Contexte : Rappelant une règle justifiée en logique comme sur le plan moral, cette décision rendue le 8 février 2017 par la première chambre civile énonce que la faute médicale de la clinique est présumée si elle ne communique pas les éléments du dossier médical au patient ou à ses ayants droit qui recherchent sa responsabilité.
Litige : Le 24 novembre 2009, un patient atteint d’un cancer du rein subit une néphro-uretérectomie réalisée par des chirurgiens urologues exerçant à titre libéral au sein d’une clinique privée. Trois jours plus tard, il est placé dans l’unité de surveillance continue de l’établissement où il décède dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 2009. Ses fils assignent les praticiens et la clinique en responsabilité et en indemnisation, en invoquant un défaut de soins appropriés dans les heures précédant son décès. La cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette leur demande, en se fondant sur les conclusions de l’expert pointant une impossibilité de répondre à certaines questions de sa mission, en l’absence de transmission d’informations médicales durant la période précédant le décès et concluant, au vu du compte-rendu infirmier, à l’absence de manquement du personnel aux pratiques habituelles d’une unité de surveillance continue.
Solution : La première chambre civile casse l’arrêt aux motifs :
« Qu’en statuant ainsi, alors qu’en l’absence de communication d’informations médicales relatives à la prise en charge du patient dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 2009, il incombait à la clinique d’apporter la preuve que les soins avaient été appropriés à son état de santé, la cour d’appel a violé (les articles L. 1142-1, I, alinéa 1er, du code de la santé publique et 1315 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016)».
Analyse : La cause est entendue : la clinique qui refuse de collaborer à la manifestation de la vérité s’expose au risque d’être condamnée au bénéfice du doute.
Si la règle peut surprendre en droit, puisque la charge de la preuve de la faute pesant sur le demandeur en réparation, c’est lui qui doit normalement supporter les risques de celle-ci, elle s’explique par la situation particulière dans laquelle se trouve celui qui se prétend victime d’un accident médical.
Les éléments nécessaires au succès de sa prétention sont, quasiment dans leur intégralité, détenus par la partie contre laquelle il dirige sa demande. Certes, l’article L. 1111-7 du code de la santé publique impose au professionnel comme aux établissements de santé de transmettre au patient ou à ses ayants droit une copie de l’intégralité de son dossier médical. Toutefois, il n’est pas rare qu’en pratique, cette demande tarde à être satisfaite ou, pire, que le dossier soit mal renseigné (Cass. 1re civ., 9 avril 2014, n° 13-14.964) ou que certaines pièces du dosser disparaissent mystérieusement du dossier médical, comme c’était manifestement le cas dans le présent cas d’espèce (V. déjà en ce sens, Cass. 1re civ., 13 décembre 2012, n° 11-27.347).
S’il est parfaitement justifié de faire peser sur l’établissement de santé les conséquences de ses propres carences dans la communication des informations médicales au patient, le fondement juridique avancée par la Cour de cassation peine à convaincre. Il est, en effet, paradoxal de viser l’article 1315 ancien du Code civil, devenu l’article 1353 du code civil depuis l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dont il est communément admis qu’il fixe les principes régissant la charge de la preuve, pour en déduire l’existence de ce qui ressemble fort à une présomption de droit opérant précisément un renversement de la charge de la preuve au détriment de la clinique.