Vu le recours du ministre de l’Intérieur, ledit recours enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 15 mars 1978 et tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler un jugement en date du 21 décembre 1977, par lequel le Tribunal administratif de Paris, statuant sur la requête du sieur X… Daniel tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision, en date du 2 février 1976, par laquelle le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, a rejeté sa demande tendant à ce qu’il soit mis fin à l’arrêté d’expulsion pris à l’encontre de l’intéressé le 24 mai 1968, a sursis à statuer jusqu’à ce que la Cour de Justice des communautés européennes se soit prononcée sur deux questions préjudicielles renvoyées à ladite Cour par ledit tribunal, ensemble rejeter cette requête du sieur X…. Vu le Traité instituant la Communauté économique européenne ; la directive du Conseil des communautés européennes n. 221 du 25 février 1964 ; Vu le décret n. 70-29 du 5 janvier 1970 ; Vu l’ordonnance du 2 novembre 1945 ; Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que l’arrêté du 20 décembre 1978, abrogeant la mesure d’expulsion dont le sieur X… était l’objet depuis le 24 mai 1968, n’a pas eu pour effet de rapporter la décision, en date du 2 février 1976, par laquelle le ministre de l’Intérieur avait refusé de mettre fin à cette mesure et que le sieur X… a déférée au Tribunal administratif de Paris ; qu’ainsi, ni la demande présentée par le sieur X… devant le tribunal administratif, ni, par suite, l’appel interjeté par le ministre de l’Intérieur du jugement rendu sur cette demande le 21 décembre 1977, ne sont devenus sans objet ; qu’il y a lieu, dès lors, pour le Conseil d’Etat, de statuer sur le recours du ministre de l’Intérieur ;
Considérant que, d’après l’article 56 du traité instituant la Communauté économique européenne en date du 25 mars 1957, dont aucune stipulation n’habilite un organe des communautés européennes à prendre, en matière d’ordre public, des règlements directement applicables dans les Etats membres, la coordination des dispostions législatives et réglementaires « prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers et justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique » fait l’objet de directives du Conseil, arrêtées sur proposition de la Commission et après consultation de l’Assemblée ; qu’il ressort clairement de l’article 189 du traité du 25 mars 1957 que si ces directives lient les Etats membres « quant au résultat à atteindre » et si, pour atteindre le résultat qu’elles définissent, les autorités nationales sont tenues d’adapter la législation et la réglementation des Etats membres aux directives qui leur sont destinées, ces autorités restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l’exécution des directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire effet en droit interne. Qu’ainsi, quelles que soient d’ailleurs les précisions qu’elles contiennent à l’intention des Etats membres, les directives ne sauraient être invoquées par les ressortissants de ces Etats à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif individuel. Qu’il suit de là que le sieur X… ne pouvait utilement soutenir, pour demander au Tribunal administratif de Paris d’annuler la décision du ministre de l’Intérieur en date du 2 février 1976, que cette décision méconnaitrait les dispositions de la directive arrêtée le 25 février 1964 par le Conseil des communautés européennes en vue de coordonner, dans les conditions prévues par l’article 56 du traité de Rome, les mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique ; que, dès lors, à défaut de toute contestation sur la légalité des mesures réglementaires prises par le gouvernement français pour se conformer aux directives arrêtées par le Conseil des communautés européennes, la solution que doit recevoir la requête du sieur X… ne peut en aucun cas être subordonnée à l’interprétation de la directive du 25 février 1964. Que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens du recours, le ministre de l’Intérieur est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué en date du 21 décembre 1977, le Tribunal administratif de Paris a renvoyé à la Cour de Justice des communautés européennes des questions relatives à l’interprétation de cette directive et sursis à statuer jusqu’à la décision de la Cour ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il ya a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal administratif de Paris pour être statué ce qu’il appartiendra sur la demande du sieur X… ;
DECIDE : Article 1er – Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 21 décembre 1977 est annulé.
Article 2 – L’affaire est renvoyée devant le Tribunal administratif de Paris pour être statué ce qu’il appartiendra sur la demande du sieur X….
Conseil d’Etat, Assemblée, 22 février 1978, Cohn-Bendit, requête numéro 11604, rec. p. 524
Citer : Revue générale du droit, 'Conseil d’Etat, Assemblée, 22 février 1978, Cohn-Bendit, requête numéro 11604, rec. p. 524, ' : Revue générale du droit on line, 1978, numéro 7551 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=7551)
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