La presse nationale a abondamment commenté la manifestation « pro palestinienne » interdite par arrêtés du préfet de police de Paris pour des motifs liés à l’ordre public dans la capitale (« « On veut se faire entendre » : à Paris, malgré l’interdiction, des soutiens du peuple palestinien veulent manifester », France Info, 15.05.2021 ; « Manifestation pro-palestinienne interdite à Paris : 45 personnes en garde-à-vue », Le Figaro, 15.05.2021 ; «La préfecture de police interdit la manifestation de soutien à Gaza prévue samedi à Paris », Le Monde, 13 mai 2021).
D’évidence le sujet est sensible.
Dans le premier dossier, l’Association des Palestiniens d’Île de France a déposé les 8 et 9 mai 2021 une déclaration de manifestation à la préfecture de police de Paris pour « commémorer la Naqba et dénoncer les dernières agressions israéliennes contre le peuple palestinien » prévue le samedi 15 mai 2021 de la station de métro Barbès-Rochechouart à la place de la Bastille. Par un arrêté du 13 mai 2021, le préfet de police a interdit cette manifestation pour des motifs d’ordre public. La requête de l’Association des Palestiniens d’Île de France, au soutien de laquelle est intervenue la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris sollicitant la suspension de cet arrêté.
Pour les requérants, l’arrêté contesté porterait une atteinte grave à la liberté de manifester et à la liberté d’expression du fait de son caractère d’interdiction « générale et absolue ».
Dans le second dossier, l’Association Capjpo Europalestine a déclaré un rassemblement statique « à l’occasion de la commémoration de la Naqba », prévu le samedi 15 mai 2021 de 12H00 à 14H30 sur la place Joachim du Bellay à Paris. Par un arrêté du 14 mai 2021, le préfet de police de Paris a également interdit cette manifestation pour des motifs tenant essentiellement aux risques de troubles à l’ordre public qu’il n’était pas en situation de contenir avec les moyens disponibles, eu égard à la situation touchant l’ordre public à Paris à ce moment-là. La capitale est en effet confrontée à de nombreuses autres manifestations sur la voie publique, près d’une trentaine le jour du rassemblement envisagé, le pays étant, de surcroît, en situation dite « Vigipirate renforcée » de lutte contre le terrorisme et, bien sûr, toujours sous les contraintes liées au respect des règles sanitaires strictes relatives à la Covid 19. L’encadrement de la seule manifestation interdite en soutien à la Palestine mobilisera 4200 policiers et gendarmes à Paris (Le Parisien, 15.05.2021).
Pour ces requérants l’arrêté contesté « interdit d’ une manière générale et absolue la tenue de ce rassemblement et porte donc une atteinte grave à la liberté de manifester et à la liberté d’expression ».
Le juge des référés rejette ces demandes, estimant que le risque de trouble grave à l’ordre public allégué est constitué, se référant aux débordements sévères qui se sont passés lors d’une manifestation ayant le même objet en 2014, et au vu du contexte sanitaire et sécuritaire dans la capitale, compte tenu des moyens mis à la disposition de l’autorité publique.
L’association Capjpo Europalestine a alors interjeté appel de l’ordonnance devant le Conseil d’Etat, par requête du 15 mai 2021, conformément à l’article L. 521-2 du code de justice administrative (CE, juge des référés, 3 janvier 2003, n° 253045). L’audience devant le juge d’appel ayant débuté après l’heure prévue du début de la manifestation, le juge des référés du Conseil d’État n’a pu que constater le non-lieu à statuer (CE, juge des référés, 15 mai 2021, n° 452584).
Ce sont donc les deux affaires examinées par le juge des référés du tribunal administratif de Paris qui méritent attention. En effet, au travers de la presse, les arrêtés préfectoraux ont pu être juridiquement critiqués, notamment par certains juristes, estimant que « la préfecture doit objectiver sa décision » (« Israël- Palestine : sur quelle base juridique la préfecture justifie-t-elle l’interdiction de la manifestation prévue ce samedi à Paris », France Info, 14 mai 2021) allant jusqu’à estimer que « l’interdiction générale et absolue de la manifestation est problématique. On peut estimer qu’il y a un problème de proportionnalité de la mesure. Donc, il aurait mieux valu l’autoriser, l’encadrer défend (…) Serge Slama, professeur de droit public à l’Université de Grenoble » ( France Info, 15 mai 2021 « « On veut se faire entendre » : à Paris, malgré l’interdiction, des soutiens du peuple palestinien veulent manifester »).
L’interdiction de manifester du préfet de police était-elle illégale, parce que générale et absolue comme le soutiennent les parties ?
La question est au cœur de la démonstration du juge des référés qui rappelle, dans le prolongement d’une jurisprudence maintenant bien posée du juge administratif, que le respect de la liberté de manifestation doit être conciliée avec la maintien de l’ordre public (I) et qu’il appartient à l’autorité investie du pouvoir de police saisie d’une déclaration de manifestation d’apprécier le risque de troubles à l’ordre public et, sous le contrôle du juge administratif, de prendre les mesures de nature à prévenir ces troubles, au besoin par une mesure d’interdiction (II).
I.- La liberté de manifestation doit être conciliée avec le maintien de l’ordre public
La liberté de manifester et la sauvegarde de l’ordre public ont tous deux une valeur constitutionnelle que le législateur doit veiller à concilier. En revanche, comme pour toute mesure de police administrative, la liberté est le principe et l’interdiction l’exception.
A.- Manifester et sauvegarder l’ordre public sont des valeurs constitutionnelles qu’il appartient au législateur de concilier
La liberté de manifester et la sauvegarde de l’ordre public se sont tous deux vues conférer une valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel.
Par sa décision du 25 janvier 1985 concernant la loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie le juge constitutionnel conforte cette exigence constitutionnelle que représente la « (…) sauvegarde de l’ordre public sans lequel l’exercice des libertés publiques ne saurait être assuré (CC, décision n° 85-187 DC du 25 janvier 1985, considérant 3).
La liberté de réunion est consacrée par la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion, mais sans évoquer la liberté de manifestation.
Par sa décision du 18 janvier 1995 visant la loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, le Conseil constitutionnel consacre « le droit d’expression collective des idées et des opinions » (Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, considérants 16 et 24). La liberté de manifestation est même un droit constitutionnellement protégé (CC, 25 février 2010, n° 2010-604 QPC et CC 4 avril 2019, n° 2019-780 DC).
Le Conseil d’État a d’ailleurs confirmé clairement que « (…) le Conseil constitutionnel a consacré, par sa décision n° 94-352DC du 18 janvier 1995, le droit d’expression collective des idées et des opinions dont il ne distingue pas la liberté de manifestation (CE, 12 avril 2019, n° 427638, point 9).
Il en est de même de la Cour européenne des droits de l’homme qui a arrêté que « la liberté de réunion pacifique englobe la liberté de manifester » (CEDH, 5 mars 2009, Barraco/France n° 31684/05). C’est dans ce cadre juridique de conciliation entre le droit de manifester et la nécessaire préservation de l’ordre public, pas toujours absolument évident, que doit se placer le législateur, et le juge administratif dans les présents contentieux.
En effet, des restrictions à la liberté de manifester nécessaires dans une société démocratique pour la sauvegarde de certains intérêts comme la protection de l’ordre public, justifient un régime de déclaration préalable (CEDH, Commission, 10 octobre 1979, Rassemblement jurassien/Suisse, n° 8191/78).
B.- Une conciliation opérée par le législateur : la manifestation ne doit qu’être déclarée mais peut être interdite
Cette conciliation de ces deux droits constitutionnels conduit le législateur à soumettre la manifestation à une simple déclaration préalable (art. L. 211-1 du Code de la sécurité intérieure), précisant le but, le lieu et l’heure du rassemblement et, s’il y a lieu, de l’itinéraire projeté. Cette déclaration est déposée trois jours francs au moins avant l’événement et contient les noms, prénoms et domiciles des organisateurs et est signée au moins de l’un d’entre eux. L’autorité administrative doit alors en donner récépissé (art. L. 211-2 du Code de la sécurité intérieure). En zone de police d’Etat cette déclaration se fait en préfecture (en mairie en dehors de cette hypothèse), à la préfecture de police à Paris, comme ce fut le cas en l’espèce dans les deux dossiers. L’autorité administrative a alors compétence liée, le récépissé est de droit (CE ass., 24 octobre 1930, Prunget, S. 1931, p. 865).
Liberté de manifestation mais conciliation avec la nécessité de sauvegarde de l’ordre public : le législateur a ainsi prévu que si l’autorité investie des pouvoirs de police estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l’ordre public, elle l’interdit par un arrêté qu’elle notifie immédiatement aux signataires de la déclaration (art. L. 211-4 du Code de la sécurité intérieure).
Sans aller jusqu’à l’interdiction, des mesures d’encadrement ou restrictives (interdiction de certains espaces ou places sur l’itinéraire initialement souhaité, rassemblement statique au lieu d’un cortège…) peuvent aussi être prises sur le fondement de l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales relatif à la police municipale autorisant l’autorité de police à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique.
L’interdiction peut aussi n’être que partielle ou limiter à un certain périmètre (CE 21 janvier 1966, n° 61692 et Le Monde, 19 mai 2021, « Les rassemblements pro-Palestine seront autorisés à Paris, mais devront rester statiques »).
C’est le fondement de la réflexion du juge des référés dans ces deux dossiers, rappelant que « le respect de la liberté de manifestation doit être concilié avec la maintien de l’ordre public et qu’il appartient à l’autorité investie du pouvoir de police, lorsqu’elle est saisie de la déclaration préalable (….) d’apprécier le risque de troubles à l’ordre public et, sous le contrôle du juge administratif, de prendre les mesures de nature à prévenir les dits troubles (…) » ( point 6 de l’ordonnance du 14 mai 2021 et point 5 de l’ordonnance du 15 mai 2021). Il appartient alors au préfet de prendre « une mesure nécessaire et proportionnée au risque qu’il cherche à prévenir » (CAA Lyon, 24 octobre 2017, n° 16LY02638, point 3).
C’est à cette vérification que procède le juge des référés dans ces deux dossiers pour considérer que les arrêtés préfectoraux d’interdiction des deux manifestations, ne pouvaient « s’analyser comme une interdiction de principe de toute manifestation ayant le même objet » comme le soutenaient les requérants ( point 12 de l’ordonnance du 14 mai 2021 et point 9 de l’ordonnance du 15 mai 2021).
II.- L’interdiction de manifester est circonstanciée et ne peut être considérée comme de principe
Il appartient, en effet, à l’autorité administrative de mettre en œuvre toutes les mesures à sa disposition pour permettre à la manifestation de se dérouler et ce n’est que si l’interdiction est la « seule » de nature à préserver l’ordre public que le préfet peut prendre ce type de décision ( point 6 de l’ordonnance du 14 mai 2021 et point 4 de l’ordonnance du 15 mai 2021).
A .- La liberté est le principe, l’interdiction l’exception
Cette position ancienne, traditionnelle du juge administratif en matière de conciliation entre l’ exercice d’une liberté publique et la sauvegarde de l’ordre public s’illustre parfaitement dans les conclusions du commissaire du gouvernement Corneille sous l’arrêt de section Baldy du 10 août 1917 qui définit alors déjà clairement les nécessités de conciliation d’une liberté publique avec l’impératif du maintien de l’ordre public en écrivant :
« Pour déterminer l’étendue du pouvoir de police dans un cas particulier, il faut toujours se rappeler que les pouvoirs de police sont toujours des restrictions aux libertés des particuliers, que le point de départ de notre droit public est dans l’ensemble des libertés des citoyens que la Déclaration des droits de l’homme est implicitement ou explicitement au frontispice des Constitutions républicaines, et que toute controverse de droit public doit, pour se calquer sur les principes généraux, partir de ce point de vue que la liberté est la règle et la restriction de police l’exception » ( Cité lors de l’intervention B. Stirn, Colloque sur l’ordre public, Association française de philosophie du droit, 17-18 septembre 2015).
La règle jurisprudentielle en est posée par l’arrêt Benjamin (CE, 19 mai 1933, GAJA, n° 43, p. 265 et suivantes, Dalloz, 21e edition, 2017). Le juge y rappelle qu’il appartient à l’autorité de police de prendre les mesures nécessaires au maintien de l’ordre public mais qu’elle doit « concilier l’exercice de ses pouvoirs avec le respect de la liberté de réunion » .
Depuis lors, le conseil d’Etat n’a pas manqué de souligner que l’impératif de conciliation entre la liberté de manifestation et la sauvegarde de l’ordre public, dont la possibilité, le cas échéant, d’interdire la manifestation, conduit à cette dernière issue que « si une telle mesure est seule de nature à préserver l’ordre public » (CE 26 juillet 2014, n° 383091). L’autorité administrative doit ainsi, avant de prononcer une interdiction de manifestation, chercher toutes les autres possibilités juridiques à sa disposition. L’interdiction est donc bien l’ultime recours dont dispose l’autorité de police, après avoir épuisé tous les autres.
C’est exactement la même formulation choisie par le juge des référés du tribunal administratif de Paris dans ces deux instances qui rappelle que l’autorité investie du pouvoir de police, lorsqu’elle et saisie d’une déclaration préalable de manifestation susceptible de troubler l’ordre public peut » le cas échéant, (en prononcer) l’interdiction, si une telle mesure est seule de nature à préserver l’ordre public (point 6 de l’ordonnance du 14 mai 2021 et 4 de l’ordonnance du 15 mai 2021).
Il revient alors d’analyser les éléments qui conduisent le juge des référés à considérer que l’interdiction est bien, en l’espèce, la seule possibilité qui s’offrait au préfet de police. D’autant plus que, si dans le premier cas la manifestation était mobile, de la station de métro Barbès-Rochechouart à la place de la Bastille, sous la forme d’un défilé, dans le second cas elle n’était que statique, Place Joachim du Bellay. Le préfet de police ne disposait-il pas alors de la capacité de « gérer » au moins le rassemblement statique? La question se pose d’autant plus que la semaine suivant ces interdictions, le préfet de police de Paris a autorisé des manifestations statiques des « rassemblements pro-Palestine » (Le Monde, 19 mai 2021, précité). Le raisonnement très précis du juge dans les deux dossiers permet de comprendre sa décision prise au cas par cas mais en suivant les positions déjà clairement définies par la justice administrative.
B.- Le juge des référés se livre à une analyse circonstanciée dans le fil d’une jurisprudence administrative bien établie pour rejeter les requêtes qui lui sont soumises
Pour rejeter la requête des associations le juge des référés du tribunal administratif de Paris prend en compte le contexte, notamment international et politique de la manifestation projetée, les précédentes manifestations de même nature et les moyens à disposition de l’autorité de police.
La manifestation envisagée « s’inscrit dans un contexte international particulièrement sensible, caractérisé par des affrontements actuels très violents opposant des Palestiniens aux forces de sécurité israéliennes (…) le lendemain du soixante-treizième anniversaire de la déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël et le jour marquant le début de la guerre israélo-arabe de1948-1949 (…) pendant les fêtes religieuses marquant la fin du ramadan et à la veille des fêtes juives de Chavouot » (point 7 de l’ordonnance du 14 mai 2021 et point 5 de l’ordonnance du 15 mai 2021).
Le juge prend en compte ce « contexte de tensions », avec une mobilisation importante attendue, aiguisée par de « nombreux éléments à risque cherchant à provoquer des affrontements avec les forces de l’ordre ». Le juge des référés s’inscrit alors dans une jurisprudence clairement affirmée du juge administratif qui a, par exemple, tenu le même raisonnement quand il a été appelé à se prononcer sur une interdiction préfectorale prise lors d’un projet de « rassemblement de protestation contre la politique menée par Israël dans les territoires occupés ». Ce rassemblement pouvant être compris comme une « provocation », « dans une période où, en raison des attentats récemment perpétrés à Paris, les forces de l’ordre se trouvaient mobilisées sur leurs missions prioritaires dont elles pouvaient difficilement être distraites » (CAA Lyon, 24 octobre 2017, n° 16LY02638).
Il en est de même dans les présentes instances quand le juge des référés relève que » les services de police et les unités de gendarmerie, qui sont déjà fortement mobilisés pour garantir la protection des personnes et des biens contre les risques d’attentat dans le cadre du plan Vigipirate renforcé toujours en vigueur, doivent, en outre, veiller au respect dans le ressort de l’agglomération parisienne, des mesures renforcées de sécurité sanitaire décidées par le gouvernement (…) » (point 10 de l’ordonnance du 14 mai 2021 et point 8 de l’ordonnance du 15 mai 2021). D’autant plus que les deux décisions du juge des référés relèvent que le même jour les forces de sécurité intérieure mises à disposition du préfet de police de Paris doivent faire face à 26 autres manifestations déclarées dans la capitale, « nécessitant le déploiement de forces de l’ordre ». Il est, en effet, de jurisprudence constante de considérer qu’il revient au juge administratif de prendre en compte les moyens, notamment de forces de police, dont dispose l’autorité administrative le jour de l’événement litigieux.
Avec l’arrêt Bujadoux (CE, 5 février 1937, rec.153), dans le droit fil de l’arrêt Benjamin, précité, le juge vérifie déjà si « (…) le préfet avec les forces de police qu’il avait à sa disposition, (avait) (…) les moyens de maintenir l’ordre (…) » suite à l’interdiction par la maire de Lyon d’un banquet, en réalité public, organisé en présence de C. Maurras alors que le gouvernement avait dissout des ligues d’action française.
Le juge ne cesse depuis de vérifier, au cas par cas, si « les risques de troubles à l’ordre public liés à la manifestation projetée ne pouvaient être prévenus par la mise en place de forces de police suffisantes » (CAA, 24 octobre 2017, précité « ).
En l’espèce, il relève l’organisation d’ « un autre rassemblement, se revendiquant des gilets jaunes, (devant) (…) se tenir le même jour aux mêmes lieu et heures et que les forces de l’ordre, qui sont déjà très mobilisées, n’auraient pas la capacité de prévenir ces risques et les contenir » (ordonnance du 15 mai 2021, point 5).
Se pose en revanche la question du rassemblement statique; ne pouvait-on pas, avec les moyens de police disponibles, encadrer cette manifestation nécessitant un engagement moins important de forces de police? Le juge a pris en compte cette circonstance dans le prolongement de précédentes décisions des juridictions administratives, veillant à éviter la confrontation de manifestants sur une même place au même moment (CAA Paris, 23 mars 2000, n° 98PA04534, 548 et 549). En l’espèce, le juge des référés relève qu’une « autre manifestation est attendue place Joachim du Bellay sur un créneau horaire recoupant celui de la manifestation envisagée par la requérante (ordonnance du 15 mai 2021, point 8).
Enfin, et il s’agit sans doute d’un point fondamental des deux ordonnances, le juge des référés s’appuie sur les troubles engendrés par des manifestations au même profil organisées par le passé. Il relève lors de rassemblements similaires qui se sont tenus en juillet 2014, des « heurts violents avec les forces de l’ordre (…) (ainsi que) des atteintes aux biens et à des lieux de cultes » (ordonnance du 15 mai, point 6 et ordonnance du 14 mai 2021, point 8). Le juge des référés suit alors absolument la jurisprudence administrative bien établie à cet égard (CE, juge des référés, 26 juillet 2014, n° 383091, point 5 ; CE, 25 juin 2003, n° 223444).
Le juge écarte l’argument de l’ancienneté des précédents, remontant « à plus de sept années », en faisant à nouveau une analyse contextuelle très précise le conduisant à estimer que les risques de troubles à l’ordre public étaient sans doute aussi importants qu’en 2014, « voire supérieurs ». (ordonnance du 14 mai 2021, point 8 et ordonnance du 15 mai 2021, point 7).
Les faits ont d’ailleurs confirmé l’analyse du juge puisque la manifestation qui s’est déroulée, malgré l’interdiction, a conduit à des affrontements avec les forces de l’ordre, » 45 personnes étant placées par ailleurs en garde à vue » »( « Manifestation pro-palestinienne interdite à Paris: 45 personnes en garde à vue », Le Figaro, 15/05/2021). La manifestation reposant sur les mêmes revendications a, en outre, donné lieu à de « violents affrontements » à Berlin (« Manifestation pro-palestinienne à Berlin samedi: 59 arrestations, une centaine de policiers blessés », Le Figaro, 16.05.2021).
Le juge des référés a ainsi considéré que « cette interdiction circonstanciée ne pouvant, au demeurant, s’analyser comme une interdiction de principe de toute manifestation ayant le même objet ».
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