REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 10 septembre 1987, présentée par le Syndicat national des personnels techniques, administratifs et de service de l’équipement C.G.T., représenté par son secrétaire général, dûment habilité par une délibération de la commission exécutive du 7 septembre 1987 et domicilié en cette qualité à son siège social, … ; le Syndicat national des personnels techniques, administratifs et de service de l’équipement C.G.T. demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule le jugement du 7 juillet 1987 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 4 février 1987, par laquelle le président du conseil général de la Moselle a fait connaître à dix agents d’entretien du siège de la direction départementale de l’équipement de la Moselle, le transfert des prestations d’entretien à une société de services ;
2°) annule la décision susanalysée du président du conseil général de la Moselle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Labarre, Conseiller d’Etat,
– les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une lettre du 4 février 1987, le président du conseil général de la Moselle a fait savoir à dix employées chargées du nettoyage et de l’entretien des locaux de la direction départementale de l’équipement que le département avait décidé de confier l’exécution de ces travaux à une société privée avec laquelle il les invitait à se mettre en rapport pour qu’elle leur propose un nouveau contrat d’engagement ;
Considérant que cette lettre a eu, en premier lieu, pour objet de dénoncer les contrats verbaux liant ces agents au département ; qu’eu égard à la nature de leur emploi qui ne les faisait pas participer directement à l’exécution du service public et, en l’absence dans lesdits contrats de toute clause exorbitante du droit commun, les intéressées se trouvaient dans la situation de salariés de droit privé ; que le syndicat requérant n’est, par suite, pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions dirigées contre la décision du 4 février 1987 en tant qu’elle met fin aux contrats liant le département de la Moselle aux dix employées en cause ;
Mais considérant que la lettre du 4 février 1987 révèle également l’existence de la décision par laquelle le président du conseil général de la Moselle a décidé de faire prendre en charge par une société privée, à compter du 1er mars 1987, des travaux exécutés jusqu’à cette date par des agents rémunérés par le département ; que, devant le tribunal administratif, le syndicat requérant a soutenu que cette décision était illégale et en a demandé l’annulation ; que le jugement attaqué qui ne statue pas sur ces conclusions est entaché d’omission de statuer et doit, dans cette mesure, être annulé ;
Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions susanalysées de la demande de première instance ;
Sur les fins de non recevoir soulevées par le département de la Moselle :
Considérant que la décision attaquée ne constitue pas une simple mesure préparatoire mais une décision faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; qu’eu égard aux atteintes qu’elle porte aux intérêts des membres du syndicat requérant, celui-ci justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour en demander l’annulation ;
Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la demande :
Considérant qu’aux termes de l’article 23 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions : « Le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département ( …) » ; qu’aux termes de l’article 25 : « Le président du conseil général est l’organe exécutif du département. – Il prépare et exécute les délibérations du conseil général ( …) – Il est le chef des services du département ( …) » ; qu’il résulte de ces dispositions que si le président du conseil général est compétent pour prendre les mesures relatives à l’organisation interne des services dont il est le chef et à la gestion de leurs agents, il appartient au seul conseil général de décider de créer ou de supprimer des service publics, d’en fixer les règles générales d’organisation et, de façon générale, de prendre toutes les mesures portant sur la définition des missions remplies par les services du département ; que, dans ces conditions, la décision de confier les missions assumées par un service du département à une entreprise privée relève de la seule compétence du conseil général ;
Considérant, dès lors, que la décision attaquée par laquelle le président du conseil général de la Moselle a décidé de faire prendre en charge par une entreprise privée à compter du 1er mars 1987 les travaux exécutés jusqu’à cette date par un service du département est entachée d’incompétence ; que le syndicat requérant est fondé à en demander pour ce motif l’annulation ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 7 juillet 1987 est annulé en tant qu’il a omis de statuer sur les conclusions de la demande du Syndicat national des personnels techniques, administratifs et de service de l’équipement C.G.T. dirigées contre la décision du président du conseil général de la Moselle du 4 février 1987 supprimant le service de nettoyage des locaux de la direction départementale de l’équipement et décidant de le confier à une société privée.
Article 2 : La décision du président du conseil général de la Moselle en date du 4 février 1987 est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du Syndicat national des personnels techniques, administratifs et de service de l’équipement C.G.T. est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national des personnels techniques, administratifs et de service de l’équipement C.G.T., au département de la Moselle et au ministre de l’équipement, des transports et du tourisme.