REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 août et 28 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Yves X, domicilié … ; M. X demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt en date du 11 avril 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 25 février 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d’une part, à ce que l’Assistance publique – hôpitaux de Paris soit condamnée à lui verser une somme de 500 000 F en réparation de préjudices subis à la suite d’une opération le 8 avril 1991, à supporter la charge des frais d’expertise et à lui rembourser une somme de 1 000 F en remboursement des frais de traduction qu’il a exposés, et d’autre part, à ce que l’expert soit condamné à lui verser une somme de 10 000 F de dommages-intérêts en raison de la remise tardive de son rapport ;
2°) de condamner l’Assistance publique – hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 30 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Aladjidi, Auditeur,
– les observations de la SCP Bouzidi, avocat de M. X,
– les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment du rapport d’expertise ordonné par le tribunal administratif de Paris et remis le 30 mars 1996, que M. X a subi le 9 avril 1991 une prothèse totale de la hanche gauche à l’hôpital privé de la Croix Saint-Simon ; que la veille de l’intervention, à la demande de son chirurgien, un filtre à veine cave lui avait été posé à l’hôpital Laënnec, afin de prévenir tout risque d’embolie ; qu’à la suite de ces interventions, M. X a souffert d’une phlébite de la jambe gauche résultant d’une thrombose de la veine cave ; qu’il doit, depuis lors, subir un traitement anticoagulant, porter un collant de contention et éviter tout effort pouvant accroître le risque vasculaire ;
Considérant que pour écarter la faute commise par le service hospitalier en ne pratiquant pas, avant la pose du filtre à veine cave, les examens susceptibles d’éviter le repliement ultérieur du filtre, la cour a estimé que ledit repliement n’a pas été causé par le trop fort diamètre du filtre au regard de la veine, contrairement à ce que soutient M. X et que celui-ci ne peut dès lors se plaindre de l’absence d’examen préalable à l’hôpital Laënnec qui, selon lui, aurait pu éviter cette disproportion du filtre ; qu’elle a, ainsi, dénaturé les écritures d’appel du requérant qui n’imputait pas le repliement du filtre au trop fort diamètre de celui-ci au regard de la veine cave, mais à son trop faible diamètre et qui soutenait non pas qu’un examen préalable aurait permis d’éviter la disproportion du filtre mais qu’il était nécessaire pour en assurer une correcte mise en place destinée à limiter le risque de repliement ; que, par suite, M. X est fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Considérant qu’en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Sur la responsabilité sans faute :
Considérant que lorsqu’un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l’existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l’exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d’extrême gravité ;
Considérant que le préjudice subi par le requérant à la suite notamment de la pose du filtre à veine cave inférieure ne présente pas le caractère d’extrême gravité permettant que soit engagée la responsabilité sans faute de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris dans les conditions ainsi mentionnées ;
Sur la responsabilité pour faute :
Considérant, en premier lieu, qu’il est constant que l’indication de la pose du filtre avait été jugée indispensable par les praticiens qui ont adressé M. X à l’hôpital Laënnec ; que les antécédents circulatoires de l’intéressé confirmaient une telle appréciation ; qu’ainsi le praticien de l’hôpital Laënnec qui a réalisé l’intervention n’a pas commis de faute susceptible d’engager la responsabilité du service hospitalier en acceptant de procéder à cette intervention ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’en l’état des connaissances scientifiques de l’époque, le praticien n’était pas tenu de procéder, préalablement à la pose du filtre à veine cave, à des examens destinés à identifier d’éventuelles particularités morphologiques du patient ; qu’il ne résulte pas en outre de l’instruction que la taille du filtre implanté était, en l’espèce, inadéquate ;
Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’instruction et notamment de l’expertise que l’opération a été réalisée selon les règles de l’art ; que, si le filtre a été placé dans la veine cave inférieure à un niveau qui a pu favoriser la constitution d’un nouveau foyer thrombotique, un tel positionnement n’est pas, par lui même, constitutif d’une faute susceptible d’engager la responsabilité du service hospitalier ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d’indemnisation ;
Sur les frais d’expertise :
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif de Paris dans l’article 2 de son jugement, de mettre à la charge de M. X les frais et honoraires d’expertise ; que l’Assistance publique – hôpitaux de Paris devra, ainsi, en supporter la charge définitive, qui s’élève à 900 euros ;
Sur les conclusions de M. X dirigées contre l’expert :
Considérant qu’aux termes du second alinéa de l’article R. 621-4 du code de justice administrative : l’expert qui, après avoir accepté sa mission, ne la remplit pas et celui qui ne dépose pas son rapport dans le délai fixé par la décision peuvent, après avoir été entendus par le tribunal, être condamnés à tous les frais frustratoires et à des dommages-intérêts. L’expert est en outre remplacé, s’il y a lieu ;
Considérant que s’il résulte de l’instruction que l’expert désigné par le tribunal administratif a remis son rapport avec un retard d’environ quatre mois, il n’y a pas lieu, en l’absence de préjudice établi par le requérant à cet égard, de faire application des dispositions précitées, et de condamner l’expert à verser à M. X les dommages-intérêts qu’il demande ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, qui n’est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à M. X la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner M. X à verser à l’Assistance publique – hôpitaux de Paris la somme qu’elle demande au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 11 avril 2000 est annulé.
Article 2 : Les frais d’expertise, d’un montant de 900 euros, sont mis à la charge de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 25 février 1997 est réformé en ce qu’il a de contraire à l’article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d’appel de M. X et ses conclusions présentées devant le Conseil d’Etat en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Les conclusions de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, tendant au remboursement des frais exposés par elle devant la cour administrative d’appel et non compris dans les dépens, sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Yves X, à l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, à la caisse primaire d’assurance maladie du Var et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.