La commune de Valdoie (Territoire de Belfort) a demandé à l’administration fiscale de corriger la valeur locative de différents locaux situés sur son territoire (entrepôts, ateliers, bureaux et supermarchés). Après réunion de la commission départementale des impôts directs, le directeur des services fiscaux du département a signé le procès-verbal complétant la liste des locaux-types figurant dans le procès-verbal d’évaluation foncière des propriétés bâties de la commune de Valdoie, ce qui a permis l’évaluation de la valeur locative des locaux commerciaux concernés par le biais de la méthode par comparaison à partir de l’année 2000, conformément à l’article 1498 du Code général des impôts (CGI). Cependant, la commune a demandé que soit utilisée la même méthode pour les années 1998 et 1999, ce qui a été implicitement refusé par l’administration fiscale.
Le tribunal administratif de Besançon a annulé le refus implicite de l’administration fiscale de modifier les bases d’imposition. La Cour administrative d’appel de Nancy a ensuite considéré que la méthode par comparaison devait être utilisée en choisissant des comparables dans la commune et a ajouté que, dans la mesure où n’existaient pas de tels éléments de comparaison, l’administration fiscale était en droit de refuser d’émettre des rôles supplémentaires.
L’affaire a été portée devant le Conseil d’Etat qui qui a considéré qu’il appartenait à la Cour administrative d’appel de rechercher si, dans la mesure où il n’existait pas d’éléments de comparaison dans la commune, les immeubles concernés ne pouvaient pas être considérés comme présentant un caractère particulier au sens de l’article 1498 2° du CGI, autorisant l’utilisation de comparables extérieurs à la commune (CE 8e et 3e s.-s., 27 avril 2009, n° 296920).
« Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l’évaluation des immeubles d’un caractère particulier ou exceptionnel » (article 1498 2° a du CGI).
Le refus de l’administration fiscale était susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat, cependant le Conseil d’Etat ne disposait pas des éléments suffisants pour trancher cette question de responsabilité et a renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Nancy.
Selon cette juridiction, les locaux-types utilisés pour la commune de Valdoie pour les années 1998 et 1999 ne remplissaient pas les conditions de l’article 1498 2° du CGI car soit ils n’étaient pas loués au 1er janvier 1970, soit ils ne présentaient pas suffisamment de similitudes avec les locaux qui leur étaient comparés. Toutefois, l’administration fiscale ne pouvait pas utiliser le nouveau procès-verbal d’évaluation, dans la mesure où, dans le cadre de la méthode d’évaluation par comparaison, ne peuvent être utilisés que les locaux-types régulièrement inscrits au procès-verbal des opérations de révision des évaluations foncières des propriétés bâties communales au 1er janvier de l’année au titre de laquelle l’imposition est établie.
La jurisprudence a clairement établi que, dans la mesure où n’existent pas de termes de comparaison appropriés dans la commune, les locaux commerciaux à évaluer peuvent être regardés comme présentant un caractère particulier au sens de l’article 1498 2° a du CGI, ce qui autorise l’administration à prendre un terme de comparaison hors de la commune (Conseil d’Etat, Section, 18 juillet 2006, Société Darty Alsace-Lorraine, requête numéro 267894 et 267895, publié au recueil). Ainsi, en l’espèce, l’administration doit évaluer les locaux en cause par comparaison avec des immeubles similaires situés hors de la commune et ce pour les années 1998 et 1999. L’émission des rôles supplémentaires ne nécessite pas la révision préalable des procès-verbaux d’évaluation de la commune (article 1504 du CGI).
Depuis longtemps déjà, si les services fiscaux refusent d’assujettir un contribuable à des impôts locaux, la jurisprudence admet traditionnellement l’existence d’un recours pour excès de pouvoir (CE plén., 4 juillet 1986, n° 50789 et n° 50847, min. c/ Commune de Brest et n° 50790 et n° 50848, Commune de Crozon) et, dans le cadre de la présente affaire, le Conseil d’Etat a adopté le même raisonnement lorsque l’administration fiscale a commis une erreur dans le calcul des bases d’imposition. C’est là l’apport principal des différents arrêts qui concernent cette affaire. La Cour d’appel rappelle que la responsabilité de l’Etat ne peut être engagée qu’en cas de faute lourde, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce selon elle, « compte tenu de l’interprétation qui prévalait à la date de sa décision des dispositions [de l’article 1498 2° a du CGI], qui permettent de choisir hors de la commune les termes de comparaison pour procéder à l’évaluation des immeubles d’un caractère particulier ou exceptionnel ». Elle ajoute que si, à l’avenir, les services de l’Etat refusaient d’utiliser des termes de comparaison extérieurs à la commune, ils commettraient une faute lourde engageant la responsabilité de l’Etat.
Dans le présent arrêt, en date du 24 avril 2012, le Conseil d’Etat se prononce sur la responsabilité de l’Etat et sur l’existence d’un préjudice et infirme la position de la Cour administrative d’appel de Nancy. En effet, d’une part, pour faire application de l’article 1498 du CGI, il incombait aux services fiscaux de chercher des termes de comparaisons dans une autre commune présentant une situation économique analogue. Le refus de déterminer la valeur locative des immeubles commerciaux en utilisant des termes de comparaison extérieurs à la commune de Valdoie est de nature à engager la responsabilité de l’Etat si ce refus a directement causé un préjudice à la commune concernée. D’autre part, les conséquences des décisions prises par l’administration fiscale causent un préjudice direct à la collectivité territoriale et aucun comportement émanant de celle-ci ne peut venir, en l’espèce, atténuer la responsabilité des services de l’Etat.