Contexte : Cet arrêt rendu le 12 juin 2012 porte sur les modes de preuve du devoir d’information qui incombe aux professionnels de santé. L’article L. 1111-2 du Code de la santé publique, reprenant une solution précédemment dégagée par la Cour de cassation (Cass. 1re, 25 févr. 1997, n° 94-19685 : Bull. I, n° 75), prévoit qu’en cas de litige, il appartient au professionnel de santé d’apporter la preuve par tout moyen qu’il a procédé à l’information de son patient sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui lui sont proposés quant à leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Reste à savoir quels sont concrètement les éléments de preuve qui sont de nature à convaincre le juge de la bonne exécution de ce devoir d’information.
Litige : Une patiente a subi une arthrodèse des vertèbres le 26 janvier 2005. A la suite de cette opération chirurgicale, elle présente des séquelles consistant en un syndrome de la queue de cheval, manifesté principalement par une incontinence urinaire et anale avec paralysie inférieure. L’intervention a été réalisée conformément aux règles de l’art, de sorte qu’aucune faute technique ne peut être retenue à l’encontre du chirurgien. La patiente lui reproche cependant d’avoir manqué à son obligation d’information et de conseil, faisant valoir qu’aucun document relatif à l’information sur les risques inhérents à l’intervention chirurgicale ne lui a été remis.
Solution : La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes qui avait écarté la demande de cette patiente, en énonçant que c’est dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation que les juges du fond ont estimé que les nombreuses consultations qui avaient précédé l’intervention critiquée démontraient le soin que la chirurgien avait pris pour analyser avec sa patiente, en lien avec son médecin traitant, l’ensemble des éléments de nature à fonder un choix éclairé, établissant qu’elle avait reçu toute l’information nécessaire sur l’objectif, les conséquences et les risques prévisibles.
Analyse : Si la cette décision est parfaitement conforme à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation, admettant la recevabilité des présomptions de l’article 1353 du Code civil pour prouver l’information donnée par le médecin (Cass. 1re civ., 14 oct. 1997, n° 95-19609 : Bull. I, n° 278), elle n’en demeure pas intéressante à deux égards :
– D’abord, elle montre l’extrême complaisance dont les juges du fond peuvent faire preuve à l’égard des professionnels de santé auxquels un défaut d’information est reproché. En se contentant cependant de relever l’ancienneté et la qualité des relations entre un praticien et sa patiente pour en déduire que cette dernière a donné un consentement éclairé à l’intervention chirurgicale, dont elle est demeurée paralysée, les juges ne vident-ils pas de leur contenu l’obligation que leur impose la loi de se ménager une preuve ?
– Ensuite, elle surprend par sa publication au bulletin, dans la mesure où la Cour de cassation n’a fait que rappeler le pouvoir souverain des juges du fond en matière d’appréciation des éléments de preuve. Peut-être s’agit-il de rassurer les professionnels de santé, sans doute effrayés par les conséquences de sa position récente sur le préjudice découlant du défaut d’information (Cass. 1re civ., 3 juin 2010, n° 09-13591 : Bull. I, n° 128 ; Resp. civ. et assur. 2010, comm. 313, note S. Hocquet-Berg) ?