Chapitre deux- Services publics
Il conviendra de tenter de définir la notion de service public avant d’évoquer les grands principes de son fonctionnement et les modalités selon lesquelles ces activités peuvent être prises en charge.
Section I- Notion de service public
Il est particulièrement malaisé de définir ce qu’est un service public. Il s’agit d’un concept vague dont l’existence même, ou en tout cas les spécificités, sont remises en cause par l’influence grandissante du droit de l’Union européenne.
§I- Difficultés d’appréhension de la notion de service public
Comme on l’a déjà évoqué il existe trois approches possibles de la notion de service public.
Une approche organique qui désigne les agents et les services d’une personne publique qui est en charge d’une mission de service public.
Une approche matérielle qui désigne une activité d’intérêt général prise en charge par l’administration.
Une approche formelle selon laquelle le service public se caractérise par le caractère exorbitant des règles qui lui sont appliquées.
Ces trois approches concordaient à l’époque de l’arrêt Blanco, mais suite à ce qu’on a appelé les « crises » du service public, les éléments matériels et organiques de la définition du service public ont été remis en cause. D’une part, il est aujourd’hui admis qu’une activité de service public peut être prise en charge selon des règles similaires à celles appliquées dans le secteur privé, ce qui a donné naissance à la notion de service public industriel et commercial. D’autre part, il est également acquis qu’une mission de service public peut être prise en charge par une personne privée.
Seule l’approche matérielle demeure donc pertinente pour rendre compte de ce qu’est un service public. Cependant, cette approche matérielle, c’est-à-dire la justification de l’application d’un régime juridique qui est de moins en moins spécifique par le caractère d’intérêt général de l’activité en cause, et donc la notion de service public elle-même, est aujourd’hui remise en cause par une partie de la doctrine. On ne peut en effet que constater que réduire la notion de service public à la notion d’intérêt général aboutit à une impasse, ces deux notions étant aussi imprécises l’une que l’autre.
C’est ce constat qui a conduit M. Truchet à considérer que le service public serait non pas une notion juridique devenue insaisissable mais un simple « label » attribué à certaines autorités par les pouvoirs publics ou par le juge dans les affaires qui lui sont soumises. En d’autres termes, pour reprendre l’expression du président Chenot, le service public relèverait d’une approche « existentialiste » qui rendrait une définition d’ensemble impossible (B. Chenot, La notion de service public dans la jurisprudence économique du Conseil d’Etat : EDCE 1950, p. 77).
§II- Influence du droit de l’Union européenne
La remise en cause de la notion de service public est en partie liée à l’influence du droit de l’Union européenne. Plus précisément est en cause la confrontation du « service public à la française » à la notion de service d’intérêt économique général qui est issue des traités.
Traditionnellement, dans la conception française, le service public est considéré comme un facteur de cohésion sociale. Selon la formule de Léon Duguit la notion de service public désigne « toute activité dont l’accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants, parce que l’accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l’interdépendance sociale, et qu’elle est de telle nature qu’elle ne peut être réalisée complètement que par l’intervention de la force gouvernementale » (Traité de droit constitutionnel, Fontemoing, 2ème éd. 1911, p. 71).
Pour dire les choses simplement, si le service public est traditionnellement considéré comme « hors du marché », le service d’intérêt économique général est conçu « dans le marché » pratiquement sur le même plan que les entreprises privées par le droit de l’Union européenne. Plus précisément, le droit de l’Union européenne fait référence aux services d’intérêt général (SIG) qui sont des services marchands ou non marchands « que les autorités publiques considèrent comme étant d’intérêt général et soumettent à des obligations de service public » (Livre blanc de la Commission européenne du 12 mai 2005). C’est une notion fonctionnelle, ce type de service pouvant être indifféremment pris en charge par une personne publique ou privée. Les services non marchands sont exclus de la logique du marché et ils échappent aux règles de la concurrence. Il s’agit notamment des services régaliens, mais également de l’éducation, de la culture, de la santé ou encore de l’environnent.
A l’opposé, parmi les services d’intérêt général, figurent les services d’intérêt économique général (SIEG) qui concernent « les activités de service marchand remplissant des missions d’intérêt général et soumises de ce fait, par les Etats membres à des obligations spécifiques de service public » (Communication de la commission, 20 septembre 2000). C’est le cas en particulier des services en matière de réseaux de transport, d’énergie, de communication.
Relevons cependant qu’il existe également dans le droit de l’Union européenne une notion de « service universel » qui sous-tend, appliquée dans le secteur des services de réseau, l’idée de mise à disposition des personnes les plus démunies d’un service de qualité mais avec des prestations basiques, à un coût abordable.
Très proches par la nature des activités en cause de la notion de service public, les services d’intérêt économique général sont en principe ouverts à la concurrence. En effet, selon l’article 106-1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne « les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus ».
Toutefois l’article 106-2 prévoit un assouplissement en mentionnant que « les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie ».
La Cour de justice a ainsi considéré que des droits exclusifs conférés à une entreprise en charge d’un service d’intérêt économique général n’étaient pas incompatibles avec les principes susvisés, dès lors qu’ils étaient « nécessaires pour permettre à l’entreprise investie d’une telle mission d’intérêt général d’accomplir celle-ci » (CJCE, 19 mai 1993, affaire numéro C-320/91, Corbeau. – CJCE, 27 avril 1994, affaire numéro C-393/92, Commune d’Almelo) et qu’elles n’affectaient pas le développement des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté (CJCE, 23 octobre 1997, affaire numéro C-158/94, Commission c. Italie. – CJCE, 23 octobre 1997, affaire numéro C-159/94, Commission c. France).
Ces solutions ont manifestement inspiré le Conseil d’Etat à l’occasion d’un arrêt Union nationale des industries de carrières et de matériaux de construction et a. du 20 avril 2003 (requête numéro 244139 : Rec. p.191 ; AJDA 2003, p. 1508, note Frier ; Dr. adm. 2003, 168, note Bazex et Blazy).
Dans cette affaire, les juges considèrent que les activités de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), qui consistent en la réalisation de diagnostics et d’opérations de fouilles d’archéologie préventive, doivent être regardées comme des activités économiques. Malgré son statut d’établissement public à caractère administratif, l’INRAP doit donc être considéré, du fait de l’exercice de telles activités, comme une entreprise au sens de l’art. 86 du Traité instituant la communauté européenne (actuel article 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). Toutefois, les juges considèrent que ces activités relèvent, compte tenu de la nécessité de protéger le patrimoine archéologique à laquelle elles répondent et de la finalité scientifique pour laquelle elles sont entreprises, de missions d’intérêt général. Eu égard aux liens que ces opérations comportent avec l’édiction des prescriptions d’archéologie préventive et le contrôle de leur respect par l’Etat, aux conditions matérielles dans lesquelles elles doivent être entreprises, et au besoin de garantir l’exécution de ces opérations sur l’ensemble du territoire et, en conséquence, de les financer par une redevance assurant une péréquation nationale des dépenses exposées, le législateur pouvait doter l’établissement public national de droits exclusifs en vue de permettre l’accomplissement des missions d’intérêt général.
Section II- Création et suppression des services publics
La création ou la suppression d’un service public résulte nécessairement d’un acte formel d’une autorité publique.
De façon tout à fait exceptionnelle, il est cependant admis que l’administration a la possibilité de transformer des activités privées d’intérêt général en activités de service public. En application de la théorie des services publics virtuels, une autorisation unilatérale donnée à une personne privée pour exercer une activité d’intérêt général sur le domaine public peut ainsi être subordonnée à l’accomplissement de véritables obligations de service public, alors même qu’aucune décision de création expresse du service n’a été prise (CE Sect., 5 mai 1944, Compagnie Maritime de l’Afrique orientale : Rec. p.129 ; D. 1944, jurispr., p. 164, note Chenot ; RDP 1944, p. 236, note Jèze).
Toutefois, cette catégorie de services publics a perdu de son actualité, et il faut donc considérer qu’un acte formel est nécessaire pour créer ou supprimer un service public. Il convient dès lors de déterminer l’autorité compétente pour prendre un tel acte et les conditions selon lesquelles cette compétence peut être exercée.
§I- Autorité compétente
Les règles applicables en la matière varient selon que l’on envisage les services publics au niveau de l’Etat ou au niveau des collectivités territoriales.
I- Autorité compétente au niveau de l’Etat
Avant 1958, la compétence pour créer un service public de caractère national appartenait exclusivement au législateur. Or, désormais, l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 ne vise pas expressément, parmi les matières réservées au Parlement, la création des services publics nationaux.
Cependant, la compétence législative en cette matière résulte indirectement de certaines dispositions constitutionnelles du même article, lorsque celles-ci sont en cause.
Tout d’abord, le législateur est compétent pour fixer les règles concernant « la création de catégories d’établissements publics ». Il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que relèvent d’une même catégorie d’établissements publics, et ne constituent donc pas deux catégories distinctes, les établissements publics qui ont un même rattachement territorial et qui exercent une mission analogue.
Exemples :
–CC, 25 juillet 1979, Nature juridique des dispositions des articles L. 330-1 à L. 330-9 du Code du travail relatifs à l’Agence nationale pour l’emploi (numéro 79-108 DC : Rec. CC. p.45) : l’ANPE entre dans une catégorie déjà représentée par l’Office national d’immigration (ONI actuellement dénommé Office des migrations internationales). En effet, ces deux établissements publics sont rattachés à l’Etat et ont pour mission d’agir sur le marché de l’emploi. Par conséquent, c’est au pouvoir règlementaire qu’il appartient de décider de la création de l’ANPE.
–Conseil d´Etat, 2ème et 6ème SSR, 29 juillet 1994, CAMIF, requête numéro 130503: : eu égard à son objet, à la nature de ses activités et aux règles de tutelle auxquelles cet établissement est soumis, l’Union de groupement des achats publics (UGAP) est comparable à l’Economat des armées, établissement public industriel et commercial créé par la loi n° 59-869 du 22 juillet 1959 et chargé, sous la tutelle de l’Etat, de l’approvisionnement en denrées et fournitures des corps de troupe. Ne constituant pas à elle seule une catégorie d’établissements publics, l’UGAP pouvait être créée par le décret n°85-801 du 30 juillet 1985.
Il résulte également de l’article 34 de la Constitution que la loi fixe les règles concernant « les nationalisations d’entreprises ».
Enfin, toujours en application du même article, la loi détermine les principes fondamentaux de « l’organisation générale de la défense nationale », de « l’enseignement » et de « la sécurité sociale ». On peut en déduire que la création de services publics relevant de ces trois domaines relève du législateur.
Une fois que le service public a été créé par le législateur, celui-ci est également compétent pour en déterminer les modalités d’organisation. Toutefois, le pouvoir règlementaire dispose d’une certaine marge de manœuvre en la matière.
En effet, d’une part, le législateur peut laisser au pouvoir règlementaire le soin de définir des règles d’organisation du service, à condition toutefois qu’il ne soit pas porté atteinte à « des règles de nature législative » (CE, 17 décembre 1997, requête numéro 181611, Ordre des avocats à la Cour de Paris , préc.).
D’autre part, en vertu de la jurisprudence Jamart, les chefs de service disposent d’un pouvoir règlementaire autonome qui leur permet de prendre des mesures d’organisation des services dont ils ont la charge (CE Sect., 7 février 1936, préc.).
Enfin, en application de la règle de parallélisme des compétentes, l’autorité qui a pris la décision de créer un service public peut également le supprimer, si elle respecte un certain nombre de conditions que l’on verra plus loin.
II- Autorité compétente au niveau des collectivités territoriales
Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales sont compétentes pour créer les services publics propres à satisfaire, dans la limite des compétences attribuées à ces collectivités, les besoins de la population. Rappelons simplement que depuis l’entrée en vigueur de la loi NOTRe n°2015-991 du 7 août 2015, les départements et les régions, à la différence des communes, ne disposent plus d’une clause générale de compétence. Les départements et les régions ont une compétence d’attribution déterminée par les textes, ce qui ne doit toutefois pas conduire à considérer, particulièrement pour les régions, que cette évolution marque un reflux de leurs compétences. En outre, si les communes bénéficient bien d’une clause de compétence générale, la portée de cette clause est triplement limitée : par le législateur qui peut réserver l’exercice de certaines compétences à d’autres niveaux de collectivités territoriales, par les moyens financiers plus ou moins importants dont dispose la commune, mais également par le fait que de nombreuses compétences qui lui appartenait à l’origine ont été transférées à l’EPCI à fiscalité directe dont elle est membre.
§II- Droit à la création et au maintien des services publics
Des règles différentes s’appliquent selon que le service public considéré présente un caractère obligatoire ou seulement facultatif.
I- Services publics obligatoires
Les administrés ont le droit à la création ou au maintien des services publics dont l’existence est prévue par un texte.
C’est le cas, en particulier, pour les services publics visés par les lois de décentralisation. Ainsi, notamment, la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a transféré de nombreux services publics autrefois à la charge de l’Etat, aux régions, aux départements et aux communes.
Exemples :
– Les départements ont en charge le service public de la construction et de l’entretien de la voirie départementale (CGCT art. L. 3321-1, 16°).
– Les régions ont pour mission de créer et d’assurer le fonctionnement des lycées et des établissements d’éducation spécialisée (Code de l’éducation, art. L. 214-6).
De même, comme l’a précisé le Conseil constitutionnel dans sa décision des 25-26 juin 1986, Loi autorisant le gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social, « la nécessité de certains services publics nationaux découle de principes ou de règles de valeur constitutionnelle » (numéro 86-207 DC : Rec. CC, p. 61 ; JO 27 juin 1986, p. 7978 ; AJDA 1986, p.575, note Rivero).
Il en résulte que le législateur ne peut porter atteinte à l’existence de ces services publics constitutionnels.
Exemples :
– L’existence des services de police et de gendarmerie peut être reliée aux dispositions de l’article 12 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen selon lequel « la garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique ».
– L’existence d’un enseignement public trouve son fondement à l’alinéa 13 du Préambule de la Constitution de 1946 qui prévoit que « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».
A côté des services publics constitutionnels, il existe un certain nombre de services publics nationaux dont l’existence « est laissée à l’appréciation du législateur ou de l’autorité règlementaire selon les cas » (CC., 25-26 juin 1986, Loi autorisant le gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social, préc.). Il en résulte que « le fait qu’une activité ait été érigée en service public par le législateur sans que la Constitution l’ait exigé ne fait pas obstacle à ce que cette activité fasse, comme l’entreprise qui en est chargée, l’objet d’un transfert au secteur privé » (Ibid.). Toutefois, les dispositions de l’alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946 qui imposent que « tout bien ou toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national … doit devenir la propriété de la collectivité », impliquent que les services publics nationaux ne peuvent être transférés au secteur privé qu’après qu’il leur a été enlevé leurs caractéristiques de service public national.
Il est à noter toutefois que la notion de service public national est appréciée de façon assez stricte par la jurisprudence. Ainsi, dans un arrêt de Section de 27 septembre 2006, Bayrou et Association des usagers des autoroutes publiques de France et a. (requête numéro 290716 : AJDA 2006, p. 2056, chron. Landais et Lenica ; Contrats-marchés publ. 2006, 303, note Eckert ; Dr. adm. 2006, p. 22, note Glaser ; RFDA. 2006, p. 1147, concl. Glaser et note de Bellescize, p. 1163), le Conseil d’Etat a considéré que « l’exploitation d’une entreprise ne peut avoir les caractères d’un service public national … que si elle est exercée à l’échelon national ». Or, aucune des sociétés chargées de la construction et de l’exploitation de réseaux autoroutiers ne s’est vu attribuer de concession, à l’échelon national, pour l’ensemble des autoroutes (et cela alors même que le réseau d’autoroute innerve l’ensemble du territoire national). Il en résulte que l’exploitation des concessions autoroutières n’est pas un service public national.
II- Services publics facultatifs
On envisagera la question de la création des services publics facultatifs avant d’évoquer celle de leur suppression.
A- Création des services publics facultatifs
L’Etat, ainsi que les collectivités territoriales, peuvent créer un service public doit l’existence n’est rendue obligatoire ni par des dispositions constitutionnelles ni par des dispositions législatives. Cette création est toutefois remise en cause pour les régions et les départements par la suppression de la clause générale opérée par la loi NOTRe du 7 août 2015.
La création de ces services publics facultatifs résulte donc, essentiellement, d’un choix politique dont l’exercice est cependant entouré d’un certain nombre de garanties.
Comme on l’a déjà souligné, la création de ces services publics doit d’abord donner lieu à un acte formel, qu’il s’agisse d’une loi ou d’un acte administratif.
Il résulte ensuite de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que « s’il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, (c’est à) condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi» (CC, 16 janvier 2001, numéro 2000-439 DC, Loi relative à l’archéologie préventive : Rec. CC., p. 42 ; JO 18 janvier 2001, p. 931 ; AJDA 2001, p.182, note Frier ; LPA 12 février 2001, p 18, note Schoettl ; RDP 2001 p.947, note Rueda). Cette formule tranche de façon assez nette avec la jurisprudence antérieure qui était moins protectrice de la liberté d’entreprendre.
Lorsqu’est en cause un acte administratif qui porte création d’un service public facultatif, les juges vérifient que cette création ne porte pas atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie.
Il est toutefois admis que « la liberté du commerce et de l’industrie ne fait pas obstacle à ce que l’Etat (ou une collectivité territoriale) satisfasse, par ses propres moyens, aux besoins de ses services » (CE, 29 avril 1970, Unipain : RDP 1970, p. 1423, note Waline.- CE Ass., 26 octobre 2011, requête numéro 317827, Association pour la promotion de l’image : Rec. p. 506, concl. Boucher ; AJDA 2012, p. 35, chron. Guyomar et Domino ; Dr. adm. 2012, 1, note Tchen). Dans l’affaire « Unipain », le Conseil d’Etat décide qu’est légale l’extension de la fourniture de pain par une boulangerie militaire à des établissements pénitentiaires, cette décision, motivée par des raisons d’économie, étant conforme à l’intérêt général.
De même, ces collectivités peuvent prendre en charge des activités qui constituent le complément normal d’un service public administratif.
Exemple :
– CE Sect., 17 octobre 1997, requête numéro 181611, Ordre des avocats à la Cour d’appel de Paris (préc.) : le pouvoir règlementaire est compétent pour organiser un service public de diffusion des données publiques en complément de son action de production de ces données.
Ces exceptions mises à part, les personnes publiques n’ont pas la possibilité d’instituer des services publics à vocation industrielle et commerciale susceptibles de concurrencer des entreprises privées.
Ainsi, il résulte des règles définies par le Conseil d’Etat à l’occasion de l’arrêt de Section du 30 mai 1930 Chambre syndicale du commerce de Nevers (Rec. p.583 ; RDP 1930, p.530, concl. Josse ; S. 1931, III, p.73, concl. Josse, note Alibert), que l’intervention des collectivités publiques est possible si deux conditions cumulatives sont réunies : il est nécessaire que soit constatée une carence de l’initiative privée et que l’intervention de la collectivité publique présente un intérêt général.
Si les conditions posées par cet arrêt sont aujourd’hui appréciées de façon plutôt favorable à l’action des collectivités territoriales, la mise en œuvre de ces principes donne lieu à une jurisprudence contrastée.
Exemples :
– CE, 4 juillet 1984, requête numéro 20046, Département de la Meuse c. Poilera (RFDA 1985, p. 58, obs. Douence ; RDP 1985, p. 199, note de Soto) : les circonstances locales ne justifient pas, en l’espèce, la création, par un conseil général, d’une caisse départementale des incendies.
– CAA Nancy, 17 mai 2001, requête numéro 96NC03097, Fédération départementale de l’industrie hôtelière des Vosges : est légale, compte tenu de la carence de l’initiative privée, la délibération d’un conseil municipal décidant de l’exploitation en régie d’une cafétéria située dans un centre de loisirs communal.
Par ailleurs, sous l’influence directe du droit de l’Union européenne, qui ignore largement la notion de « service public à la française », la nature des restrictions à l’activité économique des personnes morales de droit public a évolué. A l’époque de l’arrêt Chambre syndicale du commerce de Nevers, Raphael Alibert pouvait évoquer le principe « d’inactivité commerciale » des collectivités territoriales, assortie d’exceptions qui se sont par la suite multipliées. Aujourd’hui, si l’exigence d’un intérêt public local est toujours requise, les collectivités territoriales peuvent agir plus largement sur le terrain des activités industrielles et commerciales, mais en respectant les principes du droit de la concurrence, et notamment le principe d’égalité.
Cette évolution est précisément exposée par le Conseil d’Etat dans son arrêt d’Assemblée du 31 mai 2006, Ordre des avocats du barreau de Paris (Conseil d´Etat, 31 mai 2006, Ordre des avocats du barreau de Paris, requête numéro 275331 : JCP A 2006, 1133, note Linditch ; Contrats-Marchés publ. 2006, 2002, note Eckert ; AJDA 2006, p. 1592, chron. Landais et Lenica ; Dr. Adm. 2006, 129, note Bazex ; Concurrences 2006, p. 167, obs. du Marais ; BJCP 2006, p. 295, note Casas ; JCP E 2006, 2127 ; JCP G 2006, act. 277 et IV, 2390) : « pour intervenir sur un marché (les collectivités publiques) doivent, non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d’un intérêt public, lequel peut résulter notamment de la carence de l’initiative privée ; qu’une fois admise dans son principe, une telle intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu’en raison de la situation particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres opérateurs agissant sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur celui-ci ». Deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt. Tout d’abord, l’initiative des collectivités territoriales en matière d’activités industrielles et commerciales est toujours bridée par l’existence d’un intérêt public local, même si celui-ci est assez largement conçu. Ensuite, la carence de l’initiative privée – qui était une condition de cette intervention dans la jurisprudence Chambre syndicale du commerce de Nevers – n’est plus envisagée que comme un élément, parmi d’autres, de l’intérêt public.
Ainsi, l’existence d’un « intérêt public » suffit à lui seul à justifier l’intervention de la collectivité, que cet intérêt réside ou non d’une réponse à la carence de l’initiative privée, mais à condition de respecter le droit de la concurrence.
Exemples :
– Conseil d´Etat, 18 mai 2005, Territoire de la Polynésie française, requête numéro 254199(AJDA 2005, p.2130, note Nicinski ; RLCT 2006, n°6, p.50, obs. Clamour) : l’intérêt public justifiant l’intervention économique d’une collectivité publique peut s’apprécier au regard des besoins futurs de développement de cette collectivité. En l’espèce, la bonne desserte aérienne de la Polynésie française, indispensable à ses relations avec le reste du monde et à son développement, constitue un intérêt public local qui peut s’apprécier au regard des besoins futurs du développement touristique du territoire.
– Conseil d´Etat, 3 mars 2010, Département de la Corrèze, requête numéro 306911 (AJDA 2010, p. 957, concl. Boulouis et p. 1251, note Glaser ; Dr. adm. 2010, 73) : le service de téléassistance aux personnes âgées et handicapées créé par un département dans le cadre de son action en matière d’aide sociale, a pour objet de permettre à toutes les personnes âgées ou dépendantes du département, indépendamment de leurs ressources, de pouvoir bénéficier d’une téléassistance pour faciliter leur maintien à domicile. Même si des sociétés privées offrent des prestations de téléassistance, la création de ce service, ouvert à toutes les personnes âgées ou dépendantes du département, indépendamment de leurs ressources, satisfait aux besoins de la population et répond à un intérêt public local. Par suite, cette création n’a pas porté une atteinte illégale au principe de liberté du commerce et de l’industrie.
Par ailleurs, dans un arrêt Province des îles de Loyauté du 20 octobre 2010 (Conseil d´Etat, 20 octobre 2010, Province des Iles de Loyauté, requête numéro 300347 : JCP A 2011, 2037, note Markus), le Conseil d’Etat a considéré qu’un intérêt public pouvait être reconnu alors même que la collectivité territoriale en cause exerce une partie essentielle d’une activité de fret maritime en dehors de son territoire. Plus précisément, dans la même approche libérale que celle de l’arrêt Ordre des avocats du barreau de Paris, le Conseil d’Etat a considéré que « la circonstance que les moyens par lesquels l’activité sera assurée soient également utilisés en dehors du territoire de la collectivité, que l’équilibre financier de l’activité résulte de ressources provenant de cet usage extérieur au territoire de la collectivité, ou que des activités similaires soient déjà assurées par des entreprises privées, mais dans des conditions ne permettant pas la satisfaction du besoin local tel qu’il revient à la collectivité de l’apprécier, ne peuvent priver d’intérêt local une telle décision ».
B- Suppression des services publics facultatifs
Comme en matière de création des services publics facultatifs, les collectivités publiques disposent en la matière d’un pouvoir discrétionnaire. Les usagers n’ont par conséquent aucun droit acquis au maintien de ces services publics (CE Sect., 18 mars 1977, requête numéro 97939, requête numéro 97940, requête numéro 97941, Chambre de commerce et d’industrie de la Rochelle et a. : Rec. p. 153, concl. Massot).
L’absence d’utilité d’un service public, mais également une rentabilité insuffisante, peuvent ainsi justifier la décision portant suppression de ce service public.
Exemple :
– CAA Lyon, 22 novembre 1994, requête numéro 93LY00730, SARL Etablissement Dessert (Quinzaine jur. 1995, n° 58, p.2) : une collectivité publique peut décider de supprimer un abattoir public qui n’est plus rentable.
En vertu de la règle du parallélisme des compétences, la décision de supprimer un service public facultatif appartient à l’autorité qui l’a créé. Les juges n’exercent qu’un contrôle restreint sur les décisions de suppression d’un service public, qui est limité au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation (CE, 16 janvier 1991, requête numéro 116212, requête numéro 116224, Fédération nationale des associations d’usagers des transports : Rec. p. 14 ; CJEG 1991, p. 279, note Lachaume).
Section III – Principes régissant le fonctionnement des services publics
Ces différents principes sont généralement dénommés les « lois de Rolland », du nom de l’auteur qui est réputé les avoir dégagés dans les années 1930 (Cours de DES, 1934). On regroupe sous cette appellation les principes de continuité, de mutabilité, d’égalité.
Ces principes recoupent en partie ceux visés par l’article 1er du protocole numéro 26 annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui précise que « les valeurs communes de l’Union concernant les services d’intérêt économique général au sens de l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne comprennent notamment … un niveau élevé de qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs ».
§I- Continuité du service public
Il s’agit du seul principe que Louis Rolland a expressément qualifié de « loi du service public ». A l’origine, ce principe est particulièrement important et il a permis notamment d’exclure le droit de grève dans les services publics. Par la suite, le droit de grève a acquis une importance réelle, et ce développement a amené la jurisprudence à concilier ce droit et le principe de continuité du service public.
I- Rapports entre le principe de continuité et le droit de grève
A l’origine le principe de continuité exclut la possibilité de l’exercice du droit de grève dans les services publics. Par la suite ces deux principes ont dû être conciliés.
A- Exclusion initiale du droit de grève
L’exclusion du droit de grève dans les services publics résulte de l’arrêt Winkell du 7 août 1909 (Rec. p.826 et 1296, concl. Tardieu ; S. 1909, III, p.145, concl. Tardieu, note Hauriou ; RDP 1909, p.494, note Jèze). Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a estimé que l’agent qui se met en grève s’exclut de lui-même du service et, par voie de conséquence, du bénéfice des garanties disciplinaires. En l’espèce, le requérant n’était donc pas recevable à contester son licenciement qui avait pourtant été prononcé sans que lui ait été communiqué au préalable son dossier, comme l’exigeait la loi du 22 avril 1905.
Comme l’écrivait à l’époque Duguit, la grève était considérée, ni plus ni moins, comme « un crime » contre le service public (Traité de droit constitutionnel, t. 3, de Boccard 1927, p. 221). Sur le même thème Hauriou estimait que « le droit de grève c’est le droit de guerre privé ». Les faits de grève sont « des faits révolutionnaires, des faits de guerre ». En conséquence le gouvernement peut utiliser « le droit de la guerre » et user de « représailles » contre les grévistes (note sur CE, 7 août 1909, Winkell, préc.).
Cette jurisprudence a ensuite été consacrée par la loi du 14 septembre 1941 portant statut des fonctionnaires, ce qui n’est guère surprenant. Toutefois, cette loi vichyste a été déclarée nulle par l’ordonnance du 9 août 1944 portant rétablissement de la légalité républicaine.
B- Conciliation entre droit de grève et principe de continuité
La position initiale du Conseil d’Etat pouvait s’expliquer par le fait que, jusqu’à une époque récente, il n’existait aucune consécration constitutionnelle du droit de grève.
Cette situation a changé avec le Préambule de la Constitution de 1946 dont l’alinéa 7 prévoit que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le règlementent ». Ainsi, le droit de grève est reconnu et les auteurs du Préambule de la Constitution invitent le législateur à le règlementer.
Or, si la loi du 19 octobre 1946 relative au statut des fonctionnaires reconnaissait le droit syndical dans la fonction publique, elle demeurait muette sur la question du droit de grève.
Le Conseil d’Etat a été amené à statuer sur ce problème à l’occasion de l’arrêt d’Assemblée Dehaene du 7 juillet 1950 (préc.).
Rappelons qu’à cette occasion le Conseil d’Etat a d’abord considéré que le Préambule de la Constitution de 1946, et donc les principes qu’il contient, a une valeur constitutionnelle. Plus tard, le Conseil constitutionnel qualifiera également la grève de principe à valeur constitutionnelle (Cons const., 28 juillet 1987, numéro 87-230 DC, Loi portant diverses mesures d’ordre social : RFDA 1987, p. 807, note Genevois).
Dans l’arrêt Dehaene, les juges interprètent les dispositions susvisées comme une invitation faite par les rédacteurs de la Constitution au législateur en vue que celui-ci « opère la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue une modalité et la sauvegarde de l’intérêt général auquel elle peut être de nature à porter atteinte ».
Ainsi, le principe de continuité n’exclut plus l’exercice du droit de grève. Il s’agit désormais de concilier ces deux notions.
En cas d’absence de cadre législatif, les juges précisent qu’il appartient au gouvernement de « fixer la nature et la limitation qui doivent être apportées à ce droit … en vue d’en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public ». Ainsi, en l’espèce, le gouvernement pouvait légalement faire interdire et réprimer la participation des chefs de bureau de préfecture à une grève, ce mouvement portant « une atteinte grave à l’ordre public ».
Il est à noter que si la loi n° 63-777 du 31 juillet 1963 modifiée relative à certaines modalités de la grève dans les services publics et codifiée aux articles L. 2512-1 et suivants du Code du travail a apporté un certain nombre de précisions sur les conditions d’exercice du droit de grève, le Conseil d’Etat considère que ce texte ne saurait « comme l’indique d’ailleurs son exposé des motifs constituer à (lui seul) l’ensemble de la règlementation du droit de grève annoncée par la Constitution » (CE, 4 février 1966, Syndicat national des fonctionnaires et agents du groupement des contrôles Radio-Electriques, Paul et Longin : Rec. p. 80 ; CJEG 1966, p. 121, concl. Bertrand ; D. 1966, jurispr., p. 720, note Gilli ; JCP G 1966, II, 14802, note Debbasch ; RDP 1966, p. 324, concl. Bertrand). De fait, ce texte se borne à imposer le dépôt d’un préavis de grève et à interdire les grèves tournantes et les grèves surprise. Plus récemment, le Conseil d’Etat a rappelé, à propos de la loi n°2007-1224 du 21 août 2007 concernant les transports terrestres réguliers de voyageurs que « en l’absence de la complète législation annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d’en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public » (CE, 11 juin 2010, requête numéro 333262, Syndicat Sud-RATP : Rec. tables, p. 606 ; AJDA 2010, p. 1719, concl. Lenica ; JCP A 2011, 2218, note Terrien ; RJEP 2010, 60, concl. Lenica). Le dispositif organisé par cette loi a ensuite inspiré le dispositif de la loi n° 2012-375 du 19 mars 2012 relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers.
Il faut aussi relever qu’il n’appartient pas aux ministres de préciser les modalités d’exercice du droit de grève dans les établissements placés sous leur tutelle (CE, 1er décembre 2004, requête numéro 260551, Onesto : Droit adm. 2005, 19, note Lombard). En effet, cette compétence n’appartient qu’aux seuls dirigeants de l’établissement public concerné. La même solution s’applique, en l’absence de loi, aux organes dirigeants des personnes privées chargée d’une mission de service public, en vertu de leurs pouvoirs généraux d’organisation des servicesCE Ass., 12 avril 2013, requête numéro 329570, requête numéro 329683, requête numéro 330539, requête numéro 330847, Fédération FO énergie et mines et a., préc.
Dans le même ordre d’idées, le Conseil constitutionnel a récemment validé une limitation au droit de grève de certains opérateurs privés dans le secteur de la distribution de produits pétroliers, au regard de l’objectif de préservation de l’ordre public économique à l’occasion d’une décision du 11 décembre 2015 rendue dans le cadre de la procédure de QPC (CC, 11 décembre 2015, numéro 2015-507 QPC : Dr. adm. 2016, 16, note Boda). Cette décision portait sur l’article L. 671-2 du Code de l’énergie qui prévoit qu’un plan de prévention des ruptures d’approvisionnement de produits pétroliers est établi dans certains collectivités territoriales de l’outre-mer. Contrairement à l’hypothèse visée par l’arrêt du 12 avril 2013, il ne s’agissait donc pas de transposer la logique de l’arrêt Dehaene dans un service public géré par une personne privée, mais dans une activité purement privée.
En termes d’exercice du pouvoir de réglementation du droit de grève, le Conseil d’Etat est allé encore plus loin dans la logique de l’arrêt Dehaene à l’occasion des arrêts Hotz et Fédération nationale des syndicats du personnel des industries de l’énergie électrique, nucléaire et gazière du 17 mars 1997 (requête numéro 123912, requête numéro 160684 : AJDA 1997, II, p. 533, note Bellanger et Darcy ; JCP G, IV, 2089 et 2090, obs. Rouault ; Dr. adm. 1997, 209).
Dans l’affaire Hotz, par exemple, le Conseil d’Etat était saisi d’un recours dirigé contre une décision du directeur de la production et du transport d’EDF fixant les modalités de retenue sur salaires en cas de grève des agents de conduite des centrales thermiques ou nucléaires. Le Conseil d’Etat rappelle, tout d’abord, les principes de l’arrêt Dehaene, c’est-à-dire la possibilité pour le gouvernement de prendre une mesure de règlementation du droit de grève en cas de silence du législateur. Cependant, en l’espèce, le gouvernement n’était pas non plus intervenu. Le Conseil d’Etat se réfère alors implicitement à la jurisprudence Jamart (CE Sect., 7 février 1936, préc.), dont l’arrêt Dehaene constitue d’ailleurs une application. Il estime, en effet, que les principes de la jurisprudence Dehaene ne font pas obstacle à ce que les organes chargés de la direction d’un établissement public, agissant en vertu des pouvoirs généraux d’organisation des services placés sous leur autorité, règlementent le droit de grève en vue d’éviter qu’il en soit fait un usage abusif. Par conséquent, le Conseil d’Etat admet que de simples chefs de services peuvent règlementer le droit de grève. Cette solution avait déjà été retenue auparavant pour les directeurs d’administration centrale (CE Sect., 18 janvier 1962, Bernardet : Rec. p. 49 ; D. 1962, jurispr. p. 202, note Leclercq) et les organes exécutifs des collectivités territoriales (CE, 9 juillet 1965, Pouzenc : Rec. p. 421 ; D. 1966, jurispr. p. 720, note Gilli ; JCP G 1967, II, 15058, note Sinay). Le considérant de principe qui figure dans l’arrêt Dehaene a été modifié : là où l’arrêt Dehaene se réfère à la compétence du gouvernement pour réglementer le droit de grève, l’arrêt Fédération FO énergie et mines et a. du 12 novembre 2013 (préc.) vise la compétence de « l’autorité administrative responsable du bon fonctionnement d’un service public ». Dans les arrêts du 17 mars 1997, le Conseil d’Etat va même plus loin puisqu’en l’espèce, ce n’est pas le directeur général d’EDF qui avait pris la mesure contestée, mais, sur délégation, le directeur de la production et du transport.
Il faut enfin relever que la jurisprudence du Conseil d’Etat a été reprise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juillet 1979, Loi modifiant les dispositions de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail (numéro 79-105 DC : Rec. CC. p.33 ; Droit soc. 1980, p.7, note Leymarie et p.440, note Turpin ; Rev. adm. de l’est de la France 1980, p.87, note Jarnevic ; D. 1980, p.101, note Paillet et p.333, note Hamon ; AJDA 1980, p.191, note Legrand ; RDP 1979, p.1705, note Favoreu ; JCP 1981, II, 19547).
Le Conseil constitutionnel reprend ici presque exactement les termes de l’arrêt Dehaene pour poser un principe de conciliation entre la continuité du service public et le droit de grève. En l’espèce, il censure des dispositions de la loi déférée qui permettaient aux présidents des organismes concernés de requérir du personnel en vue d’assurer un service normal. Le Conseil constitutionnel a estimé que ces dispositions faisaient obstacle au droit de grève, dont l’utilisation n’aurait plus été efficace. Pour les juges, en effet, une telle interdiction ne pouvait être prévue que pour les agents dont la présence est indispensable en vue d’assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays.
II- Mise en œuvre de la conciliation
En fonction du service public considéré, et des impératifs liés à la continuité de ce service, l’exercice du droit de grève peut être plus ou moins limité. Le législateur a également prévu la possibilité, pour certains services publics, d’instaurer un service minimum ou d’autres aménagements au droit de grève, et certaines modalités d’exercice du droit de grève sont interdites.
A- Relativité du rapport entre droit de grève et principe de continuité
Selon le service public en cause, les impératifs de continuité du service public seront plus ou moins limitatifs de l’exercice du droit de grève.
Dans certains cas, la nature du service exercé justifie une interdiction totale par le législateur du droit de grève. Cette interdiction concerne, par exemple, les militaires, les policiers, les magistrats ou encore les agents chargés du contrôle et de la protection des matières nucléaires.
Dans le silence de la loi, en application de la jurisprudence Dehaene, et toujours dans l’hypothèse où la nature du service le justifie, le Gouvernement est compétent pour prendre une mesure d’interdiction du droit de grève.
Exemple :
– CE Ass., 23 octobre 1964, Fédération des syndicats chrétiens de cheminots (Rec. p.484) : le Conseil d’Etat estime qu’est légale une décision gouvernementale refusant le droit de grève aux gardiens de passages à niveaux.
Toutefois, le juge censure de telles interdictions lorsqu’il apparaît que l’intérêt général pouvait être préservé par des mesures moins rigoureuses qu’une interdiction pure et simple.
Exemples :
– CE, 4 février 1981, requête numéro 211731, Fédération CFTC des personnels de l’environnement (AJDA 1981, p. 543, obs. S.S) : une grève des agents chargés de la manœuvre des écluses de la section internationale de la Moselle ne mettrait pas nécessairement en péril, quels qu’en soient les motifs, la date et la durée, soit la conservation des installations et des matériels, soit le fonctionnement d’un service dont la continuité est indispensable à l’action gouvernementale ou à l’ordre public. Ainsi, en interdisant le droit de grève à ceux de ces agents placés sous son autorité, le chef du service de la navigation de Nancy a outrepassé les limites qui peuvent être apportées au droit de grève de ceux-ci.
– CE, 9 décembre 2003, requête numéro 262186, Aiguillon (Rec. p.497 ; Dr. soc. 2004, p. 172, concl. Stahl ; JCP A 2004, 1054, obs. Moreau et 1096, obs. Maillard Desgrées du Loû) : si le préfet, dans le cadre des pouvoirs qu’il tient du 4° de l’article L. 2215-1 du Code général des collectivités territoriales, peut légalement requérir les agents en grève d’un établissement de santé dans le but d’assurer le maintien d’un effectif suffisant pour garantir la sécurité des patients et la continuité des soins, il ne peut toutefois prendre que les mesures imposées par l’urgence et proportionnées aux nécessités de l’ordre public, au nombre desquelles figurent les impératifs de santé publique.
– CE, ord. réf., 27 octobre 2010, requête numéro 343966, Fédération nationale des industries chimiques et a. (Dr. Adm. 2010, 157, obs. Andreani) : le préfet peut légalement, sur le fondement de l’article L. 2215-1 4° du Code général des collectivités territoriales, requérir des salariés en grève d’une entreprise privée dont l’activité présente une importance particulière pour le maintien de l’activité économique, la satisfaction des besoins essentiels de la population ou le fonctionnement des services publics, lorsque les perturbations résultant de la grève créent une menace pour l’ordre public. Il ne peut toutefois prendre que les mesures nécessaires, imposées par l’urgence et proportionnées aux nécessités de l’ordre public. En l’espèce, la réquisition de salariés d’un dépôt pétrolier géré par une entreprise privée est justifiée, entre autres, par l’épuisement des stocks de carburant aérien de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, l’incapacité de l’aéroport à alimenter les avions en carburant aérien pouvant conduire au blocage de nombreux passagers, notamment en correspondance, et menacer la sécurité aérienne en cas d’erreur de calcul des réserves d’un avion. Le préfet, après avoir indiqué les motifs de la réquisition, sa durée, les prestations requises, les effectifs requis ainsi que leur répartition, a laissé à l’exploitant de l’établissement le soin d’en gérer l’activité dans ces conditions. Cette circonstance ne constitue pas, selon le juge des référés, une illégalité manifeste au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative.
B- Organisation d’un service minimum et autres aménagements
Le législateur organise fréquemment un service minimum en vue de concilier le droit de grève et les intérêts généraux auxquels ce droit est susceptible de porter atteinte.
Ainsi, la loi n°84-1286 du 31 décembre 1984 organise un service minimum dans les services de la navigation aérienne.
De même, la loi n°2007-1224 du 12 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs prévoit, quant à elle, qu’en cas de grève, l’employeur définit un « plan de prévisibilité » dans lequel il est précisé que « les salariés informent, au plus tard 48 heures avant de participer à la grève, le chef d’entreprise de leur intention d’y participer ». Ainsi, cette loi met en place une obligation de déclaration individuelle en vue de participer à une grève. Dans un arrêt du 19 mai 2008, Syndicat SUD RATP (requête numéro 312329 : AJDA 2008, p.1718, note Chifflot ; RJEP 2008, 32, concl. Lenica ; JCP A 2008, act. 492) le Conseil d’Etat a estimé que ces dispositions devaient être interprétées comme établissant l’obligation, pour le salarié, de déclarer au chef d’entreprise son intention de participer à la grève au moins 48 heures avant d’y participer lui-même. Est ainsi censurée l’interprétation de la RATP selon laquelle la déclaration préalable devait être faite 48 heures avant le début de la grève fixé par le préavis ou, pour les agents n’étant pas en service le premier jour de grève, 48 heures avant la date de reprise effective de leur service.
Dans le silence de la loi, en application de la jurisprudence Dehaene, le gouvernement, et subsidiairement les ministres et les autres chefs de service, sont compétents pour organiser un service minimum.
Exemple :
– CE, 30 novembre 1998, requête numéro 183359, Rosenblatt et a. : le directeur d’un centre hospitalier est compétent pour prévoir, en cas de grève d’une durée illimitée des infirmiers spécialisés en anesthésie et réanimation, un tableau du service minimum.
Relève également de la règlementation du droit de grève l’exercice d’un droit de réquisition.
En particulier, l’article L. 2215-1 du Code général des collectivités territoriales permet au préfet, dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative générale de « réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien (…) ». A l’occasion d’une ordonnance du 9 décembre 2003, Aguillon (requête numéro 262186, préc.), le juge des référés du Conseil d’Etat a estimé que ce pouvoir de réquisition pouvait être exercé à l’égard de grévistes. Dans une autre ordonnance du 27 octobre 2010, Fédération nationale des industries chimiques (requête numéro 343966 : Dr. Adm. 2010, 157, obs. Andreani.- JCP S 2011, 1033, note Martinon) le même juge des référés a précisé que l’autorité compétente pouvait également requérir « les salariés en grève d’une entreprise privée dont l’activité présente une importance particulière pour le maintien de l’activité économique, la satisfaction des besoins essentiels de la population ou le fonctionnement des services publics, lorsque les perturbations résultant de la grève créent une menace pour l’ordre public ». Au regard de ces conditions, le juge a considéré, comme on l’a vu, qu’était légale la réquisition d’une partie du personnel gréviste d’une raffinerie pour prévenir un risque de pénurie totale de carburant aérien, en l’absence d’autres solutions disponibles et plus efficaces. Le personnel requis était limité aux équipes de quart nécessaires, notamment pour des raisons de sécurité, à l’accomplissement des fonctions de livraison de carburant aérien, de traitement du kérosène et de livraison d’essence et de gazole correspondant aux nécessités de l’ordre public. La détermination de l’effectif des salariés requis n’était donc pas entachée d’une illégalité manifeste, alors même que ces salariés, eu égard à leurs fonctions, représenteraient l’essentiel des salariés grévistes.
Enfin, pour ce qui concerne les écoles maternelles et primaires, la loi n° 2008-790 du 20 août 2008 créée un droit d’accueil au profit des élèves (Code l’éducation, art. L. 133-2 à L. 133-12). Il résulte notamment de cette loi que les communes doivent mettre en place le service d’accueil dès lors que le nombre des personnes qui ont déclaré leur intention de participer à la grève est égal ou supérieur à 25 % du nombre de personnes qui exercent des fonctions d’enseignement dans cette école. Pour l’organisation de ce service public, qui est complémentaire du service public de l’éducation, l’Etat verse aux communes une compensation financière. Il a été jugé qu’une commune ne pouvait utilement se prévaloir des difficultés éventuelles d’organisation du dispositif d’accueil, ni de l’absence de volontaires au sein des services municipaux pour assurer le dispositif d’accueil (CAA Lyon, 1er avril 2010, requête numéro 09LY01396, Préfet du Puy-de-Dôme. – V. également CAA Versailles, 25 février 2010, requête numéro 09VE01541, Commune de Plessis-Paté. – CAA Douai, 11 mars 2010, requête numéro 09DA00485, Commune de Venizel).
C- Interdiction de certaines modalités d’exercice du droit de grève
En droit public, comme en droit privé, la grève se définit comme « un arrêt collectif et concerté du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles » (Cass. Soc. 23 octobre 2007, pourvoi numéro 06-17.802, D. 2008, p. 662, note Bugada). On peut déjà tirer deux enseignements de cette définition. D’une part, la prohibition de la grève pour motifs politiques, même si naturellement la protestation contre un projet de loi gouvernemental peut conduire à mêler motifs professionnels et motifs politiques. D’autre part, seuls les agents publics peuvent exercer le droit de grève, à l’exclusion des usagers. Si cette assertion semble évidente, elle permet notamment de considérer que des étudiants bloquant les locaux de leur université ne sauraient en aucun cas être qualifiés de grévistes. Enfin « la grève perlée » qui consiste à exécuter le travail au ralenti, partiellement, ou dans des conditions défectueuses, n’est pas une grève au sens légal du terme dès lors qu’il ne s’agit pas d’un arrêt de travail.
La loi n° 63-777 du 31 juillet 1963, actuellement codifiée aux articles L. 2512-1 et s. du Code du travail, encadre l’exercice du droit de grève dans les services publics.
L’article L. 2512-2 interdit la grève surprise en imposant que toute grève dans les services publics soit précédée par un préavis qui doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l’autorité hiérarchique ou à la direction de l’établissement, de l’entreprise ou de l’organisme intéressé. Ce préavis doit mentionner le champ géographique et l’heure du début ainsi que la durée, limitée ou non, de la grève envisagée.
L’article L. 2512-3 interdit quant à lui la grève tournante par échelonnements successifs ou par roulement affectant les divers secteurs ou catégories professionnelles d’un même établissement ou service.
Est également interdite la grève sur le tas, qui consiste en une occupation des lieux de travail. Comme l’a précisé le Conseil d’Etat dans son arrêt de Section Legrand du 11 février 1966 (Rec : p.110) : « les locaux ne sauraient être utilisés à des fins autres que celles correspondant aux besoins des services publics auxquels ils sont directement affectés ».
Tout comportement relevant de l’une ou l’autre de ces pratiques prohibées est susceptible de faire l’objet de poursuites disciplinaires en sus des retenues sur salaire qu’implique le fait de faire grève.
§II – Mutabilité
Ce principe suppose que le régime des services publics doit pouvoir être adapté en fonction de l’évolution des besoins sociaux et des exigences de l’intérêt général.
Au niveau du droit de l’Union européenne, il est ainsi prévu de réexaminer la portée du service universel « à la lumière des évolutions sociale, économique et technologique, compte tenu, notamment, de la mobilité et des débits de données à la lumière des technologies les plus couramment utilisées par la majorité des abonnés » (PE et Cons. UE, directive n° 2002/22/CE, 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, art. 15).
En droit français interne, ce principe trouve d’abord à s’appliquer en matière contractuelle. En effet, même s’il n’est jamais mentionné expressément, c’est le principe de mutabilité qui justifie que l’administration dispose vis-à-vis de son cocontractant d’un pouvoir de modification et de résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général (CE, 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle de gaz de Deville-lès-Rouen, préc.). Cette règle est plus clairement exprimée dans l’arrêt Compagnie générale française des tramways du 11 mars 1910 (préc.). Selon cet arrêt les règles du service public, même pour un service délégué « impliquent pour l’administration le droit, non seulement d’approuver les horaires des trains au point de vue de la sécurité et de la commodité de la circulation, mais encore de prescrire les modifications et les additions nécessaires pour assurer, dans l’intérêt du public, la marche normale du service ».
L’application de ce principe permet également d’expliquer pourquoi les usagers ne sont pas en principe recevables à contester une modification des règles de fonctionnement ou d’organisation des services publics.
Exemple :
– CE, 12 février 1982, requête numéro 27098, requête numéro 27099, requête numéro 27100, Université de Paris VII (Rec. p.70 ; D. 1983, inf. rap. p.233, obs. Delvolvé) : le statut des usagers du service public de l’enseignement supérieur étant défini par des textes législatifs et règlementaires, le droit aux avantages qui en résultent est subordonné au maintien en vigueur de ces textes. Par suite, en ne prévoyant pas de dispositions transitoires pour permettre aux étudiants de troisième cycle d’achever leurs études dans l’établissement où ils les ont commencées, une décision de refus de renouvellement d’habilitation ne méconnaît aucun droit acquis des étudiants en cours d’études.
Le même principe s’applique aux agents des services publics, qu’ils soient titulaires ou bien contractuels.
Exemple :
– CE, 11 octobre 1995, requête numéro 142644, Institut géographique national (Rec. p.620) : l’autorité compétente peut « fixer et modifier librement les dispositions statutaires qui régissent les agents des services publics, même contractuels, et notamment celles qui sont relatives aux conditions de leur rémunération ».
Comme les cocontractants de l’administration, les usagers ne bénéficient pas en principe d’un droit au maintien des services publics (CE Sect., 27 janvier 1961, Vannier : Rec. p. 60, concl. Kahn).
Exemple :
– CE, 2 mars 2010, requête numéro 325255, Réseau ferré de France (JCPA 2010, 2149, note Terrien ; Rev. Dr. transports, 214, note Martin) : Réseau ferré de France a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, décider la fermeture de la section de ligne en cause où le trafic avait cessé depuis décembre 1980 et alors qu’aucune perspective de reprise n’était prévue.
Il en va autrement, cependant, s’il s’agit de services publics obligatoires visés par la loi ou par la Constitution.
Exemple :
– CAA Lyon, 22 novembre 1994, requête numéro 93LY00720, SARL Etablissements Dessert, (préc.) : à la suite d’une cessation d’activité consécutive à la fermeture d’abattoirs communaux, les requérants ne sont pas fondés à réclamer une indemnisation de leur préjudice découlant de la faute commise par la commune en édictant une mesure irrégulière en la forme et annulée pour ce motif.
Par ailleurs, les usagers, comme les agents des services publics, bénéficient de certaines protections qui visent à les mettre à l’abri de mesures arbitraires.
Tout d’abord, l’administration est tenue, lorsqu’elle prend des mesures modifiant l’organisation ou le fonctionnement d’un service public, de respecter les lois et les règlements en vigueur.
S’agissant plus spécialement des usagers, ceux-ci ont également le droit au fonctionnement normal du service, ce qui signifie que l’administration doit respecter les règles juridiques qui le régissent, tant que ces règles n’ont pas été modifiées.
Exemple :
– TA Versailles, 3 novembre 2003, requête numéro 0104490, Kepeklian c. Ministre de l’Education nationale et a. (Resp. civ. Assurances, 2004, 233, note Guettier) : la mission d’intérêt général d’enseignement qui lui est confiée impose au ministre de l’Education nationale l’obligation légale d’assurer l’enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites aux programmes d’enseignement tels qu’ils sont définis par les dispositions législatives et règlementaires en vigueur selon les horaires règlementairement prescrits. Le manquement à cette obligation légale qui a pour effet de priver, en l’absence de toute justification tirée des nécessités de l’organisation du service, un élève d’un enseignement pendant une période appréciable, est constitutif d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat
Enfin, les modifications apportées par l’administration ne peuvent valoir que pour l’avenir, en application de la solution dégagée par le Conseil d’Etat dans son arrêt d’Assemblée du 25 juin 1948, Société du journal l’Aurore (préc.). Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat précise que le prix des consommations en électricité ne peut pas être calculé sur la base d’un tarif qui est entré en vigueur postérieurement à la date à laquelle ces consommations ont été réalisées.
§III – Egalité
Le principe d’égalité trouve sa source dans les articles 1 et de la Constitution et 1 et 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. En droit interne, il s’agit à la fois d’un principe de valeur constitutionnelle et il est à l’origine de plusieurs principes généraux du droit.
Le principe d’égalité comporte de nombreux aspects : égalité devant l’accès aux emplois publics, égalité devant l’impôt, égalité devant la loi, etc.
S’agissant des questions liées au fonctionnement des services publics, il convient surtout de mentionner le principe de neutralité du service public, qui est une notion très liée à celle d’égalité. Doivent également être relevés le principe d’égal accès au service public ainsi que le principe d’égalité de traitement des usagers du service public.
I- Egalité et neutralité
Le principe de neutralité, qui constitue un aspect du principe d’égalité de traitement entre les usagers, comporte lui-même deux principaux aspects.
Il est d’abord censé faire échec à la politisation du service public.
Exemple :
– TA Lille, 18 décembre 2007, requête numéro 0601575, Desurmont (AJDA 2008, p.709, note Deliancourt) : le principe de neutralité s’oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d’opinions politiques, religieuses ou philosophiques. Ce principe fait également obstacle à ce que soit attribué à une école le nom d’un homme politique en activité.
– TA Caen, 26 avril 2010, requête numéro 1000282, Préfet du Calvados : le fait d’accrocher dans une mairie le portrait de Philippe Pétain parmi les portraits des chefs d’Etat français depuis 1871 est contraire au principe de neutralité du service public.
– CAA Bordeaux, 26 octobre 2010, requête numéro 10BX00170, Commune de Billère : les graffitis réalisés à l’initiative du maire de Billère, sur le thème de l’accueil des étrangers en France, opposent la devise de la République aux termes de honte, précarité et arbitraire. Par ces graffitis, qui expriment une critique explicite de l’application de la législation sur l’entrée et le séjour des étrangers en France, le maire de Billère a entendu prendre parti dans un conflit de nature politique, et a ainsi méconnu le principe de neutralité.
Le principe de neutralité se veut ensuite garant de la laïcité du service public, conformément à l’article 1er de la Constitution qui garantit le caractère laïc de la République française.
Exemple :
– CE, 7 août 2008, requête numéro 310220, Fédération chrétienne des témoins de Jehovah de France : pour prévenir les risques de dérives sectaires de mouvements qui revendiquent un but religieux, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires peut signaler les références d’un ouvrage relatant le témoignage d’un ancien membre des témoins de Jéhovah et reproduire la couverture de l’ouvrage. Cette décision ne méconnaît ni le principe de neutralité et de laïcité de la République, ni l’obligation d’impartialité qui s’impose à l’autorité administrative, ni le principe de liberté du culte. Plus généralement, le principe de neutralité a vocation à s’appliquer pour faire échec au prosélytisme, quel que soit son objet.
Exemples :
– Conseil d´Etat, 4ème et 5ème SSR, 15 octobre 2014, Confédération nationale des associations familiales catholiques, requête numéro 369965 (Dr. adm. 2015, 14, note Eveillard) : en application du Code de l’éducation, les autorités chargées du service public de l’éducation nationale doivent apporter aux élèves de l’enseignement public une information relative à la lutte contre les discriminations fondées notamment sur l’orientation sexuelle, information pour laquelle elles peuvent avoir recours à l’intervention d’associations spécialisées en la matière. L’information ainsi apportée doit être adaptée aux élèves auxquels elle est destinée, notamment à leur âge, et être délivrée dans le respect du principe de neutralité du service public de l’éducation nationale et de la liberté de conscience des élèves. Tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, sur son site internet, l’association « Ligne Azur » présentait l’usage de drogues comme susceptible de « faire tomber les inhibitions » et comme « purement’ associé à des moments festifs » sans mentionner l’illégalité de cette pratique, et elle définissait la pédophilie comme une « attirance sexuelle pour les enfants», sans faire état du caractère pénalement répréhensible des atteintes ou agressions sexuelles sur mineurs. Le site renvoyait, en outre, à une brochure intitulée « Tomber la culotte », laquelle incitait à la pratique de l’insémination artificielle par sperme frais, interdite par le Code pénal. Même si le site internet n’avait pas entendu faire preuve de complaisance à l’égard de tels comportements, en la seule absence de mention du caractère illégal de ces pratiques, la décision du ministre d’inviter les recteurs à relayer cette campagne de communication relative à la « Ligne azur » portait atteinte au principe de neutralité du service public de l’éducation nationale.
– CAA Nancy, 14 février 2008, requête numéro 07NC00335, Association Couleurs gaies (JCP A 2008, 2132, note Ach) : la lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle revêt un caractère d’intérêt général qui justifie l’annulation du refus d’agrément opposé par le rectorat de Nancy-Metz à une association dès lors qu’elle s’est « engagée à respecter le principe de neutralité et à ne faire aucun prosélytisme ».
Ceci étant l’administration peut difficilement éviter le fait religieux, ce qui est particulièrement le cas des établissements pénitentiaires, dont les règles de fonctionnement doivent prendre en compte, dans une certaine mesure, les croyances religieuses.
Exemple :
– CE, 10ème et 9ème SSR, 10 février 2016, Khadar, requête numéro 385929 (JCP A 2016, act. 145, obs. Erstein) : il appartient à l’administration pénitentiaire, qui n’est pas tenue de garantir aux détenus, en toute circonstance, une alimentation respectant leurs convictions religieuses, de permettre, dans toute la mesure du possible eu égard aux contraintes matérielles propres à la gestion de ces établissements et dans le respect de l’objectif d’intérêt général du maintien du bon ordre des établissements pénitentiaires, l’observance des prescriptions alimentaires résultant des croyances et pratiques religieuses.
Ces dernières années, c’est surtout du point de vue de la laïcité que la question de la neutralité a été abordée. Il convient d’aborder cette question du point de vue des usagers du service public, principalement dans le domaine de l’éducation, puis de celui des fonctionnaires. On envisagera également la question de l’extension du principe de laïcité dans l’espace public.
A- Neutralité et usagers du service public de l’éducation
La question des signes d’appartenance à une religion a alimenté la jurisprudence récente notamment à travers l’avis du Conseil d’Etat Kherouaa du 27 novembre 1989 (numéro 346893 : AJDA 1990, p. 39, note J.-P. C.; RFDA 1990, p. 1, note Rivero).
Les juges relèvent en l’espèce que le droit à une formation scolaire est un moyen de contribuer à l’épanouissement de l’enfant et surtout « à l’exercice de ses responsabilités d’homme et de citoyen ». La notion de citoyenneté apparaît ici primordiale, l’exercice de la liberté de conscience, et plus précisément la manifestation des convictions religieuses, ne devant pas faire obstacle à l’accomplissement des missions dévolues à l’école. A ce titre, le Conseil d’Etat relève que le service public de l’éducation doit inculquer aux usagers « le respect de l’individu, de ses origines et de ses différences, garantir et favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes ».
Le Conseil d’Etat tire de ces considérations deux conséquences majeures.
Tout d’abord, la manifestation d’appartenance à une religion n’est pas incompatible en soi avec le principe de laïcité. Ceci est justifié par le fait que cette manifestation « constitue l’exercice de la liberté d’expression ».
Cependant, cette liberté comporte des limites, lorsque cette manifestation « constitue un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande qui porterait atteinte à la dignité ou à la liberté de l’élève ou d’autres membres de la communauté éducative, perturberait les activités d’enseignement et le rôle éducatif des enseignants, troublerait l’ordre dans l’établissement ou le fonctionnement normal du service public ».
Cet avis a donné lieu à une jurisprudence très nuancée.
Exemples :
– CE, 2 novembre 1992, requête numéro 130394, Kherouaa (préc.) : le Conseil d’Etat est saisi de la légalité d’un recours dirigé contre le règlement intérieur d’un collège dont un article interdisait le port de tout signe distinctif notamment d’ordre religieux. Les juges estiment que « par la généralité de ses termes, cet article institue une interdiction générale et absolue en méconnaissance … notamment de la liberté d’expression reconnue aux élèves dans le cadre des principes de neutralité et de laïcité de l’enseignement public ».
– CE Ass., 14 avril 1995, requête numéro 157653, Koen et Consistoire central des israélites de France (Rec. p.168, concl. Aguila ; AJDA 1995, p.501, chron. Stahl et Chauvaux ; D. 1995, p.481, note Koubi ; JCP 1995, 22437, note Nguyen Van Tuong ; RDP 1996, p.867, note Haguenau ; RFDA 1995, p.585, concl. Aguila) : le Conseil d’Etat est saisi d’un recours dirigé contre un refus d’inscription d’un élève de confession juive en classe préparatoire. Cette mesure était notamment motivée par le fait que le candidat avait demandé une dispense pour les cours du samedi matin, alors que le règlement intérieur de l’établissement prévoyait que tous les cours étaient obligatoires. Le Conseil d’Etat estime que « les contraintes inhérentes au travail des élèves en classe de mathématiques supérieures font obstacle à ce qu’une scolarité normale s’accompagne d’une dérogation systématique à l’obligation de présence le samedi, dès lors que l’emploi du temps comporte un nombre important de cours et de contrôles de connaissances organisés le samedi matin ».
La loi n°2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics a remis en cause cette jurisprudence.
Sur le fond, le texte rompt avec la règle très nuancée définie dans les affaires Kherouaa. Elle entend ainsi répondre aux deux critiques majeures que cette jurisprudence suscitait : elle posait un risque soit d’intransigeance, soit de laxisme des règlements intérieurs ; elle faisait peser une responsabilité excessive sur les chefs d’établissement puisqu’il n’existait pas de règles claires et précises pouvant faire l’objet d’une application uniforme.
L’article 1er de la loi qui porte création de l’article L. 141-5-1 du Code de l’éducation précise que « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ». Le même article ajoute que « le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève ».
Si elle paraît claire dans sa formulation, la loi a néanmoins suscité un certain nombre d’interrogations.
Tout d’abord, il peut paraître surprenant que son champ d’application ne concerne que les écoles, collèges et lycées publics alors que le principe de laïcité a vocation à s’appliquer à l’ensemble des services publics.
Exemple :
– CE, ord. réf., 6 mai 2008, requête numéro 315631, Bounemcha : les autorités gestionnaires d’une cité universitaire doivent respecter « tant les impératifs d’ordre public, de neutralité du service public et de bonne gestion des locaux que le droit de chaque étudiant à pratiquer, de manière individuelle ou collective et dans le respect de la liberté d’autrui, la religion de son choix ».
Au sein même de l’Education nationale, les dispositions susvisées ne s’appliquent pas aux établissements d’enseignement supérieur ce qui peut également entraîner des difficultés.
Exemple :
– CE, 28 juillet 2017, requête numéro 390740, Boutaleb et a. (Dr. adm. 2018, 5, note Eveillard) : les instituts de formation paramédicaux étant des établissements d’enseignement supérieur, leurs élèves ont, lorsqu’ils suivent des enseignements théoriques et pratiques en leur sein, la qualité d’usagers du service public. Ils sont, en cette qualité, sauf lorsqu’ils suivent un enseignement dispensé dans un lycée public, libres de faire état de leurs croyances religieuses, y compris par le port de vêtement ou de signes manifestant leur appartenance à une religion, sous réserve de ne pas perturber le déroulement des activités d’enseignement et le fonctionnement normal du service public notamment par un comportement revêtant un caractère prosélyte ou provocateur. En revanche, lorsqu’ils effectuent un stage dans un établissement de santé chargé d’une mission de service public, les élèves infirmiers doivent respecter les obligations qui s’imposent aux agents du service public hospitalier (V. sur ce point infra p.603). S’ils bénéficient de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination fondée sur la religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu’ils manifestent leurs croyances religieuses dans le cadre du service public. Lorsque les élèves infirmiers effectuent leur stage dans un établissement n’ayant aucune mission de service public, ils doivent respecter, le cas échéant, les dispositions du règlement intérieur de cet établissement qui fixent les conditions dans lesquelles ses agents peuvent faire état de leurs croyances religieuses.
Ensuite, il était loin d’être sûr que l’interdiction prescrite soit uniformément appliquée et qu’elle pouvait régler les problèmes qu’elle était supposée résoudre.
Pour tenter d’élucider ces difficultés d’interprétation, le ministre de l’Education nationale a voulu préciser le texte dans une circulaire du 27 mai 2004. Selon cette circulaire « les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive ».
La légalité de ces dispositions de la circulaire a été confirmée par le Conseil d’Etat à l’occasion de son arrêt Union française pour la cohésion nationale du 10 octobre 2004 (requête numéro 269077 : préc.).
En dépit de cette circulaire, d’autres problèmes subsistent encore.
Exemples :
– CE, ord. réf., 8 octobre 2004, requête numéro 272926, El Hussein (JCP A 2005, 1849, note Tawil) : l’article L. 141-5-1 du Code de l’éducation prévoit que sont autorisés les « accessoires communément portés par les élèves, en dehors de toute signification religieuse ». La question qui se pose alors est de savoir s’il faut considérer que le bandana porté comme un foulard islamique constitue un signe religieux ostentatoire. En l’espèce, le juge des référés du Conseil d’Etat estime qu’il n’apparaissait pas « que l’administration, en décidant de maintenir en permanence Mlle El Hussein tout en poursuivant un dialogue avec sa famille, ait procédé à une application de la loi du 15 mars 2004 qui serait entachée d’une illégalité manifeste alors même qu’un doute existe, en l’Etat de l’instruction, sur le motif du port d’un bandana par la jeune élève ».
– CE, 5 décembre 2007, requête numéro 285394, Singh : (Rec. p. 463 ; RFDA 2008, p. 529, concl. Keller) est fondée la décision d’exclusion d’un lycée d’un élève de confession sikh au motif que le sous-turban, ou keshi sikh, qu’il portait dans l’enceinte de l’établissement constitue un signe par lequel il manifeste ostensiblement son appartenance à une religion.
Ceci étant, la loi paraît avoir obtenu le succès escompté : alors qu’en 2003, on a compté 1500 signes ostensibles, 600 seulement ont été recensés à la rentrée 2005 et seulement 47 décisions ont été prononcées à l’issue de la procédure de dialogue avec les familles prévue par la loi (Lettre de la justice administrative, n°9, octobre 2005, p.1).
On doit enfin relever que la question de la neutralité dans le domaine de l’enseignement public ne se limite pas à la question du port de signes ou de tenues vestimentaires.
Exemples :
– CAA Lyon, 18 septembre 2007, requête numéro 07LY00704, Charles X c. IA-DSDEN Haute-Loire (AJDA 2008, p.105, note Toulemonde): un prêtre a intérêt à agir contre la décision d’un inspecteur d’académie d’autoriser un conseil d’école à organiser la semaine scolaire selon la règle d’un mercredi matin travaillé sur deux. Comme le prévoit en effet l’article L. 141-3 du Code de l’éducation « Les écoles élémentaires vaquent un jour par semaine en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent à leurs enfants, l’instruction religieuse, en dehors des édifices scolaires ». S’il est vrai que l’organisation du temps scolaire arrêtée par l’inspecteur d’académie fait obstacle à ce que l’instruction religieuse puisse être dispensée un mercredi matin sur deux, « cette seule circonstance ne constitue pas une atteinte à la liberté l’instruction religieuse».
B- Neutralité des agents des services publics
Si la jurisprudence antérieure à la loi du 15 mars 2004 était nuancée s’agissant d’usagers du service public de l’éducation, elle appréciait – et elle apprécie encore – plus sévèrement l’application du principe de laïcité s’agissant de fonctionnaires ou plus généralement d’agents publics.
Dans un avis Demoiselle Marteaux du 3 mai 2000 (requête numéro 217017 : RFDA 2001, p. 146, concl. Schwartz ; AJDA 2000, p. 602, chron. Guyomar et Collin ; RRJ 2001, p. 2107, étude Armand), Le Conseil d’Etat a ainsi estimé que « le fait pour un agent du service de l’enseignement public de manifester dans l’exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations ».
Ces solutions ont été reprises par la loi n°2016-483 du 20 avril 2016 qui a modifié l’article 25 du titre I du statut général de la fonction publique qui précise désormais que « dans l’exercice de ses fonctions, (le fonctionnaire) est tenu à l’obligation de neutralité. (Il) exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. A ce titre, il s’abstient notamment de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses ».
Cette règle a vocation à s’appliquer à l’ensemble des agents publics et pas seulement à ceux de l’enseignement public.
Exemples :
– CAA Lyon, 27 novembre 2003, requête numéro 03LY0192, Ben Abdallah : AJDA 2003, p. 1951 ; JCP A 2003, 2026, obs. Taillefait ; JCP G 2003, I, 182, obs. Aubin): le port, par la requérante, qui détient, eu égard à sa fonction de contrôleur du travail, des prérogatives de puissance publique, d’un foulard dont elle a expressément revendiqué le caractère religieux, et le refus réitéré d’obéir à l’ordre qui lui a été donné de le retirer, alors qu’elle était avertie de l’état non ambigu du droit applicable a, dans les circonstances de l’espèce, constitué une faute grave de nature à justifier légalement la mesure de suspension dont elle a fait l’objet.
– CE, 15 octobre 2003, requête numéro 244428, Odent (JCP A 2003, 2003, note Jean-Pierre ; AJFP janvier 2004, p. 31, obs. Guillaumont ; AJDA 2003, p. 1959 ; D. 2003, inf. rap. p. 2279 ; Cah. fonct. publ., mars 2004, 232, obs. Guyomar ; Comm. com. électr. 2004, 11, obs. Lepage): constitue une faute disciplinaire, le fait pour un fonctionnaire d’utiliser l’adresse électronique de son service а des fins personnelles d’échanges entrepris en sa qualité de membre de l’Association pour l’unification du christianisme mondial.
– CAA Versailles, 6 octobre 2011, requête numéro 09VE02048, Abderahim : le port d’un bandana est assimilé à un signe religieux ce qui justifie le licenciement d’une assistante maternelle pour faute grave.
C – L’extension du champ du principe de laïcité dans l’espace public
Du point de vue des pouvoirs étatiques, tel qu’il a été appréhendé par la jurisprudence du Conseil d’Etat, le principe de laïcité a longtemps été doublement cantonné aux seuls services publics et aux seuls agents du service public.
On l’a vu, la loi n°2004-228 du 15 mars 2004, en interdisant le port de tenues ou signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse aux élèves des écoles primaires, lycées et collèges de l’enseignement public a prévu une exception pour cette catégorie particulière d’usagers du service public. Cette interdiction est alors strictement cantonnée à cette catégorie d’usagers.
La loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 est allée plus loin dans ce sens en interdisant le port du voile intégral, en prohibant la dissimulation du visage non seulement dans le cadre des services publics, mais également dans l’espace public, c’est-à-dire, selon l’article 2 de la loi, sur les voies publiques ainsi que dans les lieux ouverts au public ou affectés à un service public. Cette loi a été jugé conforme à la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH, 1er juillet 2014, requête numéro 43835/11, SAS c/ France : JCPA 2014, 2355, note Dieu).
Le Conseil constitutionnel a considéré que les pratiques sanctionnées par cette loi « peuvent constituer un danger pour la sécurité publique et méconnaissent les exigences minimales de la vie en société ». Il mentionne également que le législateur a estimé que les femmes dissimulant leur visage, volontairement ou non, se trouvent placées dans une situation d’exclusion et d’infériorité manifestement incompatible avec les principes constitutionnels de liberté et d’égalité » (CC, 7 octobre 2010, numéro 2010-613 DC : AJDA 2010, p. 1273, note Verpeaux ; D. 2011, p. 1166, note Cayla ; JCP G 2010, 1018, note Mathieu et 1043, note Levade ; RFDC 2011, p. 548, note Fatin-Rouge, Stefanini et Philippe).
Ce qui est donc en cause ici, plus largement que le principe de laïcité, c’est « le socle minimal d’exigence réciproques et de garanties essentielles du vivre-ensemble républicain » (B. Plessix, Droit administratif général, Lexisnexis 2016, p. 806).
Cette notion est encore peu reprise par la jurisprudence. On en trouve néanmoins une illustration intéressante, dans le domaine de la police spéciale des étrangers, dans un arrêt Aberkane du 27 novembre 2013 (requête numéro 365587 : Rec. p. 304). Dans cette affaire, le Conseil a estimé qu’est légal le décret s’opposant à l’acquisition de la nationalité française, pour « défaut d’assimilation », par une personne qui « refuse d’accepter les valeurs essentielles de la société française et notamment l’égalité entre les hommes et les femmes ».
En revanche, on peut considérer que la notion de « vivre ensemble » est au centre de toute une série de problématiques qui ont été récemment soumises au juge administratif et qui concernent le champ d’extension des principes de neutralité et de laïcité.
On peut ainsi mentionner la jurisprudence du Conseil d’Etat sur les crèches de noël. Dans deux décisions pour le moins nuancées, le Conseil d’Etat opère une distinction entre les « bâtiments publics, sièges d’une collectivité publique ou d’un service public », dans lesquels l’installation d’une crèche est, sauf circonstances particulières, non conforme au principe de neutralité des personnes publiques, et les « autres emplacements publics » dans lesquels une installation est possible à condition qu’elle ne constitue pas un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse (CE Ass., 9 novembre 2016, requête numéro 395122, Commune de Melun et requête numéro 395223, Fédération de la libre pensée de Vendée : AJCT 2017, p. 90, obs. de la Morena et Yazi-Roman ; AJDA 2016, p. 2375, chron. Dutheillet de Lamothe et Odinet ; D. 2016, p. 2456, entretien Maus ; Dr. adm. 2017, 18, note Eveillard ; RFDA 2017, p. 127, note Morange.- V. également CAA Marseille, 3 avril 2017, requête numéro 15MA03863, Garcia : JCPA 2017, 2216, note Dounot.- CAA Douai, 16 novembre 2017, requête numéro 17DA00054, M. C…A…).
Une autre difficulté concerne les parents accompagnateurs de sorties scolaires, et plus particulièrement le port du voile par les mères des enfants. Dans une décision Osman du 22 novembre 2011 (requête numéro 1012015, Osman : Dr. adm. 2012, 16, note Taillefait ; JCP A 2011, 2384, concl. Restino ; D. 2012, p. 72, note Girard ; AJDA 2011, p. 2319, obs. de Montecler ; AJDA 2012, p. 163, note Hennette-Vauchez) le tribunal administratif de Montreuil avait considéré, en combinant principe de laïcité et théorie de la collaboration occasionnelle – mais sans toutefois recourir expressément à cette notion – que si les parents d’élèves participant au service public de l’éducation bénéficient de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination fondée sur leur religion ou sur leurs opinions, le principe de neutralité de l’école laïque fait obstacle à ce qu’ils manifestent, dans le cadre de l’accompagnement d’une sortie scolaire, par leur tenue ou par leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques. Cette solution doit être rapprochée d’une décision plus ancienne du Conseil d’Etat qui avait expressément qualifié une accompagnatrice dans le cadre d’une sortie scolaire de « collaboratrice occasionnelle du service public » dans une affaire où il était question de l’engagement de la responsabilité de l’Etat à son égard (Conseil d´Etat, 4ème et 1ère SSR, 13 janvier 1993, requête numéro 63044 et Conseil d´Etat, Section, 13 janvier 1993, requête numéro 66929, Galtié : Rec. p. 11).
Cette appréciation a toutefois été démentie par le Conseil d’Etat à l’occasion d’une étude du 23 décembre 2013, demandée par le défenseur des droits en application de l’article 19 de la loi organique n°2011-333 du 29 mars 2011. Le Conseil d’Etat qui pose ici une règle aussi nuancée que celle issue de l’avis Kherouaa (préc.). Les juges précisent d’abord que les parents accompagnateurs sont de simples usagers. Ils ne sont donc pas directement concernés par « les exigences de neutralité religieuse ». Toutefois, les juges rappellent que la liberté des convictions religieuses doit être conciliée « avec les exigences particulières découlant des principes de laïcité et de neutralité des pouvoirs publics ». Ainsi, « les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation peuvent conduire l’autorité compétente, s’agissant des parents qui participent à des déplacements ou des activités scolaires, à recommander de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses ». L’autorité compétente, en l’occurrence le ministre de l’Education nationale ou la direction de l’établissement, peut donc accepter ou non la présence des mères accompagnatrices voilées. Dans ce sens, les directeurs d’établissements peuvent s’appuyer sur la circulaire Chatel du 27 mars 2012 qui recommande de rappeler les principes de laïcité et de neutralité dans les enseignements scolaires, et qui vise notamment le cas des accompagnants scolaires. En l’absence de lois, la responsabilité d’interdire ou non le port de signes religieux à ces accompagnants repose sur les chefs d’établissement, ce qui peut donner lieu à des différences notables d’un établissement à l’autre (sur cette question V. encore TA Nice, 9 juin 2015, requête numéro 1305386 : AJDA 2015, p. 1933, notre Brice-Delajoux).
Dans un sens plus favorable à l’extension du champ du principe de laïcité, le Conseil d’Etat a en revanche estimé, dans un arrêt Halfon et a. du 23 décembre 2011 (requête numéro 323309 : Dr. Adm. 2012, 29, note Fleury) que si des commerçants qui exercent leur activité professionnelle au sein des halles et marchés municipaux bénéficient du droit de demander des dérogations au règlement fixant les jours et heures d’ouverture de ces lieux pour motifs religieux, le maire peut refuser de telles dérogations si elles sont de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du marché, et notamment à sa continuité. La solution peut paraître ici surprenante puisqu’elle applique le principe de continuité non pas à des agents publics, mais à des usagers de ce service public.
Enfin, la Cour de cassation, privilégiant une approche matérielle à une approche organique, a considéré que le principe de laïcité doit être appliqué dans les établissements privés gérant un service public(Cass. Soc., 19 mars 2013, pourvoi numéro n°12-11.690, Abibouraguimane : AJDA 2013, p. 1069, note Dreyfus ; D. 2013, p. 1026, note Lokiec et Porta ; Dr. soc. 2013, p. 388, étude Dockès). Tel est le cas pour les salariés d’une caisse primaire d’assurance maladie. La Cour fait ici application des dispositions du Code du travail qui autorisent les restrictions à la liberté religieuse des salariés dès lors qu’elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir, qu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et qu’elles sont proportionnées au but recherché (V. notamment C. trav, art. L. 1121-1).
En revanche, dans une décision très remarquée, la Cour de cassation a considéré que le principe de laïcité n’a pas vocation à s’appliquer dans les établissements privés non gestionnaires d’un service public. C’est le cas pour une crèche privée, qui même si elle exerce une mission d’intérêt général et si elle perçoit des financements publics, ne saurait être considérée comme étant en charge d’une mission de service public, à défaut de contrôle exercé sur elle par une personne publique (Cass. Soc., 19 mars 2013, pourvoi numéro 11-28.845, Association Baby Loup : AJDA 2013, p. 1069, note J.-D. Dreyfus ; D. 2013, p. 761, obs. Rome et p. 956, concl. Aldigé ; Dr. adm. 2013, 35, note Brice-Delajoux ; JCP G 2013, 542, note Corrignan-Carsin ; JCP A 2013, 2131, note Dieu ; JCP A 2013, 2132, note Vila ; JCP S 2013, 1146, note Bossu ; Rev. dr. soc. 2013, p. 388, note E. Dockès ; Rev. dr. trav. 2013, p. 385, étude Adam et 2014, p. 94, étude Calvès). L’Assemblée plénière de la Cour de cassation, après un nouveau pourvoi contre l’arrêt rendu sur renvoi par la cour d’appel de Paris (CA Paris, 27 novembre 2013, pourvoi numéro 13/02981 : AJCT 2014, p. 63, obs. Dreyfus ; D. 2014, p. 65, note Mouly ; Dr. soc. 2014, p. 4, note Ray et p. 100, étude Laronze), a confirmé qu’une entreprise privée qui n’est pas en charge d’une mission de service public n’est pas soumise au principe constitutionnel de laïcité et à l’exigence de neutralité religieuse qui en découle (Cass. Ass. plénière, 25 juin 2014, pourvoi numéro 13-28.839 : AJCT 2014, p. 337, tibune de La Morena ; AJDA 2014, p. 1293, obs. Pastor ; D. 2014, p. 1536, entretien Radé ; Dr. ouvrier 2014, p. 835, note Wolmark ; Dr. soc. 2014, p. 811, note Mouly ; RDT 2014, p. 607, note Adam ; JCP S 2014, 1297, note Bossu). Toutefois, elle considère, contrairement à la chambre sociale, que la restriction à la liberté de manifester sa religion résultant du règlement intérieur de la crèche est légale au regard des dispositions de l’article L. 1121-1 du Code du travail, notamment au regard de la taille de la structure et du nombre réduit de salariés qui conduit nécessairement le personnel à être en contact avec les enfants et leurs parents, et cela quelle que soit la nature exacte de leurs fonctions.
Cette application discutable de la jurisprudence APREI (V. supra p. 281) pourrait être mise en échec par une loi qui reconnaîtrait le caractère de service public des crèches, même privées.
II- Egalité des usagers devant le service public
Les usagers ont le droit à un égal accès au service public et d’être traités de la même façon. Toutefois, l’existence de tels principes n’exclut pas la légalité de certains types de discriminations réalisées entre les usagers. Ainsi, des conditions peuvent être posées en vue de limiter l’accès à un service public si ces conditions présentent un caractère objectif.
Exemples :
– Seules les personnes ayant obtenu le baccalauréat peuvent en principe s’inscrire en première année de licence à l’université.
-Il est possible de fixer des tarifs plus élevés sur les lignes de chemin de fer qui assurent aux usagers un voyage plus rapide et plus confortable (Conseil d´Etat, 2ème et 7ème SSR, 10 octobre 2014, Région Nord-Pas-de-Calais, requête numéro 368206).
De la même façon, le principe d’égalité de traitement peut s’accommoder de différenciations tarifaires entre les usagers, les cas des différenciations possibles ayant été définis par le Conseil d’Etat dans son arrêt de Section Denoyez et Chorques du 10 mai 1974 (requête numéro 88032, requête numéro 88148 : Rec. p.274 ; AJDA 1974, p.298, chron. Franc et Boyon ; D. 1975, p.393, note Tedeschi ; Rev. Adm. 1974, p.440, note Moderne ; RDP 1975, p.467, note Waline).
Le Conseil d’Etat était saisi dans cette affaire d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une délibération instituant les tarifs du péage du pont de l’île de Ré. La délibération prévoyait l’édiction de 3 tarifs : le premier pour les habitants de l’île, le second pour les habitants non-insulaires du département et le dernier pour les autres usagers. Le Conseil d’Etat précise que de telles discriminations sont possibles dans trois hypothèses : lorsque la loi le prévoit ; lorsqu’il existe un motif d’intérêt général ; lorsqu’il existe une différence de situation appréciable entre les différentes catégories d’usagers. Les deux premières hypothèses n’étant pas applicables en l’espèce, il s’agissait de savoir s’il existait « une différence de situation appréciable » entre les trois catégories visées par la délibération pouvant justifier des différenciations tarifaires. Le Conseil d’Etat adopte une solution nuancée. En effet, s’il est possible de discriminer les usagers qui n’habitent pas dans le département concerné, les juges estiment qu’il n’est pas possible d’opérer une distinction entre les différents habitants du département, selon qu’ils résident ou non sur l’île.
Plus généralement, le Conseil d’Etat a décidé que la redevance versée à une personne privée contre une prestation qui lui est fournie « devait être établie selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d’égalité entre les usagers du service public et des règles de la concurrence » (CE, 16 juillet 2007, requête numéro 293229, Syndicat national de défense de l’exercice libéral de la médecine à l’hôpital .- CE, 7 octobre 2009, requête numéro 309499, Société d’équipement de Tahiti et des Iles.- CE, 21 mai 2010, requête numéro 309734, Société polynésienne des eaux et de l’assainissement.- CAA Marseille, 17 juin 2010, requête numéro 08MA04049, Communauté de communes de Calvi Balagne.– V. également CE, 18 juillet 2008, requête numéro 291602, SNCF).
Des règles particulières s’appliquent également aux services publics à caractère facultatif, qui sont ceux que les personnes publiques n’ont pas légalement l’obligation d’assurer. Il peut s’agir notamment – pour ce qui concerne les communes – de crèches municipales, d’écoles de musique ou encore de centres aérés.
La jurisprudence relative à ces services publics s’est notamment développée dans le cadre des discriminations à l’accès au service ainsi qu’aux différences de traitement opérées entre leurs usagers.
Le Conseil d’Etat a notamment précisé la notion de différence de situation appréciable qui est susceptible d’autoriser les différenciations.
Exemple :
– CE, 13 mai 1994, requête numéro 116549, Commune de Dreux (Rec. p.233 ; AJDA 1994, p.652, obs. Hecquard-Théron ; RFDA 1994, p.711, concl. Daël) : le Conseil d’Etat est saisi d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une délibération d’un conseil municipal prévoyant que l’école de musique communale ne peut accueillir que les enfants dont les parents ont leur domicile dans cette commune, ainsi que les élèves adultes qui y habitent. Pour les autres élèves, la délibération contestée exige qu’un financement extérieur soit apporté. Le Conseil d’Etat relève que le service assuré est un service public non obligatoire « dont l’objet n’exclut pas que son accès puisse être réservé à certaines catégories d’élèves ». Ainsi, le principe d’égalité n’est pas violé si cet accès est limité aux élèves « qui ont un lien particulier avec la commune et se trouvent de ce fait dans une situation différente de l’ensemble des autres usagers potentiels du service ». Pour autant, le Conseil d’Etat annule la délibération contestée. En effet, pour les juges, tous les élèves potentiels qui sont scolarisés ou qui travaillent dans la commune ont un lien particulier avec elle. Par conséquent, il était illégal d’exclure des prestations assurées les élèves adultes qui travaillent à Dreux, sans y résider.
Dans sa jurisprudence récente, le Conseil d’Etat s’est également montré de plus en plus favorable à reconnaître que des différences de traitement entre les usagers pouvaient être motivées par des circonstances liées à l’intérêt général.
Cette reconnaissance a pu d’abord être observée dans le cadre des services publics facultatifs à caractère social.
Exemple :
– CE, 20 janvier 1989, requête numéro 89691, Centre communal d’action sociale de la Rochelle (Rec. p.8 ; AJDA 1989, p.398, obs. Prétot) : le Conseil d’Etat était ici saisi de la question de la légalité d’une délibération fixant les tarifs applicables à une crèche. Ces tarifs variaient en fonction d’un quotient familial calculé à partir des ressources des familles ainsi que du nombre de personnes les composant. Le Conseil d’Etat estime que « l’intérêt général qui s’attache à ce que la crèche puisse être utilisée par tous les parents … sans distinction selon les disponibilités financières dont dispose chaque foyer » justifie une telle discrimination. Toutefois, une limite est instituée : « les tarifs les plus élevés doivent demeurer inférieurs au coût de fonctionnement de la crèche ».
Ainsi, l’intérêt général visé par le Conseil d’Etat réside dans la volonté de faciliter l’accès au service public. De façon assez paradoxale, l’inégalité de traitement apparaît donc comme un moteur de l’égalité d’accès des usagers. La condition limitative des discriminations s’explique de la même façon : il s’agit d’éviter une différenciation trop grande entre les tarifs institués, qui risquerait d’exclure les personnes bénéficiant de revenus hauts et moyens.
Cependant, ce qui était valable pour les crèches a longtemps été exclu pour d’autres services publics à caractère facultatif et notamment pour les écoles de musique, ainsi que l’a décidé le Conseil d’Etat dans son arrêt de Section Ville de Tarbes du 26 avril 1985 (requête numéro 41169 : Rec. p.119, concl. Lasserre ; AJDA 1985, p.409, chron. Hubac et Schoettl ; D. 1985, p.592, note Hamon ; RFDA 1985, p.707, concl. Lasserre). Le Conseil d’Etat annulait ici la délibération d’un conseil municipal établissant un nouveau barème des droits d’inscription à une école de musique, élaborés à partir d’un quotient familial. Les juges estimaient, en effet, qu’aucune nécessité d’intérêt général ne justifiait une différenciation fondée sur les seules différences de ressources entre les usagers.
Par conséquent, on peut estimer que le Conseil d’Etat établissait une distinction entre les services publics facultatifs à vocation sociale et les services publics facultatifs de loisirs. En effet, l’intérêt général d’un égal accès de tous les candidats usagers aux services publics n’était reconnu que pour les services relevant de la première catégorie.
La situation a toutefois évolué avec les arrêts de Section du 29 décembre 1997, Commune de Gennevilliers et Commune de Nanterre, à l’occasion desquels le Conseil d’Etat a aligné le régime juridique appliqué aux services publics facultatifs de loisirs sur celui jusqu’alors réservé aux services publics facultatifs à vocation sociale (requête numéro 157425, requête numéro 157500 : Rec. p.499 ; AJDA 1998, p.102, chron. Girardot et Raynaud ; Droit adm. 1998, 41 ; JCP 1998, I, 165, chron. Petit ; LPA mai 1998, n°59, note Alloiteau ; Rev. adm. 1998, p.406, note Pontier ; RDP 1998, p.899, note Borgetto et p.539, concl. Stahl). Dans la seconde affaire, il était ainsi question de tarifs différenciés en fonction des ressources familiales et du nombre des personnes composant le foyer pour l’accès à un conservatoire de musique et de danse. Le Conseil d’Etat relève qu’il existe un intérêt général qui s’attache à ce que le conservatoire puisse être fréquenté par les élèves qui le souhaitent, sans distinction selon leurs possibilités financières. Par conséquent, dans la mesure également où les droits les plus élevés restent inférieurs au coût par élève du fonctionnement de l’école, le principe d’égalité n’a pas été violé en l’espèce.
Cette jurisprudence a finalement été reprise par la loi n°98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions qui dispose dans son article 147 que « les tarifs des services publics administratifs à caractère facultatif peuvent être fixés en fonction des revenus des usagers et du nombre de personnes vivant au foyer. Les droits les plus élevés ainsi fixés ne peuvent être supérieurs au coût par usager de la prestation concernée ».
Plus récemment, s’est posée la question de savoir si la gratuité de l’accès aux musées, résultant de décisions du centre des monuments nationaux et de l’établissement public du musée du Louvre pouvait implicitement exclure les jeunes non ressortissants d’un Etat de l’Union européenne et de l’Espace économique européen et notamment les résidents irréguliers sur le territoire d’un de ces Etats (Conseil d´Etat, Sect., 18 janvier 2013, Association SOS Racisme, requête numéro 328230 : AJDA 2013, p. 674, chron. Glaser et p. 1010, concl. Hedary ; JCP A 2013, act. 71, obs. Touvier ; JCP A 2013, 2091, note Pauliat). Les juges considèrent qu’il existe un motif d’intérêt général qui justifie de favoriser l’accès à la culture des jeunes usagers, dès lors qu’ils ne disposent pas, en général, des ressources leur permettant de fréquenter les musées et d’en devenir des usagers assidus. En conséquence « il était loisible aux établissements concernés de distinguer les personnes qui ont vocation à résider durablement sur le territoire national, des autres, la gratuité concédée devant avoir pour résultat de rendre durable la fréquentation habituelle des institutions concernées et n’ayant donc nécessairement pas de justification pour les personnes qui ne sont pas appelées à séjourner durablement sur le territoire ».
§IV- La question de la gratuité des services publics
S’il n’existe pas de principe général de gratuité des services publics, la gratuité pour les usagers pour certains de ces services publics peut être instituée par un texte.
I- Absence d’un principe de gratuité
Les auteurs s’accordent pour estimer qu’il n’existe pas de principe de gratuité qui s’applique directement aux différents services publics. Qui plus est, la notion même de gratuité peut être définie de façon différente.
Si l’on entend la notion de gratuité dans un sens général, il est clair qu’elle est inconcevable. En effet, tout service public a un coût de fonctionnement. Or, si le service est gratuit pour l’usager, il sera nécessairement financé par le contribuable.
En revanche, si l’on entend la notion de gratuité dans un sens plus restreint, l’idée est plus acceptable. En effet, certains services publics sont gratuits pour les usagers, même s’ils sont financés, par ailleurs, par le contribuable. C’est le cas, par exemple, des services de l’état civil ou encore du service d’enlèvement des ordures ménagères lorsqu’il est financé par une taxe.
Cependant, même si, dans un sens restreint, la gratuité des services publics est concevable, son existence, en tant que principe de fonctionnement s’imposant directement aux différents services publics, a été clairement déniée par la jurisprudence.
Exemple :
– CE Ass., 10 juillet 1996, requête numéro 168702, requête numéro 168734, requête numéro 169631, requête numéro 169951, Société Direct Mail promotion (Rec. p.277 ; AJDA 1996, p. 189, note Maisl ; RFDA 1997, p. 115, concl. Denis-Linton) : saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre un décret relatif à la rémunération de certains services rendus par l’INSEE, le Conseil d’Etat relève « (qu’) aucun principe général du droit ni aucune disposition législative ne font obstacle à ce que les services rendus par l’INSEE énumérés par le décret fassent l’objet d’une rémunération ».
Il faut enfin noter, comme on l’a vu, qu’au regard du droit de l’Union européenne, le service public n’est pas envisagé en dehors du marché, mais dans le marché. Le libéralisme économique dont s’inspire le droit de l’Union européenne paraît en effet guère conciliable avec l’idée de gratuité. La notion de gratuité a été en quelque sorte remplacée par celle de « service universel » qui sous-tend l’idée de mise à disposition des personnes les plus démunies d’un service de qualité, non pas gratuit, mais dont le coût est abordable.
II- Possibilité d’instituer la gratuité de certains services publics
S’il n’existe pas de principe de gratuité des services publics, rien n’empêche le législateur d’instituer la gratuité de tel ou tel service public.
Bien évidemment, cette possibilité ne peut concerner que les services publics administratifs. Pour les services publics industriels et commerciaux, en effet, la gratuité n’aurait aucun sens, ces services se caractérisant justement par le fait qu’ils sont financés par les redevances versées par les usagers. Ceci étant, on n’omettra pas ici de rappeler que le législateur peut parfaitement qualifier d’établissement public industriel et commercial une personne publique dont l’activité est en réalité purement administrative et dont les prestations peuvent être gratuites (V. sur ce point supra p. 272).
Pour les services publics administratifs, en revanche, la gratuité appliquée aux usagers est davantage la norme. Sur ce point, il est cependant utile de réaliser une distinction entre les services publics administratifs à caractère obligatoire et les services publics facultatifs.
A- Services publics obligatoires
Il s’agit des services que les collectivités publiques sont légalement tenues d’assurer. En principe, leurs prestations sont gratuites, ce qui peut être expressément prévu par la loi.
Exemples :
– L’article L. 2224-12-1 du Code général des collectivités territoriales prévoit la gratuité de l’eau fournie par les réseaux publics pour la lutte contre l’incendie.
– L’article L. 324-1 du Code des relations entre le public et l’administration précise que la réutilisation d’informations publiques est gratuite.
Cependant, des redevances peuvent être exigées lorsqu’il apparaît que les usagers ont directement bénéficié de prestations personnalisées, c’est-à-dire de prestations qui excèdent celles normalement réalisées par le service concerné. Cette solution est justifiée par le fait que, dans de tels cas, le service public a été exercé non pas dans l’intérêt général, mais dans l’intérêt propre de son bénéficiaire.
Exemples :
– CE, 19 février 1998, requête numéro 49338, requête numéro 49809, SARL Pore gestion (Rec. p.77 ; LPA 14 septembre 1998, p.2, note Moderne) : le Conseil d’Etat reconnaît la légalité de l’institution d’une redevance mise à la charge de brocanteurs exerçant sur un « marché aux puces ». Les juges considèrent en effet que les frais supplémentaires représentés par les interventions de la commune dans les domaines de la circulation, de la sécurité et de la salubrité excédent « les besoins normaux » auxquels elle est tenue de pourvoir dans l’intérêt général.
A l’opposé, les juges estiment que des prestations qui constituent le prolongement normal d’activités obligatoires doivent également être gratuites. Cette question se pose notamment à propos des missions du service départemental de lutte contre l’incendie et de secours. Selon l’article L. 1424-2 du Code général des collectivités territoriales ce service exerce « 1° la prévention et l’évaluation des risques de sécurité civile ; 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l’organisation des moyens de secours ; 3° La protection des personnes, des biens et de l’environnement ; 4° Les secours d’urgence aux personnes victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ». L’article L. 742-11 du Code de sécurité intérieure précise quant à lui que toutes ces dépenses sont prises en charge par le service départemental d’incendie et de secours. Il s’agit d’une conséquence du principe de gratuité des secours dont l’origine remonte à dans l’ordonnance royale de Louis XIV du 11 mars 1733. L’article L. 1424-42 du même code indique toutefois que « le service départemental d’incendie et de secours n’est tenu de procéder qu’aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l’article L. 1424-2. S’il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l’exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d’administration ». L’application de ces dispositions fait l’objet de solutions nuancées.
Exemples :
– CE, 5 décembre 1984, requête numéro 48639, Ville de Versailles (Rec. p. 399 ; Quot. Jur. 30 avril 1985, note Moderne ; AJDA 1985, p. 104, note Jur. C.) : le Conseil d’Etat est saisi d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une décision mettant à la charge de la victime d’un accident de la circulation ses frais de transport par des sapeurs-pompiers à l’hôpital. Cette décision était fondée sur les dispositions du Code général des collectivités territoriales qui prévoient que si la commune doit supporter les frais d’intervention des sapeurs-pompiers, « les frais exposés pour des prestations particulières qui ne relèvent pas de la nécessité publique » sont à la charge des personnes secourues. Le Conseil d’Etat a pourtant annulé la décision contestée au motif que le transport par les sapeurs-pompiers a été « le prolongement normal des missions de secours d’urgence » qui leur sont normalement dévolues.
– CAA Douai, 5 juillet 2005, requête numéro 05DA00005, SDIS de l’Eure (AJDI 2006, p.144) : les interventions effectuées par un service d’incendie et de secours qui ont pour seul objet la désincarcération de personnes bloquées dans un ascenseur affecté par un défaut de fonctionnement ne peuvent être regardées comme se rattachant directement à l’exercice des missions de prévention des risques de sécurité civile, d’organisation des moyens de secours, de protection des personnes et de secours d’urgence aux accidentés dévolues au service d’incendie et de secours par l’article L. 1424-2 précité du Code général des collectivités territoriales ». Par suite, la cour juge que le SDIS est fondé, en application des dispositions de l’article L. 1424-42 du Code général des collectivités territoriales, à demander « aux personnes bénéficiaires » de telles interventions une participation aux frais.
B- Services publics facultatifs
Il s’agit des différents services institués dans un intérêt général par des collectivités publiques, alors même qu’elles n’avaient aucune obligation légale de les créer. Dans ce cas de figure, il n’existe aucun obstacle de principe qui interdise de subordonner les prestations de ces services au versement d’une redevance. Toutefois, comme on l’a vu, l’institution de telles redevances doit respecter le principe d’égalité de traitement entre les usagers du service public.
Section IV – Modes de gestion de services publics
Dans le silence de la loi, les collectivités publiques sont libres de déterminer le mode de gestion des services publics qu’elles ont en charge. Elles peuvent soit assurer elles-mêmes « en régie » la gestion de ces services soit les confier à une autre personne publique ou à une personne privée.
§I- Gestion en régie
La gestion en régie recouvre deux hypothèses distinctes.
Il s’agit tout d’abord de celle de la régie simple. Dans cette hypothèse, rien ne distingue le service géré en régie de la collectivité qui l’assure. Il n’y a aucune individualisation du service en régie parmi les autres activités exercées par la collectivité. Ainsi, s’il s’agit d’un service communal, c’est le budget général de la commune qui finance le service, ce sont les agents de la commune qui l’assurent, et ce sont le maire et le conseil municipal qui prennent les décisions relatives à sa gestion et à son fonctionnement.
Il s’agit ensuite de la régie dotée de la seule autonomie financière : dans cette hypothèse, les services concernés sont individualisés, puisqu’un conseil d’exploitation est institué. Les comptes de ces régies sont retracés dans un budget propre annexe, ce qui va permettre l’affectation de ressources. Toutefois, le conseil d’exploitation et son directeur n’exercent qu’un rôle secondaire, puisque les principales décisions relatives au fonctionnement et à l’organisation de la régie continuent de relever des organes délibérant et exécutif de la collectivité concernée. En cas de gestion en régie personnalisée, et à défaut de la création d’une régie spécialisée, c’est ce mode de gestion qui est imposé pour les services publics industriels et commerciaux locaux. Il s’agit ainsi d’assurer le contrôle de l’équilibre financier de ces activités. Le recours à ce type de gestion en régie est cependant également possible pour les services publics administratifs.
La régie – et plus précisément encore la régie simple – constitue de très loin le mode de gestion des services publics le plus répandu. Il faut nettement distinguer cette hypothèse de celle de la régie personnalisée, qui consiste à confier le service à une personne publique distincte placée sous le contrôle de la collectivité et qui constitue en réalité une catégorie particulière d´établissement public, et la régie intéressée qui constitue l’une des modalités de délégation d’un service public par une personne privée.
§II- Gestion par une institution spécialisée
Plutôt que de prendre en charge elles-mêmes une activité de service public, l’Etat ou les collectivités territoriales peuvent la confier à une institution spécialisée publique – qui sera généralement comme on l’a vu un établissement public – ou privée, en ayant recours soit à une habilitation unilatérale soit à la voie contractuelle.
I- Habilitation unilatérale d’une personne privée
A l’occasion de l’arrêt du 13 mai 1938, Caisse primaire aide et protection (D 1939, III, p.65, concl. Latournerie, note Pépy), le Conseil d’Etat a admis que des personnes privées peuvent être habilitées unilatéralement à gérer un service public. Comme l’a précisé le Conseil d’Etat une personne publique ne peut attribuer la gestion d’un service public par un acte unilatéral que lorsque cela est « prévu par un texte » (CE, avis, 9 mars 1995, requête numéro 356931 : EDCE 1995, n° 47, p. 399. – CE, avis, 28 septembre 1995, requête numéro 357262 et requête numéro 357263 : EDCE 1995, n° 47, p. 402).
Ce mode de gestion des services publics s’est depuis considérablement développé, aussi bien pour les services publics administratifs que pour les services publics industriels et commerciaux.
Cette habilitation peut résulter d’un texte de loi comme celle du 2 décembre 1940 qui crée les ordres professionnels ou encore l’article L. 301-14 du Code du sport qui prévoit que pour chaque discipline sportive, une seule fédération peut recevoir délégation pour organiser des compétitions sportives. Elle peut également résulter d’un acte règlementaire ou d’un acte individuel lorsqu’un texte le prévoit.
Exemple :
-L’article L. 2223-23 du Code général des collectivités territoriales précise que le préfet peut habiliter une entreprise ou une association dans le cadre du service public de pompes funèbres.
Il existe enfin des hypothèses où, contrairement à l’ordre normal des choses, la création spontanée d’une activité d’intérêt général par une personne privée précède la transformation de cette activité en service public. Ainsi, par exemple, dans l’arrêt de Section Commune d’Aix-en-Provence du 6 avril 2007 (requête numéro 284736, préc.), le Conseil d’Etat considère qu’une activité peut « se voir reconnaître un caractère de service public, alors même qu’elle n’a fait l’objet d’aucun contrat de délégation de service public procédant à sa dévolution, si une personne publique, en raison de l’intérêt général qui s’y attache et de l’importance qu’elle revêt à ses yeux, exerce un droit de regard sur son organisation et, le cas échéant, lui accorde, dès lors qu’aucune règle ni aucun principe n’y font obstacle, des financements ».
Exemples :
– A l’occasion de l’arrêt du 6 avril 2007, le Conseil d’Etat relève que l’Association pour le festival international d’art lyrique et l’Académie européenne de musique d’Aix-en-Provence a pour objet statutaire exclusif la programmation et l’organisation de ce festival et de cette académie. Elle se compose de trois représentants de l’Etat, de quatre représentants des collectivités territoriales et de cinq personnalités qualifiées, dont une est nommée par le maire d’Aix-en-Provence et trois par le ministre chargé de la culture, ainsi que, le cas échéant, de membres actifs ou bienfaiteurs ou encore d’entreprises, dont la demande d’adhésion doit être agréée par le bureau et qui ne disposent pas de voix délibérative au sein de l’association. Son conseil d’administration est composé de quinze membres, dont onze sont désignés par les collectivités publiques. Les subventions versées par les collectivités publiques représentent environ la moitié des ressources de l’association qui bénéficie en outre, de la part de la commune, de différentes aides, comme la mise à disposition de locaux dans lesquels se déroule le festival et des garanties d’emprunt. L’Etat, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le département des Bouches-du-Rhône et la commune d’Aix-en-Provence ont ainsi décidé, sans méconnaître aucun principe, de faire du festival international d’Aix-en-Provence un service public culturel.
– CE, 15 février 2016, requête numéro 384228, Société Cathédrale d’Images (Contrats Marchés publ. 2016, comm. 108, obs. Eckert et Chron. 1, obs. Eckert ; ibid. mars 2017, chron. Llorens et Soler-Couteaux ; Dr. adm. 2016, 29, note Brenet ; JCPA 2016, 2183, note Pauliat ; RD imm. 2016. 472, obs. Foulquier : la commune ne fait preuve d’aucune implication dans l’organisation des spectacles ou la tarification des manifestations données par une société. En conséquence l’activité, qui présente pourtant un intérêt général, ne peut être qualifiée de service public.
II- Habilitations contractuelles
L’Etat, une collectivité territoriale, ou même une personne publique spécialisée, peuvent confier par voie contractuelle l’exécution d’un service public, généralement à une personne privée.
Il peut s’agir également de personnes publiques, et notamment d’établissement publics, dès lors qu’elles agissent dans des conditions d’égale concurrence envers les autres opérateurs (CE, avis, 8 novembre 2000, requête numéro 222208, Société Jean-Louis Bernard consultant préc.- V. également CE, Ass., 30 décembre 2014, Société Armor SNC, requête numéro 355563, préc.). Doivent également être mentionnées certaines formes juridiques visées par le Code général des collectivités territoriales. Il s’agit des sociétés d’économie mixte locales (SEML.- V. CGCT, art. L. 1521-1 s.) ainsi que des sociétés publiques locales (SPL.- V. CGCT, art. L. 1531-1) créées par la loi n°2010-559 du 28 mai 2010 qui se caractérisent, à la différence des premières, par un actionnariat entièrement public. La loi n°2014-774 du 2 juillet 2014 a également créé les sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP.- V. CGCT, art. L. 1541-1 s.) qui ont vocation à n’exécuter que le seul objet du contrat qui leur est attribué par une collectivité publique, lequel peut porter sur l’exécution d’un service public.
Quelle que soit la nature juridique du délégataire, des règles de publicité et de mise en concurrence préalable doivent être respectées. Une exception est toutefois prévue pour les sociétés publiques locales qui exercent leurs activités pour le compte de leurs actionnaires (V. CAA Lyon, 16 mars 2017, requête numéro 16LY02652, SEMERAP : AJCT 2017, p. 213, obs. Devès ; RTD eur. 2017, p. 810, obs. Muller) et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres (CGCT, art. L. 1531-1). Cependant, le Conseil d’Etat a précisé que cette solution ne s’applique pas vis-à-vis de personnes publiques qui ne sont que des actionnaires minoritaires de la société et qui ne participent pas à ses organes de direction (CE, 6 novembre 2013, requête numéro 365079, Commune de Marsannay-la-Côte : Rec. p. 261 ; AJDA 2014, p. 60, note Clamour ; Constr.-Urb. 2013, 164, note Santoni ; Contrats-Marchés publ. 2014, 19, note Amilhat ; Dr. adm. 2014, 4, note Brenet ; JCP A 2013, act. 884, obs. Erstein ; JCP A 2014, 215, obs. Linditch ; RJEP 2014, 14, concl. Dacosta.- V. également CAA Marseille, 6 juillet 2015, requête numéro 13MA03152 : Constr.-Urb. 2016, 2, note Santoni). Les sociétés publiques locales ne doivent donc pas être considérées comme des structures « in house » à l’égard de cette catégorie d’actionnaires et elles doivent donc s’astreindre, dans les relations qu’elles entretiennent avec celles-ci, aux règles de publicité et de mise en concurrence exigées par le droit de la commande publique. Relevons également que pour ce qui concerne les SEMOP, la mise en concurrence est organisée non pas pour l’attribution du contrat mais pour le choix de l’actionnaire privé de la structure en voie de constitution.
Il faut aussi rappeler que depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, les délégations de service public ne sont plus qu’un sous-ensemble au sein de cette nouvelle catégorie. Selon l’article 5 de l’ordonnance : « les contrats de concession sont les contrats conclus par écrit, par lesquels une ou plusieurs autorités concédantes soumises à la présente ordonnance confient l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix ». L’ordonnance opère ensuite une distinction entre les délégations de travaux et les délégations de service qui « ont pour objet la gestion d’un service (et qui) peuvent consister à déléguer la gestion d’un service public ». Le même article précise que « le concessionnaire peut être chargé de construire un ouvrage ou d’acquérir des biens nécessaires au service ». L’article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales énonce ainsi qu’une « délégation de service public est un contrat de concession au sens de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession ».
Les nouvelles règles visées par l’ordonnance du 29 janvier 2016 n’ont toutefois pas remis en cause l’existence de trois grandes catégories de contrats de délégation de service public : la concession (non pas au sens européen mais au sens restreint résultant de la jurisprudence du Conseil d’Etat), l’affermage et – ce qui est moins évident – la régie intéressée.
A- Concession
Historiquement, c’est le premier type de contrat de délégation de service public qui est apparu dès le début du XIX° siècle. Selon la définition de M. Guglielmi et Mme. Koubi : « c’est un mode de gestion par lequel une personne publique dite concédante confie par contrat la gestion opérationnelle d’un service public à une personne physique ou morale, publique ou privée, dite concessionnaire, qu’elle a librement choisi » (Droit du service public, ouv. précité). Il s’agit donc d’un type particulier de concession au sens de l’ordonnance du 29 janvier 2016, qui ne se confond pas avec la notion plus large utilisée par ce texte, lequel emploie une terminologie directement empruntée au droit de l’Union européenne.
Ce contrat est d’abord apparu dans la pratique, avant d’être identifié et de voir son régime juridique défini par le juge administratif. Plus précisément, c’est le commissaire du gouvernement Chardenet qui a défini dans l’arrêt Compagnie générale d’électricité de Bordeaux du 30 mars 1916 les trois éléments caractéristiques du contrat de concession (Rec. p.125, concl. Chardenet ; D. 1916, III, p.25, concl. Chardenet ; RDP 1916, p.206 et 388, concl. Chardenet, note Jèze ; S. 1916, III, p.17, concl. Chardenet, note Hauriou): le concessionnaire gère le service public à ses frais et risques, ce principe connaissant toutefois une exception lorsque s’applique la théorie de l’imprévision ; il est tenu de respecter le cahier des charges qui lui est imposé ; il se rémunère principalement par des redevances perçues sur les usagers.
On rappellera toutefois que conformément à l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016, le critère du prix a été remplacé par celui de risque d’exploitation. Il ainsi été récemment jugé par le conseil d’Etat qu’un contrat dénommé « concession provisoire de service public » qui ne fait en réalité peser qu’un risque économique mineur sur le délégataire constitue non pas un contrat de concession mais un marché public (CE, 24 mai 2017, requête numéro 407213, Société Régal des îles : AJCT 2017, p.513 ; AJDA 2017, p. 1957, note Martin ; BJCP 2017, p. 279, concl. Pellissier : Contrats-Marchés publ. 2017, 182, note Eckert).
Très souvent, la concession d’un service public s’accompagne d’une concession de travaux publics. En d’autres termes, le concessionnaire est généralement tenu de supporter les frais de premier établissement des ouvrages publics nécessaires à l’exploitation du service qu’il est chargé d’assurer. Ceci explique pourquoi les contrats de concession sont conclus pour une durée qui est généralement longue , bien qu’elle soit aujourd’hui limitée comme pour l’ensemble des délégations de service public (V. CGCT, art. L. 1411-2) : il s’agit de permettre au concessionnaire de couvrir ses frais et de tirer un bénéfice de son exploitation.
S’agissant des ouvrages qui sont construits une distinction est faite entre deux types de biens : les biens de retour, c’est-à-dire ceux qui sont nécessaires au service exploité, qui appartiennent dans le silence du contrat dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique et qui lui sont remis gratuitement à l’expiration de la concession ; les biens de reprise, c’est-à-dire ceux qui sont seulement utiles au service, qui demeurent la propriété du concessionnaire sauf en cas de rachat par la collectivité publique (CE Ass., 21 décembre 2012, requête numéro 342788, Commune de Douai : Rec. p. 477, concl. Dacosta ; AJCT 2013, p. 91, note Didriche ; AJDA 2013, p. 457, chron. Domino et Bretonneau et p. 724, note Fatôme et Terneyre ; BJCP 2013, p. 136, concl. Dacosta ; Contrats-marchés publ. 2013, 2, note Llorens et Soler-Couteaux et 41, note Eckert ; Dr. adm. 2013, 20, note Eveillard ; JCP A 2013, 2044, note Boda et Guellier ; RFDA 2013, p. 513, note Janicot et Lafaix).
B- Affermage
Ce contrat est très proche de la concession, mais il s’en éloigne toutefois sur certains points. Selon la définition de M. Guglielmi et de Mme. Koubi « c’est un contrat par lequel la personne publique responsable du service charge un tiers, appelé fermier, de gérer le service public, éventuellement grâce à des ouvrages qu’elle lui remet, moyennant le versement à cette personne publique d’une rémunération prélevée sur les redevances versées par les usagers » (Droit du service public, ouv. précité).
Il existe ainsi deux différences majeures entre le contrat d’affermage et le contrat de concession.
Tout d’abord, le fermier ne supporte pas les frais de premier établissement des ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public qu’il a en charge. Cette caractéristique explique que les contrats d’affermage sont conclus pour des durées généralement moins longues que les contrats de concession. Néanmoins, le fermier peut faire l’avance d’un fond de roulement financier (CE, 3 juin 1987, requête numéro 56733, Société nîmoise de tauromachie : LPA 15 juin 1988, note Poujade) et il peut également financer des installations à condition qu’elles ne présentent qu’un caractère accessoire.
La seconde différence porte sur le mode de rémunération : il est déduit de la rémunération du fermier une redevance, généralement appelée surtaxe, qui est reversée à la personne publique délégante. Il s’agit ainsi de permettre à cette personne publique de compenser les charges liées à la mise à disposition des ouvrages publics nécessaires à l’exploitation du service. Dans tous les cas, cependant, le montant de la surtaxe ne saurait excéder le montant des frais exposés par l’administration pour la construction des ouvrages ainsi que pour l’amortissement du renouvellement de ces ouvrages.
Dans un arrêt Commune d’Elancourt du 29 avril 1987 (requête numéro 51022 : Rec. p.152 ; AJDA 1987, p.543, obs. Prétot ; RFDA 1987, p.525, concl. Robineau) le Conseil d’Etat requalifie ainsi un contrat dénommé par les parties « traité de concession » en contrat d’affermage dans la mesure où « si l’article 1er du contrat stipule que la concession a pour objet le captage, l’adduction, le traitement et la distribution d’eau potable dans les communes du syndicat, il est constant que les ouvrages de service étaient déjà établis à la date de passation du contrat et ont été remis par le syndicat intercommunal à la société S., laquelle s’engageait à lui verser une redevance en contrepartie de cette remise ».
La distinction entre affermage et concession a également des conséquences en matière de responsabilité. En effet, lorsque la délégation est limitée à la seule exploitation de l’ouvrage, comme c’est le cas en matière d’affermage, la responsabilité des dommages imputables à l’existence, à la nature et au dimensionnement d’un ouvrage incombent à la personne publique délégante. C’est uniquement « en cas de concession de service public, c’est-à-dire d’une délégation de sa construction et de son fonctionnement, que peut être réclamée par des tiers la seule responsabilité du concessionnaire, sauf insolvabilité de ce dernier, en cas de dommages imputables à l’existence ou au fonctionnement de cet ouvrage » (CE, 26 novembre 2007, requête numéro 279302, Migliore : AJDA 2008, p. 210, note Dreyfus) – V. également CAA Douai, 7 août 2013, requête numéro 12DA01374, Veolia Eau – Compagnie générale des eaux : Contrats-Marchés publ. 2013, 292, obs. Devillers
C- Régie intéressée
Selon la définition de M. Guglielmi et de Mme. Koubi « c’est un contrat de transfert de la gestion opérationnelle des services publics, dans lequel une personne publique responsable du service en confie la gestion à un tiers, appelé régisseur, qui agit pour le compte de la personne publique et reçoit d’elle une rémunération indexée sur les résultats financiers du service » (Droit du service public, ouv. précité). Ainsi, l’adjectif intéressé doit être compris dans le sens où le régisseur est intéressé aux bénéfices réalisés par le service. Pour le reste, ce mode de gestion des services publics se rapproche à la fois de la régie et de la concession.
D’une part, à la différence du concessionnaire qui agit pour son propre compte, le régisseur intéressé agit pour le compte de la collectivité publique contractante qui assure la direction de l’exploitation.
D’autre part, cependant, le régisseur bénéficie d’une autonomie de gestion qui rapproche ce type de contrat de la concession et le différencie de la régie. Cependant, il existe deux différences essentielles entre la situation du concessionnaire et celle du régisseur intéressé. Tout d’abord, les modes de rémunération du concessionnaire et du régisseur intéressé diffèrent. En effet, la rémunération du régisseur intéressé est assurée par un intéressement versé par la personne publique. Plus précisément, le régisseur intéressé touche une prime fixée en pourcentage du chiffre d’affaire, complétée d’une prime variable calculée en fonction des résultats de l’exploitation et éventuellement par une part des bénéfices. Ensuite, le régisseur intéressé n’est pas normalement tenu de supporter les frais de premier établissement, ni les pertes du service.
Manifestement, les contrats de régie intéressée correspondaient aux deux critères de définition du contrat de délégation de service public tels qu’ils résultaient de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 : la prise en charge d’un service public ; une rémunération substantiellement liée aux résultats de l’exploitation. Cette solution a été expressément admise par le Conseil d’Etat à l’occasion de l’arrêt Syndicat mixte du traitement des ordures ménagères centre ouest Seine-et-marnais (SMITOM) du 30 juin 1999 (requête numéro 198147, préc.- V. également, CAA Douai, 29 janvier 2004, requête numéro 01DA01060, Commune d’Amiens c/ Société d’exploitation de la gare d’Amiens).
Toutefois, un contrat de régie intéressé qui prévoirait certes un intéressement aux résultats d’exploitation, mais dans une proportion qui ne pourrait être considérée comme « substantielle », serait qualifié de marché public par la jurisprudence. Ceci étant, le lien entre rémunération et résultat de l’exploitation devant être seulement « substantiel », il est admis que la rémunération liée à l’exploitation connaisse des modalités variées et puisse ne pas être majoritaire : tel est le cas dans l’affaire « SMITOM », où la part des recettes autres que celles correspondant au prix payé était d’environ 30 %.
Cependant, la jurisprudence Département de la Vendée (CE, 7 novembre 2008, requête numéro 291794, préc.) puis l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016, en privilégiant le critère du risque d’exploitation, devait nécessairement aboutir à une remise en cause de cette analyse. Au cas d’espèce, les juges ont estimé « (qu’une) part significative du risque d’exploitation demeurant à la charge (du) cocontractant, sa rémunération doit être regardée comme substantiellement liée aux résultats de l’exploitation ». Cette nouvelle approche doit aboutir plus facilement à qualifier de marchés publics les contrats de régie intéressée, ces contrats étant conçus généralement pour effacer tout risque de perte pour le cocontractant de l’administration. C’est d’ailleurs ce qui avait été retenu dans une ordonnance déjà ancienne du juge des référés du tribunal administratif de Besançon, qui retient la qualification de marché public dans un cas où « le mode d’intéressement du cocontractant de l’administration ne fait dépendre qu’à la marge sa rémunération de l’efficacité de sa gestion et des résultats qu’il aura obtenus » (TA Besançon, ord. réf., 26 novembre 2001, Société Gesclub : BJCP 2002, p. 154, obs. Schwartz). Ce n’est que dans les cas où, d’après les clauses du contrat de régie intéressé, le cocontractant assume une part signification du risque d’exploitation que la qualification de délégation de service public devrait être retenue.
Pour aller plus loin :
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– Bui-Xuan (O.), les ambiguïtés de l’étude du Conseil d’Etat relative à la neutralité religieuse dans les services publics : AJDA 2014, p. 249.
– Chenot (B.), La notion de service public dans la jurisprudence économique du Conseil d’Etat : EDCE, 1950, p. 77.
– Chevallier (J.), Les transformations du statut d’établissement public : JCP 1972, 2496.
– Degoffe (M.), A propos du service public virtuel : CJEG 1993, p. 535.
– Delannoy (V.), Bourgeois (M.), La loi relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public : JCP A2016, 2034.
– Donnier (V.), Les lois du service public : entre tradition et modernité : RFDA 2007, p. 1219.
– Douence (J.-C), Les contrats de délégation de service public : RFDA 1993, p. 936.
– Douence (J.-C), Les incidences du caractère national ou local du service public : AJDA 1997, n° spécial, p. 118.
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– Durand-Prinborgne (C.), La loi sur la laïcité, une volonté politique au centre des débats de société : AJDA 2004, p.704.
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– Eckert (G.), Le champ d’application du nouveau droit des concessions : Contrats-Marchés publ. 2016, dossier 2.
– Fatôme (E.), A propos du rattachement des établissements publics : Mélanges Moreau, Economica 2003, p.138.
– Jean-Pierre (D.), Le principe de laïcité des agents publics : JCP A 2015, 2308.
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