Le titre de la présente note peut être trompeur, parce qu’il est tronqué.
Le Conseil d’Etat a établi, par une décision du 26 novembre 2012, Monsieur Sidy B., requête numéro 356105, que la juridiction administrative compétente pour connaître d’une décision refusant de modifier un décret était celle qui était compétente pour connaître d’un recours contre le décret :
3. Considérant qu’en vertu de l’article R. 311-1 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort des recours dirigés contre les décrets ; qu’un recours dirigé contre une décision par laquelle il a été refusé de modifier ou de compléter un décret, que ce décret présente ou non un caractère réglementaire, est en réalité dirigé contre le décret et relève, en conséquence, de la compétence de premier ressort du Conseil d’Etat ;
La décision Sidy B. a peut-être un intérêt particulier en droit des étrangers. Nous n’évoquerons ici que la compétence du Conseil d’Etat (Ajouté le 5/01/2013 : sur les conditions de naturalisation des enfants mineurs : Conseil d’Etat, 12 décembre 2012, M. Bella A, requête numéro 358760; Revue générale du droit, Décret conférant la nationalité et déclaration des enfants mineurs, Revue générale du droit on line, 2013, numéro 4401 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=4401)).
Le Conseil était saisi d’un recours contre un refus de modifier un décret portant naturalisation. Peut-être le Conseil d’Etat avait-il à répondre à un moyen relatif à la compétence juridictionnelle au sein de l’ordre administratif; peut-être a-t-il décidé d’énoncer la règle par un simple obiter dictum. Toujours est-il que la Haute juridiction a posé le principe de la détermination du régime contentieux des décisions de refus (implicite ou explicite) de modifier un décret.
Ce refus n’est évidemment pas lui-même un décret, et ce pour deux raisons. En premier lieu le refus opposé en l’espèce par le ministre de l’intérieur n’est pas adopté par l’autorité compétente pour adopter le décret. Rappelons que le terme décret est réservé aux actes administratifs unilatéraux adoptés par le Président de la République ou le Premier ministre.
En second lieu, le refus implicite ou explicite de modifier un décret ne présente aucun des éléments procéduraux et formels d’un décret.
Il est nécessaire cependant pour le juge administratif de fixer une règle simple, permettant d’identifier la juridiction administrative compétente pour connaître du refus de modifier un tel acte.
Si le Conseil d’Etat admettait que les règles de détermination de la compétence juridictionnelle pour connaître de la modification d’un décret ne soient pas les mêmes que pour la détermination du juge compétent pour connaître du décret lui-même, un éclatement du contentieux administratif pourrait en résulter.
Le juge compétent pour connaître d’un acte individuel adopté par un ministre est en principe le tribunal administratif.
Aux termes de l’article L. 211-1 du code de justice administrative :
Les tribunaux administratifs sont, en premier ressort et sous réserve des compétences attribuées aux autres juridictions administratives, juges de droit commun du contentieux administratif.
Aux termes de l’article de l’article R. 311-1 du même code :
Le Conseil d’Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort :
1° Des recours dirigés contre les ordonnances du Président de la République et les décrets ;
2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale et contre leurs circulaires et instructions de portée générale ;
Il résulte de ces dispositions que les recours contre les décrets (réglementaires et individuels) comme ceux dirigés contre les actes réglementaires des ministres relèvent de la compétence du Conseil d’Etat. Tel n’est pas le cas des actes individuels des ministres.
Si un tribunal administratif pouvait annuler le refus de modifier un décret, il aurait par voie de conséquence la possibilité de juger de la légalité du décret. Le recours contre le décret appartiendrait au Conseil d’Etat, le recours contre le refus de le modifier aux tribunaux administratif.
C’est pour éviter cette détestable conséquence que le Conseil d’Etat rappelle une règle classique.
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Le considérant de principe du Conseil d’Etat n’emporte aucune innovation.
L’on savait déjà, même implicitement, que la décision rejetant une demande d’abroger un acte réglementaire était un acte réglementaire (CE Ass. 3 février 1989, Compagnie Alitalia, requête numéro 74052, receuil Lebon p. 44).
L’on peut même considérer que le considérant de principe du Conseil d’Etat doit être étendu à tous les actes qui ne sont pas des décrets. Il ne semble exister en effet aucune raison logique pour ne pas considérer que le juge compétent pour connaître de la légalité d’un acte administratif est également le juge compétent pour connaître de la décision refusant d’abroger, ou de retirer cet acte.
Cette règle ne remet pas en cause la compétence du juge saisi du principal par voie d’action, de connaître de la légalité d’un acte administratif par la voie de l’exception.
En ce qui concerne plus spécifiquement le contentieux de la nationalité, ce ne sera pas le Conseil d’Etat, mais le Tribunal administratif de Nantes qui sera compétent pour connaître des décisions de refus de naturalisation opposées par le ministre de l’Intérieur (article 3 du décret n° 2009-1671 du 28 décembre 2009 sur l’expérimentation de la déconcentration des décisions individuelles relatives aux demandes d’acquisition de la nationalité française).