Contexte : Cet arrêt rendu le 28 juin 2012 rappelle que, pour être réparable, un préjudice doit présenter un degré de certitude suffisant. Le préjudice résultant de la seule réticence à subir à l’avenir des soins ne remplit pas cette condition car il présente un caractère hypothétique.
Litige : Une patiente, souffrant d’insuffisance veineuse à la jambe droite, a subi une intervention le 11 février 2005. Cependant, au lieu d’effectuer un « stripping » de la veine saphène externe, le chirurgien a opéré l’intéressée de la veine saphène interne. La victime a recherché la responsabilité du chirurgien et lui a demandé de réparer différents chefs de préjudice, au nombre desquels figure l’impossibilité psychologique dans laquelle elle se trouve désormais d’engager sereinement des soins médicaux, particulièrement s’ils nécessitent une intervention chirurgicale.
Solution : La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Reims en lui reprochant d’avoir fait une fausse application de l’article L. 1142-1, I du Code de la santé publique, ensemble l’article 1382 du Code civil, en ordonnant la réparation d’un tel préjudice extra-patrimonial alors que la réticence alléguée par la patiente à subir dans le futur une intervention chirurgicale constituait une simple éventualité.
Analyse : Par cette décision, la Cour de cassation tente visiblement de mettre un terme à la fuite en avant des juges du fond en matière de réparation, à laquelle elle a elle-même contribué. En effet, en admettant largement la réparation du préjudice d’anxiété ou d’angoisse (V. C. Corgas-Bernard, Le préjudice d’angoisse consécutif à un dommage corporel : quel avenir ? : Resp. civ. et assur. 2010, étude 4), la Cour de cassation a ouvert la boîte de pandore. Non seulement ce préjudice moral peut sembler faire double emploi avec d’autres chefs de préjudices plus classiques, comme le préjudice d’agrément, mais encore il est très difficile de le caractériser.
Pour éviter une inflation déraisonnable du montant des dommages-intérêts, il apparaît nécessaire de cantonner le domaine de ce préjudice. Comme semble y conduire cette décision qui rejette la réparation du préjudice résultant de la simple impossibilité psychologique de subir à l’avenir des soins, il serait sans doute judicieux de ne l’admettre que dans les situations où la victime est exposée à un risque avéré de blessures (V. des sondes cardiaques défectueuses : Cass. 1re civ., 19 déc. 2006, n° 05-15716 : JCP G 2007, II, 10052, note S. Hocquet-Berg) , de maladie ou de mort (V. pour l’hépatite C : Cass. 1re civ., 1er avr. 2003, n° 01-00575 : Bull. I, n° 95.- Pour les pathologies liées à l’amiante : Cass. soc., 11 mai 2010, n° 09-42241 à 09-42257 : Bull. I, n° 106).