REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le mémoire, enregistré le 22 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour M. Senad B, demeurant …, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. B demande au Conseil d’Etat, en défense du pourvoi de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides tendant à l’annulation de la décision du 9 novembre 2007 par laquelle la commission des recours des réfugiés a annulé la décision du 24 juillet 2006 du directeur de l’Office et reconnu à M. B la qualité de réfugié, de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 1 F de la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, de la loi du 17 mars 1954 ayant autorisé le Président de la République à ratifier la convention de Genève, de l’article 2 I de la loi du 25 juillet 1952 et de l’article L. 711-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu la loi n° 54-290 du 17 mars 1954 autorisant le Président de la République à ratifier la convention de Genève relative au statut des réfugiés, du 28 juillet 1951, ensemble ladite convention ;
Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,
– les observations de Me Foussard, avocat de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de M. B,
– les conclusions de Mme Julie Burguburu, Rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de M. B ;
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : » Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) » ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu’elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ; que, d’une part, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le juge administratif, juge de droit commun de l’application du droit de l’Union européenne, en assure l’effectivité, soit en l’absence de question prioritaire de constitutionnalité, soit au terme de la procédure d’examen d’une telle question, soit à tout moment de cette procédure, lorsque l’urgence le commande, pour faire cesser immédiatement tout effet éventuel de la loi contraire au droit de l’Union ; que, d’autre part, le juge administratif dispose de la possibilité de poser à tout instant, dès qu’il y a lieu de procéder à un tel renvoi, en application de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne ;
Considérant, en premier lieu, que M. B soutient que l’article 1 F de la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 est contraire au principe constitutionnel de la présomption d’innocence et au droit d’asile ; que toutefois, il résulte des dispositions de l’article 61-1 de la Constitution que leur application ne peut conduire à saisir le Conseil constitutionnel que d’une question portant sur une disposition législative ; que par suite, la question soulevée est irrecevable ;
Considérant, en deuxième lieu, que la loi autorisant la ratification d’un traité, qui n’a d’autre objet que de permettre une telle ratification, n’est pas applicable au litige au sens et pour l’application des dispositions de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 et est, par sa nature même, insusceptible de porter atteinte à des droits et libertés au sens des dispositions de l’article 61-1 de la Constitution ;
Considérant, en troisième et dernier lieu, que l’article L. 711-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et l’article L. 721-2 du même code, issu du I de l’article 2 de la loi du 25 juillet 1952, qui sont contestés en tant qu’ils rappellent l’applicabilité de la convention de Genève, ne sauraient être regardés comme applicables au litige au sens et pour l’application des dispositions de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l’article 1 F de la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, la loi du 17 mars 1954 ayant autorisé le Président de la République à ratifier la convention de Genève, l’article 2 I de la loi du 25 juillet 1952 et l’article L. 711-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Senad B, à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, au Premier ministre et au ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.