RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :Statuant sur le pourvoi formé par :
– Le procureur général près la cour d’appel de Grenoble,
contre l’arrêt n° 427 de la chambre de l’instruction de ladite cour, en date du 31 mai 2016, qui, dans l’information suivie contre M. Mourad X…du chef d’infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, a prononcé sur sa demande d’annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 29 novembre 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Buisson, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Bonnal, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Desportes ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller PARLOS et les conclusions de M. l’avocat général DESPORTES ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-5 du code pénal et 591 du code de procédure pénale ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l’article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 60-372 du 15 avril 1960 modifiant certaines dispositions de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l’article 11, 1°, de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 60-372 du 15 avril 1960 modifiant certaines dispositions de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel du 23 septembre 2016 n° 2016-567/ 568 QPC déclarant les dispositions du 1° de l’article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 60-372 du 15 avril 1960 modifiant certaines dispositions de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence, contraires à la Constitution et considérant les mesures prises sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution comme ne pouvant, dans le cadre de l’ensemble des procédures pénales qui leur sont consécutives, être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ;
Attendu que, selon l’article 11, 1°, susvisé, le décret déclarant ou la loi prorogeant l’état d’urgence peuvent, par une disposition expresse, conférer au ministre de l’intérieur, pour l’ensemble du territoire où est institué l’état d’urgence, et au préfet, dans le département, le pouvoir d’ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 15 novembre 2015, le préfet de l’Isère a ordonné une perquisition des habitations ou locaux situés … à Grenoble dans lesquels il existait, selon l’arrêté du préfet, des raisons sérieuses de penser que se trouvaient des personnes, armes ou objets susceptibles d’être liés à des activités à caractère terroriste ; que, le 16 novembre 2015, à 1 heure 20, les fonctionnaires de police ont perquisitionné, à cette adresse, le domicile de MM. Y…et X…; que l’officier de police judiciaire présent sur les lieux y a saisi 28 305 euros, 138, 4 grammes de résine de cannabis et 78, 3 grammes d’herbe de cannabis, des balances et des conditionnements de produits stupéfiants ; qu’après l’ouverture d’une information judiciaire, MM. Y…et X…ont été mis en examen le 17 novembre 2015 des chefs susénoncés ; que M. X…a saisi, le 25 février 2016, la chambre de l’instruction d’une requête en annulation du procès-verbal de l’ordre préfectoral de perquisition et des actes subséquents de la procédure judiciaire ;
Attendu que, pour accueillir le moyen tiré de l’illégalité de cet acte administratif et annuler l’intégralité des actes de la procédure, l’arrêt retient que, si cet ordre de perquisition litigieux précise bien le lieu de la perquisition, ce qui en délimite suffisamment le lieu, en revanche, il est motivé, sans autre précision, par l’existence de raisons sérieuses de penser que se trouvent dans les lieux ciblés des personnes, armes ou objets susceptibles d’être liés à des activités à caractère terroriste ; que les juges ajoutent que cette simple mention, qui ne fait état d’aucun indice objectif rendant crédible la fréquentation du lieu à perquisitionner par une personne dont le comportement pourrait constituer une menace pour la sécurité et l’ordre public, est insuffisante pour permettre de s’assurer que l’ordre de perquisition était adapté, nécessaire et proportionné à sa finalité, de telle sorte qu’il est insuffisamment motivé au regard des exigences de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que, si elle a énoncé, à bon droit, qu’en application de l’article 111-5 du code pénal, les juridictions pénales sont compétentes pour apprécier la légalité de l’ordre de perquisition, qui, sans constituer le fondement des poursuites, détermine la régularité de la procédure, il lui appartenait de statuer en application du 1° de l’article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 60-372 du 15 avril 1960 et non de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Grenoble, en date du 31 mai 2016, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.