RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :Statuant sur le pourvoi formé par :
– Le procureur général près la cour d’appel de Lyon,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de ladite cour, en date du 15 mars 2016, qui, dans l’information suivie contre MM. Nordine Y…et Georges X… des chefs d’infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, en récidive, a prononcé sur leur demande d’annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 29 novembre 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Buisson, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Bonnal, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Desportes ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller PARLOS, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle DIDIER et PINET, avocats en la Cour et les conclusions de M. l’avocat général DESPORTES ;
Vu les mémoires en demande, en défense, et les observations complémentaires produits ;
Vu les arrêts, en date du 21 juin 2016, renvoyant au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité posées par les défendeurs.
Vu la décision du Conseil constitutionnel du 23 septembre 2016 n° 2016-567/ 568 QPC déclarant les dispositions du 1° de l’article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 60-372 du 15 avril 1960 modifiant certaines dispositions de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence contraires à la Constitution et considérant les mesures prises sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution comme ne pouvant, dans le cadre de l’ensemble des procédures pénales qui leur sont consécutives, être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-5 du code pénal et 591 du code de procédure pénale ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 591 du code de procédure pénale et 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l’article 591 du code de procédure pénale, ensemble l’article 11, 1°, de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 60-372 du 15 avril 1960 modifiant certaines dispositions de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence ;
Attendu que, selon le second de ces textes, le décret déclarant ou la loi prorogeant l’état d’urgence peut, par une disposition expresse, conférer au ministre de l’intérieur, pour l’ensemble du territoire où est institué l’état d’urgence, et au préfet, dans le département, le pouvoir d’ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 19 novembre 2015, le préfet du Rhône a ordonné la perquisition des habitations ou locaux situés …à Vaulx-en-Velin dans lesquels il existait, selon l’arrêté du préfet, des raisons sérieuses de penser que se trouvaient des personnes, armes ou objets pouvant être liés à des activités à caractère terroriste ; que, le 20 novembre 2015, à 1 heure, les fonctionnaires de police ont perquisitionné, à cette adresse, le domicile de M. X…, où se trouvait M. Y… ; que l’officier de police judiciaire présent sur les lieux y a saisi un pistolet à plombs, 1 072 grammes d’héroïne, 134 grammes de cocaïne, 1 098 grammes de résine de cannabis, 242 grammes d’herbe de cannabis, des balances électroniques de précision, un couteau portant des traces de cannabis, des sachets de conditionnement et un document pouvant correspondre à une feuille de comptes ; que le même jour, à 1 heure 45, un officier de police judiciaire a établi un procès-verbal » sur la situation du quartier » La Balme » de Vaux-en-Velin, donnant sur l’avenue Garibaldi, et l’origine des renseignements sur l’existence d’un trafic de stupéfiants, ainsi que sur ce trafic et les risques de dérives communautaires et de radicalisation dans ce quartier » ; qu’après l’ouverture d’une information judiciaire, MM. Y… et X… ont été mis en examen le 22 novembre 2015 des chefs susénoncés et placés en détention provisoire ; que M. X… a saisi, le 3 février 2016, la chambre de l’instruction d’une requête en annulation des actes de la procédure ;
Attendu que, pour accueillir le moyen tiré de l’illégalité de l’ordre préfectoral de perquisition et annuler les actes de la procédure, à l’exception de l’ordre de perquisition, du procès-verbal établi le 20 novembre 2015 à 1 heure 45, du réquisitoire introductif et de la désignation du juge d’instruction, après avoir rappelé les termes de l’article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions, l’arrêt retient que l’ordre de perquisition administrative ne répond pas aux conditions de régularité prévue par ce texte ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que, si elle a énoncé, à bon droit, qu’en application de l’article 111-5 du code pénal, les juridictions pénales sont compétentes pour apprécier la légalité de l’ordre de perquisition, qui, sans constituer le fondement des poursuites, détermine la régularité de la procédure, il lui appartenait de statuer en application du 1° de l’article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 60-372 du 15 avril 1960 et non de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon, en date du 15 mars 2016, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.