 1800), Dubois s’impatiente de n’avoir reçu aucune compétence. Dans une longue lettre adressée le 20 germinal an VIII (10 avril 1800) à Cambacérès107, il invite ce dernier à rédiger au plus vite un texte sur la question : « je vous prie d’accélérer le plus possible la décision qui fixera la démarcation des pouvoirs des deux préfectures »108. Pour aider le Consul dans cette tâche, Dubois lui adresse un « tableau comparatif »109 des attributions exercées par les institutions qui ont précédé la préfecture de police, lequel est suivi d’une note intitulée Attributions qu’on croit indispensable de confier à la préfecture de police110. Particulièrement éclairante, cette note témoigne de la volonté de Dubois de se voir confier les compétences exercées par le lieutenant général de police de l’Ancien Régime.
C’est en ces termes que Dubois s’adresse à Cambacérès : « citoyen consul, ayant pensé que pour bien juger des attributions nécessaires à la préfecture de police et pour donner le degré d’activité et la force dont elle a besoin, il fallait mettre sous vos yeux les attributions des anciennes magistratures de Paris, vous trouverez le tableau comparatif ci-joint »111. Le préfet de police énumère ainsi successivement les attributions du lieutenant général de police, celles du prévôt des marchands et du bureau de ville pour ce qui concerne la police et celles du bureau central du canton de Paris. Une fois cette énumération faite, il dresse la liste des compétences qu’il souhaite se voir attribuer. Dans cette liste figure « le maintien habituel de l’ordre public et la répression des délits », mais également d’autres attributions, dont certaines relèvent davantage de la police de l’Ancien Régime que de la police moderne. On peut en donner trois illustrations. La première est celle du « droit de faire visite à toute heure du jour et de la nuit des chambres garnies » : ce droit que détenait le lieutenant général de police reste justifié par la préoccupation de pouvoir arrêter les malfaiteurs qui s’y réfugiaient et « ne sortaient qu’à la pointe du jour »112. La deuxième est celle de l’approvisionnement : selon Dubois, « l’approvisionnement a des rapports trop immédiats et trop directs avec la tranquillité publique pour être distrait des attributions de la préfecture de police. Les approvisionnements par terre étaient du ressort du lieutenant général de police. L’approvisionnement par eau était une attribution du prévôt mais cette magistrature n’existe plus et ses attributions se trouvaient réunies à celles du bureau central »113. On peut noter que si Dubois invoque le lieutenant général de police pour réclamer une telle compétence, il semble envisager l’approvisionnement dans un sens différent de celui de l’Ancien Régime : il s’agit en effet moins de procurer aux habitants de la ville un certain bien-être, que de prévenir une éventuelle révolte due à un manque de subsistances. La troisième est celle de la « grande et petite voirie »114. Le préfet de police souhaite que les droits de perception qui y sont relatifs lui soient conférés. Il le justifie de la manière suivante : « l’expérience a fait connaître les inconvénients résultant de la séparation de la police et des travaux publics qui la concernent. Dans une infinité de circonstances, ces travaux sont nécessaires à son action qui serait nulle sans la faculté de les ordonner. L’autorité chargée de veiller à la sûreté et à la subsistance des citoyens doit avoir à sa disposition tous les moyens d’arrêter aussitôt les obstacles qui pourraient entraver sa marche »115. Il est difficile d’être convaincu par une démonstration aussi lapidaire et si peu fondée en droit.
On l’est encore moins lorsqu’il réclame le droit d’assister au tirage de la loterie nationale afin de lui donner « la plus grande solennité possible »116 : cette revendication semble en effet particulièrement éloignée du maintien de l’ordre public dans la capitale. Mais ce n’est pas tout. Dubois demande par ailleurs à ce que l’action du préfet de police s’étende à tout le département de la Seine : « tous les malfaiteurs se retirent aux environs de Paris lorsqu’ils craignent d’être arrêtés. Les bois de Boulogne, de Vincennes et de Bondy, les communes de Bercy, Charenton, Belleville, Arcueil, Gentilly et Montrouge sont les réceptacles de fraudeurs et de voleurs. Les carrières extérieures leur servent de cavernes et l’on sait qu’il y a des conduits souterrains qui facilitent la fraude de l’octroi. Il est donc intéressant que le préfet de police ait le droit de les poursuivre jusque-là »117. Même s’il ne l’évoque pas expressément, il est difficile de ne pas y voir une référence implicite au lieutenant général de police, lequel était, comme on l’a vu, compétent sur tout le territoire de la prévôté et vicomté de Paris.
2) Le préfet de police, héritier des compétences du lieutenant général de police
Signé par Cambacérès118 et publié le 12 messidor an VIII (1er juillet 1800), l’arrêté relatif aux fonctions du préfet de police de Paris119 lui donne des compétences étendues. Sa lecture ne laisse aucun doute : le projet de Dubois est assurément celui qui a le plus influencé l’auteur du texte. Comme l’était son prédécesseur de l’Ancien Régime, le préfet de police apparaît à la fois « délégué du pouvoir politique (…), magistrat (…), administrateur (…), dépositaire de l’autorité municipale (…) »120. C’est donc un préfet de police aux compétences multiples qui est désormais chargé, « sous l’autorité immédiate des ministres »121 de la police de la capitale.
Le préfet de police partage avec le lieutenant général de police d’être titulaire de compétences multiformes s’étendant à de nombreux objets. Sur le fondement de l’arrêté du 12 messidor an VIII, il détient ainsi des compétences en matière de police politique comme par exemple la police de la librairie et l’imprimerie. Il a, surtout, des compétences en matière de police municipale comme, par exemple, la police de la voie publique ou la lutte et la prévention contre les incendies. Il a également des compétences en matière de police judiciaire qui lui permettent notamment de faire saisir et traduire devant les tribunaux de police les personnes prévenues de délits du ressort de ces tribunaux. Il a, enfin, des compétences qui ne semblent pas relever de la police : c’est le cas par exemple de la petite voirie ; l’article 21 dispose ainsi que le préfet de police a « sous ses ordres un commissaire chargé de surveiller, permettre ou défendre l’ouverture des boutiques, étaux de boucherie et de charcuterie, l’établissement des auvens ou construction du même genre qui prennent sur la voie publique, l’établissement des échoppes, ou étalages mobiles ».
Ce qui ne manque pas de rappeler le lieutenant général de police de l’Ancien Régime, c’est également la manière dont l’action du préfet de police est envisagée par l’arrêté de messidor. Aux termes de l’article 1er du texte, celui-ci exerce en effet ses fonctions « sous l’autorité immédiate des ministres » et « [correspond] directement avec eux pour les objets qui dépendent de leur départemens respectifs ». Comme le lieutenant général de police qui, on l’a vu, dépendait, selon la compétence exercée, du secrétaire d’Etat à la Maison du roi, du chancelier-garde des Sceaux, du secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères ou du secrétaire d’Etat à la Guerre122, le préfet de police est placé sous l’autorité immédiate du ministre dont relève la compétence exercée. Cette disposition est particulièrement importante : elle prouve que le préfet de police n’exerce pas seulement des compétences en matière de police ; elle permet au préfet de police d’échapper à la tutelle exclusive du ministre de la Police générale. Il apparaît dès lors inexact d’affirmer que la préfecture de police est « une création originale de Fouché »123. Le ministre de la Police générale est en effet loin d’avoir été entendu : il souhaitait la création d’un lieutenant de police, la loi du 28 pluviôse a créé un préfet de police ; il souhaitait faire de ce dernier un subordonné, cantonné à la police municipale parisienne, l’arrêté du 12 messidor a donné au préfet de police des compétences étendues et l’a placé sous l’autorité immédiate de l’ensemble des ministres124.
Si l’arrêté du 12 messidor an VIII fait du lieutenant général de police « l’ancêtre direct du préfet de police »125, les deux autorités diffèrent au moins sur un point : alors que Dubois avait réclamé d’être compétent, à la manière du lieutenant général de police, dans tout le département de Paris, le texte de l’an VIII limite la compétence territoriale du préfet de police à la seule ville de Paris. Il n’en exerce pas moins quelques compétences en dehors de Paris : il peut envoyer les mendiants et vagabonds dans des maisons de détention situées « hors de Paris, dans l’enceinte du département de la Seine »126 ; il exerce la police des prisons s’agissant de la maison d’arrêt de Bicêtre127. Il est, enfin, compétent – et l’arrêté de messidor prend bien soin de préciser « comme par le passé »128 – pour l’inspection des marchés à bestiaux de Sceaux, Poissy, La Chapelle et Saint-Denis129.
3) La présentation moderne des compétences du préfet de police
Divisé en en six sections, l’arrêté du 12 messidor an VIII en consacre deux à l’énoncé des compétences du préfet de police. Dans une section II intitulée Police générale, l’arrêté donne, dans ses articles 3 à 20, compétence au préfet de police dans les matières suivantes : passeports, cartes de sûreté, permissions de séjourner à Paris, mendicité, vagabondage, police des prisons, maisons publiques, attroupements, police de la librairie et imprimerie, police des théâtres, poudres et salpêtres, émigrés, cultes, port d’armes, recherche des déserteurs, fêtes républicaines. Dans une section III intitulée Police municipale, l’arrêté donne, dans ses articles 21 à 34, compétence au préfet de police pour les matières suivantes : petite voirie, liberté et sûreté de la voie publique, salubrité de la cité, incendies, débordements, accidents sur la rivière, police de la bourse et du change, sûreté du commerce, taxes et mercuriales, libre circulation des subsistances, patentes, marchandises prohibées, surveillance des places et lieux publics, approvisionnements, protection et préservation des monuments et édifices publics.
Cette dévolution de compétences confirme que le préfet de police n’est pas seulement une autorité de police municipale, comme pouvait le suggérer les dispositions de la loi de pluviôse ; c’est ce que souligne Louis Cabantous : « l’article 16 de cette loi avait créé sous ce nom un fonctionnaire qui devait être chargé de police municipale de Paris. Un arrêté du 12 messidor an VIII lui conféra en outre, mais sans en étendre sa circonscription territoriale, les attributions de police générale »130. La distinction opérée par le texte de l’an VIII semble par ailleurs témoigner d’une conception moderne de la police, entérinant l’idée d’une séparation entre, d’un côté, la police des maires et, de l’autre, la police de l’Etat. On peut, dès lors, se demander pourquoi la rédaction du texte a été si longue : il aurait en effet été possible, pour déterminer les compétences du préfet de police, de procéder par renvois aux lois du 14 décembre 1789 et des 16-24 août 1790 relatives à la police municipale et à celles relatives aux pouvoirs de police des préfets.
Le choix des auteurs de l’arrêté de messidor de procéder par énumération peut être justifié de deux manières. La première tient à leur volonté de doter le préfet de police de compétences plus étendues que celles qu’on aurait pu lui confier sur le fondement des textes relatifs aux pouvoirs de police existant. C’est ainsi, par exemple, que la petite voirie et la sûreté du commerce131 sont attribuées au préfet de police, et non au préfet de la Seine, alors qu’il s’agit d’attributions qui relèvent, ailleurs qu’à Paris, de l’administration générale ; loin de les considérer comme telles, l’arrêté consulaire les range dans la rubrique Police municipale. La seconde tient à la volonté des auteurs de classer les attributions du préfet de police différemment de ce qui aurait pu être fait sur le fondement exclusif des textes du droit commun. C’est ainsi, par exemple, que la police des attroupements, dont on comprend aisément le caractère spécifique dans la capitale – particulièrement au sortir de la période révolutionnaire –, est rangée par l’arrêté de messidor dans la rubrique Police générale, alors que la loi des 16-24 août 1790 la classait parmi les objets de police municipale132.
Ainsi, le préfet de police est-il doté, par un texte spécial133, de compétences particulièrement étendues. En cela, l’arrêté du 12 messidor an VIII illustre la très grande variété des objets de la police municipale : bien que restreinte peu à peu, elle est encore au début du 19e siècle « une notion extrêmement large »134 correspondant à « une fonction globale d’ordre local »135, susceptible de comprendre, par exemple, la petite voirie et la sûreté du commerce. S’il en est ainsi, c’est parce que la police municipale demeure, malgré sa progressive spécialisation, imprégnée des conceptions de l’Ancien Régime. Cela est particulièrement frappant avec l’arrêté de messidor136 : en souhaitant transférer au préfet de police la plupart des compétences du lieutenant général de police, les auteurs du texte ont transposé à l’époque moderne la notion de police dont elles étaient empreintes137. On s’explique dès lors l’extrême variété des compétences du préfet de police qui, s’il incarne la police moderne, n’en est pas moins l’héritier du lieutenant général de police de l’Ancien Régime.
***
La préfecture de police est bien issue du « moment napoléonien »138. Sa création constitue assurément une rupture, principalement par rapport aux tentatives de soumission de la capitale au droit commun et de municipalisation de la police parisienne durant la période révolutionnaire. Il ne faut cependant pas exagérer l’importance de cette rupture : l’idée d’une centralisation de la police parisienne n’est pas neuve ; elle est présente sous le Directoire avec le bureau central du canton de Paris. En revanche, ce qui est nouveau, c’est de confier cette tâche à une seule personne, un agent unique, en application du principe selon lequel « administrer doit être le fait d’un seul ». Mais là encore, l’idée n’a que l’apparence de l’innovation et rappelle le lieutenant général de police qui, sous l’Ancien Régime, était chargé, au nom du roi, de la police de la capitale. L’analyse des textes fondateurs et des conditions de création de l’institution consulaire ne manque d’ailleurs pas de convertir cette impression en conviction : c’est de manière délibérée et réfléchie que les créateurs de la préfecture de police se sont, comme en attestent les archives de l’époque, inspirés de l’institution monarchique ; plus qu’une simple évocation, c’est un véritable rapport de filiation qui unit les deux institutions. La dévolution de compétences opérée par l’arrêté du 12 messidor an VIII ne doit, à cet égard, pas induire en erreur : sous couvert d’une présentation moderne, qui distingue les attributions de police générale et de police municipale, ce texte confie au préfet de police la plupart des compétences exercées par son ancêtre de l’Ancien Régime. Il apparaît dès lors réducteur de ne voir en la préfecture de police, que l’expression du génie napoléonien.
- Voir notamment : Jacques-Olivier Boudon, Napoléon, le dernier Romain, Belles Lettres, 2021 ; Pierre Branda, Napoléon à Saint-Hélène, Perrin, 2021 ; David Chanteranne, Les Douze morts de Napoléon, Passés composés, 2021 ; Arthur Chevallier, Napoléon et le bonapartisme, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2021 ; Thierry Lentz, Napoléon. Dictionnaire historique, Perrin, 2020 ; Pour Napoléon, Perrin, 2021 ; Jean Tulard, Napoléon ou le mythe du sauveur, Pluriel, 2021 ; Charles-Eloi Vial, Histoire des Cent-Jours, Perrin, 2021. [↩]
- Michel Lefebvre, « Avant-propos » in Napoléon : l’héritage, Le Monde hors-série, avril 2021, p. 3. [↩]
- Olivier Renaudie, La préfecture de police, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », 2008. [↩]
- On appelle « masses de granit » les institutions, solides et durables, mises en place sous le Consulat dans le but de mettre fin à l’épisode révolutionnaire et de consolider l’Etat. L’histoire ne dit pas s’il s’agit de granit porphyroïde des Vosges… [↩]
- Histoire de l’administration française du 18e au 20e siècle, Montchrestien, 2e éd., 1994, p. 81. [↩]
- Waldeck-Rousseau, Journal Officiel, débats, Chambre des députés, 9 novembre 1883, p. 2268. [↩]
- Loi n° 75-1331 du 31 décembre 1975 portant réforme du régime administratif de la ville de Paris. [↩]
- Georges Vedel et Pierre Delvolvé, Droit administratif, PUF, 12e éd., 1992, tome II, p. 547. [↩]
- Articles L 2512-13 et s. du Code général des collectivités territoriales. [↩]
- Proposition de loi modifiée par le Sénat pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés [anciennement « sécurité globale »], Ass. nat., n° 3996, 19 mars 2021. [↩]
- Décret n° 2021-482 pris pour la mise en œuvre des compétences du préfet délégué à l’immigration auprès du préfet de police et de l’organisation de la police aux frontières dans les départements de l’Essonne, de la Seine-et-Marne, du Val-d’Oise et des Yvelines, ainsi que sur les emprises des aéroports de Paris-Charles de Gaulle, du Bourget et d’Orly. [↩]
- Voir Jean Tulard, Paris et son administration (1800-1830), Commission des travaux historiques de la Ville de Paris, Imprimerie municipale, 1976, p. 68. [↩]
- Arlette Lebigre, Histoire de la police, Ministère de l’Intérieur, Direction générale de la police nationale, Cours professé à l’École nationale supérieure de police, non daté, p. 54. [↩]
- Loi portant la création d’un septième ministère, sous le nom de Police générale de la République (Recueil Duvergier, tome 9, p. 28). [↩]
- Article 2 de la loi. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Voir Arlette Lebigre, Histoire de la police, op. cit., p. 55. [↩]
- Recueil Duvergier, op. cit., tome 8, p. 386. [↩]
- Article 16 du Code des délits et des peines préc. [↩]
- Résolution du 10 nivôse an IV précédant la loi portant la création d’un septième ministère, sous le nom de Police générale de République (Recueil Duvergier, op. cit., tome 9, p. 28). [↩]
- Cité par Bernard Gainot, « La gendarmerie dans la recomposition sociale post-révolutionnaire. La loi organique de 1798 » in Jean-Noël Luc, dir., Gendarmerie, Etat et société au XIXe siècle, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 63. [↩]
- Loi relative à l’organisation de la gendarmerie nationale (Recueil Duvergier, op. cit., tome 10, p. 256). [↩]
- Article 1er de la loi du 28 germinal an VI préc. [↩]
- Comme le souligne Bernard Gainot, « l’augmentation des effectifs entraîne bien évidemment un maillage plus serré des brigades (…) » mais, surtout, ce qui rend ce maillage efficace, c’est le « casernement » : l’article 84 de la loi « (…) affecte en effet à la résidence les propriétés nationales qui ne sont pas encore soumissionnées et qui sont reconnues propres au casernement » (art. préc., p. 68-69). [↩]
- Article 171 de la loi de la loi du 28 germinal an VI préc. [↩]
- Sur ces rivalités, notamment celle qui opposa Fouché à Moncey, premier inspecteur général de la gendarmerie, voir Aurélien Lignereux, « Quand Fouché juge la gendarmerie impériale », Revue de la gendarmerie nationale, hors-série n°2, 2002, p. 43-48. [↩]
- Arlette Lebigre, Histoire de la police, op. cit., p. 57. [↩]
- Du 20 juillet 1799 au 15 septembre 1802 ; du 11 juillet 1804 au 3 juin 1810 ; du 21 mars 1815 au 23 juin 1815 ; du 8 juillet 1815 au 15 septembre 1815. [↩]
- On peut citer notamment Louis Madelin, Fouché, Nouveau Monde éd., Fondation Napoléon, 2002 (rééd. de la thèse de doctorat de l’auteur, soutenue en 1901) et Jean Tulard, Fouché, Fayard, 1998. [↩]
- Sur ce point, voir Jean Tulard, « Le mythe de Fouché » in L’Etat et sa police en France (1789-1914), Genève, Droz, 1979, p. 27-34. [↩]
- Jean Tulard, Fouché, op. cit., p. 13. [↩]
- Le mot est souligné par Fouché. [↩]
- Arch. nat., F7 4343. [↩]
- Pour une analyse des conceptions policières de Fouché, voir Hélène L’Heuillet, Basse politique, haute police. Une approche historique et philosophique de la police, Fayard, 2001, notamment p. 51-53 et 267-269. [↩]
- Arch. nat., F7 6244. [↩]
- « Comme tout acteur politique pour qui la théorie est servie devant l’action, la cohérence de Joseph Fouché n’est pas la cohérence interne d’une doctrine, mais une cohérence avec le réel. Les éléments de la double généalogie de la police de Fouché, partagée entre l’héritage classique et la modernité, ont pu se fondre ensemble et oublier leur hétérogénéité dans la pratique d’un homme de transition, qui se mit au service de toutes les sortes de régimes. Malgré sa culture classique d’Ancien Régime, Joseph Fouché entend fonder une police au service de l’Etat et non du prince » (Hélène L’Heuillet, Basse politique, haute police. Une approche philosophique de la police, op. cit., p. 268). [↩]
- Voir Thierry Lentz, Le 18 Brumaire, Perrin, 2010. [↩]
- Ils sont tous les trois confirmés dans leurs fonctions par le Premier consul le 5 décembre 1799. [↩]
- Voir arch. nat., F7 4343 et arch. préf. pol., D/B 1. [↩]
- Arch. nat., F7 4343, dossier 33. [↩]
- Ibidem. [↩]
- « Le lieutenant de police correspond avec le ministre de la Police générale et dirige, sous ses ordres, les fonctions des agents ci-après. Il dirige les mouvements de la garde sédentaire et de la gendarmerie » (arch. nat., ibidem). [↩]
- Ibidem. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Arch. réf. pol., D/B 1. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Arch. nat., F1b Seine 25 (cité par Jean Tulard, Paris et son administration (1800-1830), Commission des travaux historiques de la ville de Paris, Imprimerie municipale, 1976, p. 74). [↩]
- A cet égard, Jean Tulard fait état d’un projet de réforme proposant de faire des membres du bureau central des magistrats judiciaires et de rattacher l’institution au tribunal d’appel de Paris (Paris et son administration, op. cit., p. 75). [↩]
- Loi concernant la division du territoire français et l’administration (Recueil Duvergier, op. cit., tome 12, p. 78). Sur ce texte, voir CURAPP, La loi du 28 pluviôse an VIII deux cents ans après : survivance ou pérennité ?, PUF, 2000. [↩]
- Archives parlementaires, Mavidal et Laurent, Recueil complet des délibérations législatives et politiques des chambres françaises, 2e série, p. 147-231. [↩]
- Le texte est présenté au Corps législatif le 12 pluviôse an VIII (7 février 1800). [↩]
- Article 16 du projet (Archives parlementaires, rec. préc., p. 149). [↩]
- De manière plus générale, on peut regretter de n’avoir accès aux débats suscités par l’examen de ce texte par le Conseil d’Etat : comme le souligne Marguerite Boulet-Sautel, « on ne connaît point la discussion qu’il souleva et c’est bien dommage car il aurait été intéressant de connaître les réactions qu’il souleva chez les anciens adversaires de la centralisation » (Cours d’histoire des institutions publiques depuis la Révolution, Les Cours du droit, 1964, p. 212). [↩]
- Ibidem. [↩]
- Archives parlementaires, rec. préc., p. 185. [↩]
- C’est nous qui soulignons. [↩]
- Archives parlementaires, rec. préc., p. 185. [↩]
- La police parisienne de Napoléon. La préfecture de police, Tallandier, 1990, p. 47. [↩]
- C’est nous qui soulignons. [↩]
- Archives parlementaires, art. préc., p. 169. [↩]
- Lesquels protestent surtout contre le principe de la division du territoire en arrondissement. [↩]
- Marguerite Boulet-Sautel, op. cit., p. 212. [↩]
- Recueil Duvergier, op. cit., p. 98. [↩]
- Cité par Jean Tulard, Paris et son administration (1800-1830), op. cit., p. 106. [↩]
- François Burdeau, Histoire de l’administration française du 18e au 20e siècle, op. cit., p. 89. [↩]
- Déclaration devant le conseil général de la Seine, arch. nat., F1b II, Seine 8 (citée par Jean Tulard, Paris et son administration (1800-1830), op. cit., p. 79). [↩]
- Jean Tulard, « Liberté ou tutelle de l’Etat ? Le débat autour du statut administratif de Paris : 1789-1889 » in L’Administration de Paris (1789-1977), op. cit., p. 33. Comme le souligne l’auteur, « c’est la peur qui est à l’origine du carcan administratif qu’a connu la capitale à différentes époques » (ibidem). [↩]
- Article 3 de la loi du 28 pluviôse an VIII précitée. [↩]
- Article 18 de la loi. [↩]
- Article 16 de la loi. [↩]
- Article 17 de la loi. [↩]
- Article 16 de la loi. [↩]
- Edmond Mouneyrat, La préfecture de police, Bonvalot-Jouve, 1906, p. 35. [↩]
- Jean Tulard, Paris et son administration (1800-1830), op. cit., p. 78. [↩]
- Article 12 de la loi. [↩]
- C’est à dire Lyon, Marseille et Bordeaux. Le décret du 10 septembre 1805 étendra l’institution des commissaires généraux de police à vingt-six autres villes considérées comme importantes par leur population (Genève, Toulouse, etc…), leur situation stratégique maritime (Toulon, Brest, Le Havre, etc…) ou frontalière (Strasbourg, Mayence, etc…). Voir Georges Carrot, Histoire de la police française, Tallandier, 1992, p. 116. [↩]
- Article 14 de la loi. [↩]
- Il faut néanmoins souligner que le pluriel utilisé dans l’article 18 de la loi relatif aux nominations ne manque pas d’introduire un doute sur ce point : « le Premier consul nommera les préfets, les conseillers de préfecture, les membres des conseils généraux de département, le secrétaire général de préfecture, les sous-préfets, les membres des conseils d’arrondissement, les maires et adjoints des villes de plus de cinq mille habitans, les commissaires généraux de police et préfets de police [c’est nous qui soulignons] dans les villes où il en sera établi ». A ne lire que le texte de la loi, il est particulièrement difficile de se faire une opinion sur cette disposition : on peut y voir une maladresse rédactionnelle ; on peut y voir également la volonté du législateur d’envisager la création de préfets de police ailleurs qu’à Paris. L’arrêté des consuls relatif à l’installation, aux fonctions, au costume des préfets, et au traitement des secrétaires de préfecture, du [c’est nous qui soulignons] préfet de police à Paris, et des commissaires généraux de police, pris quelques mois après la loi de pluviôse, semble plutôt indiquer que le préfet de police est envisagé de manière singulière. [↩]
- Archives parlementaires, rec. préc., p. 188. [↩]
- Cours d’administration et de droit administratif, Plon, 1852, tome I, p. 302. C’est également l’avis de Louis Cabantous qui écrit : « l’article 16 de cette loi avait créé sous ce nom un fonctionnaire qui devait être chargé de la police municipale de Paris » (Répétitions écrites sur le droit administratif, Maresq, 5e éd., 1873, p. 124). [↩]
- Sur le fondement de l’article 18 de la loi du 28 pluviôse an VIII préc. [↩]
- Mémoires de M. de Bourienne, Ladvocat, 1830, tome 2, p. 91. [↩]
- Op. cit., p. 114. [↩]
- Né à Lille le 20 janvier 1758, Louis-Nicolas Dubois fait des études de droit à Paris avant d’être avocat à la Grand’Chambre du Parlement de Paris puis procureur au Châtelet. Il poursuit ensuite une brillante carrière judiciaire en étant successivement prévôt de la justice seigneuriale de Montgeron, juge au tribunal civil du département de la Seine, commissaire du Directoire près la municipalité du 11e arrondissement et membre du bureau central. Pour une biographie plus complète, voir Jean Arvengas, « Le comte Dubois, premier préfet de police », Revue du Nord, avril-juin 1957, n°154, p. 125-146 et Jean Tulard, « Dubois, premier préfet de police », Revue de l’Institut Napoléon, 1959, p. 9-14. Voir également son dossier personnel aux arch. préf. pol., E/A 19. [↩]
- Arch. préf. Pol., E/A 19. [↩]
- Paris et son administration (1800-1830), op. cit., p. 117. [↩]
- Cité par Jean Tulard, op. cit., p. 118. [↩]
- Cité par Jean Arvengas, art. préc., p. 126. [↩]
- Cité par Marcel Le Clère, Histoire de la police, PUF, coll. « Que sais-je ? », 3e éd., 1964, p. 59. [↩]
- Arch. nat., F7 4343. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Lesquelles recouvrent « les secours en cas d’incendie, la surveillance et l’entretien des pompes, le dégagement de la voie publique, l’éclairage des rues, le ramonage des cheminées, la destruction des animaux malfaisants, la surveillance des voitures de place, la recherche des escrocs, voleurs, filous, assassins, vagabonds et mendiants, la recherche des contre-révolutionnaires, des émigrés et des conspirateurs, la surveillance des colporteurs de libellés et feuilles périodiques, la sûreté des prisons (…), la surveillance des insensés qu’on laisse divaguer » (arch. nat., F7 4343). [↩]
- Laquelle recouvre « le nettoiement des rues, l’enlèvement des cadavres et des animaux, la visite et la dégustation des comestibles, boissons, liqueurs et médicaments, la salubrité des prisons et la nourriture des détenus » (arch. nat., F7 4343). [↩]
- Lequel recouvre « la surveillance (…) des filles publiques, spectacles, bals publics, fêtes publiques, maisons garnies, maisons de jeu, loteries clandestines, maisons de prêt, maisons ouvertes au public comme les cafés, les édifices servant au culte, les foires et marchés, les étrangers » (arch. nat., F7 4343). [↩]
- Voir arch. nat., F 1b I 181. Ce fonds contient de très nombreux documents relatifs à la rivalité entre le préfet de la Seine et le préfet de police. [↩]
- Arch. nat., F 1b I 181. [↩]
- Pour Frochot, l’expression pouvoir administratif désigne tout à la fois « l’action de l’administration proprement dite et l’action de la police ». Il y a selon lui trois degrés du pouvoir administratif : le pouvoir administratif « local » qui comprend l’action de l’administration locale et l’action de police locale, et qui appartient au maire ; le pouvoir administratif « communal » qui comprend l’action d’administration d’arrondissement et l’action de police d’arrondissement, et qui appartient aux sous-préfets. Le pouvoir administratif « départemental » qui comprend l’administration du département et l’action de la police du département, et qui appartient aux préfets (arch. nat., F 1b I 181). [↩]
- Arch. nat., F 1b I 181. Il convient de rappeler qu’il n’y a pas de sous-préfet dans l’arrondissement de Paris. [↩]
- Arch. nat., F 1b I 181. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Arch. nat., AF IV 17, dossier n° 89. [↩]
- Ibidem. [↩]
- C’est l’expression utilisée par Dubois. Ce tableau fait plus de vingt pages. [↩]
- Arch. nat., AF IV 17, dossier n° 89. [↩]
- Arch. nat., AF IV 17, dossier 89. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Ibidem. Pour Jean Rigotard, on s’étonnerait d’une telle demande, « (…) si l’on ne savait que cette présence était assortie de certains avantages financiers » (op. cit., p. 50). [↩]
- Arch. nat., AF IV 17, dossier n° 89. [↩]
- Napoléon est alors sur le chemin du retour, après la campagne d’Italie. [↩]
- Recueil Duvergier, op. cit., tome 12, p. 250. [↩]
- Alexandre-François Vivien, « Études administratives : la préfecture de police », La Revue des deux Mondes, 1842, p. 791. [↩]
- Article 1er de l’arrêté du 12 messidor an VIII préc. [↩]
- Voir supra p. 41-42. [↩]
- De Belmas, « Le préfet de police », RDP 1934, p. 378. [↩]
- Faut-il dès lors voir dans la création de la préfecture de police un témoignage de la méfiance de Bonaparte vis-à-vis du ministre de la Police générale ? Selon Arlette Lebigre, « on est tenté de suivre Balzac quand il écrit : ‘Fouché vit une disgrâce, ou tout du moins une méfiance’ dans la nouvelle institution » (Histoire de la police, op. cit., p. 59). [↩]
- Pierre Legendre, Trésor historique de l’Etat en France. L’Administration classique, Fayard, 1992, p. 229. [↩]
- Article 5 de l’arrêté du 12 messidor an VIII précité. [↩]
- Article 6 de l’arrêté. [↩]
- Article 33 de l’arrêté. [↩]
- C’est à dire les marchés où se vendent les bestiaux pour l’approvisionnement de Paris. [↩]
- Répétitions écrites sur le droit administratif, Maresq, 5e éd., 1873, p. 124. [↩]
- Cette compétence permet notamment au préfet de police de « vérifier les balances, poids et mesures, et faire saisir ceux qui ne seront pas exacts ou étalonnés » (article 26 de l’arrêté). [↩]
- Article 3 du Titre XI de la loi des 16-24 août 1790. [↩]
- Ainsi, quand Henrion de Pansey écrit à propos de l’arrêté du 12 messidor que « tous les maires doivent connaître ce décret » (Du pouvoir municipal et de la police intérieure des communes, Barrois, 3e éd., 1833, p. 164), on ne peut qu’être perplexe. D’abord, parce que ce texte, comme son intitulé l’indique (« arrêté qui règle les attributions du préfet de police de Paris »), n’est applicable qu’à Paris. Ensuite, parce que la liste des attributions dites de « police municipale » qu’il confie au préfet de police ne présente, même à titre indicatif, aucun intérêt véritable pour les maires : en effet, comme on l’a vu, certaines de ces attributions – la petite voirie, la sûreté du commerce – ne figurent dans cette liste que parce qu’il s’agit de la police de la capitale et qu’elles étaient exercées auparavant par le lieutenant général de police. [↩]
- Étienne Picard, La notion de police administrative, Bibl. Dr. Publ., 1984, tome I, p. 74. [↩]
- Étienne Picard, op. cit., tome I, p. 78. Pour fonder sa démonstration, l’auteur s’appuie sur l’article 50 du décret du 14 décembre 1789 qui définit les fonctions propres au pouvoir municipal, dont celle consistant à « faire jouir les habitans des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics ». L’emploi de l’adverbe « notamment » permet de justifier l’extrême variété des buts de la police municipale. [↩]
- « Le texte du 12 messidor an VIII est empreint de son contexte historique et affiche une évidente nostalgie de la panoplie policière de l’Ancien Régime » (Paolo Napoli, Naissance de la police moderne. Pouvoirs, normes, société, La Découverte, 2003, p. 287). [↩]
- Dans son article consacré à Nicolas Delamare, Benoît Plessix, fait observer une continuité similaire à propos de la doctrine administrativiste du 19e siècle : « attachés à la conception extensive du vieux concept monarchique de police, fondée sur la recherche par le Prince du bien-être physique et moral de ses sujets, nos anciens auteurs ont suivi simplement la liste des matières administratives fixée au début du 18e siècle par Delamare. Parce que les juristes, dans le droit fil de la méthode scolastique, ont à la fois toujours besoin de travailler à partir de l’héritage légué par les ancêtres et d’assurer l’indispensable fonction de transition, les administrativistes de l’Etat libéral se sont volontairement satisfaits de la science de la police mise au point par Delamare, quitte à rester éloignés des évolutions du contentieux et à ne pas refléter le souffle révolutionnaire et le libéralisme ambiant » (« Nicolas Delamare et les fondations du droit administratif », Droits, n° 38, 2003, p. 133). [↩]
- François Burdeau, « Les réformes de l’an VIII dans l’histoire des juridictions administratives locales » in CURAPP, La loi du 28 pluviôse an VIII deux cents après : survivance ou pérennité ?, PUF, 2000, p. 41. [↩]
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