Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 juillet 1989, par MM Etienne Dailly, Charles Jolibois, Raymond Bourgine, Guy Besse, Jacques Bimbenet, Ernest Cartigny, Henri Collard, Jean François-Poncet, Paul Girod, Pierre Laffitte, Max Lejeune, Jacques Moutet, Marcel Lucotte, Jacques Thyraud, Pierre Louvot, Richard Pouille, Maurice Arreckx, Jean Dumont, Louis Lazuech, Serge Mathieu, Michel Miroudot, Philippe de Bourgoing, Roger Chinaud, Henri de Raincourt, Michel d’Aillières, Bernard Barbier, Marc Castex, Pierre Croze, Jean-François Pintat, Roland du Luart, Hubert Martin, Jean Delaneau, Roland Ruet, Michel Crucis, Louis de la Forest, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Guy de La Verpillière, Louis Boyer, Albert Voilquin, Jean-Paul Bataille, Jacques Larché, Michel Alloncle, Jean Amelin, Jean Barras, Henri Belcour, Yvon Bourges, Raymond Brun, Robert Calmejane, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Maurice Couve de Murville, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Jacques Delong, Charles Descours, Alain Dufaut, Marcel Fortier, Philippe François, Philippe de Gaulle, Charles Ginesy, Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Roger Husson, André Jarrot, Lucien Lanier, Gérard Larcher, Marc Lauriol, Paul Malassagne, Paul Moreau, Arthur Moulin, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Jacques Oudin, Soséfo Makapé Papilio, Charles Pasqua, Alain Pluchet, Henri Portier, Claude Prouvoyeur, Mme Nelly Rodi, MM Josselin de Rohan, Michel Rufin, Jean Simonin, Louis Souvet, Jean Arthuis, Alphonse Arzel, René Ballayer, Jean-Pierre Blanc, Roger Boileau, Raymond Bouvier, Pierre Brantus, Paul Caron, Louis de Catuelan, Jean Cauchon, Auguste Chupin, Jean Cluzel, Francisque Collomb, Marcel Daunay, Jean Faure, André Fosset, Jean Francou, Jean Guenier, Rémi Herment, Daniel H ffel, Jean Huchon, Claude Huriet, Louis Jung, Bernard Laurent, Henri Le Breton, Jean Lecanuet, Yves Le Cozannet, Edouard Le Jeune, Jacques Machet, Jean Madelain, Kléber Malecot, François Mathieu, Michel Souplet, Xavier de Villepin, sénateurs, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l’ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 instituant une commission des opérations de bourse et relative à l’information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse, modifiée et complétée par la loi n° 70-1283 du 31 décembre 1970, la loi n° 83-1 du 3 janvier 1983, l’article 117 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984, la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985, la loi n° 85-1321 du 14 décembre 1985, la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988 sur les bourses de valeurs et la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances ;
1. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que ne sont pas conformes à la Constitution les articles 5, 15, 36 et 43 de la loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier soumise à l’examen du Conseil constitutionnel ;
Sur l’article 5 relatif aux pouvoirs de sanction de la Commission des opérations de bourse :
2. Considérant que l’article 5 comporte trois paragraphes distincts ; que sont seuls critiqués par les auteurs de la saisine les paragraphes II et III ;
3. Considérant que le paragraphe II ajoute à l’ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 susvisée un article 9-1 ainsi conçu : » La Commission des opérations de bourse peut ordonner qu’il soit mis fin aux pratiques contraires à ses règlements, lorsque ces pratiques ont pour effet de :
» : fausser le fonctionnement du marché ;
» : procurer aux intéressés un avantage injustifié qu’ils n’auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché ;
» : porter atteinte à l’égalité d’information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ;
» : faire bénéficier les émetteurs et les investisseurs des agissements d’intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles. » ;
4. Considérant que le paragraphe III ajoute à l’ordonnance du 28 septembre 1967 susvisée un article 9-2 ainsi rédigé : » A l’encontre des auteurs des pratiques visées à l’article précédent, la Commission des opérations de bourse peut, après une procédure contradictoire, prononcer les sanctions suivantes :
» 1° Une sanction pécuniaire qui ne peut excéder dix millions de francs ;
» 2° Ou, lorsque des profits ont été réalisés, une sanction pécuniaire qui ne peut excéder le décuple de leur montant. Le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits tirés de ces manquements. Les intéressés peuvent se faire représenter ou assister. La Commission des opérations de bourse peut également ordonner la publication de sa décision dans les journaux ou publications qu’elle désigne. En cas de sanction pécuniaire, les frais sont supportés par les intéressés. Les décisions de la Commission des opérations de bourse sont motivées. En cas de sanction pécuniaire, les sommes sont versées au Trésor public » ;
5. Considérant qu’il est soutenu par les auteurs de la saisine que ces dispositions portent atteinte au principe de la séparation des pouvoirs ; que, selon eux, l’indépendance de la Commission des opérations de bourse n’est assurée, ni par le statut de ses membres, ni par les moyens financiers dont elle dispose ; qu’enfin, il y a méconnaissance du principe selon lequel une même personne ne peut être punie deux fois pour le même fait ;
6. Considérant que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu’aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu’une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dès lors, d’une part, que la sanction susceptible d’être infligée est exclusive de toute privation de liberté et, d’autre part, que l’exercice du pouvoir de sanction est assorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis ;
7. Considérant à cet égard, que les auteurs de la saisine font valoir que la Commission des opérations de bourse ne peut être dotée d’un pouvoir de sanction car elle constitue un collège dépourvu de toute indépendance ; qu’en effet, la loi n’a pas fixé les incompatibilités applicables à ses membres autres que le président ; qu’en outre, la désignation de ceux des membres de la Commission qui n’appartiennent pas au Conseil d’Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes, n’est pas entourée de garanties suffisantes ;
8. Considérant qu’en vertu de l’article 2 de l’ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi déférée, la Commission des opérations de bourse est composée d’un président et de huit membres ;
9. Considérant que le président est nommé par décret en conseil des ministres pour une durée de six ans non renouvelable ; que, par cette disposition, le législateur a entendu garantir l’indépendance et l’autorité du président ; que celui-ci est, au surplus, soumis aux règles d’incompatibilités prévues pour les emplois publics ;
10. Considérant que les huit membres composant la commission sont respectivement un conseiller d’Etat désigné par le vice-président du conseil, un conseiller à la Cour de cassation désigné par le premier président de la cour, un conseiller-maître à la Cour des comptes désigné par le premier président de la cour, un membre du conseil des bourses de valeurs désigné par ce conseil, un membre du conseil du marché à terme désigné par ce conseil, un représentant de la Banque de France désigné par le gouverneur ainsi que deux personnalités choisies en raison de leur compétence et de leur expérience en matière d’appel public à l’épargne par les autres membres et le président ; qu’il est précisé que le mandat est de quatre ans et est renouvelable une fois ; que tant le mode de désignation des membres que la durée fixe de leur fonction sont à même de garantir l’indépendance de la commission dans l’exercice de ses missions ; que l’absence d’un régime d’incompatibilité n’est pas de nature à altérer cette indépendance dès lors que la Commission des opérations de bourse est, à l’instar de tout organe administratif, soumise à une obligation d’impartialité pour l’examen des affaires qui relèvent de sa compétence et aux règles déontologiques qui en découlent ;
11. Considérant que les auteurs de la saisine estiment également que le pouvoir de sanction conféré à la Commission des opérations de bourse implique que les crédits nécessaires à l’accomplissement de ses nouvelles missions soient inscrits au budget de l’Etat dans le respect des dispositions de l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
12. Considérant qu’il résulte de l’ensemble des dispositions de l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, rapprochées des dispositions du titre V de la Constitution, que les règles posées par son article 1er, alinéa 4, et par son article 2, alinéa 5, ont pour objet de faire obstacle à ce qu’une loi permette des dépenses nouvelles alors que ses incidences sur l’équilibre financier de l’année, ou sur celui d’exercices ultérieurs, n’auraient pas été appréciées et prises en compte, antérieurement, par des lois de finances ;
13. Considérant que la loi déférée ne méconnaît pas ces règles dès lors qu’elle ne permet pas qu’il soit fait face aux charges qu’elle implique sans qu’au préalable les crédits qui s’avéreraient nécessaires aient été prévus, évalués et autorisés par la loi de finances ;
14. Considérant, au demeurant, que l’article 117 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 a prévu la possibilité pour la Commission des opérations de bourse de percevoir des » redevances » sur les personnes publiques ou privées » dans la mesure où ces personnes rendent nécessaire ou utile l’intervention de la commission ou dans la mesure où elles y trouvent leur intérêt » ; que le produit des » redevances » que la loi a autorisées s’est substitué aux dotations budgétaires inscrites à la loi de finances ; que ce mode de financement n’est pas incompatible avec l’indépendance de la commission ;
15. Considérant que les auteurs de la saisine font encore valoir que les sanctions pécuniaires infligées par la Commission des opérations de bourse sont susceptibles de se cumuler avec des sanctions pénales, ce qui méconnaît le principe selon lequel une même personne ne peut pas être punie deux fois pour le même fait ;
16. Considérant que, sans qu’il soit besoin de rechercher si le principe dont la violation est invoquée a valeur constitutionnelle, il convient de relever qu’il ne reçoit pas application au cas de cumul entre sanctions pénales et sanctions administratives ;
17. Considérant toutefois que l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose notamment que » la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » ;
18. Considérant que le principe ainsi énoncé ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ;
19. Considérant qu’à l’encontre des auteurs des pratiques contraires aux règlements qu’elle établit et qui sont soumis à homologation, la Commission des opérations de bourse, pour autant que lesdites pratiques tombent sous le coup de l’incrimination prévue par l’article 9-2 de l’ordonnance du 28 septembre 1967, est habilitée à prononcer, soit une sanction pécuniaire qui ne peut excéder dix millions de francs, soit, lorsque des profits ont été réalisés, une sanction pécuniaire qui peut atteindre le décuple de leur montant ; qu’il résulte du texte de l’article 9-2 ajouté à l’ordonnance par l’article 5-III de la loi déférée que sont susceptibles d’être sanctionnées les pratiques qui ont pour effet de » porter atteinte à l’égalité d’information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts » ou de » faire bénéficier les émetteurs et leurs investisseurs des agissements d’intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles » ;
20. Considérant que ces incriminations sont susceptibles de recouvrir des agissements qui sont eux-mêmes constitutifs de délits boursiers ; qu’au nombre de ces délits il y a lieu de mentionner le délit d’initié, prévu et réprimé par l’alinéa 1 de l’article 10-1 de l’ordonnance du 28 septembre 1967 tel qu’il est modifié par l’article 7 de la loi déférée, le délit de fausse information, prévu et réprimé par le dernier alinéa de l’article 10-1 précité tel qu’il est modifié par l’article 8-II de la loi déférée, ainsi que le délit de manipulation des cours, prévu et réprimé par l’article 10-3 ajouté à l’ordonnance du 28 septembre 1967 par l’article 17 de la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988 ; que chacun de ces délits est passible » d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende de 6 000 F à 10 millions de francs, dont le montant pourra être porté au-delà de ce chiffre, jusqu’au décuple du montant du profit éventuellement réalisé, sans que l’amende puisse être inférieure à ce même profit » ;
21. Considérant sans doute que l’article 9-2 de l’ordonnance du 28 septembre 1967 prévoit que le montant de la sanction pécuniaire prononcée par la Commission des opérations de bourse » doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits tirés de ces manquements » ;
22. Considérant que la possibilité n’en est pas moins reconnue à la Commission des opérations de bourse de prononcer une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’au décuple du montant des profits réalisés par l’auteur de l’infraction et qui est susceptible de se cumuler avec des sanctions pénales prononcées à raison des mêmes faits et pouvant elles-mêmes atteindre un montant identique ; que, si l’éventualité d’une double procédure peut ainsi conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique, qu’en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues ; qu’il appartiendra donc aux autorités administratives et judiciaires compétentes de veiller au respect de cette exigence dans l’application des dispositions de l’ordonnance du 28 septembre 1967 modifiée ;
23. Considérant que, sous cette réserve, l’article 5 de la loi déférée n’est pas contraire à la Constitution ;
Sur l’article 15 concernant les dispositions applicables aux procédures d’offre publique d’achat ou d’échange, de maintien de cours et d’offre de retrait :
24. Considérant que l’article 15 de la loi déférée a pour objet d’ajouter à la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988 sur les bourses de valeurs un article 6 bis qui habilite le conseil des bourses de valeurs à fixer, par son règlement général, » afin d’assurer l’égalité des actionnaires et la transparence du marché : les conditions dans lesquelles toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert et venant à détenir, directement ou indirectement, une fraction du capital ou des droits de vote aux assemblées générales d’une société dont les titres sont inscrits à la cote officielle d’une bourse de valeurs ou à la cote du second marché, est tenue d’en informer immédiatement le conseil et de déposer un projet d’offre publique en vue d’acquérir une quantité déterminée de titres de la société ; à défaut d’avoir procédé à ce dépôt, les titres qu’elle détient au-delà de la fraction du capital ou des droits de vote sont privés du droit de vote ; les conditions dans lesquelles le projet d’acquisition d’un bloc de titres conférant la majorité du capital ou des droits de vote d’une société inscrite à la cote officielle, à la cote du second marché ou dont les titres sont négociés sur le marché hors-cote d’une bourse de valeurs, oblige le ou les acquéreurs à acheter en bourse, au cours ou au prix auquel la cession du bloc est réalisée, les titres qui leurs sont alors présentés ; les conditions applicables aux procédures d’offre et de demande de retrait, lorsque le ou les actionnaires majoritaires d’une société inscrite à la cote officielle ou à la cote du second marché détiennent une fraction déterminée des droits de vote ou lorsqu’une société inscrite à l’une de ces cotes est transformée en société en commandite par actions » ;
25. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que l’article 15, en laissant au conseil des bourses de valeurs le soin de fixer les règles applicables aux offres publiques d’achat ou d’échange, méconnaît les dispositions de l’article 34 de la Constitution qui réservent au législateur la détermination des principes fondamentaux du régime de la propriété et des obligations civiles et commerciales ; qu’en habilitant le conseil des bourses de valeurs à régir des matières qui sont du domaine de la loi, l’article 15 est également contraire à l’article 38 de la Constitution ; qu’il est soutenu enfin qu’il méconnaît le principe d’égalité ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation des règles de compétence :
26. Considérant que le moyen tiré de la violation des règles de compétence doit être examiné en fonction tant du contenu propre de l’article 6 bis ajouté à la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988 que des autres dispositions de ce texte ;
27. Considérant qu’il ressort des dispositions de la loi du 22 janvier 1988 que le conseil des bourses de valeurs institué par cette loi est un organisme professionnel doté de la personnalité morale, auprès duquel est nommé par le ministre chargé de l’économie un commissaire du Gouvernement ; qu’en vertu de l’article 6 de cette dernière loi le règlement général établi par le conseil des bourses de valeurs, qui fixe notamment les règles relatives au fonctionnement du marché et à la suspension des cotations, est soumis à l’homologation du ministre chargé de l’économie ; que le contrôle de la légalité dudit règlement incombe à la juridiction administrative ; qu’aux termes de l’article 11 de la loi précitée » en cas de carence du conseil des bourses de valeurs, le Gouvernement prend par décret les mesures nécessitées par les circonstances » ;
Quant à l’étendue de la compétence du législateur :
28. Considérant que s’il appartient au législateur de déterminer les principes fondamentaux applicables aux procédures d’offre publique d’achat ou d’échange, de maintien de cours et d’offre de retrait, en revanche, la fixation des modalités de mise en oeuvre de ces principes relève de la compétence réglementaire ; qu’il suit de là que l’article 15 de la loi déférée ne méconnaît pas les dispositions de l’article 34 de la Constitution ; qu’il n’est pas davantage contraire à son article 38 ;
Quant aux modalités d’exercice de la compétence réglementaire :
29. Considérant qu’en vertu de l’article 21 de la Constitution le Premier ministre assure l’exécution des lois et, sous réserve des dispositions de l’article 13, exerce le pouvoir réglementaire ; qu’il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres ;
30. Considérant que si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité publique autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en oeuvre une loi, c’est à la condition que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d’application que par leur contenu ;
31. Considérant que la compétence reconnue au conseil des bourses de valeurs par l’article 15 de la loi déférée est limitée dans son champ d’application ; qu’elle doit s’exercer dans le respect des principes posés par le législateur et sous le contrôle du ministre chargé de l’économie et, le cas échéant, du Gouvernement ; que l’article 15 de la loi déférée, rapproché des dispositions de la loi du 22 janvier 1988, n’est par suite pas contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne le principe d’égalité :
32. Considérant que selon les auteurs de la saisine l’article 15 de la loi déférée méconnaît le principe d’égalité devant la loi en ne prévoyant pas l’obligation, pour tout actionnaire qui vient à détenir plus du tiers, de la moitié ou des deux tiers du capital ou des droits de vote, de déposer un projet d’offre publique d’achat ou d’échange ;
33. Considérant que l’article 15 énonce des principes relevant de la compétence du législateur sans préciser la quantité minimale de titres sur laquelle doit porter l’offre publique d’achat ; que l’argumentation invoquée qui tend à mettre en cause des règles juridiques qui ne sont pas entrées en vigueur est inopérante ; qu’au surplus, la loi prescrit que la réglementation élaborée sur son fondement assure l’égalité des actionnaires ;
Sur l’article 36 relatif à la composition des actifs des organismes de placement collectif en valeurs mobilières :
34. Considérant que, dans ses paragraphes I à IV, l’article 36 de la loi déférée apporte plusieurs modifications au texte de l’article 25 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances ; que, par l’effet de ces modifications, les quatre premiers alinéas de l’article 25 de la loi précitée sont rédigés comme suit : » Dans des conditions et limites fixées par décret en Conseil d’Etat, l’actif d’un organisme de placement collectif en valeurs mobilières comprend des valeurs mobilières françaises ou étrangères, négociées ou non sur un marché réglementé, ainsi qu’à titre accessoire des liquidités. Les SICAV peuvent posséder les immeubles nécessaires à leur fonctionnement. Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières ne peut employer en titres d’un même émetteur plus de 5 p 100 de ses actifs.
Un décret en Conseil d’Etat fixe les cas et les catégories de titres pour lesquels il peut être dérogé à cette limite. Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières peut procéder à des prêts et emprunts de titres et à des emprunts d’espèces dans la limite d’une fraction de ses actifs. S’agissant des emprunts en espèces, cette limite ne peut être supérieure à 10 p 100 des actifs. Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières ne peut détenir plus de 10 p 100 d’une même catégorie de valeurs mobilières d’un même émetteur. Un décret en Conseil d’Etat fixe les catégories de valeurs mobilières ainsi que les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à cette limite. » ;
35. Considérant que le paragraphe V de l’article 36 de la loi déférée a pour objet d’ajouter à l’article 25 de la loi du 23 décembre 1988 un alinéa supplémentaire ainsi conçu : » Des règles différentes selon les catégories d’organisme de placement collectif en valeurs mobilières peuvent être prévues par décret » ;
36. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que ces dernières dispositions dessaisissent le pouvoir législatif en violation des articles 34 et 38 de la Constitution ;
37. Considérant que la détermination des catégories d’obligations applicables aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières met en cause un principe fondamental du régime de la propriété et des obligations civiles et commerciales relevant, aux termes de l’article 34 de la Constitution, du domaine de la loi ; que, dès lors, il n’appartenait pas au législateur de conférer au Gouvernement, sans restriction, le pouvoir de fixer » des règles différentes selon les catégories d’organisme » de placement en ce qui concerne la composition de leurs actifs ; qu’il y a donc lieu de déclarer non conformes à la Constitution les dispositions du paragraphe V de l’article 36 ;
Sur l’article 43 relatif à la date d’installation de la Commission des opérations de bourse dans sa nouvelle composition :
38. Considérant que l’article 43 de la loi est ainsi rédigé : » La Commission des opérations de bourse, dans sa composition existant à la date de publication de la présente loi, exerce les pouvoirs qui lui sont dévolus par l’ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 précitée dans sa rédaction en vigueur à la même date jusqu’à l’installation de la commission dans la composition prévue par la présente loi. La date de l’installation est constatée par arrêté du ministre chargé de l’économie publié au Journal officiel de la République française. Les articles 6 et 13 de la présente loi entrent en vigueur à cette même date. » ;
39. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que par l’effet de cet article l’entrée en vigueur de plusieurs dispositions de la loi se trouve subordonnée à la publication d’un arrêté ministériel et qu’il y a par là même une violation des dispositions de la Constitution qui déterminent la répartition des compétences entre la loi et le règlement ;
40. Considérant que, dans les domaines de sa compétence, il est du pouvoir du législateur, sous réserve de l’application immédiate de la loi pénale plus douce, de fixer les conditions de mise en vigueur des règles qu’il édicte ; que, s’il lui est loisible de laisser au Gouvernement le soin de fixer la date à laquelle des dispositions législatives entreront en vigueur, il ne peut, sans par là même méconnaître la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution, lui conférer sur ce point un pouvoir qui ne serait assorti d’aucune limite ;
41. Considérant qu’il résulte des débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de l’article 43 que le législateur a entendu voir correspondre la nouvelle composition de la Commission des opérations de bourse et l’entrée en vigueur des nouvelles compétences qui lui sont imparties ; qu’à cet effet, la date d’installation de la commission, dans sa composition résultant de l’article 2 de l’ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 tel qu’il est modifié par l’article 1er de la loi déférée, déterminera la date d’entrée en vigueur de plusieurs dispositions législatives ; que la date d’installation doit être rendue publique par la publication au Journal officiel de l’arrêté du ministre chargé de l’économie portant constatation de l’accomplissement de cette formalité ;
42. Considérant qu’en édictant ces dispositions le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence dès lors, d’une part, que la désignation des membres de la Commission des opérations de bourse, dans sa nouvelle composition, devra intervenir au plus tard à l’expiration du mandat des membres la composant présentement, et que, d’autre part, le ministre chargé de l’économie sera tenu de constater, sans délai, la date d’installation de la commission dans sa nouvelle composition ; Sur l’article 10 :
43. Considérant que l’article 10 de la loi a pour objet d’ajouter à l’ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 un article 12-1 aux termes duquel » le président de la Commission des opérations de bourse ou son représentant peut, devant les juridictions civiles, pénales ou administratives, déposer des conclusions, intervenir ou exercer les droits réservés à la partie civile en ce qui concerne, d’une part, les infractions au titre II de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, d’autre part, les infractions prévues par les articles 10, 10-1 et 10-3 » ;
44. Considérant que le principe du respect des droits de la défense constitue un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République réaffirmés par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution de 1958 ; qu’il implique, notamment en matière pénale, l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties ;
45. Considérant qu’il ressort de la rédaction nouvelle donnée à l’article 12-1 de l’ordonnance du 28 septembre 1967, rapprochée des autres dispositions de ce dernier texte, que l’autorité qui peut exercer, dans l’intérêt général, les poursuites, recueillir des charges et, le cas échéant, prononcer des sanctions dans le cadre d’une procédure administrative, se voit reconnaître à propos des mêmes faits, s’ils constituent les éléments d’une infraction pénale, le pouvoir d’intervenir et de se constituer partie civile et d’user de tous les droits afférents à cette qualité sans pour autant justifier d’un intérêt distinct de l’intérêt général ; qu’elle peut ainsi déclencher l’ouverture de poursuites pénales, intervenir dans le cours de l’instruction, participer aux débats de l’audience, demander l’allocation de dommages-intérêts et exercer les voies de recours ;
46. Considérant que le respect des droits de la défense fait obstacle à ce que la Commission des opérations de bourse puisse à l’égard d’une même personne et s’agissant des mêmes faits concurremment exercer les pouvoirs de sanction qu’elle tient de l’article 5 de la loi déférée et la faculté d’intervenir et d’exercer tous les droits de la partie civile en vertu de l’article 10 de la loi ;
47. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 10 de la loi déférée est contraire à la Constitution ;
48. Considérant qu’en l’espèce il n’y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d’office aucune autre question de conformité à la Constitution de la loi soumise à son examen,
Décide :
Article premier :
L’article 10 et le paragraphe V de l’article 36 de la loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier sont contraires à la Constitution.
Article 2 :
Les autres dispositions de la loi ne sont pas contraires à la Constitution.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.