125 • L’influence des deux juges européens et le passage de la notion de « libertés publiques » à celle de « droits fondamentaux » a amené certaines crispations et critiques en France eu égard à des conséquences procédurales et substantielles non négligeables. Si le dialogue et le temps des influences réciproques l’emportent aujourd’hui, cela n’a pas été sans heurts. Au moment de l’adoption des traités communautaires et de la ConvEDH, les juges nationaux, et particulièrement le juge administratif, s’émancipent hors de la logique européenne. Il y a, à cet égard, immanquablement, une certaine résistance ou réticence face à la montée en puissance des Cours de Luxembourg et de Strasbourg et la dynamique de la construction européenne (1). Mais si le caractère exigeant de l’obligation d’adaptation du droit conduit parfois à un affrontement entre juges européens et juges internes, ces conflits se sont vite estompés et se sont révélés, en définitive, mesurés essentiellement en raison de l’autonomie assurée par les Cours européennes aux systèmes nationaux dans l’exécution de leurs obligations (2).
1 – Une résistance nationale surtout marquée par les réticences des juges
126 • Si on peut parler, à certains égards, de résistances ou de réticences de la part des juges nationaux quant aux prétentions des Cours européennes, c’est, en grande partie, eu égard aux craintes qui pouvaient exister quant aux possibles menaces sur l’autonomie de leurs systèmes juridictionnels. L’Etat français avait, quant à lui, plutôt favorablement accueilli ces prétentions même si certaines divergences ont existé dans sa conduite face aux deux projets d’intégration.
→ Le caractère malaisée de l’acceptation des traités communautaires
Le maintien initial de la doctrine « Matter » et l’article 26 C° du 27 octobre 1946
127 • L’affirmation prétorienne des Cours européennes et leurs prétentions assez incroyables ont, paradoxalement, plutôt bien été accueillies par les Etats malgré l’adaptation des systèmes nationaux. Dans la tradition juridique française, les normes internationales n’ont longtemps pas été considérées comme des normes de droit interne prenant place dans la hiérarchie des normes. La France a ainsi longtemps appliqué la doctrine Matter (du nom de Paul Matter ancien procureur général et premier président de la Cour de cassation directement à l’origine de la théorie Cf. conclusions sous Cass., civ., 22 décembre 1931, Sanchez, D.P. 1932, 1, p. 131) qui visait, à ce que, depuis la Constitution de la IIIème république, les Conventions internationales, en ce qu’elles étaient autorisées par le Parlement, soient placées au même rang que la loi. En cas de conflit entre les deux normes, c’est la norme la plus récente qui triomphait conformément au principe « lex posterior priori derogat » (une loi postérieure déroge à une précédente), principe subsidiaire de résolution de conflits de normes. En conséquence, le juge français, en l’occurrence ici la Cour de cassation reconnaissait bien la supériorité du traité sur la loi antérieure mais, inversement, il faisait prévaloir la loi postérieure sur le traité. La position des normes internationales restait fragile et incertaine, le droit international n’étant pas intégré au système de l’Etat de droit. La doctrine Matter continuera à être appliquée par le juge de cassation malgré les changements constitutionnels et notamment l’article 26 de la Constitution de 1946 qui, en accordant aux traités diplomatiques régulièrement ratifiés et publiés « force de loi, dans le cas même où ils seraient contraires à des lois françaises », les intègre à l’ordre juridique interne en leur donnant apparemment une autorité supérieure à celle des lois. Apparemment, car l’article est rédigé de manière assez ambiguë et peut laisser entendre que seul le cas des lois antérieures est envisagé. Le Conseil d’Etat tirera les conséquences logiques de cette intégration en considérant qu’un acte administratif contraire à un traité international était illégal et qu’il devait, en conséquence, être annulé (CE, 30 mai 1952, Dame Kirkwood, req. n°16690, Rec. CE, p. 291, RDP 1952 p.781, concl. M. Letourneur et note M. Waline, S. 1953, III, p. 33, note P. Bouzat où un décret d’extradition est annulé parce que contraire à un traité franco-américain). En revanche, il ne sanctionnera la primauté des traités que par rapport aux lois antérieures, censées avoir été abrogées, et non par rapport aux lois postérieures. Les traités se retrouvent au même niveau que les lois dans la hiérarchie des normes.
Les articles 54 et 55 C° du 4 octobre 1958 et les traités communautaires (1)
128 • L’article 55 C° tranche le problème de l’applicabilité du droit international par une formule toujours un peu ambiguë mais, cette fois-ci, un peu plus clair en faisant indistinctement prévaloir les traités communautaires et internationaux sur les lois et, a fortiori, sur les actes administratifs et en posant, en termes de principe, que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ». La formule est ambiguë dans la mesure où il existe une réserve tenant à la condition de réciprocité qui complique quelque peu l’application de la disposition. Reprenant la solution dégagée sous l’arrêt « Kirkwood », le juge administratif accepte d’apprécier la légalité d’un acte administratif au regard des conventions internationales (Cf. Par ex., CE, 4 octobre 1967, Ministre de l’agriculture contre Michels, req. n° 53352, Rec. CE, p. 347 ou CE, Ass., 8 avril 1987, Ministre de l’intérieur contre Peltier, req. n° 55895, Rec. CE, p. 128) et des traités communautaires (Cf. CE, Ass., 19 juin 1964, Société des pétroles Shell-Berre et autres, req. n°47007, Rec. CE, p. 344). Il faut aussi mentionner l’article 54 C° qui prévoit que lorsque le Conseil constitutionnel constate une incompatibilité avec la Constitution, le traité ne pourra être ratifié qu’après révision de cette dernière. C’est ainsi que des révisions constitutionnelles ont dû précéder la ratification, concernant le droit de l’Union européenne. On peut citer celle du Pacte budgétaire européen (CC, n°2012-653 DC, 9 août 2012, Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, JO, 11 août 2012, p. 13283, Rec. CC, p. 453) du Traité de Lisbonne (CC, n°2007-560 DC, 20 décembre 2007, Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, JO, 29 décembre 2007, p. 21813, Rec. CC, p. 459), du Traité d’Amsterdam (CC, n° 97-394 DC, 31 décembre 1997, Traité d’Amsterdam modifiant le Traité sur l’Union européenne, les Traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes, JO, 3 janvier 1998, p. 165, Rec. CC, p. 344), des accords de Schengen (CC, n° 93-325 DC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, JO, 18 août 1993, p. 11722, Rec. CC, p. 224) ou encore du Traité de Maastricht (CC, n° 92-308 DC, 9 avril 1992, Traité sur l’Union européenne, JO, 11 avril 1992, p. 5354, Rec. CC, p. 55).
Les articles 54 et 55 C° du 4 octobre 1958 et les traités communautaires (2)
129 • Un étage supplémentaire, formé des normes internationales a donc été aménagé dans la hiérarchie des normes sous l’impulsion du juge communautaire et avec l’assentiment de l’Etat français. Dans cet étage supplémentaire figure, en bonne place et dans une position tout à fait originale, le droit communautaire (Cf., dès les années 1960, L. Constantinesco, « La spécificité du droit communautaire », RTDE 1966, p. 1 et J. Megret, « La spécificité du droit communautaire », RIDC 1967, p. 565). Une controverse doctrinale a émergé, à ce sujet, entre les partisans de l’indépendance et de l’autonomie de l’Union européenne, celle-ci ne pouvant plus être rattachée au droit international traditionnel, et ceux qui considèrent que l’Union européenne, malgré tout et en dépit de ces caractéristiques spécifiques incontestables, reste une entité du droit international (Voir, sur cette controverse, D. Simon, « Les fondements de l’autonomie du droit communautaire », in Droit international et droit communautaire. Perspectives actuelles, SFDI, Pédone, 2000, p. 207, spéc. p. 209 et suiv.). Au-delà de ce caractère spécial, il reste à assurer le respect de l’ordonnancement juridique et notamment la question de la supériorité des traités sur les lois, élément nouveau désormais de l’Etat de droit dont le respect ne sera pas assuré aussi facilement par le juge français.
→ Les hésitations initiales quant aux effets de la ConvEDH
L’absence initiale et paradoxale de la ratification française
130 • La logique concernant l’acclimatation de la France au droit communautaire a été quelque peu différente de celle concernant l’acceptation de la ConvEDH qui, dans le même temps, ne se voyait pas être ratifiée par l’Etat français (Cf. A. Pellet, « La ratification par la France de la ConvEDH », RDP 1974, p. 1319 et suiv. ; J.-F. Villevieille, « La ratification par la France de la ConvEDH », AFDI 1973, vol. 19, p. 922 et suiv.). Rien ne laissait pourtant supposer que la « patrie des droits de l’homme », qui a fourni au constitutionnalisme moderne la Déclaration des droits la plus célèbre, allait manifester autant de réticences au texte européen. En 1950, le système ingénieux et révolutionnaire d’une garantie internationale et juridictionnelle des droits fut loin d’être accepté avec enthousiasme par la France. Conformément à l’article 66-2 ConvEDH, l’entrée en vigueur de la ConvEDH était conditionnée au dépôt de dix instruments de ratification. Cette condition a été remplie le 3 septembre 1953, à la suite des ratifications des Etats suivants : Royaume-Uni (8 mars 1951), Norvège (15 janvier 1952), Suède (4 février 1952), Allemagne (5 décembre 1952), Sarre (14 janvier 1953, la Sarre est devenue partie intégrante de l’Allemagne le 1er janvier 1957), Irlande (25 février 1953), Grèce (28 mars 1953), Danemark (13 avril 1953), Islande (29 juin 1953), Luxembourg (3 septembre 1953). Dans cette liste il y avait un grand absent : la France. Il a fallu attendre 20 ans après l’entrée en vigueur de la ConvEDH et près de 23 ans après sa signature pour que le Parlement français autorise la ratification de la Convention et de certains des protocoles additionnels qui l’ont ultérieurement complétée (protocole n°1 du 20 mars 1953 et n°4 du 16 septembre 1963 qui complètent la liste des droits et libertés établies par la Convention ; les protocoles n°3 du 6 mai 1963 et n°5 du 20 janvier 1966 qui modifient la Convention sur certains points de procédure) par la loi du 31 décembre 1973 (loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 (JO, 3 janvier 1974, p. 67) autorisant la ratification de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950). Mais il faut attendre un décret du 3 mai 1974, pour que le Président de la République par intérim, Alain Poher, président du Sénat, ratifie la Convention (Décret n° 74-360 du 3 mai 1974 (JO, 4 mai 1974, p. 4750) portant publication de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950 et de ses protocoles additionnels (ainsi que les déclarations interprétatives formulées par le Gouvernement français)).
Les justifications liées à la longue gestation de la ratification
131 • Un aussi long délai avait de quoi surprendre de la part d’un pays dont l’histoire et la renommée devaient tant aux droits de l’homme. Le texte était d’abord très largement d’inspiration française. La position française, à l’époque de l’élaboration du texte (août 1949-novembre 1949, laps de temps très court pour un texte de cette importance), a aussi été sans ambiguïtés et nul n’opposait d’objections à ce texte. Personne ne pensait à son incompatibilité avec les textes ou les pratiques juridiques françaises. Les articles de la ConvEDH étaient, qui plus est, largement inspirées des travaux de René Cassin, vice-président du Conseil d’Etat dès 1944, grand juriste engagé dans la protection internationale des droits de l’homme (Voir, par ex., C. Malecki, « René Cassin, les droits de l’homme et le XXIème siècle commençant », Revue de la recherche juridique. Droit prospectif 2002, n°2, p. 1063 ou J. Waline, « Portrait de René Cassin (1887-1976) », RTDH 2010, n°82, p. 203) et l’un des principaux rédacteurs du projet de la Convention avec Pierre Henri Teitgen (Voir P.-H. Teitgen, Aux sources de la Cour et de la Convention européenne des droits de l’homme, Paris, Confluences, 2000). Pourquoi une si longue gestation pour la ratification ? Pour des raisons de circonstance, d’abord. Dans les années 1950, les guerres coloniales commencent, les gouvernements s’inquiètent des reproches qui pourraient être adressés à la France quant au comportement de son armée en Indochine, en Algérie. L’interdiction de la torture aurait pu lui poser problème. De même La ratification de la ConvEDH a été assortie de réserves notamment sur l’article 15 ConvEDH qui permet aux Etats de déroger temporairement aux dispositions de la Convention en cas d’état d’urgence (cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation). En fait, la France craignait que la procédure nécessaire pour l’application de cet article 15 (certain contrôle de la part du Conseil de l’Europe et de la CourEDH) limite l’application de l’article 16 C°. La France a émis d’autres réserves lors de la ratification de la ConvEDH, certaines ont été retirées notamment en ce qui concerne le monopole de l’ORTF, mais certaines sont toujours en vigueur. Pour des raisons de principe enfin. La France a pu souffrir d’un certain orgueil national ou d’un certain complexe de supériorité, la DDHC étant souveraine à ses yeux, que lui apporterait de plus la ConvEDH ? La protection des droits est tellement efficace en France grâce aux lois et règlements de la République que la participation à la ConvEDH n’a pas d’intérêt et qu’elle peut se révéler inutile ou superflue (L’exposé des motifs du projet de loi relatif à la ratification précisait lui-même que le gouvernement « ne pense pas que cet engagement soit indispensable pour assurer aux citoyens les libertés que leur garantissent les lois » (JO, Doc. Parl., Sénat, 1ère session ord., 1973-1974, n°2)).
Des échecs multiples qui amènent à une ratification tardive
132 • Par deux fois des gouvernements de la IVème république déposèrent des projets de loi de ratification. C’est d’abord le gouvernement Joseph Laniel, le 29 décembre 1953, qui déposa le 1er projet (JO, Doc. Parl., A.N. 1953, n°7514). Le 23 février 1955, 5 députés dont Paul Reynaud déposèrent une proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à déposer un nouveau projet de loi autorisant la ratification (JO, Doc. Parl., A.N., session, ord. 1955-1956, n°728) ce qui fut fait par le gouvernement Guy Mollet le 6 mai suivant (JO, Doc. Parl., A.N., session ord. 1955-1956, n°1792). Deux propositions de résolution ont également été déposées au début de la Vème république, l’une le 28 avril 1959 (JO, Débats Parl., A.N., 1959, n°19), l’autre le 6 mai 1959 (JO, Doc. Parl., Sénat, 1959, n°36). Ces projets n’ont pas abouti moins en raison d’obstacles juridiques qu’en vertu de considérations politiques et à l’évolution des circonstances (notamment la guerre d’Algérie). En 1962 cependant, la France aurait pu enfin la ratifier, mais le Général De Gaulle n’en voit pas l’intérêt, malgré les efforts de René Cassin. Il faut attendre la présidence de Pompidou pour qu’une loi autorise la ratification du traité même si le président Pompidou n’effectuera jamais la ratification. Si cette dernière a donc enfin été effectuée le 3 mai 1974 par le président de la république par intérim, Alain Poher, le gouvernement français refusait toujours aux individus le droit de saisir directement la ComEDH en cas de violation de la ConvEDH éliminant, en fait, par cela même, tout contrôle international. Il faudra attendre 1981 pour que la France rentre complètement dans le système de la ConvEDH avec le décret du 9 octobre 1981 (Décret n° 81-917 du 9 octobre 1981 (JO, 14 octobre 1981, p. 2783) portant publication de la déclaration d’acceptation du droit de recours individuel en application de l’article 25 ConvEDH en date du 4 novembre 1950 et de l’article 6 du protocole n° 4 à ladite convention en date du 16 septembre 1963) qui va souscrire au droit de recours individuel devant la ConvEDH (Cf. Gérard Cohen-Jonathan, « La reconnaissance par la France du droit de recours individuel devant la Commission européenne des droits de l’homme », AFDI 1981, p. 269 et suiv.). C’est seulement à partir de cette date que la France s’est pleinement soumise à la juridiction obligatoire et à la censure éventuelle de la CourEDH acceptant enfin de voir confronter notre droit national au droit international de la ConvEDH devant une juridiction à caractère supranational.
Les premières décisions du juge européen et la première affaire française
133 • Il faudra attendre l’année 1986 pour voir l’apparition de la 1ère affaire française devant la CourEDH à propos d’une procédure d’extradition de la France vers l’Italie (CEDH, 18 décembre 1986, Bozano contre France, req. n°9990/82, série A, n°111 ; Voir F. Sudre, « La 1ère affaire française devant la CourEDH : l’arrêt Bozano di 18 décembre 1986 », RGDIP 1987, p. 566 ; G. Cohen-Jonathan, « La France et la CourEDH, l’arrêt Bozano », RTDE 1987, p. 255). La 1ère requête avait été pourtant transmise à la ComEDH le 5 juillet 1955, date à laquelle cette dernière s’était vue reconnaître sa compétence à examiner des requêtes individuelles. A cette époque, le système n’était pas entièrement judiciarisé, toutes les affaires passaient devant la ComEDH (Cf. R.-J. Dupuy, « La ComEDH », AFDI 1957, vol. 3, p. 449) mais toutes n’arrivaient pas devant la CourEDH. La ConvEDH prévoyait un mécanisme de protection en deux phases : le stade préliminaire et préparatoire de la ComEDH qui pouvait aboutir à une conciliation puis le règlement qui se dédoublait en deux virtualités : l’une à caractère juridictionnel confié à la CourEDH, l’autre à caractère politique confié au Conseil des ministres. Avec le protocole additionnel à la ConvEDH n°11, entrée en vigueur le 1er novembre 1998 (Protocole n° 11 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales portant restructuration du mécanisme de contrôle établi par la Convention, STCE, n°155), on a mis en place une Cour unique et la procédure a été entièrement judiciarisée. La ComEDH est supprimée et le rôle du Comité des ministres est modifié, ce dernier conservant un rôle de surveillance de l’exécution des arrêts (anciens article 54 nouvel article 46-2 ConvEDH). Cela permet au Comité de vérifier que le droit de la Convention exerce une influence réelle sur le droit interne des Etats. Installée solennellement le 20 avril 1959, la CourEDH avait pourtant rendu son 1er arrêt le 14 novembre 1960 en statuant sur les exceptions préliminaires et des questions de procédure (CourEDH, 14 novembre 1960, Lawless contre Irlande, req. n°332/57, série A, n°1. Cf. M.-A. Eissen, « Le premier arrêt de la CourEDH : affaire Lawless, exceptions préliminaires et questions de procédure », AFDI 1960, vol. 6, p. 444) avant que le 1er arrêt au fond ne soit rendu, sous la présidence de René Cassin, le 1er juillet 1961 (CourEDH, 1er juillet 1961, Lawless contre Irlande, req. n°332/57, série A, n°3, l’affaire concernait un membre présumé de l’IRA qui se plaignait d’avoir été détenu dans des conditions contraires à la ConvEDH, la cour concluant à une non violation de la part du gouvernement irlandais).
→ Une menace pour l’autonomie des ordres juridictionnels nationaux : la reconnaissance incommode de la primauté communautaire
La réception difficile des principes de primauté et d’effet direct : la théorie de l’acte clair (1)
134 • Les juridictions nationales sont à l’origine des principales oppositions formulées à l’encontre de l’intégration européenne. Elles ont d’abord vu dans les postulats mis en place par les Cours européennes des menaces pour l’autonomie de leur ordre juridique. La Cour de justice a, par sa jurisprudence et comme on l’a vu précédemment, donné une pleine effectivité au droit de l’Union, par la consécration des principes de primauté (CJCE, 15 juillet 1964, Costa contre E.N.E.L., Aff. n°6/64 précité) et d’effet direct (CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos contre Administration fiscale néerlandaise, Aff. n°26/62 précité). La primauté concerne tous les actes européens ayant une force obligatoire (droit primaire ou droit dérivé) et tous les actes nationaux y sont soumis quelle que soit leur nature, y compris les actes de nature constitutionnelle (CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft mbH contre Einfuhr und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel, Aff. n°11-70 précité). L’effet direct concerne le droit primaire à condition que les droits et obligations qu’il emporte soient précis, clairs, inconditionnels et qu’ils n’appellent pas de mesures complémentaires au niveau national ou européen (CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos contre Administration fiscale néerlandaise, Aff. n°26/62 précité). Il concerne aussi le droit dérivé même si l’effet dépend du type d’acte concerné. Les règlements ont toujours un effet direct (art. 288 TFUE) et le juge de Luxembourg a fait en sorte que les directives le soient aussi après l’expiration du délai de transposition et lorsque leurs dispositions sont claires, précises et inconditionnelles (CJCE, 4 décembre 1974, Yvonne Van Duyn contre Home Office, Aff. n°41-74). La réception de ses principes par les juges français n’a pas été sans heurts. S’il appartient aux juridictions nationales d’appliquer et d’interpréter les actes des droits primaire et dérivé, il est prévu un mécanisme de question préjudicielle par lequel toute juridiction nationale peut interroger la Cour de justice sur la validité et l’interprétation d’un acte de droit de l’Union, ce renvoi est obligatoire pour les juridictions suprêmes (art. 267 TFUE) mais les juridictions françaises se sont reconnues un pouvoir d’interprétation des textes en consacrant la théorie de l’acte clair selon laquelle elles peuvent, elles-mêmes, interpréter une norme européenne lorsque cette norme ne pose pas de difficultés sérieuses.
La réception difficile des principes de primauté et d’effet direct : la théorie de l’acte clair (2)
135 • Parmi les jurisprudences caractéristiques, il faut d’abord mentionner, en 1964, l’arrêt du Conseil d’Etat, Société des pétroles Shell-Berre (CE, Ass., 19 juin 1964, Société des pétroles Shell-Berre, req. n°47007, Rec. CE, p. 344, RDP 1964, p. 1019, concl. N. Questiaux, AJDA 1964, p. 438, note A. De Laubadère ; voir, aussi, dans le même sens, CE, Ass., 27 juillet 1979, Syndicat national des fabricants de spiritueux consommés à l’eau, req. n°09664, Rec. CE, p. 335 et CE, Ass., 12 octobre 1979, Syndicat des importateurs de vêtements et produits artisanaux, req. n°08788, Rec. CE, p. 874). Le même raisonnement a été adopté par la Cour de cassation (Cass, 1ère civ., 19 décembre 1995, Banque africaine de développement, n° pourvoi : 93-20424, Bull. civ. 1995, I, n°470, p. 326, RGDIP 1996, p. 876, obs. D. Alland). Le juge communautaire a validé cette approche en 1982 en cas de question non pertinente, de question ayant déjà fait l’objet d’une interprétation de la Cour ou si l’application correcte du droit communautaire s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute (CJCE, 6 octobre 1982, Srl CILFIT et Lanificio di Gavardo SpA contre Ministère de la santé, Aff. n°283/81, Rec. CJCE, p. 3415). Mais derrière les décisions des juridictions françaises, notamment du Conseil d’Etat, il y avait cependant la volonté de limiter le nombre des questions préjudicielles : il faudra attendre 1970 pour que soit effectué le 1er renvoi préjudiciel (CE, 10 juillet 1970, Syndicat national du commerce extérieur des céréales contre Office national interprofessionnel des céréales (ONIC) et Ministre de l’Agriculture, req. n°76643, Rec. CE, p. 477, JCP 1971, G, II, n°16701, concl. N. Questiaux, note D. Ruzié, D. 1971, 576, note M. Fromont, AJDA 1971, p. 1022, obs. J.-F. Lachaume), 13 ans après l’entrée en vigueur du Traité de Rome. D’autres jurisprudences restrictives ont suivi visant à la stricte limitation du respect de l’interprétation à l’étendue de la chose jugée (CE, 13 juin 1986, Office national interprofessionnel des céréales (ONIC) contre Société des produits de maïs, req. n°53153, RTDE 1986, p. 533, concl. J.-C. Bonichot) et aux questions posées (CE, sect., 26 juillet 1985, Office national interprofessionnel des céréales (ONIC), req. n°42204, Rec. CE, p. 233).
Un juge administratif fidèle à la souveraineté de la loi : la théorie de la loi écran (1)
136 • L’inquiétude se manifeste aussi par la théorie de la loi écran, par laquelle le Conseil d’Etat entend rester fidèle à la souveraineté de la loi. De même qu’il refusait d’examiner la conformité d’une loi à la Constitution, le juge administratif s’est, dans un 1er temps et à la différence du juge judiciaire, refusé à examiner la compatibilité d’une loi à un traité signé avant son adoption par l’application de sa jurisprudence dites des « semoules » (CE, sect., 1er mars 1968, Syndicat général fabricants de semoules de France, req. n° 62814, Rec. CE, p. 149, AJDA 1968, p. 235, concl. N. Questiaux, D. 1968, jurispr. p. 285, note M. Lagrange, RCDIP 1968, p. 516, note R. Kovar, RGDIP 1968, p. 1128, obs. C. Rousseau, RTDE 1968, p. 399, note C. Constantinides-Megret), en considérant qu’il appartenait au seul Conseil Constitutionnel de procéder à ce contrôle de conventionnalité. Cette position du Conseil d’Etat se fondait sur la vision française très rigide de la séparation des pouvoirs et, en particulier, sur l’interdiction faite au juge de censurer le législateur. S’interdisant de juger l’acte du législateur, le Conseil d’Etat ne pouvait examiner la conformité de la loi au regard de stipulations conventionnelles, pas plus d’ailleurs qu’il n’accepte d’examiner la régularité juridique d’une loi au regard de la Constitution (CE, 6 novembre 1936, Arrighi, req. n°41221, Rec. CE, p. 966, S. 1937, 3, p. 33, concl. R. Latournerie et note A. Mestre, DP 1938, 3, p. 1 concl. R. Latournerie et note C. Eisenmann ; CE, sect., 10 juillet 1954, Fédération conseils parents d’élèves, req. n°20635, Rec. CE, p. 449, D. 1955, jurispr. p. 330, concl. A. Jacomet et note M. Virally, S. 1953, 3, p. 1, note J. Dehaussy ; Voir, plus récemment CE, 5 janvier 2005, Deprez et Baillard, req. n° 257341, Rec. CE, p. 1, AJDA 2005, p. 845, note L. Burgorgue-Larsen, RTDE 2006, p. 183, note A. Ondoua). Mais en 1975, le Conseil Constitutionnel n’a pas suivi le Conseil d’Etat en jugeant qu’il ne lui appartenait pas de contrôler la conformité d’une loi avec un traité (CC, n° 74-54 DC, 15 janvier 1975, Loi relative à l’interruption volontaire de grossesse, JO, 16 janvier 1975, p. 671, Rec. CC, p. 19, AJDA 1979, p. 134, note J. Rivero, D. 1975, p. 529, note L. Hamon, RDP 1975, p. 185, note L. Favoreu et L. Philip).
Un juge administratif fidèle à la souveraineté de la loi : la théorie de la loi écran (2)
137 • Le juge constitutionnel a précisé, plus récemment, cette volonté de ne pas contrôler la conformité d’une loi à un traité (CC, n° 2010-605 DC, 12 mai 2010, Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, JO, 13 mai 2010, p. 8897, Rec. CC, p. 78, §16) même s’il a accepté d’effectuer ce contrôle ensuite dans ses fonctions de juge électoral (CC, n°88-1082/1117 AN, 21 octobre 1988, Elections du Val d’Oise (5ème circonscription), JO, 25 octobre 1988, p. 13474, Rec. CC, p. 183). La Cour de cassation avait, pourtant, dès 1975, décidé de combler le vide juridictionnel laissé par la décision du Conseil constitutionnel en écartant l’application d’une disposition législative contraire à un traité et en reconnaissant la compétence du juge judiciaire pour contrôler le respect de la règle contenue dans l’article 55 C° (Cass. ch. mixte, 24 mai 1975, Administration des douanes contre Société « Cafés Jacques Vabre », n° de pourvoi : 73-13556, Bull. civ. 1975, I, n° 4, D. 1975, jurispr. p. 497, concl. A. Touffait, AJDA 1975, p. 567, note J. Boulouis, CDE 1975, p. 655, note R. Kovar, JDI 1975, p. 802, note D. Ruzié, RDP 1975, p. 1335, chron. L. Favoreu et L. Philip, RCDIP 1976, p. 347, note J. Foyer et D. Holleaux, RGDIP 1976, p. 690, obs. C. Rousseau). À l’inverse de la Cour de cassation, le Conseil d’Etat a longtemps continué à appliquer sa jurisprudence traditionnelle. Cette solution a, en effet, été réaffirmée même après les décisions IVG et Jacques Vabre (CE, Ass., 22 octobre 1979, UDT et Élections Assemblée Communautés européennes [2 esp.], req ; n°17541 et req. n°18437, Rec. CE, p. 384 et 385, RDP 1980, p. 531, concl. M.-D. Hagelsteen [1er arrêt] et p. 541, concl. M. Morisot [2nd arrêt], AJDA 1980, p. 19, chron. Y. Robineau et M.-A. Feffer et p. 39, note B. G., AFDI 1980, p. 814, chron. J.-F. Lachaume ; CE, Ass., 23 novembre 1984, Roujansky et autres, req. n°60106 et autres, Rec. CE, p. 383, AJDA 1985, p. 216, concl. D. Labetoulle) avant, enfin, que ne soit reconnu cette possibilité d’examiner la compatibilité d’une loi à un traité signé avant son adoption (CE, Ass., 20 octobre 1989, Nicolo, req. n°108243, Rec. CE, p. 190, concl. P. Frydman, AJDA 1989, p.756, chron. E. Honorat et E. Baptiste et p. 788, note D. Simon, D. 1990, p.135, note P. Sabourin et p. 57, chron. R. Kovar, RFDA 1990, p. 267, chron. D. Ruzié, RFDA 1989, p. 824, note B. Genevois et p. 933, note L. Favoreu, RCDIP 1990, p. 125, concl. P. Frydman et p. 139, note P. Lagarde, RTDE 1989, p. 787, note G. Isaac).
Un juge administratif qui reconnait la spécificité du droit communautaire tout en réaffirmant la suprématie de la Constitution
138 • Après des décisions initiales restrictives, le Conseil d’Etat a progressivement étendu le bénéfice du régime de l’article 55 C° à l’ensemble des actes de droit de l’Union, qu’il a accepté de faire prévaloir sur les lois : les règlements (CE, 24 septembre 1990, Boisdet, req. n°58657, Rec. CE, p. 251, AJDA 1990, p. 906, chronique par E. Honorat-R. Schwartz, RFDA 1991, p. 172, note L. Dubouis), les directives (CE, Ass., 28 février 1992, S.A. Rothmans International France et S.A. Philip Morris France, req. n°56776 et n°56777, Rec. CE, p. 81, concl. M. Laroque, AJDA 1992, p. 210, concl. M. Laroque) voire les PGD communautaires (CE, 7 juillet 2006, Société Poweo et fédération française des combustibles, carburants et chauffage, req. n°289012 et n°289776, RFDA 2006, p. 1088, note P. Terneyre, RJEP 2007, note S. Verclytte ; CE, 27 juin 2008, Société d’exploitation des sources Roxane, req. n°276848). Par contre, il a tardé à faire de même concernant l’effet des directives non transposées en droit interne où sa jurisprudence a longtemps été un point de tension extrême avec le juge communautaire. Le Conseil d’Etat a jugé que les directives non transposées ne pouvaient avoir aucun effet en droit interne (CE, 22 décembre 1978, Ministre de l’intérieur contre Cohn-Bendit, req. n°11604, Rec. CE, p. 524, concl. B. Genevois, AJDA 1979, p. 27, chron. O. Dutheillet de Lamothe et Y. Robineau), alors que la CJCE avait jugé exactement le contraire, quelques années auparavant, à propos de surcroît de la même directive. L’effet direct des directives a été affirmé une 1ère fois en 1970 (CJCE, 17 décembre 1970, SPA SACE contre ministère des finances de la République italienne, Aff. n°33/70, Rec. CJCE, p. 1213, puis confirmé en 1974 (CJCE, 4 décembre 1974, Yvonne van Duyn contre Home Office, Aff. n°41/74 précité). Le juge administratif français se rendait ainsi coupable d’un manque de « déférence » à l’égard du juge de l’Union et de ses attentes (selon l’expression du commissaire du gouvernement Bruno Genevois, qui n’a pas été suivi par la juridiction suprême, dans ses conclusions sous l’affaire Cohn-Bendit). Enfin, s’il reconnaît la place spécifique du droit de l’Union dans l’ordre interne, le juge administratif a réaffirmé la suprématie, en droit interne, de la Constitution sur les Traités ou accords internationaux (CE, Ass., 30 octobre 1998, Sarran et Levacher, req. n°200286 RFDA 1998, p.1081 concl. C. Maugüé, note D. Alland, RFDA 1999, p. 57, note L. Dubouis, B. Mathieu et M. Verpeaux, Europe 1999, mars, chron. n°3, obs. D. Simon ou CE, 3 décembre 2001, Syndicat national de l’industrie pharmaceutique (SNIP), req. n°226514, Rec. CE, p. 624, AJDA 2002, p. 1219, note A.-L. Varembois, Europe 2002, n°4, chron n°5, obs. A. Rigaux et D. Simon) tout comme le juge judiciaire (Cass, Ass. Plén., 2 juin 2000, Melle Pauline Fraisse, n° de pourvoi : 99. 60274, Bull. Ass. Plén, n°4, p. 7, D. 2000, p. 865, note B. Mathieu et M. Verpeaux, D. 2001, p. 1636, chron. B. Beignier et S. Mouton, RTDCiv. 2000, p. 672, obs. R. Libchaber).
Un juge constitutionnel très protecteur de la norme constitutionnelle
139 • Le juge constitutionnel s’est montré très protecteur de la norme constitutionnelle même si sa fonction ne le conduit qu’indirectement à jouer un rôle de « juge communautaire », (Cf. notamment A. Levade, « Le Conseil constitutionnel, régulateur des rapports de systèmes », in B. Mathieu (dir.), 50ème anniversaire de la Constitution française, Paris, Dalloz, 2008, p. 729). C’est le cas lorsque ce dernier est saisi pour contrôler la conformité des Traités révisés à la Constitution. On peut citer la décision du Conseil relative au Traité établissant une Constitution pour l’Europe (CC, n° 2004-505 DC, 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour l’Europe, JO, 24 novembre 2004, p. 19885, Rec. CC, p. 173) où le juge constitutionnel propose une lecture « interne » du principe de primauté en déclarant que « le constituant a consacré l’existence d’un ordre juridique communautaire intégré à l’ordre juridique interne » (§ 11) laissant supposer que c’est la volonté des Etats membres qui conditionne la place du droit de l’Union (Voir, en ce sens, la critique formulée par D. Ritleng, « De l’utilité du principe de primauté du droit de l’Union », RTDE 2009, p. 681). On peut, aussi, citer la décision relative au Traité de Lisbonne (CC, n°2007-560 DC, 20 décembre 2007, Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, JO, 29 décembre 2007, p. 21813, Rec. CC, p. 459) où l’on peut parler de « renationalisation » de la fonction communautaire du juge national (Cf. A. Pliakos, « La fonction communautaire/européenne du juge national mise en question » RMCUE 2011, n°545, p. 79, spéc. p. 86) ou d’un certain retour des Etats dans les rapports avec les autorités de l’Union (cf. A. Rigaux, « Derrière les rideaux de fumée du traité de Lisbonne : le « retour des États » ? » Mélanges Charpentier, Paris, Pedone, 2008, p. 447). Cela a aussi été le cas lorsque le Conseil constitutionnel a procédé, pendant longtemps, au contrôle des actes de transposition des directives affirmant ainsi la sujétion du droit dérivé de l’Union au respect de la norme fondamentale. Ce contrôle ayant été effectué jusqu’en 2004 (CC, n° 2004-496 DC, 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, JO, 22 juin 2004, p. 11182, Rec. CC, p. 101). Le Conseil ayant même censuré partiellement une loi transposant une directive (CC, n° 94-348 DC, 3 août 1994, Loi relative à la protection sociale complémentaire des salariés et portant transposition des directives n° 92/49 et n° 92/96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du conseil des communautés européennes, JO, 6 août 1994, p. 11482, Rec. CC, p. 117).
→ Une menace pour l’autonomie des ordres juridictionnels nationaux : la reconnaissance tardive de la primauté conventionnelle
Une volonté de primauté identique affichée du côté de la ConvEDH mais des arrêts qui ne s’imposent pas aux juridictions nationales
140 • Le droit issu de la ConvEDH, à l’instar du droit de l’Union, postule sa propre primauté sur les normes internes quel que soit le statut de ces dernières dans la hiérarchie interne des normes. La CourEDH estime ainsi que les autorités nationales ne peuvent donner effets à des droits constitutionnels que d’une manière conciliable avec leurs obligations conventionnelles (Voir, par ex., CourEDH, 18 décembre 1986, Johnston et autres contre Irlande, req. n°9697/82, série A n° 112). Pour le juge de Strasbourg, les dispositions constitutionnelles internes ne peuvent constituer un obstacle à l’application de la ConvEDH. D’ailleurs, la CourEDH n’hésite pas à entrer en conflit avec les Cours constitutionnelles des Etats parties à la Convention si elle estime que leur jurisprudence n’est pas conforme aux dispositions conventionnelles. Pour le dire autrement, ce qui reste certain et général, c’est la force obligatoire des arrêts de la Cour mais l’autorité de la chose jugée reste une autorité relative puisque cette dernière est limitée aux parties dans le cadre d’un litige déterminé. Il en est de même pour n’importe quelle décision d’une juridiction française. Pour autant, si on observe de plus près les effets des arrêts de la CourEDH en droit interne, elle n’existe pas d’autorité de la chose jugée au plein sens du terme. En effet, dès qu’il y a autorité relative, le demandeur peut mettre en avant le jugement et se prévaloir de ses avantages. Or, les décisions du juge européen ne s’imposent pas aux juridictions nationales, le requérant individuel qui a obtenu une décision en sa faveur avec autorité de la chose jugée ne peut pas s’en prévaloir, du moins en tout cas directement, dans l’ordre national. Les arrêts n’ont, ce qu’on appelle, qu’une valeur déclaratoire, valeur qui est sans effet sur la validité des décisions rendues dans la même affaire (Voir, par ex., J.-F. Renucci, « La portée des arrêts de la CourEDH », D. 1993, jurisp. p. 515 et suiv. ou G. Cohen-Jonathan, « Quelques considérations sur l’autorité des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme », Mélanges Eissen, Bruxelles, Bruylant, Paris, LGDJ, 1995, p. 39 et suiv.). On se retrouve alors dans une situation assez contradictoire ou surprenante dans la mesure où l’Etat partie au litige doit, en toute objectivité, se conformer à la décision de la CourEDH mais le particulier ne peut pas se prévaloir de la décision et de ses avantages au niveau national. Il peut seulement obtenir réparation au niveau européen par le biais de la demande de satisfaction équitable (article 50 ConvEDH). Si l’Etat ne s’exécute pas, la décision du juge européen n’aura aucun aspect positif pour le particulier même s’il obtient gain de cause devant le juge.
Une exécution des arrêts qui dépend, au final, des Etats
141 • Si les arrêts de la CourEDH n’ont que valeur déclaratoire, cela n’empêche pas les Etats membres de devoir s’y conformer. L’article 46 ConvEDH énonce que les « Hautes parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties ». L’article 41 ConvEDH énonce, quant à lui, que les arrêts de violation des articles de la ConvEDH n’ont qu’un caractère déclaratoire et ne valent pas titre exécutoire sur le territoire des Etats ayant commis la violation. L’exécution de l’arrêt dépend des Etats, ces derniers ayant, au surplus, le choix quant aux moyens à utiliser dans leur ordre juridique interne. Une condamnation est, ainsi, par principe, sans effet sur les décisions déjà jugées en France. L’exécution d’un arrêt de la CourEDH ne prive donc pas les décisions juridictionnelles de leur caractère exécutoire (CE, sect., 4 octobre 2012, Gilbert Baumet, req. n°328502, Rec. CE, p. 347, RGDIP 2013, p. 164, note T. Fleury Graff, RFDA 2013, p. 103, obs. F. Sudre : le Conseil d’Etat estimant que la condamnation de la France pour violation de l’article 6-1 ConvEDH du fait du caractère inéquitable de la procédure administrative contentieuse ne nécessite pas le réexamen des décisions juridictionnelles devenues définitives en l’absence de disposition législative en ce sens). Selon une jurisprudence classique désormais, le Conseil d’Etat juge donc, aujourd’hui, que les arrêts de du juge européen n’ont qu’une autorité relative de chose jugée (CE, 24 novembre 1997, Ministre de l’économie et des finances contre Société Amibu, req. n°171929, Rec. CE, p. 441, Droit fiscal 1998, p. 277, concl. G. Bachelier, RFDA 1998, p. 978, note J. Andriantsimbazovina). Il ne faut pas, en conséquence, transposer au droit européen de la ConvEDH la notion d’autorité absolue de « chose interprétée » que l’on retrouve en droit de l’Union européenne. Cette dernière notion, elle, a, en revanche, été acceptée car elle trouve appui dans le système de renvoi préjudiciel institué par le Traité (CE, 20 janvier 1988, Aubin, req. n°61136, Rec. CE, p. 19). La transposition au droit de la ConvEDH est souhaitée, en tout cas, par la doctrine (Cf. Par ex., W. Ganshof van der Meersch, « La garantie des droits de l’homme et la Cour européenne de Strasbourg », JTDE 1982, p. 527 ; J. Vélu, « A propos de l’autorité jurisprudentielle des droits de l’homme », Mélanges Rigaux, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 527). Si on laisse de côté la question de l’autorité des réponses de la Cour de justice à des questions préjudicielles en interprétation (Cf. J. Boulouis, « A propos de la fonction normative de la jurisprudence », Mélanges Waline, Paris, LGDJ, 1974, p. 149), les interprétations de la ConvEDH par la CourEDH ne lient pas les autorités nationales, spécialement les juridictions. L’application du droit européen dépend donc de leur « bon vouloir ».
La reconnaissance de la primauté conventionnelle par la Cour de cassation (1)
142 • Le Conseil d’Etat avait établi, à l’origine, un constat assez rassurant de l’effet que pouvait avoir la ratification de la ConvEDH sur le droit positif français en constatant que ce dernier, dans son ensemble comme dans ses dispositions essentielles, était compatible avec la ConvEDH. Cependant, au fil des ans, les juges français ont été confrontés au dynamisme interprétatif du texte conventionnel par la Cour de Strasbourg et leur réaction n’a pas été identique, la Cour de cassation étant plus prompte à réagir que le Conseil d’Etat (Voir, par ex., E. Bruce, « La Cour de cassation française et l’application d’office de la Convention européenne des droits de l’homme », RTDH 2005, p. 401). Un an après la ratification de 1974, la chambre criminelle de la Cour de cassation reconnaissait pourtant déjà que les dispositions de la ConvEDH étaient directement applicables en France et quelles pouvaient être invoquées devant les juridictions françaises (Cass, crim., 3 juin 1975, Respino, req. n° du pourvoi : 75-90687, Bull. crim. 1975, n°141, p. 382, D. 1977, p. 1, note P. Coste-Floret) et l’a reconnu de façon encore plus explicite en 1976 (Cass., crim., 30 juin 1976, Eisner, Glaser, Munoz-Rojo, n° du pourvoi : 75-93296, Bull. crim. 1976, n°236, p. 620, JCP 1976, G, II, n°18435, rapport Mangin, JDI 1976, p. 903, note D. Ruzie, D. 1977, p. 1, note P. Coste Floret). Un pas de plus a été franchi en 1978 quand la même chambre criminelle a prononcé, pour la 1ère fois, une cassation pour inobservation d’une disposition de la ConvEDH, en l’occurrence l’article 6-3 ConvEDH selon lequel tout accusé a le droit d’être informé, d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui (Cass., crim., 5 décembre 1978, Baroun, n° du pourvoi : 78-91826, Bull. Civ. 1978, n°346, p. 906, D. 1979, jurisp., p. 50, note S. Kherig).
La reconnaissance de la primauté conventionnelle par la Cour de cassation (2)
143 • Devant la Cour de cassation, la ConvEDH a tout d’abord essentiellement été invoquée dans les litiges de droit pénal. La référence a été, dans un 1er temps, discrète avant de vite devenir plus fréquente entre 1978 et 1981. Si la chambre criminelle vise d’office les dispositions de la ConvEDH, ce n’est pas le cas des autres chambres et notamment de la plupart des chambres civiles qui considèrent qu’elles n’ont pas à soulever d’office le texte et qu’il n’y a lieu de se fonder expressément sur la ConvEDH que lorsque le droit interne n’assure pas le résultat voulu par la ConvEDH. La 1ère chambre civile, par son arrêt « Rennemann » (Cass. 1ère civ., 10 janv. 1984, Rennemann, n° du pourvoi : 82-16.968, JCP 1984, G, II, n°20210, concl. S. Gulphe), a été la 1ère à se référer explicitement à une décision de la Cour de Strasbourg. La 3ème chambre civile, par son important arrêt « Mel Yedei » (Cass. 3ème civ., 6 mars 1996, OPAC de la ville de Paris c/ Mme Mel Yedei, n° du pourvoi : 91-11113, JCP 1997, G, II, n° 22764, note N. Van Tuong, D. 1997, p. 167, note B. de Lamy, RTDCiv. 1996, p. 580, obs. J. Hauser), a contribué à la diffusion de l’effet dit horizontal de la ConvEDH dans les relations entre le bailleur et le locataire. La chambre commerciale, par son arrêt « Ferreira » (Cass. com., 29 avr. 1997, Ferreira, n° du pourvoi : 95-20001, Bull. civ. 1997, IV, n° 110 ; JCP 1997, G, II, n°22935, note F. Sudre), s’est appuyée sur l’article 6-1 ConvEDH pour reconnaître au juge de l’impôt un pouvoir de modulation des sanctions fiscales. Quant à la chambre criminelle, elle a aussi été la 1ère, dans sa décision « Bacha Baroudé » (Cass., crim., 15 mai 1990, Bacha Baroudé, n° du pourvoi : 90-80827, Bull. crim. 1990, n° 193, JCP 1990, G, II, n°21541, note W. Jeandidier), à opérer un revirement de jurisprudence pour tenir compte d’un arrêt de la Cour EDH qui avait condamné la France trois semaines plus tôt par ses célèbres arrêts Kruslin et Huvig (CEDH, 24 avril 1990, Kruslin, req. n°11801/85, série A, n°176 A, D. 1990, chron. p. 353, obs. J. Pradel ; CEDH, 24 avril 1990, Epoux Huvig, req. n°11105/84, série A, n°176 B, D. 1990, chron. p. 187, obs. R. Koering-Joulin).
La reconnaissance de la primauté conventionnelle par le Conseil d’Etat : un désaccord initial avec la conception extensive et autonome de la CourEDH
144 • Du côté du Conseil d’Etat, il faudra attendre plus longtemps pour que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg soit prise en compte (Voir, par ex. J.-P. Costa, « L’application par le Conseil d’Etat français de la ConvEDH », RTDH 1997, p. 396 et « La ConvEDH et le Conseil d’Etat de France », RTDH 1990, p. 125 ou J.-C. Bonichot, « Le Conseil d’Etat et la ConvEDH » in C. Teitgen-Colly (dir.), 50ème anniversaire de la Convention, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 239). Au nom de l’ancienneté de la jurisprudence administrative et de son libéralisme, on a longtemps pu parler de résistance, et lorsque le Conseil d’Etat aboutissait aux mêmes solutions que celles fournies par la ConvEDH, il préférait se fonder sur le droit interne plutôt que sur le texte conventionnel. Certes, on a vu le Conseil d’Etat, au cours de cette période, suivre la jurisprudence de Strasbourg, mais ce fut souvent sans citer sa source d’inspiration. C’est sur le terrain de la publicité des débats devant la juridiction disciplinaire que le juge administratif a déclenché un conflit entre l’interprétation nationale et l’interprétation européenne quant à l’application des règles du procès équitable de l’article 6-1 ConvEDH. La 1ère décision révélatrice a été une décision rendue en section du contentieux « Debout » en 1978 où, statuant sur le recours d’un médecin contre une décision de la section disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, le Conseil d’Etat a refusé de reconnaître la publicité des débats devant les juridictions ordinales au motif que celles-ci ne « statuent pas en matière pénale et ne tranchent pas des contestations sur des droits et obligations de caractère civil » (CE, sect., 27 octobre 1978, Debout, req. n° 07103, Rec. CE, p. 395, concl. D. Labetoulle, D. 1979, IR, p. 96, obs. P. Delvolvé, JCP 1979, G, II, n°19259, note P. Schultz, RDSS 1979, p. 59, note L. Dubouis et p. 201, note J.-M. Auby). Cet arrêt mérite de retenir l’attention par l’approche des problèmes posés par la ConvEDH, telle qu’elle a été préconisée par le commissaire du gouvernement Daniel Labetoulle dans ses conclusions. Selon lui, l’interprétation par le Conseil de la ConvEDH se devait de concilier « dans la mesure du possible, deux préoccupations : d’une part, éviter toute solution qui serait radicalement incompatible avec la jurisprudence de la Cour ; d’autre part, éviter aussi toute solution qui, sur un point, marquerait une rupture avec le droit national ». C’est ensuite la formation la plus solennelle du Conseil d’Etat qui réaffirma, fermement, cette solution en 1984 (CE, Ass., 11 juillet 1984, Subrini, req. n°41744, Rec. CE, p. 259, D. 1985, jurisp., p. 150, concl. B. Genevois, RA 1984, p. 482, chron. B. Pacteau, AJDA 1984, p. 539, chron. J.-E. Schoettl et S. Hubac, RDSS 1985, p. 25, note L. Dubouis) mais, cette fois-ci, contrairement aux conclusions prononcées par le commissaire du gouvernement Bruno Genevois. La Haute juridiction affichait ainsi clairement son désaccord avec la conception extensive et autonome de la CourEDH de l’application de l’article 6-1 ConvEDH.
La reconnaissance de la primauté conventionnelle par le Conseil d’Etat : un rapprochement actuel conséquent malgré certaines interprétations neutralisantes (1)
145 • A l’issue de près de dix-huit d’opposition, c’est dans une relative discrétion que le Conseil d’Etat, en 1996, par son arrêt d’assemblée « Maubleu » (CE, Ass., 14 février 1996, Maubleu, req. n°132369, Rec. CE, p. 34, concl. M. Sanson, RFDA 1996, p. 1186, concl. S. Sanson, AJDA 1996, p. 403 et p. 358, chron. J.-H. Stahl et D. Chauvaux, JCP 1996, G, II, n°22669, note M. Lascombe et D. Vion), a abandonné sa divergence la plus prononcée et la plus persistante avec la ConvEDH. La pondération des impératifs mis en avant par le commissaire Labetoulle a, ainsi, évolué avec le temps. En admettant l’application de l’article 6 ConvEDH aux procédures disciplinaires et en mettant fin, en conséquences, aux jurisprudences « Debout » et « Subrini », l’arrêt constitue, pour certains, le point de départ d’une orientation jurisprudentielle favorable à la ConvEDH et la fin des résistances du juge administratif en la matière (En ce sens, B. Genevois, « Le Conseil d’Etat et la ConvEDH », GP 2007, p. 13 et J. Andriantsimbazovina, « La fin d’une résistance du Conseil d’Etat de France à la chose interprétée par la CourEDH », RTDH 1998, p. 365). La Cour de cassation, en formation plénière, avait, pourtant, jugé, de façon contraire, quelques années auparavant en refusant l’application des règles du procès équitable à propos de la Commission nationale de discipline des membres des tribunaux de commerce (Cass., Ass. Plén., 8 février 1993, Siwek, n° de pourvoi : 92-14281, Bull. Civ., n°5, p. 7, D. 1993, somm., p. 190, obs. P. Julien, RTDH 1994, p. 283, obs. C. Pettiti). La 1ère chambre civile était, pourtant, plutôt en faveur de leur application (Cass., 1ère civ., 10 janvier 1984, n° de pourvoi : 82-16968, JCP 1984, G, II, n°20210, concl. S. Gulphe (avocats) ; Cass., 1ère civ., 10 décembre 1985, n° de pourvoi : 84-16033, JCP 1987, G, II, n°20749, note J.-F. Pillebout (notaires)).
La reconnaissance de la primauté conventionnelle par le Conseil d’Etat : un rapprochement actuel conséquent malgré certaines interprétations neutralisantes (2)
146 • Aujourd’hui, le juge administratif continue de recourir à une interprétation neutralisante des normes internes au regard de la ConvEDH, il ne les censure plus pour contrariété à cette dernière (cas, par ex., des dispositions relatives au principe de non indemnisation des servitudes d’urbanisme confronté à l’article 1er du 1er protocole additionnel à la ConvEDH consacrant le respect au droit de propriété : CE, sect., 3 juillet 1998, Bitouzet, req. n°158592, Rec. CE, p. 288, concl. R. Abraham, BJDU 1998, n°4, p. 300, note J.-C. Bonichot et n° 5, p. 363, concl. R. Abraham, RFDA 1999, p. 812, chron. L. Sermet et p. 841, note D. de Béchillon, AJDA 1998, p. 570, chron. F. Raynaud et P. Fombeur, DA 1998, comm. n° 329, obs. J.-M. Auby, RFDA 1998, p. 1243, concl. R. Abraham), et s’efforce, en pratique, de se conformer à la jurisprudence de la Cour pour laquelle il reconnaît, en droit comme en fait, des effets erga omnes. Le juge judiciaire, de son côté, s’arrête sur une approche identique, même s’il admet, de manière plus formelle, l’autorité interprétative des arrêts de la Cour de Strasbourg. Dans son arrêt d’assemblée plénière du 15 avril 2011 (à propos du régime de la garde à vue), il a jugé que « les Etats adhérents à cette Convention [CEDH] sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation […] » (Cass, Ass. Plén., 15 avril 2011, P+B+R+I, Procureur général de la Cour d’appel contre Lou, req. n°10-30316, Bull. Crim. 2011, Ass. Plén., n°4 sur les 4 arrêts rendus le même jour).
2 – Une résistance nationale surmontée par l’autonomie assurée aux systèmes nationaux par les cours européennes
147 • La modération des conflits entre juges internes et Cours européennes s’est très vite expliquée par l’autonomie que ces dernières assurent aux systèmes nationaux dans l’exécution de leurs obligations. Dans le cadre de l’Union, la CJUE a consacré le principe d’autonomie institutionnelle et procédurale des Etats membres qui s’est accompagné, depuis le Traité de Maastricht, du principe de subsidiarité permettant d’envisager une régulation de l’exercice des compétences partagées entre institutions communautaires et autorités étatiques. Dans le cadre de la ConvEDH, la CourEDH a affirmé, très tôt, le caractère subsidiaire de sa jurisprudence par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits. On parle même à cet égard de « subsidiarité juridictionnelle » (Pour l’utilisation de la notion, cf. L’analyse de D. Simon, « La subsidiarité juridictionnelle : notion-gadget ou concept opératoire ? », RAE 1998, p. 84 et J. Dupont-Lassalle, « La « subsidiarité juridictionnelle » instrument de l’intégration communautaire », Droit et Société 2012, n°80, p. 262). On retrouve la notion dans les deux ordres juridiques même si la subsidiarité n’a pas la même caractéristique devant la CourEDH qu’en droit de l’Union (J. Andriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la CJCE et la CourEDH », RAE 1998, p. 29). Si au niveau de la CourEDH, l’accès au juge n’est admis qu’après épuisement des voies de recours internes, le juge national procède au contrôle de conventionalité du droit national et est également juge de droit commun de la ConvEDH tout comme il le ferait vis-à-vis des traités communautaires. Mais si l’ordre juridique de l’Union comporte des organes législatifs, exécutifs et judiciaires, celui de la ConvEDH a uniquement mis en place des organes de contrôle des actions des Etats membres.
→ Les principes d’autonomie et de subsidiarité consacrés par le droit de l’Union
L’autonomie procédurale des juges internes (1)
148 • Il y a, au départ, deux principes existentiels qui ont ordonné les effets du droit de l’Union dans l’ordre juridique de ses Etats membres : la primauté et l’effet direct. Parées de ses propriétés, les normes de l’Union n’en arrivent pas moins « nues » (selon l’expression de J. Mertens De Wilmars, « Réflexions sur le système d’articulation du droit communautaire et du droit des Etats membres », Mélanges Boulouis, Paris, Dalloz, 1991, p. 391, spéc. p. 401) devant des juridictions nationales assujetties à un droit procédural n’ayant pas nécessairement été conçu pour résoudre les différends nés de l’application du droit de l’Union. La CJUE a, pourtant, affirmé, sitôt posée la nécessité de confier au juge national la garantie du respect du droit communautaire, qu’il doit, pour ce faire, utiliser les règles de son ordre juridique. Les juges internes disposant, pour exercer leur fonction de juge communautaire, d’une « autonomie procédurale » (Cf. pour une 1ère consécration par le juge : CJCE, 16 décembre 1976, Comet BV contre Produktschap voor Siergewassen, Aff. n°45/76, Rec. CJCE, p. 2043, § 13 et CJCE, 16 décembre 1976, Rewe contre LandwirtschaftsKammer Saarland, Aff. n°33/76 Rec. CJCE, p. 1989, § 5 ou, pour des applications en doctrine, par ex., Joël Rideau, « Le rôle des États membres dans l’application du droit communautaire », AFDI 1972, p. 884 ou V. Couronne, « L’autonomie procédurale des États membres de l’Union européenne à l’épreuve du temps », CDE 2010, n°3-4, p. 273) c’est-à-dire de la capacité d’utiliser les voies de droit et les procédures établies par leur ordre interne.
L’autonomie procédurale des juges internes (2)
149 • L’autonomie procédurale a été voulue très rapidement par la CJUE qui a invité le juge national à appliquer « parmi les divers procédés de l’ordre juridique interne, ceux qui sont appropriés pour sauvegarder les droits individuels conférés par le droit communautaire » (Cf. notamment CJCE, 3 avril 1968, Firma Molkerei-Zentrale Westfalen contre Lippe GmbH contre Hauptzollamt Paderborn, Aff. n°28/67, Rec. CJCE, p. 228 ; CJCE, 4 avril 1968, Firma Gebrüder Lück contre Hauptzollamt Köln-Rheinau, Aff. n°34/67, Rec. CJCE, p. 370 ; CJCE, 19 décembre 1968, Société par actions Salgoil contre Ministère du commerce extérieur de la République italienne, Aff. n°13/68, Rec. CJCE, p. 675). Le juge communautaire invitant même les juridictions à faire une « exploitation intensive des virtualités procédurales du droit national » (Denys Simon, « Les exigences de la primauté du droit communautaire : continuité ou métamorphose ? », Mélanges Boulouis, Paris, Dalloz, 1991, p. 485). Le droit de l’Union est donc silencieux quant aux conditions et voies permettant d’obtenir réparation. S’il y a bien une obligation à la charge des Etats, ces derniers conservent toute liberté dans le choix des moyens procéduraux adéquats (juridiction compétente, délais de recours, causes de forclusion, conditions de recevabilité de l’action, modalités de preuve, …). Il revient ainsi aux juridictions nationales d’appliquer et d’interpréter les actes des droits primaire et dérivé de l’Union. Le tout à l’exception du mécanisme de question préjudicielle, déjà évoqué, et dont on a vu que le renvoi ne s’effectuait qu’en cas de difficultés sérieuses en vertu de la théorie de l’acte clair (Cf. n°134 et 135). Cette autonomie comporte tout de même des risques pour l’intégration puisqu’elle pourrait aboutir à une application non uniforme du droit de l’Union dans les différents États membres.
Le devoir de coopération loyale des Etats membres
150 • L’application par les juges nationaux des principes d’effet direct et de primauté a demandé un temps d’adaptation ponctué de certaines résistances. Si elles ont pu paraitre inquiétantes d’un prime abord, elles ont rapidement été réduites pour être finalement dépassés. Comment ? Le droit de l’Union impose, en raison de sa primauté, une obligation de coopération loyale des Etats et de leurs émanations (juridictions, autorités administratives, …) vis-à-vis des institutions de l’Union (on parle à cet égard de coopération verticale par opposition à la coopération loyale horizontale qui concerne les institutions de l’Union entre elles). Le principe apparait aujourd’hui en tant que tel dans le droit primaire à l’article 4 TUE dans sa version modifiée à Lisbonne : « Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’Union » (ex art. 10 TCE et art. 5 CEE) mais la CJCE avait déjà forgé, à travers celui-ci, l’obligation pour les Etats membres d’assurer la protection juridictionnelle effective des droits que les individus tirent de la norme communautaire. Le principe a servi, par exemple, à souligner les obligations à la charge des Etats membres, notamment celle d’assurer le plein effet d’un règlement (CJCE, 17 décembre 1970, Otto Scheer contre Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel, Aff. n°30-70, Rec. CJCE, p. 1197). Il a également servi à justifier l’invocabilité des directives non transposées dans les délais lorsqu’elles sont claires, précises et inconditionnelles (CJCE, 5 avril 1979, Ministère public contre Tullio Ratti, Aff. n°148/78, Rec. CJCE, p. 1629). On peut citer aussi le fait de sanctionner un Etat qui n’a pas soumis un problème d’application du droit de l’Union à la Commission en vue de trouver une solution juridiquement acceptable (CJCE, 15 janvier 1986, Commission des communautés européennes contre Royaume de Belgique, Aff. n°52/84, Rec. CJCE, p. 89) ou le fait de sanctionner des Etats qui n’ont pas fait tout ce qui était en leur pouvoir pour assurer la bonne mise en œuvre du droit de l’Union, y compris revenir sur l’autorité de chose jugée si cette possibilité existe en droit interne (CJCE, 16 mars 2006, Rosmarie Kapferer contre Schlank et Schick Gmbh, Aff. C-234/04, Rec. CJCE, I, p. 2585). On peut dire ainsi que s’il est normal que les actes pris par les institutions de l’Union sont exécutés par les Etats membres en vertu du principe d’autonomie institutionnelle et procédurale, il existe un encadrement de l’autonomie étatique fondé sur le devoir de coopération loyale qui dépasse l’obligation d’exécution des engagements librement consentis.
Un principe de subsidiarité utilisé dans une optique d’intégration : les principes d’équivalence et d’effectivité
151 • Le principe de subsidiarité juridictionnelle a également été mis en avant dans le droit de l’Union. S’il fait des juges nationaux les acteurs principaux de l’application du droit de l’Union, il n’en est pas moins utilisé dans une optique d’intégration puisqu’il fait intervenir, à titre subsidiaire, la CJUE. Si on peut dire que l’autonomie institutionnelle et procédurale reconnue aux juges internes n’a pas été remise en cause, elle a néanmoins été, en ce sens, fortement aménagée. De nombreuses obligations ont été imposées aux juges nationaux, afin de s’assurer qu’ils tiraient toutes les conséquences des principes d’effet direct et de primauté du droit de l’Union (Cf., pour une synthèse : D. Simon, « La subsidiarité juridictionnelle : notion-gadget ou concept opératoire ? », RAE 1998, p. 89 ou A. Barav, « La plénitude de compétence du juge national en sa qualité de juge communautaire », Mélanges Boulouis, Paris, Dalloz, 1991, p. 3). D’une manière générale, l’action des juridictions nationales est soumise au respect de 2 exigences que le juge communautaire a fait valoir dans l’ensemble du contentieux régissant les rapports entre les ordres juridiques. Les juges nationaux doivent garantir que les procédures utilisées par les juges ne sont pas moins favorables lorsque sont en cause les règles communautaires (CJCE, 16 décembre 1976, Rewe contre LandwirtschaftsKammer Saarland précité, § 6 ; CJCE, 16 décembre 1976, Comet BV contre Produktschap voor Siergewassen précité, § 13) et que les recours permettent de rendre effective la protection des droits tirés du droit communautaire (CJCE, 16 décembre 1976, Rewe contre LandwirtschaftsKammer Saarland précité, § 5, alinéa 6 ; CJCE, 16 décembre 1976, Comet BV contre Produktschap voor Siergewassen précité, § 16). Ces 2 principes, dits « d’équivalence » et « d’effectivité » (Cf. P. Girerd, « Les principes d’équivalence et d’effectivité : encadrement ou désencadrement de l’autonomie procédurale des États membres ? », RTDE 2002, p. 75), visent à éviter qu’il ne soit fait échec à l’efficacité des normes communautaires, et sont donc utilisés par le juge communautaire de manière rituelle pour contrôler l’utilisation à bon escient par les juges internes de leurs procédures (Pour une utilisation, Cf. CJUE, 8 juillet 2010, Susanne Bulicke contre Deutsche Büro Service GmbH, Aff. C-246/09, Rec. CJUE, p. 7003).
Des principes d’équivalence et d’effectivité qui imposent des obligations aux juges internes : l’obligation de retirer les actes contraires et le principe de responsabilité
152 • En vertu des principes d’équivalence et d’effectivité, de nombreuses obligations ont été imposées aux juges nationaux. La CJCE a d’abord imposé au juge interne, dans le cadre de conflits de normes, de mettre de côté, au minimum, tout norme nationale incompatible avec le droit de l’Union, de la déclarer, en l’occurrence inapplicable (CJCE, 4 avril 1968, Firma Gebrüder Lück contre Hauptzollamt Köln-Rheinau, précité, §81) avant d’imposer une prohibition de plein droit d’appliquer une norme nationale contraire (CJCE, 13 juillet 1972, Commission contre Italie, Aff. n°48/71, Rec. CJCE, p. 529, § 7). Le juge national a ainsi l’obligation d’assurer le plein effet des normes de l’Union les faisant au besoin passer avant toute disposition contraire qui se retrouve dans la législation nationale. Cela implique qu’il écarte l’application de toute disposition nationale contraire, sans devoir attendre son abrogation par le législateur ou une déclaration d’inconstitutionnalité émanant d’autres organes (CJCE, 9 mars 1978, Administrazione delle finanze dello stato contre Simmenthal, Aff. n°106/77, Rec. CJCE, p. 629). La CJUE, a, ensuite, exigé du juge national qu’il garantisse la réparation des dommages nés des violations du droit de l’Union. Elle oblige les Etats à restituer les montants perçus en violation du droit communautaire, mais laisse aux juges internes le soin d’utiliser leurs procédures pour le faire (CJCE, 16 décembre 1976, Rewe contre LandwirtschaftsKammer Saarland, précité, §11 ; CJCE, 16 décembre 1976, Comet BV contre Produktschap voor Siergewassen, précité, §13). Elle a également consacré le principe de la responsabilité de l’Etat pour les violations du droit communautaire (CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci contre Italie, Aff. jointes C-6/90 et C-9/90, Rec. CJUE, I, p. 5337). Cette responsabilité pouvant résulter des actes du législateur (CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur et Factortame, Aff. jointes C-46/93 et C-48/93, Rec. CJCE, I, p. 1029) ou même des juridictions internes (CJCE, 30 septembre 2003, Gerhard Köbler contre Republik Österreich, Aff. C-224/01, Rec. CJCE, I, p. 10239). Toutefois, le juge européen a renvoyé aux juges nationaux la charge d’assurer la réparation concrète des conséquences des violations avec ses propres règles.
Des principes d’équivalence et d’effectivité qui imposent des obligations aux juges internes : la garantie d’une protection juridictionnelle équivalente
153 • La CJUE a, enfin, imposé, au juge national, la garantie d’une protection juridictionnelle effective aux justiciables. Trois exigences se matérialisent ainsi, de manière certaine, pour le juge national au nom de la protection juridictionnelle effective. Un droit au juge doit tout d’abord être garanti. Ce droit consiste essentiellement à avoir accès au juge national pour lui demander la protection des droits tirés du droit communautaire (Cf. CJCE, 5 mai 1986, Johnston contre Chief Constable of the Royal Ulster Constabular, Aff. n°222/84, Rec. CJCE, p. 1651, §17 ou CJUE, 13 mars 2007, Unibet (London) Ltd et Unibet (International) Ltd contre Justitiekanslern, Aff. C-432/05, Rec. CJUE, I, p. 2271). C’est un droit à un égal accès au juge qui doit ensuite être garanti, celui-ci impliquant, par exemple, que ne soit exigé le versement d’un dépôt de garantie par les seuls ressortissants étrangers (CJCE, 1er juillet 1993, Hubbard contre Hamburger, Aff. C-20/92, Rec. CJCE, I, p. 3777, § 9 et suivants et CJCE, 26 septembre 1996, Data Delecta, Aff. C-43/95, Rec. CJCE, I, p. 4661, §13). Enfin, la 3ème exigence concerne le droit à une protection provisoire. La CJUE peut ainsi contraindre les Etats ne disposant pas de tels mécanismes à les mettre en place lorsque le droit communautaire est en jeu (Cf. CJCE, 19 juin 1990, The Queen contre Secretary of State for Transport, ex parte: Factortame Ltd e.a., Aff. n°213/89, Rec. CJCE, I, p. 2433, § 21 et suiv. et CJCE, 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest contre Hauptzollamt Itzehoe et Hauptzollamt Paderborn, Aff. jointes C-143/88 et C-92/89, Rec. CJCE, I, p. 415, §20 et suivants).
Un juge national encadré mais qui acquiert de nouveaux pouvoirs
154 • Au final, et dans ce contentieux de 2nde génération (définit comme le contentieux concernant les conséquences que les juges nationaux doivent tirer de la primauté du droit communautaire : Cf. D. Simon, « Les exigences de la primauté du droit communautaire : continuité ou métamorphoses ? », Mélanges Boulouis, Paris, Dalloz, 1991, p. 481), on peut penser que le juge communautaire limite le pouvoir du juge national, mais si l’office du juge national est effectivement encadré par la jurisprudence européenne, celui-ci acquiert de nouveaux pouvoirs par rapport au droit national. Il y a là une sorte de paradoxe qui veut que l’obligation européenne qui pèse sur le juge national le « force » indirectement à élargir ses pouvoirs « nationaux » dans les litiges mettant en jeu le droit de l’Union (Voir, en ce sens, par ex., J. Andriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la CJCE et la CEDH », RAE 1998, p. 37 ou G.-A. Rusu, « L’effectivité du droit de l’Union européenne, une exigence renforçant les pouvoirs du juge national », www.academia.edu). L’encadrement de l’office du juge interne a ainsi permis à ce dernier d’être plus efficace et de perfectionner l’application du droit de l’Union, ce qui va, au contraire, dans le sens d’une revalorisation de la subsidiarité fonctionnelle qui joue ainsi un rôle déterminant dans l’application du droit à l’intégration. Si on peut parfois reprocher au juge de l’Union d’aller trop loin dans ce rôle, la jurisprudence montre qu’il oscille entre sa volonté de donner pleine garantie à l’autonomie des juges et cette volonté de plutôt modérer cette liberté dans un objectif d’uniformité et d’effectivité des garanties. La doctrine a pu décrire la politique jurisprudentielle de la Cour de justice comme une alternance de phase active, caractérisée par le respect de la marge d’appréciation des juridictions nationales, et de phase passive qui permet de surveiller les actions étatiques (J. Andriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme », art. précité, p. 29). Le but étant, en mettant en œuvre la subsidiarité juridictionnelle, de trouver un équilibre permanent entre les exigences inhérentes à la primauté du droit de l’Union et l’autonomie indispensable des juridictions nationales pour mener à bien leur mission.
→ Le principe de subsidiarité juridictionnelle consacré par la CourEDH
Une accusation « gouvernement des juges » malaisée au regard de ce principe
155 • Certains de ses arrêts ont parfois valu à la CourEDH l’accusation de « gouvernement des juges ». En particulier, 2 contentieux assez récents. Le 1er contentieux concernait le droit de vote des détenus (CourEDH, 6 octobre 2005, Hirst (n°2) contre Royaume-Uni, req. n°74025/01 ; CourEDH, 23 novembre 2011, Greens et M. T. contre Royaume-Uni, req. n°60041/08 et 60054/08 ; CourEDH, 12 août 2014, Firth et autres contre Royaume-Uni, req. n°47784/09 et autres, ou encore plus récemment CourEDH, 30 juin 2016, Millbank et autres contre Royaume-Uni, req. n°44473/14 et autres) où la Cour a jugé que l’interdiction générale, automatique et indifférenciée du droit de vote imposée à tous les détenus condamnés, indépendamment de la nature ou de la gravité de l’infraction commise, est incompatible avec l’article 3 du Protocole n°1 (droit à des élections libres). Le 2nd contentieux concernait l’expulsion de terroristes vers un pays tiers (CourEDH, 17 janvier 2012, Omar Othman (Abu Qataba) contre Royaume-Uni, req. n°8139/09) où la Cour a considéré que l’expulsion d’un requérant vers la Jordanie, où il avait été condamné par défaut pour diverses infractions terroristes, serait contraire à l’article 6 ConvEDH eu égard au risque réel que des preuves obtenues sous la torture soient admises lors du procès du requérant en Jordanie. Ces 2 contentieux ont donné lieu à une large polémique au Royaume-Uni, conduisant le 1er Ministre David Cameron à convoquer à Brighton une conférence de haut-niveau chargée de réfléchir à l’avenir de la CourEDH (Pour une analyse détaillée de la Déclaration de Brighton, voir les différents articles de Nicolas Hervieu, « Préparatifs et discussions préliminaires à la Conférence de Brighton sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme », Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF 2012, 4 mars ; « Bilan contrasté pour la périlleuse conférence de Brighton sur l’avenir de la CourEDH », Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF 2012, 23 avril ; et Nicolas Hervieu, « Cour européenne des droits de l’homme : Bilan d’étape d’un perpétuel chantier institutionnel », Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF 2013, 3 septembre 2013) et Giorgio Malinverni, « Le Protocole n°15 à la ConvEDH », RTDH 2015, n°101, p. 51). Si ces mouvements d’humeur ne sont pas nouveaux, ils méritent d’être sérieusement nuancés eu égard aux règles et principes mis en place par le juge européen. Il est ressorti de cette déclaration non pas une remise en cause du travail de la CourEDH mais un renforcement du principe de subsidiarité marquant l’équilibre de tout le système dans les pouvoirs respectifs du juge européen et des juges internes.
La mise en place du principe : l’affaire « linguistique belge » et l’affaire « Handyside »
156 • Le principe de subsidiarité qui sous-tend tout le système de la ConvEDH signifie, comme on a pu le voir également pour l’Union européenne, que la tâche d’assurer le respect des droits consacrés par la ConvEDH incombe en 1er lieu, aux autorités des Etats contractants, et au sein de ces autorités, aux juridictions nationales, pierre angulaire de l’Etat de droit. Mais l’exécutif et le législateur ont aussi, bien entendu, des mesures à prendre. Ce n’est qu’en cas de défaillance des autorités nationales que la CourEDH peut et doit intervenir. C’est d’abord dans la très ancienne affaire « linguistique belge » (CourEDH, 23 juillet 1968, Affaire « relative à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en Belgique » contre Belgique, req. n°1474/62, n°1677/62, n°1691/62, n°1769/63, n°1994/63 et n°2126/64) que la CourEDH indiquait qu’elle « ne saurait se substituer aux autorités nationales compétentes, faute de quoi elle perdrait de vue le caractère subsidiaire du mécanisme international de garantie collective instauré par la ConvEDH ». Puis, c’est dans l’affaire « Handyside » (CourEDH, 7 décembre 1976, Handyside contre Royaume-Uni, req. n°5493/72, §48) que la CourEDH expliquait, pour la 1ère fois, l’originalité du dispositif en ces termes : « La Cour relève que le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention revêt un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme […]. La Convention confie en premier lieu à chacun des États contractants le soin d’assurer la jouissance des droits et libertés qu’elle consacre. Les institutions créées par elle y contribuent de leur côté, mais elles n’entrent en jeu que par la voie contentieuse et après épuisement des voies de recours internes […] ».
Le contrôle de l’épuisement des voies de recours internes
157 • La CourEDH observe le principe de subsidiarité d’abord par le contrôle de l’épuisement des voies de recours interne, condition de la recevabilité des requêtes (art. 35 § 1 ConvEDH) auquel répond en écho l’article 13 ConvEDH qui consacre le droit au recours effectif. On ne peut poursuivre un Etat devant le juge européen que si on lui a laissé la possibilité de remédier à la violation invoquée au niveau national. Le principe a, néanmoins, été assoupli par le juge qui le voit comme ne revêtant pas un caractère absolu (CourEDH, 16 septembre 1996, Akdivar contre Turquie, req. n°21893/93, § 69). Seuls les recours utiles (qui sont ceux « à la fois relatifs aux violations alléguées, accessibles et adéquats » : CourEDH, 6 novembre 1980, Van Oosterwijck contre Belgique, req. n°7654/76, §27) ou effectifs (qui doivent exister « à un degré suffisant de certitude, en pratique comme en théorie » (CourEDH, 20 février 1991, Vernillo contre France, req. n°11889/85, §27) doivent avoir été épuisés en interne. La CourEDH a jugé, par exemple, que l’absence de pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation ne faisait pas obstacle à un recours devant la CourEDH en cas de jurisprudence bien établie ou d’absence de jurisprudence favorable (CourEDH, 20 mai 1998, Gautrin et autres contre France, req. n°21257/93 et autres, §49 et suiv.). Elle a aussi mis en avant le fait qu’il ne faudrait pas que des requérants se voient imposer l’exercice de voies de recours vouées à l’échec (Voir, par ex., CourEDH, 20 septembre 2007, Sultani contre France, req. n°45223/05, dans le cas d’un recours non suspensif contre une mesure d’éloignement d’un étranger lorsque le requérant invoque la violation de l’article 3 ConvEDH ). Enfin, la CourEDH pourra estimer que des circonstances particulières justifient de ne pas épuiser les voies de recours en fonction du contexte juridique et politique (Voir, par ex., CourEDH, 16 septembre 1996, Akdivar contre Turquie, précité, dans le cas où la situation qui prévalait au moment de la présentation de la requête était une situation de graves troubles civils, rendant « vain l’emploi de recours en justice » (§ 69) ou CourEDH, 28 juillet 1999, Selmouni contre France, req. n°25803/94 dans le cas où « les autorités n’ont pas pris toutes les mesures positives que les circonstances de la cause imposaient pour faire aboutir le recours invoqué par le gouvernement » (§ 74 et suiv.) à propos de la lenteur excessive d’une enquête. Dans cette affaire, 5 ans après les faits, aucune mise en examen n’était intervenue suite aux accusations de mauvais traitements ce qui démontrait l’absence d’effectivité d’un recours).
La marge d’appréciation des autorités nationales
158 • Le juge européen observe aussi le principe de subsidiarité en reconnaissant aux Etats membres du Conseil de l’Europe une certaine marge d’appréciation et en acceptant de prendre en compte les spécificités nationales. Ce concept d’origine jurisprudentielle laisse aux Etats contractants une certaine latitude dans la mise en œuvre de la ConvEDH. Il a été consacré implicitement en 1968 dans l’affaire linguistique belge précitée : « la Cour ne saurait ignorer les données de droit et de fait caractérisant la vie de la société dans l’Etat qui, en qualité de partie contractante, répond de la mesure contestée. Ce faisant, elle ne saurait se substituer aux autorités nationales compétentes, faute de quoi elle perdrait de vue le caractère subsidiaire du mécanisme international de garantie collective instauré par la Convention. Les autorités nationales demeurent libres de choisir les mesures qu’elles estiment appropriées dans les domaines régis par la Convention. Le contrôle de la Cour ne porte que sur la conformité de ces mesures avec les exigences de la Convention » (CourEDH 23 juillet 1968, Affaire « relative à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en Belgique » contre Belgique précité, § 10 du point I.B.). Puis le juge européen a utilisé le terme « marge d’appréciation » pour la 1ère fois expressément en 1978 (CEDH, 18 janvier 1978, Irlande contre Royaume-Uni, req. n°5310/71, § 207). Depuis lors, la « marge d’appréciation » a connu un certain succès. Elle a, d’abord, été utilisée dans les cas où les Etats peuvent déroger aux principes de la ConvEDH dans des situations particulièrement graves et significatives. Par exemple, en matière de dérogations en cas d’état d’urgence (article 15 ConvEDH) s’agissant de la présence d’un danger public nécessitant le recours à des mesures dérogatoires comme de la nature et de l’étendue des mesures nécessaires pour le conjurer (CourEDH, 18 janvier 1978, Irlande contre Royaume-Uni, req. n° 5310/71, série A n° 25, § 207) ou pour mener une politique économique et sociale et, notamment, pour déterminer ce qui est d’ « utilité publique » en matière de privation de propriété (CourEDH, 21 février 1986, James contre Royaume-Uni, req. n° 8793/79, série A n° 98, § 46).
Un juge européen sensible à la diversité des cultures juridiques des Etats membres
159 • La notion de « marge d’appréciation » a, par la suite, singulièrement évolué avec le temps. Le juge européen se montre ainsi sensible à la diversité des cultures juridiques des Etats membres. La CourEDH ne peut, en ce sens, « négliger les caractéristiques de fond et de procédure (des) droits internes respectifs » (CourEDH, 26 avril 1979, Sunday Times contre Royaume-Uni, req. n°6538/74, § 61). En conséquence, l’application de la ConvEDH s’accommode des particularismes locaux et n’impose aucune uniformité absolue. Ainsi, la CourEDH peut ainsi prêter attention au « climat moral […] en matière sexuelle » régnant en Irlande du Nord (CourEDH, 22 octobre 1981, Dudgeon contre Royaume-Uni, req. n° 7525/76, série A, n° 45, § 56) ou aux « traditions culturelles et historiques de chaque société » dans un domaine, tel que la question du remariage après divorce, qui touche aux « conceptions profondes » de la société sur la cellule familiale (CourEDH, 18 décembre 1987, F. contre Suisse, req. n° 11329/85, série A n° 128, § 33). Il peut exister une grande variété de solutions nationales sans qu’il y ait pour autant violation de la ConvEDH. La diversité des traditions juridiques, culturelles voire sociales fait parfois obstacle à ce qu’un standard de protection puisse être imposé par la CourEDH. On ne peut ainsi dégager « une notion uniforme de la morale » (CourEDH, 7 décembre 1976, Handyside contre Royaume-Uni, précité, §48) ou une « conception uniforme » de la réglementation du port des symboles religieux dans les établissements d’enseignement (CourEDH, 10 novembre 2005, Leyla Sahin contre Turquie, req. n°44774/98).
Une marge nationale d’appréciation soumise au contrôle de proportionnalité
160 • La marge nationale d’appréciation ne saurait être illimitée et la CourEDH en contrôle l’étendue en appliquant, notamment, le principe de proportionnalité qui vise à traduire une exigence d’adéquation entre un objectif légitime et les moyens utilisés pour l’atteindre. Le juge européen module l’intensité de son contrôle et, en conséquence, fait varier l’étendue de la marge d’appréciation de l’Etat selon son approche plus ou moins stricte de la condition de proportionnalité (proportion rigoureuse, juste, raisonnable). Son contrôle sera strict si la marge d’appréciation de l’Etat est réduite et que l’ingérence est relative. C’est le cas lorsqu’on touche à la sphère d’intimité de l’individu comme le droit d’avoir des relations homosexuelles (CourEDH, 22 octobre 1981, Dudgeon contre Royaume-Uni, req. n°7525/76, série A, n°59) ou à ce qui peut caractériser une société démocratique comme la liberté de la presse (CourEDH, 23 avril 1992, Castells contre Espagne, req. n° 11798/85, série A, n° 236). Son contrôle sera plus large si la marge d’appréciation n’est pas réduite et que le juge accorde à l’Etat partie un large pouvoir discrétionnaire. C’est le cas lorsque sont en cause des mesures d’ordre général en matière économique ou sociale comme la législation fixant l’âge légal de la retraite (CourEDH, 12 avril 2006, Stec et autres contre Royaume-Uni, req. n° 65731/01 et n° 65900/01) ou lorsque les activités en jeu sont techniques ou complexes comme, par exemple, la politique en matière d’urbanisme (CourEDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth contre Suède, req. n° 7151/75 et n° 7152/75, série A, n° 42). La détermination de la marge nationale d’appréciation par la Cour reste cependant très aléatoire. Elle peut ne pas reconnaître la marge d’appréciation alors même qu’il n’y pas de consensus européen comme en matière de droit au mariage des transsexuels (CourEDH, 11 juillet 2002, Goodwin contre Royaume-Uni, req. n°28957/95) ou, au contraire, reconnaître la marge d’appréciation quand il y a un certain consensus européen comme, par exemple, lorsque est concerné le droit de recourir à la procréation médicalement assistée (CourEDH, 3 novembre 2011, S.H. et autres contre Autriche, req. n° 57813/00). Une jurisprudence, en conséquence, difficile à lire et à systématiser mais qui serait le prix à payer pour trouver la voie étroite entre l’autonomie des autorités nationales et la protection effective des droits garantis par la ConvEDH.
Un juge européen qui ne doit pas être assimilé à un 4ème degré de juridiction
161 • Enfin, le principe de subsidiarité amène aussi à ce que la CourEDH ne soit pas considérée comme un 4ème degré de juridiction. Il faut se référer, à cet égard, aux propos de l’ancien président de la Cour Jean-Paul Costa pour qui, « la Cour n’est pas une juridiction d’appel, de cassation ou de révision par rapport aux juridictions des États parties à la Convention. La compétence de la Cour se limite au contrôle du respect, par les États contractants – y compris leurs juridictions -, des engagements en matière des droits de l’homme qu’ils ont pris en adhérant à la Convention (et à ses Protocoles). La Cour ne peut pas outrepasser les limites des compétences générales que les États, par leur volonté souveraine, lui ont déléguées. Elle doit respecter l’autonomie des ordres juridiques des Etats contractants, plus encore que la Cour de Justice, qui interfère davantage avec eux, du fait du renvoi préjudiciel » (J.-P. Costa, « Le principe de subsidiarité et la protection européenne des droits de l’homme », D. 2010, p. 1364). L’auteur ajoutant que « surtout, notre Cour n’est pas une quatrième instance : elle ne peut apprécier elle-même les éléments de fait ayant conduit une juridiction nationale à adopter telle décision plutôt que telle autre, ni en principe établir ou évaluer les preuves, ni même interpréter elle-même le droit interne » (Ibid.). La subsidiarité ne doit cependant pas déboucher sur l’équivalent d’un déni de justice ou sur une trop grande liberté d’interprétation qui serait laissée aux autorités et juridictions des Etats membres du Conseil de l’Europe. Le juge européen doit aussi protéger des droits concrets et effectifs, non théoriques et illusoires (Voir, par ex., CourEDH, 13 mai 1980, Artico contre Italie, req. n°6694/74, série A, n°37, §33). Il n’y a, en ce sens, pas de retenue absolue et excessive quant à l’appréciation des éléments de faits et à la pertinence des décisions des juridictions internes et la possibilité pour la Cour d’apporter un correctif à l’interprétation de la ConvEDH par les autorités nationales.
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