Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 janvier et 5 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la PROVINCE DES ILES LOYAUTE, dont le siège est Hôtel de la Province des Iles Loyauté BP 50 Wé à Lifou (98820), Nouvelle-Calédonie ; la PROVINCE DES ILES LOYAUTE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 3 octobre 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son appel tendant à l’annulation du jugement du 9 mai 2003 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la délibération du 12 novembre 2001 de l’assemblée de la province accordant à la société Loyauté Investissement Services une aide financière d’incitation à l’investissement pour l’achat d’un navire ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande présentée par la Compagnie maritime des îles en première instance ;
3°) de mettre à la charge de la Compagnie maritime des îles la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Tanneguy Larzul, Conseiller d’Etat,
– les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE et de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la Compagnie maritime des îles,
– les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la Compagnie maritime des îles ;
Considérant que par une délibération du 30 décembre 1999, l’assemblée de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE a instauré, en son article 1er, des mesures d’aides et d’accompagnement au développement économique et rural des Iles Loyauté ; que sur le fondement de cette délibération, l’assemblée territoriale a, par délibération du 12 novembre 2001, accordé à la société Loyauté Investissement Services une aide financière composée d’une subvention de 10 millions de francs CFP et d’un prêt participatif de 22,7 millions de francs CFP, pour l’acquisition d’un caboteur vraquier dénommé Sisa Ne Nana afin d’assurer la desserte en fret d’îles de l’archipel des Iles Loyauté ; que la PROVINCE DES ILES LOYAUTE demande l’annulation de l’arrêt du 3 octobre 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 9 mai 2003 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a, à la demande d’une entreprise concurrente, la Compagnie maritime des îles, annulé la délibération du 12 novembre 2001 ;
Considérant que l’existence d’un besoin local des populations, qui ne peut être satisfait par les activités privées existantes, permet d’établir l’intérêt local de l’objet d’une délibération par laquelle une collectivité, dans l’exercice des compétences qui lui sont dévolues à cette fin, décide d’une action de soutien à une activité économique ; que la circonstance que les moyens par lesquels l’activité sera assurée soient également utilisés en dehors du territoire de la collectivité, que l’équilibre financier de l’activité résulte de ressources provenant de cet usage extérieur au territoire de la collectivité, ou que des activités similaires soient déjà assurées par des entreprises privées, mais dans des conditions ne permettant pas la satisfaction du besoin local tel qu’il revient à la collectivité de l’apprécier, ne peuvent priver d’intérêt local une telle décision ; que, par suite, en jugeant que le fait que le navire, qui serait utilisé par l’entreprise à laquelle l’assemblée provinciale avait décidé de verser une subvention et accordé un prêt participatif pour assurer la desserte d’îles de la province, créait un chiffre d’affaires résultant majoritairement de dessertes extérieures à celle-ci, et qu’il ne pouvait être constaté de carence de l’initiative privée, dès lors que la desserte d’autres îles était déjà partiellement assurée par une compagnie concurrente, privaient la délibération attaquée d’intérêt local, la cour administrative d’appel de Paris a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; qu’il suit de là que la PROVINCE DES ILES LOYAUTE est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au fond ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Considérant que la seule circonstance que l’intégralité des activités commerciales du caboteur vraquier appartenant à la société Loyautés investissements services (L.I.S.) ne s’exerce pas sur le territoire de la province des Iles Loyauté, dès lors que l’intérêt public d’un soutien au développement économique et au renforcement de la desserte interne des îles Loyauté, qui relève des compétences confiées par le législateur organique à la collectivité provinciale, est établi, est sans incidence sur l’appréciation de l’intérêt provincial qui s’attache à l’octroi d’une aide financière d’incitation à l’investissement sous forme de subvention, dont la proportionnalité au service n’est pas discutée, représentant 10 % de l’investissement et d’un prêt participatif à hauteur de 20 % de l’investissement, permettant à un investisseur privé d’assurer des prestations qui jusqu’alors n’étaient pas proposées sur le territoire de la province des Iles Loyauté ; que, par suite, la PROVINCE DES ILES LOYAUTE est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, après avoir estimé que la subvention versée à la société L.I.S. ne pouvait être regardée comme relevant de l’intérêt provincial, a annulé la délibération du 12 novembre 2001 de l’assemblée de la province des Iles loyauté ;
Considérant, toutefois, qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la Sarl Compagnie maritime des îles devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et la cour administrative d’appel de Paris ;
Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir soulevée par la PROVINCE DES ILES LOYAUTE ;
Considérant, d’une part, qu’il résulte de tout ce qui précède que la Sarl Compagnie maritime des îles n’est pas fondée à soutenir que la délibération par laquelle la PROVINCE DES ILES LOYAUTE a accordé à la SA société Loyauté Investissement Services une aide financière d’incitation à l’investissement pour l’achat d’un caboteur vraquier permettant une amélioration de la desserte des îles de la province, ne ressortissait pas à l’intérêt de la collectivité provinciale, a été incompétemment prise par la PROVINCE DES ILES LOYAUTE ou qu’elle serait entaché d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir ;
Considérant, d’autre part, que la seule circonstance qu’une desserte de transport de voyageurs soit assurée par la Compagnie maritime des îles, n’est pas de nature à faire regarder la délibération en litige comme portant, par elle-même, atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie ; qu’elle ne saurait non plus entacher la délibération de la PROVINCE DES ILES LOYAUTE d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir ; que dès lors ce moyen doit être écarté ;
Considérant, enfin, que si la Compagnie maritime des îles soutient que l’aide apportée par la PROVINCE DES ILES LOYAUTE à la société Loyauté investissements services serait constitutive d’un montage et contraire au code des investissements de Nouvelle-Calédonie, ce moyen, en tout état de cause, n’est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; qu’il y a lieu de l’écarter ;
Considérant qu’il y a lieu de rejeter par voie de conséquence, les conclusions présentées par la Compagnie maritime des îles tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions présentées par la PROVINCE DES ILES LOYAUTE tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge de la Compagnie maritime des îles la somme de 4 500 euros demandées par la PROVINCE DES ILES LOYAUTE au titre des frais exposée par elle devant le Conseil d’Etat, la cour administrative de Paris, et le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris n° 03PA03703 du 3 octobre 2006 et le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 9 mai 2003 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par la Compagnie maritime des îles devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est rejetée.
Article 3 : La Compagnie maritime des îles versera 4 500 euros à la PROVINCE DES ILES LOYAUTE au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la PROVINCE DES ILES LOYAUTE, à la Compagnie maritime des îles, à la société loyauté investissement services et au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.